CA Grenoble, ch. com., 17 avril 2025, n° 24/02651
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cote Transactions (SAS)
Défendeur :
Le Glacon (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Alloix, Me Ganassia, Me Tidjani, Me Gabarra, SELARL Beyle Avocats
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat signé le 22 avril 2021 à Roanne par la société Cote Transactions et le 28 avril 2021 par la SCI Le Glaçon, cette dernière a donné à bail avec effet au 1er avril 2021 à la société Cote Transactions un local situé à [Localité 4], "[Adresse 5], comprenant un local de 29,09 m2 environ, moyennant un loyer annuel HT de 8.300 euros.
Par acte de commissaire de justice du 9 août 2022, la SCI Le Glaçon a fait délivrer un commandement de payer la somme de 3.752 euros au titre des impayés de loyers de mai, juin, juillet et août 2022 et visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de justice du 26 janvier 2023, la SCI Le Glaçon a fait délivrer un commandement de payer la somme de 1.840 euros au titre des impayés de loyers de décembre 2022 et de janvier 2023 et visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de justice du 22 mars 2023, la SCI Le Glaçon a fait délivrer un commandement de payer la somme de 1.969,08 euros au titre des impayés de loyers de février et de mars 2023 et visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de justice du 8 août 2023, la SCI Le Glaçon a fait délivrer un commandement de payer la somme de 3.020,33 euros au titre des impayés de loyers de juin, juillet et août 2023. et visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de justice du 19 septembre 2023, la société Le Glaçon a fait délivrer assignation à la société Cote Transactions devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de la société Cote Transactions et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 6 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- constaté la résiliation du bail liant les parties au 8 septembre 2023,
- ordonné l'expulsion de la société Cote Transactions et de toute personne de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire, sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte,
- condamné la société Cote Transactions à verser à titre provisionnel à la SCI Le Glaçon une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur,
- renvoyé à l'application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution concernant la séquestration des meubles, sans qu'il y ait lieu de prévoir des modalités distinctes,
- rejeté la demande " des délais rétroactifs de paiement " (sic.) aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire,
- dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie à titre de clause pénale,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de production de l'ensemble des justificatifs des loyers, charges, taxes et impôts,
- condamné la société Cote Transactions à verser à la SCI Le Glaçon la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Cote Transactions aux entiers dépens comprenant le coût du dernier commandement.
Par déclaration du 11 juillet 2024, la société Cote Transactions a interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer en référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie à titre de clause pénale.
Prétentions et moyens de la société Cote Transactions :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 12 août 2024, la société Cote Transactions demande à la cour au visa de l'article 1343-5 du code civil et des articles 834 et 835 du code de procédure civile de :
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 6 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Grenoble en ce qu'elle a :
* constaté la résiliation du bail liant les parties au 8 septembre 2023,
* ordonné l'expulsion de la société Cote Transactions et de toute personne de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire, sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte,
* condamné la société Cote Transactions à verser à titre provisionnel à la SCI Le Glaçon une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur,
* renvoyé à l'application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution concernant la séquestration des meubles, sans qu'il y ait lieu de prévoir des modalités distinctes,
* rejeté la demande " des délais rétroactifs de paiement " (sic.) aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire,
* dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de production de l'ensemble des justificatifs des loyers, charges, taxes et impôts,
* condamné la société Cote Transactions à verser à la SCI Le Glaçon la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Cote Transactions aux entiers dépens comprenant le coût du dernier commandement,
Statuant à nouveau,
- lui accorder des délais rétroactifs de paiements au titre des loyers de juin 2023 à septembre 2023, ce jusqu'au 19 septembre 2023,
- juger que ces délais de paiements ont été respectés,
- déclarer en conséquence, que la clause résolutoire stipulée au bail commercial n'a jamais produit ses effets,
- débouter la société Le Glaçon de l'intégralité de ses demandes, prétentions et moyens,
- condamner, à titre reconventionnel, la SCI Le Glaçon à lui communiquer, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir :
* l'intégralité des factures de loyers et charges depuis avril 2021, mentionnant la TVA,
* l'intégralité des factures de régularisations de charges depuis avril 2021, mentionnant la TVA,accompagnées de l'intégralité des justificatifs des charges régularisées,
- juger n'y avoir lieux à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur la charge des dépens,
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 6 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Grenoble pour le surplus.
Pour s'opposer à la résiliation du bail, elle expose que :
-à la date de l'assignation délivrée contre elle le 19 septembre 2023, les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire du 8 août 2023 étaient intégralement soldées, les virements des 15 et 19 septembre 2023, d'un montant total de 4.089,24 euros effectués par M. [N] ayant soldé l'intégralité des causes du commandement de payer, outre le loyer du mois de septembre 2023,
- il est faux de prétendre que les frais des différents commandements de payer n'auraient pas été réglés, alors que la somme de 4.089,24 euros couvre les loyers de juin à septembre 2023 inclus et le coût de l'ensemble des commandements de payer délivrés à son encontre,
- le loyer et les charges du mois de décembre 2023 ont également été payés et elle est à jour du paiement des loyers et charges courants, y compris pour le mois de juillet 2024,
- par courrier électronique du 19 septembre 2023, elle a indiqué au commissaire de justice qu'elle avait procédé au paiement de l'arriéré locatif directement entre les mains de la SCI Le glaçon.
Au soutien de sa demande de transmission sous astreinte des factures de loyer, elle fait valoir que la société bailleresse est de mauvaise foi, puisqu'elle ne lui a jamais remis aucune facture de loyer, ni aucune facture de régularisation de charges, hormis, la production, pêle-mêle, dans le désordre chronologique le plus complet, de quelques courriers électroniques et de quelques factures, ce qui ne vise qu'à générer, à dessein, de la confusion. Elle estime que la transmission avec retard des factures de charge lui pose difficulté comptablement, puisqu'elle ne peut pas comptabiliser les loyers et charges en charges d'exploitation et ne peut pas non plus déduire la TVA acquittée au titre de factures non reçues entrainant consécutivement des décalages de trésorerie.
Enfin, elle affirme avoir sollicité en vain également la transmission des justificatifs de régularisation de charges s'agissant notamment des taxes foncières 2021 à 2023 sur lesquels doivent s'appliquer la TVA, puisque seul l'avis de taxe foncière 2023 a été transmis.
Au soutien de sa demande de délais de paiements, elle indique que :
- elle est à jour du paiement de l'intégralité de ses loyers et charges,
- les causes du commandement de payer étaient intégralement réglées au jour de l'assignation,
- elle n'a jamais été destinataire, malgré ses nombreuses demandes, de l'ensemble des factures de loyers et charges, qui ne lui ont de surcroît jamais été communiquées,
- le bailleur a fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire.
Prétentions et moyens de la SCI Le Glaçon :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 9 septembre 2024, la SCI Le Glaçon, demande à la cour au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article 1343-5 du code civil de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 6 juin 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble,
- débouter la société Cote Transactions de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Statuant de nouveau,
- condamner la société Cote Transactions à lui payer la somme de 3.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que la clause résolutoire est acquise dès lors que c'est le 19 septembre 2023, date de délivrance de l'assignation, que M. [N] a procédé au règlement de la somme due, soit après la délivrance du dernier commandement visant la clause résolutoire.
Pour s'opposer aux demandes de communications de pièces, elle indique que:
- l'appelante a bien reçu les factures dès lors que le 1er juin 2021, le [Courriel 6] centralisant vraisemblablement la comptabilité de l'ensemble des 24 structures de M. [E], gérant de la société Cote Transactions a sollicité la réception des factures des mois de mai et juin qui
avaient été adressées à ce dernier directement, en indiquant de bien vouloir, désormais, par mesure de simplicité, lui adresser lesdites factures par mail et à compter de juillet 2021, les factures ont été adressées audit service comptabilité.
Pour s'opposer aux délais de paiement, elle expose que l'octroi de ces délais est une faculté laissée à la discrétion du juge, lequel, légitimement est en droit de considérer qu'après près de quatre commandements visant la clause résolutoire délivrés, le défaut de règlement par le locataire de la contrepartie de son occupation ne peut bénéficier de délais, qui plus est rétroactifs.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 20 février 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 17 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et sur la demande de délais de paiements rétroactifs
Conformément à l'article 834 du code civil, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le juge des référés n'est toutefois pas tenu de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 précité, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d'un bail.
En application de ce texte, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.
En l'espèce, par acte de commissaire de justice du 8 août 2023, la SCI Le Glaçon a fait délivrer à la société Cote Transactions un commandement de payer la somme de 3.020,33 euros au titre des impayés de loyers de juin, juillet et août 2023 et visant la clause résolutoire.
Or, selon avis de virement du 15 septembre 2023, la société Cote Transactions a procédé au paiement de la somme de 4.000 euros puis à la somme de 89,24 euros, selon avis de virement du 18 septembre 2023.
Il est donc constant que l'appelante ne s'est pas acquittée des sommes dues dans le mois suivant le commandement de payer, soit le 8 septembre 2023, de sorte que la clause résolutoire est acquise, un paiement le jour de la délivrance de
l'assignation en justice, n'étant en effet pas de nature à faire échec à l'acquisition de ladite clause.
En outre, la demande de délais de paiement rétroactive au titre des loyers pour la période de juin au 19 septembre 2023 doit être rejetée, alors que la société Cote Transactions ne s'est jamais acquittée dans les délais de ses loyers, comme en attestent les trois commandements de payer visant la clause résolutoire que la société Le Glaçon a été contrainte de lui faire délivrer le 9 août 2022 au titre des impayés de loyers de mai, juin, juillet et août 2022 et visant la clause résolutoire, puis le 26 janvier 2023 au titre des impayés de loyers de décembre 2022 et de janvier 2023 et enfin, le 22 mars 2023 au titre des impayés de loyers de février et de mars 2023.
Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée.
Sur la demande de communication de pièces sous astreinte
La société Le Glaçon verse aux débats :
- les duplicata des factures de loyers des mois d'avril à décembre 2021,
- les duplicata des factures de loyers des mois de janvier à décembre 2022,
- les factures de loyers du mois de janvier, février, mars avril mai, juin, juillet, août et septembre, octobre, décembre 2023,
- les duplicata des factures de loyers des mois de janvier à avril 2024,
- le justificatif de transmission de la facture de taxe foncière 2023,
- les récapitulatifs de charges des années 2021, 2022 et 2023,
- les copies des taxes foncières 2021 et 2022.
Il est observé que ces factures mentionnent expressément la TVA. Il résulte encore des pièces produites qu'à partir du mois de juillet 2021, les factures de loyers ont été transmises par mail conformément à la demande de la société Cote Transactions selon mail du 1er juin 2021. Au regard de ces éléments, la demande de communication de l'ensemble des factures de loyers et de régularisation de charges doit être rejetée et l'ordonnance déférée confirmée sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Succombant dans son action, la société Cote Transactions doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la SCI Le Glaçon la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il convient en outre de confirmer l'ordonnance déférée. Il y a également lieu de débouter la société Cote Transactions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,
Ajoutant,
'
Condamne la société Cote Transactions à payer à la SCI Le Glaçon la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Cote Transactions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cote Transactions aux dépens d'appel.