CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 22 avril 2025, n° 23/03284
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N° 154
S.A. RTE RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE
C/
[A]
copie exécutoire
le 22 avril 2025
à
Me ZANNOU
Me GANDIN
CB/BT
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 22 AVRIL 2025
*************************************************************
N° RG 23/03284 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2TQ
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 26 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 22/00126)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. RTE RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Romain ZANNOU de l'AARPI ZANNOU JEANNESSON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Léa FERNANDEZ, de l'AARPI ZANNOU JEANNESSON ASSOCIES avocat au barreau de PARIS et ayant pour avocat postulant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIME
Monsieur [C] [A]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant, assisté, concluant et plaidant par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Yéléna MANDENGUE, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 25 février 2025 l'affaire a été appelée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui a renvoyé l'affaire au 22 avril 2025 pour le prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 22 avril 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre, et Mme Blanche THARAUD, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [C] [A] né le 12 septembre 1980 a été embauché par la société EDF GDF, devenue RTE, ci-après dénommée l'employeur ou la société, par contrat à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2000, en qualité de technicien technique clientèle de [Localité 8].
Il a été titularisé le 24 octobre 2001. Au dernier état de la relation contractuelle, M. [A] occupait la fonction de coordonnateur groupement de postes.
Son contrat est régi par le statut des industries électriques et gazières.
Par courrier du 7 décembre 2020 RTE a convoqué M. [A] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office.
Le salarié était placé en arrêt maladie du 10 décembre 2020 au 7 janvier 2021.
Le 25 janvier 2021 l'employeur lui remettait en mains propre une nouvelle convocation en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office avec mise à pied conservatoire avec notification le 26 janvier 2021.
M. [A] était déféré devant la commission secondaire du personnel exécution maitrise [Localité 7] réunie en conseil de discipline, qui concluait le 30 mars 2021 à l'existence de faits fautifs.
Le salarié était placé en arrêt de travail du 25 mars au 7 avril 2021.
Par courrier du 15 avril 2021 il était convoqué pour un entretien préalable fixé au 26 avril 2021.
Par courrier du 10 mai 2021 la société RTE a placé M. [A] à la retraite d'office dans les termes suivants :
A la suite d'un premier entretien préalable que vous avez eu le 2 février 2021, avec Madame [X] [H], Directrice du Centre Maintenance de [Localité 6], vous avez été traduit par courrier en date du 11 février 2021 devant la Commission Secondaire Exécution-Maîtrise [Localité 7] siégeant en matière disciplinaire.
Après avoir pris connaissance de l'ensemble des éléments de votre dossier et des avis émis par les membres de cet organisme lors de la séance des 30 mars, 31 mars et 2 avril 2021, je vous ai convoqué par un courrier en date du 15 avril 2021 à un entretien préalable 2ème phase. J'ai donné mandat à Madame [X] [H], Directrice du Centre Maintenance de [Localité 6], pour vous recevoir lors de cet entretien, qui s'est tenu le 27 avril 2021.
A l'issue de cette procédure, j'ai décidé, en application des dispositions de l'article 6 du Statut National et de la Circulaire Pers. 846 du 16 juillet 1985, de vous appliquer la sanction de mise à la retraite d'office, à compter de la date d'envoi du présent courrier (cachet de la poste faisant foi) pour les faits fautifs suivants :
- Avoir agressé physiquement votre manager en le saisissant par le haut des deux bras pour le faire sortir de force de la salle de commande du Groupement de Postes de [U]
- Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
- Avoir agressé physiquement le coordonnateur d'antenne de Terrier en le saisissant par les avant-bras
- Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
- Avoir dégradé les conditions de travail et altéré la santé physique et mentale des salariés ayant subi l'ensemble de ces faits.
Par requête du 8 juin 2021 M. [A] a saisi la commission disciplinaire en application de l'article 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières pour un nouvel examen de son dossier disciplinaire.
Par courrier du 7 octobre 2021 l'employeur a maintenu la sanction.
Par requête du 4 novembre 2021 M. [A] a saisi la commission supérieure nationale du personnel qui a réceptionné sa demande mais ne l'a pas convoqué.
Estimant avoir été victime de harcèlement moral et invoquant le caractère infondé de sa mise à la retraite d'office, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne par requête du 6 mai 2022.
Le conseil de prud'hommes de Compiègne par jugement du 26 juin 2023 a :
- Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4817 euros
- Condamné la société RTE à verser au salarié le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017 : 650 euros
- Condamné la société RTE au paiement de la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
- Condamné la société RTE au paiement de la somme de 99,99 euros bruts à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
- Condamné la société au paiement de la somme de 985,39 euros à titre de remboursement pour paiement du loyer complet en juin 2021
- Condamné la société RTE à verser à Monsieur [A] la somme de 74663,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal
- Condamné la société RTE à payer à M. [A] [C] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M. [A] de ses autres demandes
- Débouté la société RTE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné l'exécution provisoire pour les sommes prévues par l'article R1454-28 du code du travail
- Condamné la société RTE aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 28 janvier 2025, RTE régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :
A titre liminaire :
- Juger que les auditions réalisées par le conseil de prud'hommes de Compiègne sont nulles et devront en conséquence être écartées des débats
Au fond :
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes relatives à la nullité de son licenciement et au harcèlement moral discriminatoire mais également en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, violation de l'obligation de bonne foi, violation des statuts et accords collectifs, perte de chance et préjudices moraux
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé la moyenne de salaire de M. [A] à la somme de 4 817 euros, jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société RTE à verser :
le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017 : 650 euros
le rappel de mise à pied conservatoire à hauteur de la somme de 4817 euros
le rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire à hauteur de la somme de 99,99 euros
le remboursement de la somme de 985,39 euros pour paiement du loyer complet en juin 2021
l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 74663,50 euros
l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4000 euros
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle
Et statuant à nouveau,
A titre principal :
- Dire et juger que M. [A] n'a été victime d'aucune discrimination en raison de sa participation à un mouvement de grève ou en lien avec son apparence physique, ni d'aucun harcèlement discriminatoire
- Dire et juger que la mise à la retraite d'office notifiée à M.[A] repose sur une cause réelle et sérieuse
- Dire et juger que les demandes indemnitaires et de rappel de salaire présentées par M. [A] sont infondées
En conséquence
- Débouter M. [A] de l'ensemble de ses prétentions, fins et demandes, y compris les demandes incidentes et les demandes nouvelles présentées en cause d'appel (notamment l'indemnité légale de licenciement) ;
Subsidiairement :
- Juger que le barème d'indemnisation de l'article L.1235-3 du Code du travail doit être appliqué
En tout état de cause :
- Condamner M. [A] à lui verser à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant le conseil de prud'hommes
- Condamner M. [A] à verser à la Société RTE la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés devant la Cour d'appel d'Amiens
- Condamner M. [A] aux dépens.
Par conclusions transmises le 4 décembre 2024, M. [A], demande à la cour de :
A titre liminaire, Rejeter la demande de la société RTE de nullité des auditions réalisées par le conseil de prud'hommes de Compiègne,
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société RTE à lui payer :
* la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
* la somme de 650 euros à titre de rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017
* la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, en déboutant la société RTE de sa demande reconventionnelle à ce titre
* une somme au titre du complément de loyer, mais l'infirmer sur le quantum à titre principal comme à titre subsidiaire,
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
* Fixé à 99,99 euros le quantum de la condamnation de la société RTE à lui payer une somme à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
* Fixé à 74 663,50 euros le montant de la condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* L'a débouté de ses autres demandes, découlant notamment de la reconnaissance du harcèlement discriminatoire subi et de la nullité de son licenciement
Réformer le jugement et, statuant à nouveau :
- Juger qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral à caractère discriminatoire à raison de la participation à un mouvement de grève de la part de la société RTE
- Juger que la mise à la retraite d'office est consécutive à un harcèlement moral lié à sa participation à un mouvement de grève, et en lien avec son apparence physique, et qu'elle s'analyse dès lors en un licenciement nul, et à titre subsidiaire qu'elle constitue une sanction disproportionnée, infondée et abusive et donc sans cause réelle et sérieuse
- Juger irrecevable la demande de la société RTE relative au rejet de la demande de condamnation de la société RTE à lui verser une somme à titre d'indemnité légale de licenciement
Et, en conséquence :
- Condamner la société RTE à lui verser :
*(confirmation du jugement) le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l 'année 2017 : 650 euros bruts
* la somme de 58 000 euros nets au titre des dommages et intérêts réparant le préjudice moral lié au harcèlement moral discriminatoire subi
* la somme de 30 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
* la somme de 58 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi dans la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire
* la somme de 10 000 euros nets au titre des dommages et intérêts lié à la violation des statuts et accords collectifs
* (confirmation du jugement) la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
* la somme de 233,31 euros bruts à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
- Condamner la société RTE à le réintégrer à compter du lendemain de son éviction, dans son précédent emploi de Coordonnateur - Groupement de Postes ou, à défaut, dans un emploi équivalent correspondant à ses qualifications, sa formation et son expérience, dans la zone géographique de [Localité 5], dans le respect de l'organisation du temps de travail dont il bénéficiait, au salaire mensuel de base de 2515,69 euros sur 32 heures, avec le maintien des avantages (notamment la réintégration du logement), majorations et primes qu'il percevait, augmentés chaque année des augmentations collectives et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par sa catégorie professionnelle
- Condamner la société RTE au paiement de l'indemnité d'éviction correspondante, à parfaire au jour de la décision à intervenir, à compter de la réintégration au 10 mai 2021 sur la base de son salaire de base de 2021 repassé sur 35 heures, augmenté chaque année des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés de la même catégorie, auquel s'ajoute le rappel de tous les éléments de rémunération impactés, avantages, indemnités, primes et salaires de toute nature, intéressement et participation, avec une provision fixée à 226 399 euros (calcul de la provision à + 36 mois à compter du lendemain de la mise à la retraite d'office)
Subsidiairement sur la rupture, condamner la société RTE à lui verser en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave :
o la somme de 29 035,81 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
o la somme de 14 451 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.445,10 euros à titre de congés payés sur préavis
o la somme de 173 412 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
o la somme de 10 578,81 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de continuer à cotiser pour la retraite
- Juger la décision à intervenir opposable à la CNIEG ;
- Condamner la société RTE :
* A titre principal, au rappel du complément de loyer dans le cadre de l'indemnité d'éviction et au paiement de la somme de 985,39 euros à titre de remboursement pour paiement du loyer complet en juin 2021
Subsidiairement, au paiement de la somme de 132 877,26 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de continuer à bénéficier du logement imposé
* A titre principal, au rappel de la participation annuelle de l'employeur sur l'assurance logement et la taxe d'habitation dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à 1772,76 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 10 104,73 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un tarif préférentiel sur l'assurance logement et la taxe d'habitation
* A titre principal, au rappel de l'avantage consommation énergie dans le cadre de l'indemnité d'éviction liée à la réintégration du salarié, fixé à titre provisionnel à hauteur de 15 081,78 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 85 966,22 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un avantage consommation énergie
* A titre principal, au rappel d'intéressement dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 4 605,57 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 26 251,75 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier de l'intéressement
* A titre principal, au rappel de rémunération individuelle de performance dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 3750 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 23 750 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de percevoir une rémunération individuelle de performance
* A titre principal, au rappel de la prise en charge financière des vacances par la CCAS dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 7 825,50 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 35 371,35 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un tarif préférentiel pour les vacances
* A titre principal, au rappel de la prise en charge de la mutuelle dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 4 931,82 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 28 112,40 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier de la prise en charge de la mutuelle
En tout état de cause,
- Condamner la société à lui payer :
* 7 225,50 euros en réparation du préjudice moral d'établissement subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'agrément subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'atteinte à la santé de la famille subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'anxiété généralisé subi
- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil
(confirmation du jugement) Condamner la société RTE au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la première instance,
- Condamner la société RTE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de l'instance d'appel
- Rejeter l'intégralité des demandes de la société RTE, y compris ses demandes reconventionnelles.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la demande en nullité des auditions réalisées par le conseil de prud'hommes
La société sollicite l'annulation des auditions par le conseil de prud'hommes de trois anciens et actuels salariés de RTE suite à la demande qu'en avait faite M. [A] le 20 septembre 2022, invoquant le non-respect du contradictoire car sans attendre la communication d'écritures qui avait été fixé et sans recueillir ses observations, les premiers juges ont convoqué ces salariés malgré ses protestations. Elle précise que la décision d'audition a été notifiée aux parties au mois d'octobre 2022 suite à un courrier du conseil de M. [A] du 20 septembre 2022 mais qui est daté du 15 juin 2022 soit le jour de l'audience de conciliation et d'orientation, la demande n'étant pas débattue à ce stade alors qu'elle aurait pu l'être. Enfin la société fait valoir que les témoins avaient déjà soit rédigé des attestations soit été entendus dans le cadre d'autres procédures et que la décision avant dire droit ordonnant les auditions ne visaient que M. [B] et [W] mais pas M. [F].
M. [A] réplique que l'audition était régulière, que le courrier de demande d'audition avait aussi était communiqué à l'employeur qui pouvait y répondre le cas échéant, qu'il l'a fait la veille de l'audition sans succès, cette mesure étant insusceptible de recours, qu'il avait aussi demandé l'audition de M. [F].
Sur ce
En application de l'article 16 du code de procédure civile " le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. "
Ni le code du travail ni le code de procédure civile ne prévoient de délai entre la décision d'audition matérialisée par un écrit désignée sous la mention " décision avant dire droit d'audition de témoin " et l'audition proprement dite. Par ailleurs aucun texte n'impose de recueillir préalablement l'avis des parties sur l'audition envisagée. Enfin cette décision est sans recours.
En audience non publique du 15 juin 2022, le bureau de conciliation a décidé par décision avant dire droit, sur demande de M. [A] de procéder à l'audition de M. [B] et [W] en ordonnant leur comparution personnelle le 30 novembre 2022. Cette décision a été notifiée à M. [A] le 28 septembre 2022 et le conseil de la société a rédigé une lettre de protestation datée du 29 novembre 2022 exposant que cette décision lui a été notifiée tardivement en octobre 2022.
La cour observe que l'audition de M. [F], qui n'était pas prévue initialement à l'ordonnance ordonnant la comparution personnelle de M. [B] et [W] a eu lieu le 30 novembre en présence des conseils des parties puisqu'en fin de procès-verbal il est indiqué " les avocats n'ont pas de questions".
M. [B] et [W] ont aussi été entendus le 30 novembre 2022. La cour relève que si le procès-verbal de leurs auditions ne précise pas la présence des avocats des parties, l'employeur n'invoque pas ne pas avoir été présent lors des auditions alors qu'il avait été informé de ces mesures d'instruction quant à la date et à l'heure.
Il ne peut en conséquence être argué d'un quelconque grief, ayant pu faire toute observations qu'il estimait utile et poser les questions qui lui apparaissaient opportunes.
Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le conseil de prud'hommes dans sa formation de bureau de conciliation et d'orientation n'a pas violé le principe du contradictoire.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables les auditions en cause.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
M. [A] expose avoir subi des agissements de harcèlement moral d'origine discriminatoire de la part de son employeur sous forme de représailles suite à un mouvement de grève en 2017 suivi de l'arrivée d'une nouvelle hiérarchie en 2019, dont faisait partie M. [I] et [T], chargée de mettre au pas les effectifs du site de [Localité 5]. Il ajoute que selon les conclusions du rapport d'expertise du 5 juillet 2021, commandé par le CSE, il a été constaté une réduction de plus de la moitié du montant de la rémunération individuelle de performance en 2018, revenue à la normale en 2019 et 2020 mais en réduction en 2021 suite à une sanction disciplinaire, qu'à compter de 2019, il a eu des difficultés à obtenir l'indemnisation des doublements d'astreinte, des congés d'été, de la prise en charge des frais de déplacement et des heures supplémentaires ; précisant qu'un management autoritaire et rigide niant l'implication et l'autonomie des salariés a été mis en place avec suppression des points d'équipe, dénigrement de son travail et de sa personnalité avec propos déplacés à l'encontre du collectif de travail, qu'une alerte sur la souffrance au travail a été élevée par un élu du CSE aboutissant à une enquête qualité de vie au travail (QVT) des salariés, qui n'a pas empêché la poursuite du harcèlement moral, alors qu'aucune procédure n'était engagée envers M. [I] et [T]. Le salarié invoque des manquements aux règles de sécurité liées à la crise Covid, M. [I] ne portant pas de masque et ne prenant pas les mesures sanitaires exigées, qu'il subissait une surcharge de travail chronique travaillant seul sans soutien hiérarchique aussi dénoncée par ses collègues, que pourtant l'employeur avait refusé de lancer une enquête sur un danger grave et imminent qui a entrainé une saisine par le CSE de l'inspection du travail qui avait conclu à l'existence d'un risque grave pour la santé physique et mentale des salariés avec un risque de dérapage important, que face au refus de l'employeur de les faire participer au choix de l'enquêteur, les salariés avaient refusé de participer, que l'enquêteur était partial. Le salarié argue que consécutivement au courrier d'alerte de souffrance au travail il avait fait l'objet d'une procédure disciplinaire alors qu'en 21 ans il n'avait jamais reçu la moindre sanction, que les salariés extérieurs venus officiellement en soutien constituaient des outils de surveillance de la société. Enfin le salarié invoque sa mise à la retraite d'office comme ultime manifestation du harcèlement discriminatoire subi, que sur les 5 faits invoqués pour motiver la rupture, seuls trois sont datés, qu'il n'est pas sérieux de croire que l'employeur n'aurait pas repris lors du premier entretien des faits d'agressions physiques qui se seraient produit 3 semaines auparavant, qu'ils sont donc prescrits ; il nie toute agression physique de M. [I] qui se contredit dans son témoignage alors que la configuration des lieux rend sa version impossible, que l'agression envers M. [T] n'est pas plus établie et contredite par M. [B], que le changement de serrure du local de cuisine était motivé par la pandémie alors qu'il avait laissé une clé à disposition sur le pupitre, qu'il n'a pas cautionné les agissements de M. [E] et [R] qui dépendaient de l'antenne de Terrier, que l'employeur cherche à établir une confusion fallacieuse entre les deux sites.
La société RTE réplique que les agents du groupement des postes de [U] et Terrier avaient pris l'habitude de malmener la hiérarchie et de fonctionner en autarcie, que M. [I] nommé en juin 2019 et M. [T] en octobre 2019 ont aussi subi la défiance et le mépris des agents, M. [A] étant le leader pratiquant un contre management local confinant au harcèlement moral, mais qu'ils ont fait remonter ces comportements à la direction qui a initié une enquête interne confiée à un cabinet extérieur suite à l'agression physique de M. [I] et du comportement envers M . [T] par M. [A] le 16 octobre 2020 et le 11 septembre 2020, que les conclusions de cette enquête ont révélé la réalité du comportement fautif de M. [A] et le harcèlement moral collectif à l'encontre du management qui a provoqué l'engagement d'une procédure disciplinaire ayant abouti à la mise à la retraite d'office du salarié. Elle fait valoir que le décalage temporel entre les faits fautifs ayant justifié la mise à la retraite du salarié et la fin de la grève démontre le caractère fallacieux du prétendu harcèlement discriminatoire alors que l'attestation d'un représentant syndical n'est pas probante car rédigée pour les besoins de la cause, que la réduction de la rémunération individuelle de performance en 2018 est uniquement liée à son comportement et à son savoir être du salarié, que l'entretien sur l'octroi de rémunération a eu lieu en décembre 2018 et non en avril alors qu'il a perçu une augmentation de cette part en 2019 et 2020, ce qui démontre l'absence de représailles suite à la grève, que M. [I] et [T] n'ont fait que prendre des mesures managériales normales qui n'ont pas été acceptées par le collectif de [U], que les salariés ne faisaient pas retour de leur travail réellement réalisé au quotidien et n'effectuaient pas régulièrement le pointage demandé, que les reproches relatifs aux congés d'été, aux indemnités de repas, aux déplacements et au heures supplémentaires sont injustifiés. Elle ajoute que les changements organisationnels respectaient les procédures internes à l'entreprise sans qu'elles puissent être qualifiées de management autoritaire et rigide, mais n'ont pas été supportés par M. [A] qui a continué à gérer seul son planning sans en informer sa hiérarchie, que M. [I] n'a ni dénigré ni tenu des propos déplacés à l'encontre du salarié alors que celui-ci avait des problèmes de comportement, que si M. [I] a pu oublier à l'occasion de mettre son masque pendant la pandémie un rappel général a été fait et il n'y a plus eu d'incident alors que l'entreprise mettait en place un plan avec planning de repli pour limiter les échanges parfaitement respecté par M. [I]. L'employeur conteste toute surcharge de travail alors que le salarié ne transmettait pas de comptes rendus demandés permettant d'apprécier la charge et de l'adapter, que suite à l'agression de M. [I], l'enquête interne a été menée de façon impartiale et objective par un cabinet extérieur mettant en attente l'enquête sur la qualité de vie au travail initiée auparavant, que ce n'est qu'ensuite que des salariés ont invoqué un danger grave et imminent imaginaire pour tenter d'échapper à leur responsabilité.
Sur ce
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par l'employeur ou un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié soumet au juge des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte enfin des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
La cour relève que si le salarié invoque au détour de ses conclusions une discrimination au regard de son apparence physique il n'invoque aucun fait de harcèlement à caractère discriminatoire.
M. [A] invoque plusieurs faits à l'appui de sa demande :
1- une mesure de rétorsion salariale collective à l'issue de la participation à la grève
2- des décisions arbitraires du management notamment relatives au salaire et aux congés
3- un management rigide et autoritaire niant toute implication et autonomie des salariés
4- le dénigrement et des propos déplacés à l'encontre de l'ensemble du collectif de travail
5- le non-respect des règles de sécurité liées au covid19
6- une surcharge chronique du travail
7- une enquête à charge commandée par la direction concomitamment à sa dénonciation de harcèlement moral
8- une procédure disciplinaire abusive et partiale dans un contexte de dénonciation collective de souffrance au travail
9- La sanction de mise à la retraite d'office.
Sur le premier fait
Une grève suivie a été engagée en novembre 2017 par les salariés suite à l'instauration de nouvelles règles concernant les logements d'astreinte occupés par les agents. Les salariés du site de [Localité 5], où travaillait M. [A] ont participé à ce mouvement qui a pris fin en février 2018 par la signature d'un protocole d'accord de fin de conflit. Des enquêtes menées tant par l'Apteis (à la requête du CSE) que par la société JLO (lancée par l'employeur) ont relevé que cette grève a fortement marqué les esprits tant pour les agents que pour la direction.
Le salarié produit aux débats une fiche reprenant le montant de la rémunération individuelle de performance qui lui a été attribué sur les années comprises entre 2010 et 2020 qui fait apparaitre que son montant a régulièrement augmenté de 2010 à 2017 mais a diminué de plus de moitié en 2018, passant de 1200 en 2017 à 500 en 2018.
Ce fait est établi.
Sur le deuxième fait
Par décision à effet du 1er janvier 2017 la direction de RTE a décidé que les roulements d'astreintes organisés à 4 seraient assurés à 3 avec un doublement de l'indemnité d'astreinte à compter du 4eme mois et ne concerneraient que les astreintes supplémentaires réalisées par rapport au cycle de roulement organisé à 4 salariés.
Par courriel du 23 juin 2020 M. [I], manager du site de [Localité 5] a conditionné la validation des demandes de doublement du paiement d'astreintes sollicitées par le salarié au respect de la règlementation sur la durée du travail.
Par courriel du 22 octobre 2020 M. [A] a porté réclamation auprès de M. [I] sur le paiement de repas qui ont été refusés en demandant la raison pour laquelle la pratique antérieure n'était plus appliquée et qu'il lui soit communiqué le texte sur lequel il se fonde pour s'opposer au paiement.
Les pièces relatives aux refus de notes de frais et d'heures supplémentaires concernent des collègues du salarié, sauf une de M. [A] pour le 8 janvier 2021 pour une demi-heure.
Le 22 janvier 2021 M. [I] a refusé une heure de récupération suite à un déplacement.
Le 23 juin 2020 M. [I] a refusé les congés d'été sollicités par plusieurs agents dont M. [A].
Ce fait est établi.
Sur le troisième fait
Le 3 décembre 2020 M. [A] a envoyé un courriel à des collègues pour les alerter sur les conditions de travail sur le site de [Localité 5], se plaignant des difficultés des échanges avec le manager d'équipe qui pérennise le conflit entre lui et l'équipe, et assimile ses fonctions à un pouvoir, s'octroyant le droit de priver les agents de certains de leurs droits en interprétant les textes à sa façon sans vérifier au préalable, ce qui impacte leur rémunération, que le management vise à cibler et à provoquer les échecs et pas à motiver les équipes, que les méthodes de travail entrainent une pression constante.
Cette plainte est corroborée par plusieurs courriels de la même teneur rédigés par des collègues.
M. [W] salarié du site de [Localité 5] atteste de la communication avec M. [I] qui avait une attitude autoritaire et ne laissait pas place à la discussion pour trouver des consensus et travailler sereinement.
Cependant le rapport de l'enquête réalisée par le cabinet Aptéis indique que :
- à l'arrivée de M. [I] les RTE étaient en pleine évolution, peu après son arrivée des tensions vont se cristalliser sur le sujet des indemnités de repas lors des astreintes et d'autres sujets de discorde vont apparaître
- ces tensions renvoient à des questions d'accompagnement dans la mise en place de règles nouvelles et de pratiques managériales qui vont susciter chez les agents un sentiment de manque de reconnaissance de leur autonomie et de leur implication dans le travail. La question du pointage des activités par les agents sur le logiciel Aïda ensuite validé par le manager avant la fin du mois pour être adressé au service ressources humaines pour être intégré comme élément de paie semble réalisé de façon différenciée selon les GDP. De ce fait les règles qualifiées de nouvelles par les agents ne le sont pas nécessairement et il existe un écart entre la règle et les pratiques installées depuis longtemps ce qui a suscité une grande incompréhension
- la demande de M. [I] sur le reporting d'activité, pour rendre plus lisible l'activité a été perçue collectivement de façon négativement car assimilées à une forme de surveillance traduisant un manque de confiance à leur égard et de non reconnaissance de leur professionnalisme
- interrogée sur la raison pour laquelle des pratiques éloignées des règles en vigueur se sont maintenues, la direction a indiqué qu'il n'existait pas de remontées quant aux écarts de procédure, il existait une auto-censure de la tête d'équipe jusqu'à l'arrivée de M. [I] qui a appliqué les règles.
Il découle de l'ensemble de ces éléments que le management autoritaire n'est pas matériellement établi.
Sur le quatrième fait
L'entretien d'appréciation établi le 10 janvier 2020 par M. [I] pour M. [A] indique sur le thème " les axes de progrès ", qu'en cas de situations conflictuelles il doit être en mesure de désamorcer une situation tendue, il doit aussi être en mesure de prendre de la hauteur ; qu'il doit travailler sur son positionnement afin d'assurer le lien entre le management et le reste de l'équipe.
Si le salarié considère que cette mention dénote un dénigrement sur la synthèse, il s'agit d'une interprétation subjective qui n'est pas avérée dès lors que, son responsable précise qu'il est une personne compétente dans de nombreux domaines avec de grandes capacités, qu'il lui faut progresser en travaillant son rapport aux autres lors de situations de désaccords ou de conflits, qu'il attend de lui qu'il soit apte à s'expliquer, donner du sens aux choix définis, rassembler, faire progresser et créer une cohésion de groupe, qu'il a tout son soutien.
Ces propos ne dénotent pas un quelconque dénigrement mais donnent un avis sur un axe d'amélioration tout en reconnaissant ses capacités professionnelles.
Là encore si des collègues de travail font état de propos de M. [I], qui leur étaient adressés, aucun élément ne vient établir qu'ils auraient été destinés à M. [A].
Lors de son audition lors de l'enquête JLO, M. [I] a indiqué que M. [A] avait du mal à gérer ses impulsions, qu'en cas de désaccord, il s'emportait vite, avait du mal à accepter l'avis des autres personnes, voulait rapidement en découdre, que la violence est l'un de ses traits de caractère lorsqu'il est en désaccord avec quelqu'un.
M. [K] qui a occupé le poste d'adjoint du site de [Localité 5] entre avril 2016 et avril 2020 a indiqué que " M. [A] refuse les choix, surtout quand cela ne va pas dans son sens, cela vite bloquant. Quand il n'est pas d'accord cela devient vite compliqué, il n'accepte pas les critiques mais de son côté il fait beaucoup de critiques et n'hésite pas à mettre en lumière les failles des autres. Il est très impulsif et cela peut vite déraper. J'ai le souvenir d'une discussion avec lui où il m'avait menacé de m'envoyer son casque à travers la figure devant l'insistance de mes questions. Il représente un véritable contre-pouvoir et un second management au sein de l'équipe'.
Ainsi au vu de ce témoignage du précédent manager de M. [A], il apparaît que M. [I] ne le dénigre pas en faisant état de son caractère emporté.
Ce fait n'est pas établi.
Sur le cinquième fait
Le 19 mars 2020 M. [A] adressait un courriel à Mme [P] avec en copie celui qu'il avait envoyé à M. [I] par lequel il faisait état des mesures de distanciation mises en place pour ne pas créer de nouveaux contacts humains et éviter la propagation du virus, qu'il ne comprend pas la réorganisation du travail sur le site de [Localité 5] en instaurant des binômes ou trinômes plaçant 2 ou 3 agents en situation de risque sans raisons d'urgence évidente, qu'il assurera les astreintes sans contact physique avec ses collègues, que les cadres sont en télétravail et qu'il effectuera aussi ses tâches en télétravail, répondra à tous les appels et se déplacera à chaque fois qu'une alarme se déclenchera.
Si des collègues de M. [A] se sont plaint auprès des ressources humaines de l'absence de port de masque par M. [I] notamment dans la salle de détente, M. [A] ne s'en est pas plaint ce dont il se déduit qu'il ne prouve pas avoir été concerné par ce fait.
Concernant le second confinement, le 3 novembre 2020, M. [I] a informé les salariés du site qu'il a été décidé de créer des sous collectifs dont l'objectif est d'éviter la contamination complète de l'équipe, qu'ils devront ne pas de se croiser, être isolés les uns des autres. Le 5 novembre 2020 il mettait pourtant en place des binômes et des trinômes de salariés, invitait les salariés à revenir vers lui pour plus d'explication voire une évolution de l'organisation proposée ; M. [A] a adressé le 13 novembre 2020 une proposition alternative qui a été écartée par un nouveau courriel de M. [I].
Si M. [A] était d'un avis différent de celui de M. [I] sur l'organisation du travail, il n'explique pas les insuffisances de ce plan de travail par des éléments précis et concrets, des circulaires ou autres qui pourrait justifier le non-respect des règles de sécurité.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur le sixième fait
Le rapport de l'Apteis précise qu'à compter des années 2015-2016 lors du renouvellement en partie de l'équipe, est survenu une hausse de l'activité en raison de l'augmentation des chantiers contraignant l'équipe de [U] à sécuriser l'accès à ces chantiers avec consignes, suivi et plan de sécurité et interventions de nombreuses entreprises extérieures, si bien que des activités de maintenance c'ur de métier ont été déprogrammées ou reprogrammées provoquant un retard.
Le 21 octobre 2020 M. [A] a adressé un courriel à M. [I] pour indiquer qu'il " en avait marre " d'être seul à longueur de journée et de gérer tout et n'importe quoi, de passer du coq à l'âne et de ne pas finir tout ce qu'il avait entrepris, ce que l'employeur ne conteste pas utilement, Il ajoute " merci de prendre en considération cette alerte ".
Par un autre courrier du 3 décembre 2020 il indiquait que le chargé d'exploitation se retrouve à être seul à porter une charge de travail qui n'est pas adaptée pour un seul agent.
Le 13 février 2020 M. [A] demandait de dégager du temps à des dates fixées pour réaliser certaines tâches, M. [I], sans contester la surcharge qui s'en déduit avait répondu le jour même que certaines dates tombaient alors qu'il était d'exploitation, que s'il y a impossibilité de les réaliser il pouvait revenir vers lui pour les reprogrammer.
Suite au courriel de plainte du salarié du 21 octobre 2020 sur sa charge de travail, M. [I] avait adressé le jour même un courriel lui demandant de faire retour de ses sollicitations de façon à pouvoir organiser et prioriser les activités.
Le salarié n'avait pas fait retour de ses demandes ou demander à rencontrer le manager pour en discuter étant précisé que de l'ensemble de la procédure il ressort un défaut de communication général des agents envers le management.
Le dernier courriel du 3 décembre 2020 s'inscrit dans les suites de la réponse négative de M. [A] à la demande d'audition par le cabinet JLO
Ainsi la surcharge de travail n'est pas matériellement établie.
Sur le septième fait
L'employeur a diligenté une enquête interne qu'il a confié au cabinet JLO à la suite de la dénonciation pour harcèlement moral de M. [I], ce qui constituait une obligation légale pour lui, alors qu'une autre enquête venait de débuter à la demande du CSE le 8 février 2021, l'employeur ayant initialement refusé de lancer une enquête suite à l'alerte des salariés pour danger grave et imminent.
Il est constant que deux enquêtes ont eu lieu sur des sujets différents donnant chacune un rapport. Le cabinet Aptéis sur les risques psycho-sociaux et le cabinet JLO sur la dénonciation de faits de harcèlement moral sur deux membres de l'encadrement.
Le cabinet JLO fait partie des cabinets habilités par l'inspection du travail pour effectuer des enquêtes. Il ne peut être qualifié d'emblée de partial.
La méthodologie de l'enquête repose sur des témoignages et des écrits. Les auditions se sont déroulées en vision du fait du confinement. Le cabinet a détaillé dans son rapport les modalités de réalisation de sa mission, notamment en invitant à des entretiens les agents du site de [Localité 5] et un ancien manager. Les agents ont décliné cette proposition d'audition restreignant de fait les investigations.
Le rapport reprend les signalements réalisés par M. [I] et [T] et liste les éléments recueillis lors des témoignages et confirmations par courriels sur les circonstances et la réalité des faits invoqués par l'encadrement. Il replace ces événements dans le contexte évoqué par ailleurs par le cabinet Aptéis sur l'évolution et les changements mis en place au sein de RTE.
M. [A] ne peut se contenter d'allégations sur une partialité alors que le cabinet JLO alors que les agents du site ont refusé d'emblée de participer à cette enquête à laquelle leur participation aurait à l'évidence été utile.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur le huitième fait
M. [A] verse aux débats le courriel adressé le 4 février 2020 par M. [G] représentant du personnel à Mme [P] suite à l'enquête qui indique avoir relevé des signes avant-coureurs de situations de risques psycho-sociaux, des rumeurs sur une ambiance " remontée ", une défaillance organisationnelle depuis l'arrivée d'un nouveau manageur avec une communication inexistante, les agents ne lui faisant pas confiance alors que Mme [P] lui répond que ces affirmations ne reflètent pas la réalité de leurs échanges, qu'elle a prévu l'intervention d'une référente régionale pour traiter les difficultés.
Il est constant qu'une enquête a été effectuée par le cabinet JLO et que sur ses conclusions l'employeur a initié une procédure à l'encontre de M. [A]. Si le cabinet Apteis désigné en premier lieu par l'employeur mais à l'initiative des agents, proposait la mise en 'uvre d'actions dans le but de permettre la préservation du collectif de travail, l'employeur a fait le choix de se diriger vers une procédure disciplinaire à l'encontre de M. [A] suite aux conclusions du rapport JLO.
Il est matériellement établi qu'une procédure disciplinaire a été engagée dans un contexte de dénonciation de harcèlement moral au travail.
Sur le neuvième fait
Il est établi que M. [A] a été mis à la retraite d'office selon la procédure applicable au régime des agents de RTE.
Ce fait est établi.
Ainsi les faits 1, 2, 8 et 9 matériellement établis, et pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur le premier fait
Le vademecum de la société indique que la rémunération individuelle de performance est fixée en tenant compte sur l'année écoulée de la contribution individuelle aux résultats de l'entreprise, des résultats d'équipe, de la manière d'atteindre ces résultats mais aussi de la coopération et de la transversalité, de la prise d'initiative dans l'invitation, des activités nouvelles, complexes à fort enjeu, de la prise de responsabilité et l'autonomie.
La grève a perduré de novembre 2017 au 23 février 2018.
L'entretien annuel de 2018 réalisé le 3 décembre 2018 et non en avril comme le prétend le salarié, est produit aux débats, il a été rédigé par M. [Z] ancien manager, précédent M. [I]. Sur l'évaluation des actions de professionnalisation, l'appréciation indique insatisfaisant, l'objet étant atteint partiellement. Sur les observations le responsable indique " content des résultats sur 2018. J'attends de toi en 2019 que tu saches prendre du recul sur les situations dites " compliquées " pour prendre la pleine mesure de la situation avant de prendre une décision qui pourrait ensuite te desservir. "
Pour l'année 2015 le manager avait considéré dans l'entretien d'appréciation que M. [A] avait réalisé une très bonne année pour preuve sa mutation en tant que coordonnateur, qu'il s'investissait énormément et ne comptait pas son temps, étant force de proposition et comprenant bien les enjeux.
Pour l'année 2016 le manager indiquait que M. [A] était l'élément moteur du site de [Localité 5], s'investissait beaucoup dans ses missions, était plein d'enthousiasme et force de proposition engrangeant de l'expérience pour poursuivre sa carrière, était un exemple pour les jeunes collaborateurs et savait insuffler son professionnalisme.
Pour l'année 2018 le manager indiquait qu'il n'avait que du bien à dire étant un leader naturel.
Le montant de la prime était alors élevé du fait des appréciations sur le salarié. Or en 2018, l'appréciation a été moins favorable, les critiques du manager, qui n'était pas M. [I], fondant une diminution du montant de la prime ; l'existence de cet avis moins favorable ne permet pas de relier la diminution du montant de la prime à la participation à la grève.
Il est produit en outre les justificatifs d'attribution de la rémunération individuelle de performance pour les années 2019 et 2020 qui ont été fixées respectivement à 1000 euros et 1250 euros, soit à un niveau équivalent à celui des années précédentes, ce qui contredit, également, la volonté de le sanctionner indirectement pour avoir participé à la grève. La diminution de 2018 n'ayant pas perduré.
L'employeur justifie sa décision sur le montant de l'attribution de la rémunération individuelle de performance pour 2018.
Sur le second fait
M. [A] n'adressait pas régulièrement ses pointages techniques à M. [I] alors que celui-ci avait conditionné le paiement à la régularisation des pointages. Ainsi suite à une réunion du 20 février 2020 M. [I] a envoyé un compte rendu précisant qu'eu égard au peu de sérieux dans la saisie des absences, astreintes ou autres événements, ni lui ni son adjoint ne réaliseront les pointages à partir du 1er mars 2020, chacun devant dorénavant réaliser son pointage en fonction de ses activités journalières ; la tête d'équipe validera les saisies après vérification.
L'employeur produit des courriels en avril, octobre et novembre 2020 par lesquels M. [I] relance M. [A] pour qu'il saisisse son pointage technique, ce qui établit que le salarié n'était pas régulier dans la transmission.
En application de la circulaire Pers 793 les indemnités de repas sont dues dès lors que le salarié est en déplacement pour raison de service pendant les heures normales de repas, comprises entre 11 et 13 heures pour le déjeuner et entre 18 et 21 heures pour le diner. Le salarié ne pouvait donc invoquer comme il l'affirme d'un usage d'entreprise si les conditions d'horaires n'étaient pas remplies si bien que faute de remplir les conditions d'horaires l'indemnité n'est pas due.
Le 11 septembre 2020 M. [O], adjoint du manager, a demandé à l'assistante ressources humaines de régulariser les paiements de doublement d'astreintes pour M. [A] pour juillet et octobre 2019 et avril et juillet 2020. A la fin de la transmission des éléments demandés, le paiement des astreintes a été régularisé.
Le 18 janvier 2021 M. [I] a refusé le remboursement de frais de déplacement en expliquant ce refus grâce à un tableau sur le calcul des temps de trajet et les créneaux horaires ouvrant droit à remboursement.
Le 25 janvier 2021 la demande de prise en charge de la demi-heure supplémentaire a été validée par le manager.
Enfin concernant les congés, M. [I] expliquait qu'il ne pouvait valider en l'état la demande de congés car il était nécessaire de prévoir les astreintes, qu'avec les impératifs sur la durée du travail (48 heures hebdomadaires maximum et repos hebdomadaire obligatoire de 35 heures) la demande de M. [A] ne prévoyait pas de repos hebdomadaire en semaine 33, qu'il était nécessaire de la modifier. La cour observe que le salarié ne prouve pas qu'au final il n'a pu prendre de congés en été 2020.
L'employeur justifie par des raisons objectives ses décisions relatives au salaire et aux congés
Sur le huitième fait
Une première enquête qualité de vie au travail a été engagée par l'employeur le 21 février 2020 à la demande du CSE qui du fait de la pandémie a été reportée à septembre 2020. La première réunion a eu lieu le 3 septembre 2020 au cours de laquelle le cabinet Apteis a présenté le cadre de son intervention et les salariés dont M. [A] ont adressé un courrier aux enquêteurs en posant les conditions dans lesquelles ils souhaitaient être entendus (communication de la trame à laquelle il faudra répondre avant l'entretien individuel, durée d'entretien d'une heure considérée comme trop longue).
Le 16 octobre 2020 M. [I] a émis un signalement pour harcèlement moral invoquant avoir été victime d'une agression de M. [A] le même jour. M. [T] son adjoint a formé un signalement similaire le 10 novembre 2020 faisant état de harcèlement moral de la part du collectif des agents du site de [Localité 5].
Après avoir eu connaissance d'une situation potentielle de harcèlement au travail il revient à l'employeur de prendre les mesures pour faire cesser cette situation notamment en faisant diligenter une enquête. Le but est d'établir la matérialité et la preuve des faits ainsi que leur qualification. Il s'agit de vérifier la véracité des agissements dénoncés, l'employeur qui a connaissance de l'existence éventuelle de faits de harcèlement moral doit effectuer les enquêtes et investigations lui permettant d'avoir la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés et de prendre les mesures appropriées. Son abstention, sous peine de manquer à son obligation de prévention, serait fautive.
Compte tenu de ces éléments portés à sa connaissance, il ne saurait dès lors être reproché à RTE d'avoir engagé une enquête interne confiée au cabinet JLO sur les faits de harcèlement moral dénoncé par M. [I] et [T] quand bien même une autre enquête avait été confiée au cabinet Aptéis mais dans un cadre plus large sur l'existence de risques psychosociaux. Par ailleurs le choix du cabinet relève du choix de l'employeur et il peut en décider sans nécessairement obtenir l'assentiment du CSE sur ce choix. De surcroit au vu de l'ampleur du sujet traité par Aptéis, sa réponse aurait été trop longue et risquait d'être trop imprécise sur ce point pour satisfaire l'obligation de prévention de l'employeur dans le cadre d'une dénonciation d'un harcèlement moral.
Les auditions réalisées par le cabinet JLO les 2 et 3 décembre 2020 de M. [I], [T] et [O], dans des conditions d'impartialité non contestables, ont fait état de faits fautifs de la part notamment de M. [A] à l'encontre de M. [I] et [T] étant précisé que le salarié a refusé d'être entendu comme les autres agents.
Ainsi la société justifie que sa décision d'engager une procédure disciplinaire le 7 décembre 2020 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral autres que la dénonciation de harcèlement moral du manager et de son adjoint confirmée en audition par ces derniers et corroborées par M. [O].
Au final il ne reste qu'un seul élément ponctuel alors que pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit constater l'existence d'agissements répétés.
Dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral discriminatoire, de l'indemnisation du préjudice subséquent et par voie de conséquence de celles en licenciement nul et en réintégration.
Sur le rappel de salaire
M. [A] sollicite le paiement d'un rappel de salaire au titre de la rémunération individuelle de performance en 2017 exposant qu'il avait rempli ses objectifs.
La société s'y oppose répliquant que le montant a été fixé au regard des problèmes de comportement du salarié qui avait été relevé dans l'évaluation faite par sa hiérarchie.
Sur ce
La cour a précédemment jugé que l'employeur justifiait sa décision sur le montant de l'attribution de la rémunération individuelle de performance pour 2017 dans l'évaluation rédigée en 2018. Le supérieur hiérarchique du salarié ayant pointé les difficultés du salarié à prendre du recul sur les situations dites " compliquées " pour prendre la pleine mesure de la situation avant de prendre une décision qui pourrait ensuite le desservir. Le montant de la rémunération individuelle de performance pour 2017 a été fixé en tenant compte de l'évaluation par le supérieur hiérarchique et était donc justifiée.
Cette demande sera rejetée, par infirmation du jugement.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la mise à la retraite d'office
La société conteste la prescription de certains faits fautifs faisant valoir qu'en application de la PERS 846 le pouvoir disciplinaire appartient pour les agents de maîtrise aux chefs d'unité, que ce n'est que le 24 janvier 2021 qu'elle a eu connaissance complète des faits reprochés grâce au dépôt du rapport du cabinet JLO communiqué à M. [S] directeur d'établissement maintenance et autorité compétente en matière disciplinaire, détenteur d'une délégation de pouvoir à cet effet, alors que M. [I] n'est pas chef d'unité et ne disposait pas du pouvoir disciplinaire
Sur le fond, la société soutient que les faits invoqués à l'appui de la décision de mise à la retraite d'office sont caractérisés grâce notamment au rapport d'enquête du cabinet JLO, que M. [I] a été victime d'une agression physique commise par M. [A] à laquelle a assisté M. [O] qui en a témoigné, que M. [A] a pris la liberté d'organiser des réunions d'équipe en écartant la présence de sa hiérarchie, qu'il s'est livré à des comportements irrespectueux, ostracisants et humiliants à l'encontre de M. [I] et [T] notamment en changeant la serrure du local cuisine sans fournir une clé à son supérieur hiérarchique et sans l'informer de l'endroit où il pouvait en trouver une, en ne réagissant pas aux surnoms méprisants donnés par des collègues à M. [I] et [T], en refusant de les saluer et de leur parler sauf pour les critiquer et en les excluant des réunions et mails les concernant. La société ajoute que les comportements du salarié ont porté atteinte à la santé physique et mentale de M. [I] et [T] dont il est indigne de contester la réalité étant précisé que les précédents managers avaient aussi été impactés par le comportement du salarié, étant placés en arrêt maladie, qu'il est faux de prétendre que la délégation d'appui avait pour but de surveiller les agents alors qu'elle avait pour mission de soutenir le management.
Le salarié soulève la prescription des griefs de mise à l'écart de M. [I] et d'agression de M. [T] datant de septembre 2020, que l'employeur ne peut prétendre n'avoir eu connaissance de ces faits qu'avec le rapport JLO alors qu'il produit un mail du 10 novembre 2020 de M. [I] et [T] relatif à une prétendue agression, que l'autorité compétente était M. [I] détenteur du pouvoir disciplinaire, que la délégation de pouvoirs à M. [S] ne permet pas de démontrer qu'il était l'unique chef d'unité au sens de la circulaire PERS 846.
Sur le fond, le salarié réplique que des témoins attestent que M. [I] a simulé une agression physique et se contredit dans ses déclarations alors que l'employeur a mis près de deux mois à réagir, que c'est en raison de l'hostilité de M. [I] à son égard que les réunions ont été organisées avec M. [O] seulement comme représentant de la hiérarchie, ce que la société avait validé ; il conteste toute agression à l'égard de M. [T] et verse le témoignage d'un témoin direct, que le changement de canon de serrure du local cuisine avait été décidé collectivement en raison de la pandémie, qu'un double était accroché à la salle de commande en libre accès, qu'il ne lui a jamais été reproché de ne pas saluer la hiérarchie et qu'en avril 2020 il avait reçu une prime de rémunération de performance individuelle pour sa contribution ajoutant que M. [I] avait dit à l'enquêteur qu'il n'était pas impressionné par lui et vivait très bien la situation.
Sur ce
Sur la représentation de l'employeur dans le cadre du pouvoir disciplinaire et le signataire
Le salarié relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières, la PERS 846 applicable prévoit en son paragraphe 121 " l'autorité compétente pour apprécier le caractère fautif d'un agissement. Cette appréciation appartient à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire c'est-à-dire:
- pour les cadres, aux Directeurs ou aux Directeurs Adjoints des Directions Centrales,
- pour les agents d'exécution et de maîtrise, aux Chefs d'Unité ; pour les Services Centraux, aux Chefs de Service ou de Département ou à tout supérieur d'un rang plus élevé.
Dans le cas particulier où la sanction envisagée est un avertissement ou un blâme infligé sans consultation préalable de la commission de discipline, sauf si la faute a entraîné une condamnation pénale, l'autorité habilitée à apprécier le caractère fautif de l'agissement est, quel que soit le classement de l'agent, celle compétente pour les agents d'exécution et de maîtrise. "
Il est produit aux débats la délégation de pouvoirs consentie le 2 janvier 2020 par le président du directoire de la société RTE à M. [S] directeur de la direction maintenance et chef d'établissement maintenance pour lui donner compétence, notamment, sur la rupture du contrat à durée indéterminée étant précisé que ce pouvoir n'était pas subdélégable.
En conséquence seul M. [S] avait compétence pour engager la procédure disciplinaire en ce compris la mise à la retraite d'office.
Sur la prescription
L'article L 1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Les poursuites disciplinaires se trouvent engagées à la date à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Si les poursuites disciplinaires sont engagées plus de deux mois après la connaissance des faits par l'employeur, la prescription est acquise et le licenciement se trouve dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai de prescription mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l'employeur s'entend d'une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits. L'employeur, au sens de l'article L.1332-4 du code du travail, s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié même non titulaire de ce pouvoir.
Une sanction disciplinaire ne devant pas être décidée dans la précipitation, il est admis que des vérifications puissent être préalablement opérées par l'employeur avant l'engagement de poursuites disciplinaires. C'est alors la date de la connaissance du résultat de ces investigations qui marque le point de départ du délai de prescription.
La procédure disciplinaire ayant été engagée par une première convocation à un entretien préalable le 7 décembre 2020 pour des faits dénoncés les 16 octobre et 10 novembre 2020, la prescription des faits fautifs n'est pas acquise.
Ensuite l'employeur à réception du rapport du cabinet JLO le 25 janvier 2021 a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qui pouvaient être reproché au salarié , ce qui a entrainé l'envoi d'une seconde convocation à un entretien préalable.
Les griefs ne sont pas prescrits.
Sur le fond
L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Elle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle s'apprécie in concreto, en fonction de l'ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l'attitude qu'il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration.
La mise à la retraite d'office qui équivaut à un licenciement pour faute grave a été notifié sur les griefs suivants :
- Avoir agressé physiquement votre manager en le saisissant par le haut des deux bras pour le faire sortir de force de la salle de commande du Groupement de Postes de [U]
- Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
- Avoir agressé physiquement le coordonnateur d'antenne de Terrier en le saisissant par les avant-bras
- Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
- Avoir dégradé les conditions de travail et altéré la santé physique et mentale des salariés ayant subi l'ensemble de ces faits.
Il convient de reprendre les différents griefs.
Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
La Cour de cassation, rappelle, sur la base de la liberté de la preuve en matière prud'homale, que le rapport d'enquête interne ou externe est un mode de preuve valide, même si seules les victimes présumées ont été entendues lors d'une audition commune et même si le CSE n'a pas été saisi. La cour observe de plus que les agents dont M. [A] ont refusé d'être entendus par le cabinet JLO.
Sur la base du rapport du cabinet JLO dont les conclusions sont versées à la procédure il est précisé que le 10 septembre 2020 la réunion s'est déroulée sans la présence de M. [I], qu'il est arrivé avec son adjoint et que M. [A] qui animait la réunion lui aurait dit " si t'es là, çà ne va pas le faire, on fait la réunion dans la cuisine ", tout le monde s'est levé et aurait quitté la salle de réunion. M. [I] répondant qu'il n'y aurait pas de réunion dans la cuisine et que cela ne se ferait pas sans lui, l'équipe serait sortie pour aller à l'extérieur du bâtiment.
Le 1er octobre 2020 M. [I] n'est pas invité à la réunion, à son arrivée il annonce à M. [A] que la tenue de la réunion hebdomadaire aurait lieu à 8 heures en salle de réunion, la réponse du salarié aurait été " on ne la fera pas si tu es là, quitte à partir ailleurs ".
Le 22 octobre 2020 un courriel confirmant l'absence de réunion hebdomadaire à l'initiative de M. [I] M. [A] ayant semble- t il indiqué à M. [O] ne pas souhaiter la présence de M. [I] en réunion. Le même jour à 8h25 le collectif de [U] va en salle de réunion et la réalise sans la tête de l'équipe.
Ces éléments rédigés au conditionnel ont été confirmés par la concordance des témoignages et des mails. D'ailleurs M. [W], dont le témoignage est versé par le salarié confirme que les agents organisaient des réunions en parallèle et leur refus de la présence de M. [I], seule celle de M. [O] étant tolérée.
M. [O] coordonnateur du site de [Localité 5] relate dans son témoignage que [C] [A] est reconnu comme le leader naturel du site de [Localité 5], qu'il a ainsi décidé que M. [I] n'avait pas sa place en réunion d'équipe et qu'il demandait à l'équipe de se lever et de le rejoindre dans la cuisine pour animer sa propre réunion, c'est ce qu'il s'est passé le 10 septembre 2020, le 1er octobre 2020 et le 22 octobre 2020. " Dès que [Y] [I] entre dans la pièce, M. [A] se lève et toute l'équipe se lève. "
Aucune pièce produite par l'intimé, qui ne rapporte pas la preuve contraire, et aucune de ses allégations pour tenter de justifier son comportement ou à tout le moins de le minimiser ne sont pertinents.
Ce fait est établi.
Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
L'employeur produit aux débats l'audition de M. [I] qui indique qu'en novembre 2020 les binômes ont été reconstitués et les lieux remis en place, que sans aucune information préalable le canon de la serrure de la porte de la cuisine a été changé et la porte fermée à clé sans qu'aucune clé ne lui soit remise alors que le CEX en avait une, que c'est à la demande de Mme [P] qu'il a obtenu une clé. Celle-ci confirme le changement de serrure sans validation managériale, qu'elle n'a jamais dit qu'il fallait fermer les portes à clé, ce qui avait été soutenu par les salariés. Si M. [A] soutient que le changement de serrure a été décidé collectivement pendant la seconde vague de pandémie, il reconnaît avoir effectué l'opération, s'il affirme qu'une clé était à disposition, il n'en justifie pas alors que M. [I] s'est plaint de ne pas en avoir et d'avoir été informé.
M. [O] indique dans son audition que M. [A] ne saluait pas M. [T], qu'il en faisait de même avec M. [I] lorsqu'il n'était pas d'accord avec lui ce qui s'est aggravé au fur et à mesure des désaccords. Ce témoin relate que M. [A] est reconnu par l'équipe et que ses décisions ont un impact, que les personnes du groupe se rallient à ces décisions, que du fait du rejet de M. [I] et de M. [T] il est passé pour une raison inconnue d'interlocuteur illégitime à " manager du groupement " pour les agents si bien que sa charge de travail a augmenté ce qui le plaçait en contrainte de manière générale. Il ajoute que si M. [F] indique que depuis septembre 2020 M. [I] ne se rend pas dans l'open space pour dire bonjour, mais faute de réponse il a abandonné.
M. [T] indique que M. [A] n'accepte pas sa présence depuis qu'il est devenu coordonnateur du site de Terrier, qu'il sait qu'il le dénigre auprès de ses collègues et ne le salue ni lui adresse la parole tout comme il le fait envers M. [I] ; il ajoute avoir été témoin d'une conversation entre le salarié et le manager au cours de laquelle M. [I] lui a dit que s'il n'acceptait pas qu'il participe au repas de fin d'année il n'y aurait pas de repas, ce à quoi M. [A] a répondu dans ce cas il n'y aura pas de repas de fin d'année et qu'effectivement il n'y a pas eu de repas en 2019.
De façon plus générale, il ressort des auditions des salariés et des anciens managers du site de [Localité 5], que M. [A] est considéré par ses collègues comme ayant le leadership, qu'il conteste régulièrement les décisions managériales notamment lors du covid en voulant imposer ses vues et en plaçant sur son contre-projet le management en télétravail ce qui a pour effet de fait de l'exclure.
M. [O] a indiqué lors de son audition que M. [A] appelait M. [I] et [T] par leur nom et pas par leur prénom comme pour les autres alors qu'ils faisaient partie de la même équipe, que ce n'est pas parce qu'il n'appréciait pas [Y] [I] qu'il devait faire en sorte que l'équipe le rejette, qu'il utilise mal son leadership, qu'il ne s'adressait pas du tout à M. [T] ni bonjour ni au revoir et avait le même comportement avec M. [I] lorsqu'il était en désaccord avec lui, que M. [A] est clairement en écart sur son savoir être, son comportement et sur l'impact de son comportement sur l'équipe.
Aucune pièce produite par l'intimé, qui ne rapporte pas la preuve contraire, et aucune et aucune de ses allégations pour tenter de justifier son comportement ou à tout le moins de le minimiser ne sont pertinents.
Ce fait est établi.
Ainsi et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, ces deux fautes sont à elles seules suffisamment graves, même en tenant compte de l'ancienneté du salarié et de l'absence d'antécédent disciplinaire, pour fonder une mise à la retraite d'office. M. [A] sera débouté de sa demande en illégitimité de mise à la retraite d'office qui est jugée fondée sur une faute grave.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que la mise à la retraite d'office, et non le licenciement, était sans cause réelle et sérieuse et a octroyé au salarié des dommages et intérêts en réparation de la rupture sans cause réelle et sérieuse, le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, les indemnités retirées pendant la procédure disciplinaire, dans le cadre de l'indemnité d'éviction les demandes relatives au logement et à la consommation d'énergie, au titre de l'intéressement, le remboursement du loyer, de prise en charge des vacances et de la mutuelle.
Sur l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur
M. [A] invoque le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure pour faire cesser la mise en danger des salariés au cours de la pandémie et ce malgré le comportement à risque de M. [I] qui ne portait pas de masque, en ne réagissant pas alors qu'avec ses collègues ils avaient alerté sur le harcèlement dont ils étaient victimes de la part de leur hiérarchie, en stoppant brutalement l'enquête QVT que la société avait fini par ordonner suite au prétendu harcèlement soulevé par M. [I] et [T]. Il fait valoir que depuis décembre 2020 il était placé en arrêt de travail pour dépression réactionnelle dont il garde encore des séquelles.
La société réplique que les pièces adverses démontrent que M. [I] n'aurait pas porté le masque qu'une ou deux fois et que la direction a alerté pour rappeler la règle à laquelle il s'est strictement conformé ; que l'alerte a donné lieu à une enquête QVT, que l'inspection du travail a annulé la mise en demeure car elle avait satisfait à ses obligations.
Sur ce
L'article L.4121-1 du code du travail dispose :
" L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".
L'employeur justifie des mesures PCA pendant la période de covid au printemps 2020 puis à compter de juillet 2020. Des salariés se sont plaint du fait d'avoir vu M. [I] en septembre 2020 sans masque dans la salle de repos. Cependant l'employeur, par la voix de Mme [P], a proposé de rencontrer M. [G] membre du CSE ; l'employeur affirme sans être démenti qu'elle a alors rappelé les consignes de sécurité et la nécessité de porter un masque à M. [I]. La cour observe d'ailleurs que par la suite il n'y a pas eu de plainte sur le non port du masque.
Suite à la demande du CSE la société a ordonné une enquête QVT dont la mise en 'uvre a été perturbée, d'abord par la crise sanitaire jusqu'en septembre 2020, puis par le signalement de M. [I] et [T] qui se sont aussi plaint de harcèlement moral. Il a déjà été relevé que le cabinet JLO est inscrit sur la liste des cabinets agréés par l'inspection du travail et avait parfaite compétence pour réaliser l'enquête. La cour observe en outre que le cabinet Apteis a pu reprendre son travail et a déposé son rapport le 5 juillet 2021. Si celui-ci indique qu'il pourrait être reconsidéré la situation de harcèlement en raison de l'absence d'auditions des agents du site de [Localité 5] et Terrier, cette absence résulte uniquement du refus de ces agents d'être entendus alors que le cabinet Aptéis ne conclut pas à l'absence des faits reprochés au salarié mais replace le conflit aigü dans un contexte plus ancien.
L'inspection du travail avait mis en demeure la société de prendre les mesures nécessaires suite à l'alerte pour danger grave et imminent du CSE mais elle a ensuite levé cette mise en demeure considérant qu'elle avait satisfait à ses obligations en matière de gestion et de prévention des risques psycho-sociaux.
En tout état de cause le salarié ne justifie pas d'un préjudice particulier du seul fait retenu de l'absence de port du masque par M. [I] à une ou deux reprises en septembre 2020, l'arrêt maladie dont il a bénéficié ayant été ordonné en raison non de covid mais pour dépression réactionnelle.
La cour, par confirmation du jugement déboutera M. [A] de cette demande de reconnaissance d'une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité et de sa demande en réparation de préjudice à ce titre.
Sur l'obligation de bonne foi
Le salarié soutient que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi soutenant qu'alors qu'il avait émis une alerte sur le comportement harcelant de M. [I] et [T] l'employeur avait choisi de retenir uniquement la version de ceux-ci sans aller jusqu'au bout de la procédure QVT ce qui constitue un acharnement disciplinaire, qu'alors que le conseil disciplinaire devait se réunir encore deux fois et n'avait pas pris sa décision, l'employeur avait déjà pris sa décision en le convoquant à un entretien préalable 2eme phase, que deux jours après avoir adressé un courrier de mise à la retraite d'office, il publiait un article sur le net annonçant la sanction.
La société rétorque que le cabinet JLO est légitime et a agi de façon indépendante, que si la procédure disciplinaire est longue c'est en raison de la nécessité de suivre plusieurs phases obligatoires au cours desquelles le salarié bénéficie de garanties, que la publication de l'entreprise ne comprend pas de propos véhéments, que le salarié est mal venu dans son accusation alors qu'avant même l'issue de l'enquête des tracts de la CGT avaient été distribués en visant le management de [U] comme harceleurs sur le site de [Localité 5].
Sur ce
En application de l'article L 1222-1 du code du travail le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La cour a motivé précédemment sur l'obligation de réaction immédiate du fait de l'obligation de prévention en cas de dénonciation de harcèlement moral par un salarié qui légitime la décision de l'employeur d'ordonner une enquête à effet de déterminer la réalité ou l'absence d'une telle situation et que le cabinet JLO était compétent pour ce faire alors qu'aucun élément de permet de douter de son impartialité.
L'employeur a suivi la procédure particulière imposée par le statut des industries électriques et gazières qui prévoit un second entretien préalable après la séance en commission disciplinaire qui émet une proposition de sanction. Il n'est pas établi que la société avait déjà pris sa décision en convoquant le salarié à un second entretien étant précisé qu'elle disposait alors de l'avis de la commission disciplinaire.
Enfin il ne saurait être reproché à la société d'avoir publié sur le site de l'entreprise la décision à l'encontre du salarié alors que cette information ne comportait pas de propos véhéments, contredisant les allégations du salarié à cet égard.
La cour confirmera le débouté de cette demande en violation de l'obligation de bonne foi et de la demande en réparation du préjudice qui en serait issu.
Sur la violation des statuts et accords collectifs
M. [A] fait valoir que la société n'a pas respecté l'accord collectif relatif aux principes de prévention des risques psycho-sociaux, qu'il existe une contradiction entre les principes énoncés et la réalité ce qui constitue une violation des statuts et des accords collectifs exposant que l'enquête JLO a été menée à charge sans tenir compte des autres alertes formées par le CSE.
La société conteste toute violation et rétorque qu'outre que la jurisprudence a abandonné la notion de préjudice nécessaire, elle a mené deux enquêtes sur le site de [Localité 5] en parallèle.
Sur ce
La cour a précédemment jugé que l'employeur a ordonné deux enquêtes qui ont toutes deux donné lieu à dépôt de rapports. M. [A] ne peut venir arguer des articles 3 et 4 de l'accord collectif relatif à la prévention des risques psycho-sociaux imposant des obligations au manager dès lors que la cour a retenu des fautes de sa part à l'encontre du management.
En tout état de cause le salarié n'établit pas l'existence d'un préjudice qui serait issue d'une violation des statuts et accords collectifs
Cette demande sera rejetée, par confirmation du jugement.
Sur les demandes en dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux
M. [A] forme une demande l'indemnisation des préjudices d'établissement, d'agrément, d'un préjudice issu de l'atteinte à la santé de la famille et d'anxiété généralisé subi exposant que du fait de la mise à la retraite d'office il a dû déménager ce qui a perturbé la vie familiale et notamment la vie des enfants et de son épouse qui a renoncé au projet d'enfant, que la décision a entraîné une peur des représailles et en sentiment d'insécurité.
La société réplique que le préjudice d'établissement n'est pas établi faute de preuve du projet de troisième enfant, que le logement était lié à la fonction d'agent RTE, sa perte étant lié à la perte du statut et qu'elle a fait preuve de souplesse pour quitter les lieux, qu'il n'est pas démontré le renoncement à une activité sportive et de loisirs, qu'elle n'est pas responsable des conséquences de la rupture du contrat de travail.
Sur ce
Le logement occupé par le salarié étant un logement lié aux astreintes qu'il réalisait au sein de RTE, la rupture du contrat de travail entraîne de fait sa restitution à l'employeur. Le salarié ne peut revendiquer un préjudice moral d'atteinte à la santé de la famille, d'établissement ou d'agrément du fait du déménagement qui n'est que la résultante de la mise à la retraite d'office jugée bien fondée précédemment.
Par ailleurs, le préjudice d'anxiété généralisé qui vise à réparer le sentiment d'inquiétude permanente générée par le risque de déclarer une pathologie liée à l'exposition d'une substance toxique n'est pas transposable en l'espèce. M. [A] qui argue d'une peur des représailles et un sentiment d'insécurité ne justifie en outre pas de cette situation.
La cour par confirmation du jugement déboutera le salarié de sa demande en réparation des préjudices moraux invoqués.
Sur les autres demandes
Le sens de la présente décision conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [A] succombant en appel supportera les dépens de l'ensemble de la procédure et sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A] sera condamné à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe de la cour,
Infirme le jugement rendu le 26 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Compiègne sauf en ce qu'il a :
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4817 euros
- débouté M. [C] [A] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral discriminatoire
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre du licenciement nul
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation de la bonne foi
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation des statuts et accords collectifs
- débouté M. [C] [A] de sa demande en réparation des préjudices moraux
Statuant à nouveau et y ajoutant
Déclare recevables les auditions de M. [B], [F] et [W]
Dit que la mise à la retraite d'office est fondée
Déboute M. [C] [A] de l'ensemble de ses demandes soumises à la cour
Condamne M. [C] [A] à payer à la société RTE la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette le surplus des demandes
Condamne M. [C] [A] aux dépens de l'ensemble de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.
N° 154
S.A. RTE RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE
C/
[A]
copie exécutoire
le 22 avril 2025
à
Me ZANNOU
Me GANDIN
CB/BT
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 22 AVRIL 2025
*************************************************************
N° RG 23/03284 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2TQ
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 26 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 22/00126)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. RTE RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Romain ZANNOU de l'AARPI ZANNOU JEANNESSON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Léa FERNANDEZ, de l'AARPI ZANNOU JEANNESSON ASSOCIES avocat au barreau de PARIS et ayant pour avocat postulant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIME
Monsieur [C] [A]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant, assisté, concluant et plaidant par Me Clara GANDIN de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Yéléna MANDENGUE, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 25 février 2025 l'affaire a été appelée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui a renvoyé l'affaire au 22 avril 2025 pour le prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 22 avril 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre, et Mme Blanche THARAUD, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [C] [A] né le 12 septembre 1980 a été embauché par la société EDF GDF, devenue RTE, ci-après dénommée l'employeur ou la société, par contrat à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2000, en qualité de technicien technique clientèle de [Localité 8].
Il a été titularisé le 24 octobre 2001. Au dernier état de la relation contractuelle, M. [A] occupait la fonction de coordonnateur groupement de postes.
Son contrat est régi par le statut des industries électriques et gazières.
Par courrier du 7 décembre 2020 RTE a convoqué M. [A] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office.
Le salarié était placé en arrêt maladie du 10 décembre 2020 au 7 janvier 2021.
Le 25 janvier 2021 l'employeur lui remettait en mains propre une nouvelle convocation en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office avec mise à pied conservatoire avec notification le 26 janvier 2021.
M. [A] était déféré devant la commission secondaire du personnel exécution maitrise [Localité 7] réunie en conseil de discipline, qui concluait le 30 mars 2021 à l'existence de faits fautifs.
Le salarié était placé en arrêt de travail du 25 mars au 7 avril 2021.
Par courrier du 15 avril 2021 il était convoqué pour un entretien préalable fixé au 26 avril 2021.
Par courrier du 10 mai 2021 la société RTE a placé M. [A] à la retraite d'office dans les termes suivants :
A la suite d'un premier entretien préalable que vous avez eu le 2 février 2021, avec Madame [X] [H], Directrice du Centre Maintenance de [Localité 6], vous avez été traduit par courrier en date du 11 février 2021 devant la Commission Secondaire Exécution-Maîtrise [Localité 7] siégeant en matière disciplinaire.
Après avoir pris connaissance de l'ensemble des éléments de votre dossier et des avis émis par les membres de cet organisme lors de la séance des 30 mars, 31 mars et 2 avril 2021, je vous ai convoqué par un courrier en date du 15 avril 2021 à un entretien préalable 2ème phase. J'ai donné mandat à Madame [X] [H], Directrice du Centre Maintenance de [Localité 6], pour vous recevoir lors de cet entretien, qui s'est tenu le 27 avril 2021.
A l'issue de cette procédure, j'ai décidé, en application des dispositions de l'article 6 du Statut National et de la Circulaire Pers. 846 du 16 juillet 1985, de vous appliquer la sanction de mise à la retraite d'office, à compter de la date d'envoi du présent courrier (cachet de la poste faisant foi) pour les faits fautifs suivants :
- Avoir agressé physiquement votre manager en le saisissant par le haut des deux bras pour le faire sortir de force de la salle de commande du Groupement de Postes de [U]
- Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
- Avoir agressé physiquement le coordonnateur d'antenne de Terrier en le saisissant par les avant-bras
- Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
- Avoir dégradé les conditions de travail et altéré la santé physique et mentale des salariés ayant subi l'ensemble de ces faits.
Par requête du 8 juin 2021 M. [A] a saisi la commission disciplinaire en application de l'article 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières pour un nouvel examen de son dossier disciplinaire.
Par courrier du 7 octobre 2021 l'employeur a maintenu la sanction.
Par requête du 4 novembre 2021 M. [A] a saisi la commission supérieure nationale du personnel qui a réceptionné sa demande mais ne l'a pas convoqué.
Estimant avoir été victime de harcèlement moral et invoquant le caractère infondé de sa mise à la retraite d'office, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne par requête du 6 mai 2022.
Le conseil de prud'hommes de Compiègne par jugement du 26 juin 2023 a :
- Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4817 euros
- Condamné la société RTE à verser au salarié le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017 : 650 euros
- Condamné la société RTE au paiement de la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
- Condamné la société RTE au paiement de la somme de 99,99 euros bruts à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
- Condamné la société au paiement de la somme de 985,39 euros à titre de remboursement pour paiement du loyer complet en juin 2021
- Condamné la société RTE à verser à Monsieur [A] la somme de 74663,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal
- Condamné la société RTE à payer à M. [A] [C] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M. [A] de ses autres demandes
- Débouté la société RTE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné l'exécution provisoire pour les sommes prévues par l'article R1454-28 du code du travail
- Condamné la société RTE aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 28 janvier 2025, RTE régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :
A titre liminaire :
- Juger que les auditions réalisées par le conseil de prud'hommes de Compiègne sont nulles et devront en conséquence être écartées des débats
Au fond :
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes relatives à la nullité de son licenciement et au harcèlement moral discriminatoire mais également en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, violation de l'obligation de bonne foi, violation des statuts et accords collectifs, perte de chance et préjudices moraux
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé la moyenne de salaire de M. [A] à la somme de 4 817 euros, jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société RTE à verser :
le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017 : 650 euros
le rappel de mise à pied conservatoire à hauteur de la somme de 4817 euros
le rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire à hauteur de la somme de 99,99 euros
le remboursement de la somme de 985,39 euros pour paiement du loyer complet en juin 2021
l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 74663,50 euros
l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4000 euros
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle
Et statuant à nouveau,
A titre principal :
- Dire et juger que M. [A] n'a été victime d'aucune discrimination en raison de sa participation à un mouvement de grève ou en lien avec son apparence physique, ni d'aucun harcèlement discriminatoire
- Dire et juger que la mise à la retraite d'office notifiée à M.[A] repose sur une cause réelle et sérieuse
- Dire et juger que les demandes indemnitaires et de rappel de salaire présentées par M. [A] sont infondées
En conséquence
- Débouter M. [A] de l'ensemble de ses prétentions, fins et demandes, y compris les demandes incidentes et les demandes nouvelles présentées en cause d'appel (notamment l'indemnité légale de licenciement) ;
Subsidiairement :
- Juger que le barème d'indemnisation de l'article L.1235-3 du Code du travail doit être appliqué
En tout état de cause :
- Condamner M. [A] à lui verser à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant le conseil de prud'hommes
- Condamner M. [A] à verser à la Société RTE la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés devant la Cour d'appel d'Amiens
- Condamner M. [A] aux dépens.
Par conclusions transmises le 4 décembre 2024, M. [A], demande à la cour de :
A titre liminaire, Rejeter la demande de la société RTE de nullité des auditions réalisées par le conseil de prud'hommes de Compiègne,
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société RTE à lui payer :
* la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
* la somme de 650 euros à titre de rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l'année 2017
* la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, en déboutant la société RTE de sa demande reconventionnelle à ce titre
* une somme au titre du complément de loyer, mais l'infirmer sur le quantum à titre principal comme à titre subsidiaire,
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
* Fixé à 99,99 euros le quantum de la condamnation de la société RTE à lui payer une somme à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
* Fixé à 74 663,50 euros le montant de la condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* L'a débouté de ses autres demandes, découlant notamment de la reconnaissance du harcèlement discriminatoire subi et de la nullité de son licenciement
Réformer le jugement et, statuant à nouveau :
- Juger qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral à caractère discriminatoire à raison de la participation à un mouvement de grève de la part de la société RTE
- Juger que la mise à la retraite d'office est consécutive à un harcèlement moral lié à sa participation à un mouvement de grève, et en lien avec son apparence physique, et qu'elle s'analyse dès lors en un licenciement nul, et à titre subsidiaire qu'elle constitue une sanction disproportionnée, infondée et abusive et donc sans cause réelle et sérieuse
- Juger irrecevable la demande de la société RTE relative au rejet de la demande de condamnation de la société RTE à lui verser une somme à titre d'indemnité légale de licenciement
Et, en conséquence :
- Condamner la société RTE à lui verser :
*(confirmation du jugement) le rappel de rémunération individuelle de performance au titre de l 'année 2017 : 650 euros bruts
* la somme de 58 000 euros nets au titre des dommages et intérêts réparant le préjudice moral lié au harcèlement moral discriminatoire subi
* la somme de 30 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
* la somme de 58 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi dans la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire
* la somme de 10 000 euros nets au titre des dommages et intérêts lié à la violation des statuts et accords collectifs
* (confirmation du jugement) la somme de 4817 euros bruts à titre de rappel de mise à pied conservatoire du 26 janvier au 25 février 2021
* la somme de 233,31 euros bruts à titre de rappel des indemnités et éléments de salaire retirés durant la procédure disciplinaire
- Condamner la société RTE à le réintégrer à compter du lendemain de son éviction, dans son précédent emploi de Coordonnateur - Groupement de Postes ou, à défaut, dans un emploi équivalent correspondant à ses qualifications, sa formation et son expérience, dans la zone géographique de [Localité 5], dans le respect de l'organisation du temps de travail dont il bénéficiait, au salaire mensuel de base de 2515,69 euros sur 32 heures, avec le maintien des avantages (notamment la réintégration du logement), majorations et primes qu'il percevait, augmentés chaque année des augmentations collectives et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par sa catégorie professionnelle
- Condamner la société RTE au paiement de l'indemnité d'éviction correspondante, à parfaire au jour de la décision à intervenir, à compter de la réintégration au 10 mai 2021 sur la base de son salaire de base de 2021 repassé sur 35 heures, augmenté chaque année des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés de la même catégorie, auquel s'ajoute le rappel de tous les éléments de rémunération impactés, avantages, indemnités, primes et salaires de toute nature, intéressement et participation, avec une provision fixée à 226 399 euros (calcul de la provision à + 36 mois à compter du lendemain de la mise à la retraite d'office)
Subsidiairement sur la rupture, condamner la société RTE à lui verser en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave :
o la somme de 29 035,81 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
o la somme de 14 451 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.445,10 euros à titre de congés payés sur préavis
o la somme de 173 412 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
o la somme de 10 578,81 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de continuer à cotiser pour la retraite
- Juger la décision à intervenir opposable à la CNIEG ;
- Condamner la société RTE :
* A titre principal, au rappel du complément de loyer dans le cadre de l'indemnité d'éviction et au paiement de la somme de 985,39 euros à titre de remboursement pour paiement du loyer complet en juin 2021
Subsidiairement, au paiement de la somme de 132 877,26 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de continuer à bénéficier du logement imposé
* A titre principal, au rappel de la participation annuelle de l'employeur sur l'assurance logement et la taxe d'habitation dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à 1772,76 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 10 104,73 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un tarif préférentiel sur l'assurance logement et la taxe d'habitation
* A titre principal, au rappel de l'avantage consommation énergie dans le cadre de l'indemnité d'éviction liée à la réintégration du salarié, fixé à titre provisionnel à hauteur de 15 081,78 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 85 966,22 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un avantage consommation énergie
* A titre principal, au rappel d'intéressement dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 4 605,57 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 26 251,75 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier de l'intéressement
* A titre principal, au rappel de rémunération individuelle de performance dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 3750 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 23 750 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de percevoir une rémunération individuelle de performance
* A titre principal, au rappel de la prise en charge financière des vacances par la CCAS dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 7 825,50 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 35 371,35 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier d'un tarif préférentiel pour les vacances
* A titre principal, au rappel de la prise en charge de la mutuelle dans le cadre de l'indemnité d'éviction, fixé à titre provisionnel à hauteur de 4 931,82 euros
Subsidiairement, au paiement de la somme de 28 112,40 euros à titre de dommages et intérêts réparant la perte de chance de bénéficier de la prise en charge de la mutuelle
En tout état de cause,
- Condamner la société à lui payer :
* 7 225,50 euros en réparation du préjudice moral d'établissement subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'agrément subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'atteinte à la santé de la famille subi
* 7225,50 euros en réparation du préjudice moral d'anxiété généralisé subi
- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil
(confirmation du jugement) Condamner la société RTE au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la première instance,
- Condamner la société RTE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de l'instance d'appel
- Rejeter l'intégralité des demandes de la société RTE, y compris ses demandes reconventionnelles.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la demande en nullité des auditions réalisées par le conseil de prud'hommes
La société sollicite l'annulation des auditions par le conseil de prud'hommes de trois anciens et actuels salariés de RTE suite à la demande qu'en avait faite M. [A] le 20 septembre 2022, invoquant le non-respect du contradictoire car sans attendre la communication d'écritures qui avait été fixé et sans recueillir ses observations, les premiers juges ont convoqué ces salariés malgré ses protestations. Elle précise que la décision d'audition a été notifiée aux parties au mois d'octobre 2022 suite à un courrier du conseil de M. [A] du 20 septembre 2022 mais qui est daté du 15 juin 2022 soit le jour de l'audience de conciliation et d'orientation, la demande n'étant pas débattue à ce stade alors qu'elle aurait pu l'être. Enfin la société fait valoir que les témoins avaient déjà soit rédigé des attestations soit été entendus dans le cadre d'autres procédures et que la décision avant dire droit ordonnant les auditions ne visaient que M. [B] et [W] mais pas M. [F].
M. [A] réplique que l'audition était régulière, que le courrier de demande d'audition avait aussi était communiqué à l'employeur qui pouvait y répondre le cas échéant, qu'il l'a fait la veille de l'audition sans succès, cette mesure étant insusceptible de recours, qu'il avait aussi demandé l'audition de M. [F].
Sur ce
En application de l'article 16 du code de procédure civile " le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. "
Ni le code du travail ni le code de procédure civile ne prévoient de délai entre la décision d'audition matérialisée par un écrit désignée sous la mention " décision avant dire droit d'audition de témoin " et l'audition proprement dite. Par ailleurs aucun texte n'impose de recueillir préalablement l'avis des parties sur l'audition envisagée. Enfin cette décision est sans recours.
En audience non publique du 15 juin 2022, le bureau de conciliation a décidé par décision avant dire droit, sur demande de M. [A] de procéder à l'audition de M. [B] et [W] en ordonnant leur comparution personnelle le 30 novembre 2022. Cette décision a été notifiée à M. [A] le 28 septembre 2022 et le conseil de la société a rédigé une lettre de protestation datée du 29 novembre 2022 exposant que cette décision lui a été notifiée tardivement en octobre 2022.
La cour observe que l'audition de M. [F], qui n'était pas prévue initialement à l'ordonnance ordonnant la comparution personnelle de M. [B] et [W] a eu lieu le 30 novembre en présence des conseils des parties puisqu'en fin de procès-verbal il est indiqué " les avocats n'ont pas de questions".
M. [B] et [W] ont aussi été entendus le 30 novembre 2022. La cour relève que si le procès-verbal de leurs auditions ne précise pas la présence des avocats des parties, l'employeur n'invoque pas ne pas avoir été présent lors des auditions alors qu'il avait été informé de ces mesures d'instruction quant à la date et à l'heure.
Il ne peut en conséquence être argué d'un quelconque grief, ayant pu faire toute observations qu'il estimait utile et poser les questions qui lui apparaissaient opportunes.
Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le conseil de prud'hommes dans sa formation de bureau de conciliation et d'orientation n'a pas violé le principe du contradictoire.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables les auditions en cause.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
M. [A] expose avoir subi des agissements de harcèlement moral d'origine discriminatoire de la part de son employeur sous forme de représailles suite à un mouvement de grève en 2017 suivi de l'arrivée d'une nouvelle hiérarchie en 2019, dont faisait partie M. [I] et [T], chargée de mettre au pas les effectifs du site de [Localité 5]. Il ajoute que selon les conclusions du rapport d'expertise du 5 juillet 2021, commandé par le CSE, il a été constaté une réduction de plus de la moitié du montant de la rémunération individuelle de performance en 2018, revenue à la normale en 2019 et 2020 mais en réduction en 2021 suite à une sanction disciplinaire, qu'à compter de 2019, il a eu des difficultés à obtenir l'indemnisation des doublements d'astreinte, des congés d'été, de la prise en charge des frais de déplacement et des heures supplémentaires ; précisant qu'un management autoritaire et rigide niant l'implication et l'autonomie des salariés a été mis en place avec suppression des points d'équipe, dénigrement de son travail et de sa personnalité avec propos déplacés à l'encontre du collectif de travail, qu'une alerte sur la souffrance au travail a été élevée par un élu du CSE aboutissant à une enquête qualité de vie au travail (QVT) des salariés, qui n'a pas empêché la poursuite du harcèlement moral, alors qu'aucune procédure n'était engagée envers M. [I] et [T]. Le salarié invoque des manquements aux règles de sécurité liées à la crise Covid, M. [I] ne portant pas de masque et ne prenant pas les mesures sanitaires exigées, qu'il subissait une surcharge de travail chronique travaillant seul sans soutien hiérarchique aussi dénoncée par ses collègues, que pourtant l'employeur avait refusé de lancer une enquête sur un danger grave et imminent qui a entrainé une saisine par le CSE de l'inspection du travail qui avait conclu à l'existence d'un risque grave pour la santé physique et mentale des salariés avec un risque de dérapage important, que face au refus de l'employeur de les faire participer au choix de l'enquêteur, les salariés avaient refusé de participer, que l'enquêteur était partial. Le salarié argue que consécutivement au courrier d'alerte de souffrance au travail il avait fait l'objet d'une procédure disciplinaire alors qu'en 21 ans il n'avait jamais reçu la moindre sanction, que les salariés extérieurs venus officiellement en soutien constituaient des outils de surveillance de la société. Enfin le salarié invoque sa mise à la retraite d'office comme ultime manifestation du harcèlement discriminatoire subi, que sur les 5 faits invoqués pour motiver la rupture, seuls trois sont datés, qu'il n'est pas sérieux de croire que l'employeur n'aurait pas repris lors du premier entretien des faits d'agressions physiques qui se seraient produit 3 semaines auparavant, qu'ils sont donc prescrits ; il nie toute agression physique de M. [I] qui se contredit dans son témoignage alors que la configuration des lieux rend sa version impossible, que l'agression envers M. [T] n'est pas plus établie et contredite par M. [B], que le changement de serrure du local de cuisine était motivé par la pandémie alors qu'il avait laissé une clé à disposition sur le pupitre, qu'il n'a pas cautionné les agissements de M. [E] et [R] qui dépendaient de l'antenne de Terrier, que l'employeur cherche à établir une confusion fallacieuse entre les deux sites.
La société RTE réplique que les agents du groupement des postes de [U] et Terrier avaient pris l'habitude de malmener la hiérarchie et de fonctionner en autarcie, que M. [I] nommé en juin 2019 et M. [T] en octobre 2019 ont aussi subi la défiance et le mépris des agents, M. [A] étant le leader pratiquant un contre management local confinant au harcèlement moral, mais qu'ils ont fait remonter ces comportements à la direction qui a initié une enquête interne confiée à un cabinet extérieur suite à l'agression physique de M. [I] et du comportement envers M . [T] par M. [A] le 16 octobre 2020 et le 11 septembre 2020, que les conclusions de cette enquête ont révélé la réalité du comportement fautif de M. [A] et le harcèlement moral collectif à l'encontre du management qui a provoqué l'engagement d'une procédure disciplinaire ayant abouti à la mise à la retraite d'office du salarié. Elle fait valoir que le décalage temporel entre les faits fautifs ayant justifié la mise à la retraite du salarié et la fin de la grève démontre le caractère fallacieux du prétendu harcèlement discriminatoire alors que l'attestation d'un représentant syndical n'est pas probante car rédigée pour les besoins de la cause, que la réduction de la rémunération individuelle de performance en 2018 est uniquement liée à son comportement et à son savoir être du salarié, que l'entretien sur l'octroi de rémunération a eu lieu en décembre 2018 et non en avril alors qu'il a perçu une augmentation de cette part en 2019 et 2020, ce qui démontre l'absence de représailles suite à la grève, que M. [I] et [T] n'ont fait que prendre des mesures managériales normales qui n'ont pas été acceptées par le collectif de [U], que les salariés ne faisaient pas retour de leur travail réellement réalisé au quotidien et n'effectuaient pas régulièrement le pointage demandé, que les reproches relatifs aux congés d'été, aux indemnités de repas, aux déplacements et au heures supplémentaires sont injustifiés. Elle ajoute que les changements organisationnels respectaient les procédures internes à l'entreprise sans qu'elles puissent être qualifiées de management autoritaire et rigide, mais n'ont pas été supportés par M. [A] qui a continué à gérer seul son planning sans en informer sa hiérarchie, que M. [I] n'a ni dénigré ni tenu des propos déplacés à l'encontre du salarié alors que celui-ci avait des problèmes de comportement, que si M. [I] a pu oublier à l'occasion de mettre son masque pendant la pandémie un rappel général a été fait et il n'y a plus eu d'incident alors que l'entreprise mettait en place un plan avec planning de repli pour limiter les échanges parfaitement respecté par M. [I]. L'employeur conteste toute surcharge de travail alors que le salarié ne transmettait pas de comptes rendus demandés permettant d'apprécier la charge et de l'adapter, que suite à l'agression de M. [I], l'enquête interne a été menée de façon impartiale et objective par un cabinet extérieur mettant en attente l'enquête sur la qualité de vie au travail initiée auparavant, que ce n'est qu'ensuite que des salariés ont invoqué un danger grave et imminent imaginaire pour tenter d'échapper à leur responsabilité.
Sur ce
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par l'employeur ou un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié soumet au juge des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte enfin des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
La cour relève que si le salarié invoque au détour de ses conclusions une discrimination au regard de son apparence physique il n'invoque aucun fait de harcèlement à caractère discriminatoire.
M. [A] invoque plusieurs faits à l'appui de sa demande :
1- une mesure de rétorsion salariale collective à l'issue de la participation à la grève
2- des décisions arbitraires du management notamment relatives au salaire et aux congés
3- un management rigide et autoritaire niant toute implication et autonomie des salariés
4- le dénigrement et des propos déplacés à l'encontre de l'ensemble du collectif de travail
5- le non-respect des règles de sécurité liées au covid19
6- une surcharge chronique du travail
7- une enquête à charge commandée par la direction concomitamment à sa dénonciation de harcèlement moral
8- une procédure disciplinaire abusive et partiale dans un contexte de dénonciation collective de souffrance au travail
9- La sanction de mise à la retraite d'office.
Sur le premier fait
Une grève suivie a été engagée en novembre 2017 par les salariés suite à l'instauration de nouvelles règles concernant les logements d'astreinte occupés par les agents. Les salariés du site de [Localité 5], où travaillait M. [A] ont participé à ce mouvement qui a pris fin en février 2018 par la signature d'un protocole d'accord de fin de conflit. Des enquêtes menées tant par l'Apteis (à la requête du CSE) que par la société JLO (lancée par l'employeur) ont relevé que cette grève a fortement marqué les esprits tant pour les agents que pour la direction.
Le salarié produit aux débats une fiche reprenant le montant de la rémunération individuelle de performance qui lui a été attribué sur les années comprises entre 2010 et 2020 qui fait apparaitre que son montant a régulièrement augmenté de 2010 à 2017 mais a diminué de plus de moitié en 2018, passant de 1200 en 2017 à 500 en 2018.
Ce fait est établi.
Sur le deuxième fait
Par décision à effet du 1er janvier 2017 la direction de RTE a décidé que les roulements d'astreintes organisés à 4 seraient assurés à 3 avec un doublement de l'indemnité d'astreinte à compter du 4eme mois et ne concerneraient que les astreintes supplémentaires réalisées par rapport au cycle de roulement organisé à 4 salariés.
Par courriel du 23 juin 2020 M. [I], manager du site de [Localité 5] a conditionné la validation des demandes de doublement du paiement d'astreintes sollicitées par le salarié au respect de la règlementation sur la durée du travail.
Par courriel du 22 octobre 2020 M. [A] a porté réclamation auprès de M. [I] sur le paiement de repas qui ont été refusés en demandant la raison pour laquelle la pratique antérieure n'était plus appliquée et qu'il lui soit communiqué le texte sur lequel il se fonde pour s'opposer au paiement.
Les pièces relatives aux refus de notes de frais et d'heures supplémentaires concernent des collègues du salarié, sauf une de M. [A] pour le 8 janvier 2021 pour une demi-heure.
Le 22 janvier 2021 M. [I] a refusé une heure de récupération suite à un déplacement.
Le 23 juin 2020 M. [I] a refusé les congés d'été sollicités par plusieurs agents dont M. [A].
Ce fait est établi.
Sur le troisième fait
Le 3 décembre 2020 M. [A] a envoyé un courriel à des collègues pour les alerter sur les conditions de travail sur le site de [Localité 5], se plaignant des difficultés des échanges avec le manager d'équipe qui pérennise le conflit entre lui et l'équipe, et assimile ses fonctions à un pouvoir, s'octroyant le droit de priver les agents de certains de leurs droits en interprétant les textes à sa façon sans vérifier au préalable, ce qui impacte leur rémunération, que le management vise à cibler et à provoquer les échecs et pas à motiver les équipes, que les méthodes de travail entrainent une pression constante.
Cette plainte est corroborée par plusieurs courriels de la même teneur rédigés par des collègues.
M. [W] salarié du site de [Localité 5] atteste de la communication avec M. [I] qui avait une attitude autoritaire et ne laissait pas place à la discussion pour trouver des consensus et travailler sereinement.
Cependant le rapport de l'enquête réalisée par le cabinet Aptéis indique que :
- à l'arrivée de M. [I] les RTE étaient en pleine évolution, peu après son arrivée des tensions vont se cristalliser sur le sujet des indemnités de repas lors des astreintes et d'autres sujets de discorde vont apparaître
- ces tensions renvoient à des questions d'accompagnement dans la mise en place de règles nouvelles et de pratiques managériales qui vont susciter chez les agents un sentiment de manque de reconnaissance de leur autonomie et de leur implication dans le travail. La question du pointage des activités par les agents sur le logiciel Aïda ensuite validé par le manager avant la fin du mois pour être adressé au service ressources humaines pour être intégré comme élément de paie semble réalisé de façon différenciée selon les GDP. De ce fait les règles qualifiées de nouvelles par les agents ne le sont pas nécessairement et il existe un écart entre la règle et les pratiques installées depuis longtemps ce qui a suscité une grande incompréhension
- la demande de M. [I] sur le reporting d'activité, pour rendre plus lisible l'activité a été perçue collectivement de façon négativement car assimilées à une forme de surveillance traduisant un manque de confiance à leur égard et de non reconnaissance de leur professionnalisme
- interrogée sur la raison pour laquelle des pratiques éloignées des règles en vigueur se sont maintenues, la direction a indiqué qu'il n'existait pas de remontées quant aux écarts de procédure, il existait une auto-censure de la tête d'équipe jusqu'à l'arrivée de M. [I] qui a appliqué les règles.
Il découle de l'ensemble de ces éléments que le management autoritaire n'est pas matériellement établi.
Sur le quatrième fait
L'entretien d'appréciation établi le 10 janvier 2020 par M. [I] pour M. [A] indique sur le thème " les axes de progrès ", qu'en cas de situations conflictuelles il doit être en mesure de désamorcer une situation tendue, il doit aussi être en mesure de prendre de la hauteur ; qu'il doit travailler sur son positionnement afin d'assurer le lien entre le management et le reste de l'équipe.
Si le salarié considère que cette mention dénote un dénigrement sur la synthèse, il s'agit d'une interprétation subjective qui n'est pas avérée dès lors que, son responsable précise qu'il est une personne compétente dans de nombreux domaines avec de grandes capacités, qu'il lui faut progresser en travaillant son rapport aux autres lors de situations de désaccords ou de conflits, qu'il attend de lui qu'il soit apte à s'expliquer, donner du sens aux choix définis, rassembler, faire progresser et créer une cohésion de groupe, qu'il a tout son soutien.
Ces propos ne dénotent pas un quelconque dénigrement mais donnent un avis sur un axe d'amélioration tout en reconnaissant ses capacités professionnelles.
Là encore si des collègues de travail font état de propos de M. [I], qui leur étaient adressés, aucun élément ne vient établir qu'ils auraient été destinés à M. [A].
Lors de son audition lors de l'enquête JLO, M. [I] a indiqué que M. [A] avait du mal à gérer ses impulsions, qu'en cas de désaccord, il s'emportait vite, avait du mal à accepter l'avis des autres personnes, voulait rapidement en découdre, que la violence est l'un de ses traits de caractère lorsqu'il est en désaccord avec quelqu'un.
M. [K] qui a occupé le poste d'adjoint du site de [Localité 5] entre avril 2016 et avril 2020 a indiqué que " M. [A] refuse les choix, surtout quand cela ne va pas dans son sens, cela vite bloquant. Quand il n'est pas d'accord cela devient vite compliqué, il n'accepte pas les critiques mais de son côté il fait beaucoup de critiques et n'hésite pas à mettre en lumière les failles des autres. Il est très impulsif et cela peut vite déraper. J'ai le souvenir d'une discussion avec lui où il m'avait menacé de m'envoyer son casque à travers la figure devant l'insistance de mes questions. Il représente un véritable contre-pouvoir et un second management au sein de l'équipe'.
Ainsi au vu de ce témoignage du précédent manager de M. [A], il apparaît que M. [I] ne le dénigre pas en faisant état de son caractère emporté.
Ce fait n'est pas établi.
Sur le cinquième fait
Le 19 mars 2020 M. [A] adressait un courriel à Mme [P] avec en copie celui qu'il avait envoyé à M. [I] par lequel il faisait état des mesures de distanciation mises en place pour ne pas créer de nouveaux contacts humains et éviter la propagation du virus, qu'il ne comprend pas la réorganisation du travail sur le site de [Localité 5] en instaurant des binômes ou trinômes plaçant 2 ou 3 agents en situation de risque sans raisons d'urgence évidente, qu'il assurera les astreintes sans contact physique avec ses collègues, que les cadres sont en télétravail et qu'il effectuera aussi ses tâches en télétravail, répondra à tous les appels et se déplacera à chaque fois qu'une alarme se déclenchera.
Si des collègues de M. [A] se sont plaint auprès des ressources humaines de l'absence de port de masque par M. [I] notamment dans la salle de détente, M. [A] ne s'en est pas plaint ce dont il se déduit qu'il ne prouve pas avoir été concerné par ce fait.
Concernant le second confinement, le 3 novembre 2020, M. [I] a informé les salariés du site qu'il a été décidé de créer des sous collectifs dont l'objectif est d'éviter la contamination complète de l'équipe, qu'ils devront ne pas de se croiser, être isolés les uns des autres. Le 5 novembre 2020 il mettait pourtant en place des binômes et des trinômes de salariés, invitait les salariés à revenir vers lui pour plus d'explication voire une évolution de l'organisation proposée ; M. [A] a adressé le 13 novembre 2020 une proposition alternative qui a été écartée par un nouveau courriel de M. [I].
Si M. [A] était d'un avis différent de celui de M. [I] sur l'organisation du travail, il n'explique pas les insuffisances de ce plan de travail par des éléments précis et concrets, des circulaires ou autres qui pourrait justifier le non-respect des règles de sécurité.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur le sixième fait
Le rapport de l'Apteis précise qu'à compter des années 2015-2016 lors du renouvellement en partie de l'équipe, est survenu une hausse de l'activité en raison de l'augmentation des chantiers contraignant l'équipe de [U] à sécuriser l'accès à ces chantiers avec consignes, suivi et plan de sécurité et interventions de nombreuses entreprises extérieures, si bien que des activités de maintenance c'ur de métier ont été déprogrammées ou reprogrammées provoquant un retard.
Le 21 octobre 2020 M. [A] a adressé un courriel à M. [I] pour indiquer qu'il " en avait marre " d'être seul à longueur de journée et de gérer tout et n'importe quoi, de passer du coq à l'âne et de ne pas finir tout ce qu'il avait entrepris, ce que l'employeur ne conteste pas utilement, Il ajoute " merci de prendre en considération cette alerte ".
Par un autre courrier du 3 décembre 2020 il indiquait que le chargé d'exploitation se retrouve à être seul à porter une charge de travail qui n'est pas adaptée pour un seul agent.
Le 13 février 2020 M. [A] demandait de dégager du temps à des dates fixées pour réaliser certaines tâches, M. [I], sans contester la surcharge qui s'en déduit avait répondu le jour même que certaines dates tombaient alors qu'il était d'exploitation, que s'il y a impossibilité de les réaliser il pouvait revenir vers lui pour les reprogrammer.
Suite au courriel de plainte du salarié du 21 octobre 2020 sur sa charge de travail, M. [I] avait adressé le jour même un courriel lui demandant de faire retour de ses sollicitations de façon à pouvoir organiser et prioriser les activités.
Le salarié n'avait pas fait retour de ses demandes ou demander à rencontrer le manager pour en discuter étant précisé que de l'ensemble de la procédure il ressort un défaut de communication général des agents envers le management.
Le dernier courriel du 3 décembre 2020 s'inscrit dans les suites de la réponse négative de M. [A] à la demande d'audition par le cabinet JLO
Ainsi la surcharge de travail n'est pas matériellement établie.
Sur le septième fait
L'employeur a diligenté une enquête interne qu'il a confié au cabinet JLO à la suite de la dénonciation pour harcèlement moral de M. [I], ce qui constituait une obligation légale pour lui, alors qu'une autre enquête venait de débuter à la demande du CSE le 8 février 2021, l'employeur ayant initialement refusé de lancer une enquête suite à l'alerte des salariés pour danger grave et imminent.
Il est constant que deux enquêtes ont eu lieu sur des sujets différents donnant chacune un rapport. Le cabinet Aptéis sur les risques psycho-sociaux et le cabinet JLO sur la dénonciation de faits de harcèlement moral sur deux membres de l'encadrement.
Le cabinet JLO fait partie des cabinets habilités par l'inspection du travail pour effectuer des enquêtes. Il ne peut être qualifié d'emblée de partial.
La méthodologie de l'enquête repose sur des témoignages et des écrits. Les auditions se sont déroulées en vision du fait du confinement. Le cabinet a détaillé dans son rapport les modalités de réalisation de sa mission, notamment en invitant à des entretiens les agents du site de [Localité 5] et un ancien manager. Les agents ont décliné cette proposition d'audition restreignant de fait les investigations.
Le rapport reprend les signalements réalisés par M. [I] et [T] et liste les éléments recueillis lors des témoignages et confirmations par courriels sur les circonstances et la réalité des faits invoqués par l'encadrement. Il replace ces événements dans le contexte évoqué par ailleurs par le cabinet Aptéis sur l'évolution et les changements mis en place au sein de RTE.
M. [A] ne peut se contenter d'allégations sur une partialité alors que le cabinet JLO alors que les agents du site ont refusé d'emblée de participer à cette enquête à laquelle leur participation aurait à l'évidence été utile.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
Sur le huitième fait
M. [A] verse aux débats le courriel adressé le 4 février 2020 par M. [G] représentant du personnel à Mme [P] suite à l'enquête qui indique avoir relevé des signes avant-coureurs de situations de risques psycho-sociaux, des rumeurs sur une ambiance " remontée ", une défaillance organisationnelle depuis l'arrivée d'un nouveau manageur avec une communication inexistante, les agents ne lui faisant pas confiance alors que Mme [P] lui répond que ces affirmations ne reflètent pas la réalité de leurs échanges, qu'elle a prévu l'intervention d'une référente régionale pour traiter les difficultés.
Il est constant qu'une enquête a été effectuée par le cabinet JLO et que sur ses conclusions l'employeur a initié une procédure à l'encontre de M. [A]. Si le cabinet Apteis désigné en premier lieu par l'employeur mais à l'initiative des agents, proposait la mise en 'uvre d'actions dans le but de permettre la préservation du collectif de travail, l'employeur a fait le choix de se diriger vers une procédure disciplinaire à l'encontre de M. [A] suite aux conclusions du rapport JLO.
Il est matériellement établi qu'une procédure disciplinaire a été engagée dans un contexte de dénonciation de harcèlement moral au travail.
Sur le neuvième fait
Il est établi que M. [A] a été mis à la retraite d'office selon la procédure applicable au régime des agents de RTE.
Ce fait est établi.
Ainsi les faits 1, 2, 8 et 9 matériellement établis, et pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur le premier fait
Le vademecum de la société indique que la rémunération individuelle de performance est fixée en tenant compte sur l'année écoulée de la contribution individuelle aux résultats de l'entreprise, des résultats d'équipe, de la manière d'atteindre ces résultats mais aussi de la coopération et de la transversalité, de la prise d'initiative dans l'invitation, des activités nouvelles, complexes à fort enjeu, de la prise de responsabilité et l'autonomie.
La grève a perduré de novembre 2017 au 23 février 2018.
L'entretien annuel de 2018 réalisé le 3 décembre 2018 et non en avril comme le prétend le salarié, est produit aux débats, il a été rédigé par M. [Z] ancien manager, précédent M. [I]. Sur l'évaluation des actions de professionnalisation, l'appréciation indique insatisfaisant, l'objet étant atteint partiellement. Sur les observations le responsable indique " content des résultats sur 2018. J'attends de toi en 2019 que tu saches prendre du recul sur les situations dites " compliquées " pour prendre la pleine mesure de la situation avant de prendre une décision qui pourrait ensuite te desservir. "
Pour l'année 2015 le manager avait considéré dans l'entretien d'appréciation que M. [A] avait réalisé une très bonne année pour preuve sa mutation en tant que coordonnateur, qu'il s'investissait énormément et ne comptait pas son temps, étant force de proposition et comprenant bien les enjeux.
Pour l'année 2016 le manager indiquait que M. [A] était l'élément moteur du site de [Localité 5], s'investissait beaucoup dans ses missions, était plein d'enthousiasme et force de proposition engrangeant de l'expérience pour poursuivre sa carrière, était un exemple pour les jeunes collaborateurs et savait insuffler son professionnalisme.
Pour l'année 2018 le manager indiquait qu'il n'avait que du bien à dire étant un leader naturel.
Le montant de la prime était alors élevé du fait des appréciations sur le salarié. Or en 2018, l'appréciation a été moins favorable, les critiques du manager, qui n'était pas M. [I], fondant une diminution du montant de la prime ; l'existence de cet avis moins favorable ne permet pas de relier la diminution du montant de la prime à la participation à la grève.
Il est produit en outre les justificatifs d'attribution de la rémunération individuelle de performance pour les années 2019 et 2020 qui ont été fixées respectivement à 1000 euros et 1250 euros, soit à un niveau équivalent à celui des années précédentes, ce qui contredit, également, la volonté de le sanctionner indirectement pour avoir participé à la grève. La diminution de 2018 n'ayant pas perduré.
L'employeur justifie sa décision sur le montant de l'attribution de la rémunération individuelle de performance pour 2018.
Sur le second fait
M. [A] n'adressait pas régulièrement ses pointages techniques à M. [I] alors que celui-ci avait conditionné le paiement à la régularisation des pointages. Ainsi suite à une réunion du 20 février 2020 M. [I] a envoyé un compte rendu précisant qu'eu égard au peu de sérieux dans la saisie des absences, astreintes ou autres événements, ni lui ni son adjoint ne réaliseront les pointages à partir du 1er mars 2020, chacun devant dorénavant réaliser son pointage en fonction de ses activités journalières ; la tête d'équipe validera les saisies après vérification.
L'employeur produit des courriels en avril, octobre et novembre 2020 par lesquels M. [I] relance M. [A] pour qu'il saisisse son pointage technique, ce qui établit que le salarié n'était pas régulier dans la transmission.
En application de la circulaire Pers 793 les indemnités de repas sont dues dès lors que le salarié est en déplacement pour raison de service pendant les heures normales de repas, comprises entre 11 et 13 heures pour le déjeuner et entre 18 et 21 heures pour le diner. Le salarié ne pouvait donc invoquer comme il l'affirme d'un usage d'entreprise si les conditions d'horaires n'étaient pas remplies si bien que faute de remplir les conditions d'horaires l'indemnité n'est pas due.
Le 11 septembre 2020 M. [O], adjoint du manager, a demandé à l'assistante ressources humaines de régulariser les paiements de doublement d'astreintes pour M. [A] pour juillet et octobre 2019 et avril et juillet 2020. A la fin de la transmission des éléments demandés, le paiement des astreintes a été régularisé.
Le 18 janvier 2021 M. [I] a refusé le remboursement de frais de déplacement en expliquant ce refus grâce à un tableau sur le calcul des temps de trajet et les créneaux horaires ouvrant droit à remboursement.
Le 25 janvier 2021 la demande de prise en charge de la demi-heure supplémentaire a été validée par le manager.
Enfin concernant les congés, M. [I] expliquait qu'il ne pouvait valider en l'état la demande de congés car il était nécessaire de prévoir les astreintes, qu'avec les impératifs sur la durée du travail (48 heures hebdomadaires maximum et repos hebdomadaire obligatoire de 35 heures) la demande de M. [A] ne prévoyait pas de repos hebdomadaire en semaine 33, qu'il était nécessaire de la modifier. La cour observe que le salarié ne prouve pas qu'au final il n'a pu prendre de congés en été 2020.
L'employeur justifie par des raisons objectives ses décisions relatives au salaire et aux congés
Sur le huitième fait
Une première enquête qualité de vie au travail a été engagée par l'employeur le 21 février 2020 à la demande du CSE qui du fait de la pandémie a été reportée à septembre 2020. La première réunion a eu lieu le 3 septembre 2020 au cours de laquelle le cabinet Apteis a présenté le cadre de son intervention et les salariés dont M. [A] ont adressé un courrier aux enquêteurs en posant les conditions dans lesquelles ils souhaitaient être entendus (communication de la trame à laquelle il faudra répondre avant l'entretien individuel, durée d'entretien d'une heure considérée comme trop longue).
Le 16 octobre 2020 M. [I] a émis un signalement pour harcèlement moral invoquant avoir été victime d'une agression de M. [A] le même jour. M. [T] son adjoint a formé un signalement similaire le 10 novembre 2020 faisant état de harcèlement moral de la part du collectif des agents du site de [Localité 5].
Après avoir eu connaissance d'une situation potentielle de harcèlement au travail il revient à l'employeur de prendre les mesures pour faire cesser cette situation notamment en faisant diligenter une enquête. Le but est d'établir la matérialité et la preuve des faits ainsi que leur qualification. Il s'agit de vérifier la véracité des agissements dénoncés, l'employeur qui a connaissance de l'existence éventuelle de faits de harcèlement moral doit effectuer les enquêtes et investigations lui permettant d'avoir la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés et de prendre les mesures appropriées. Son abstention, sous peine de manquer à son obligation de prévention, serait fautive.
Compte tenu de ces éléments portés à sa connaissance, il ne saurait dès lors être reproché à RTE d'avoir engagé une enquête interne confiée au cabinet JLO sur les faits de harcèlement moral dénoncé par M. [I] et [T] quand bien même une autre enquête avait été confiée au cabinet Aptéis mais dans un cadre plus large sur l'existence de risques psychosociaux. Par ailleurs le choix du cabinet relève du choix de l'employeur et il peut en décider sans nécessairement obtenir l'assentiment du CSE sur ce choix. De surcroit au vu de l'ampleur du sujet traité par Aptéis, sa réponse aurait été trop longue et risquait d'être trop imprécise sur ce point pour satisfaire l'obligation de prévention de l'employeur dans le cadre d'une dénonciation d'un harcèlement moral.
Les auditions réalisées par le cabinet JLO les 2 et 3 décembre 2020 de M. [I], [T] et [O], dans des conditions d'impartialité non contestables, ont fait état de faits fautifs de la part notamment de M. [A] à l'encontre de M. [I] et [T] étant précisé que le salarié a refusé d'être entendu comme les autres agents.
Ainsi la société justifie que sa décision d'engager une procédure disciplinaire le 7 décembre 2020 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral autres que la dénonciation de harcèlement moral du manager et de son adjoint confirmée en audition par ces derniers et corroborées par M. [O].
Au final il ne reste qu'un seul élément ponctuel alors que pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit constater l'existence d'agissements répétés.
Dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral discriminatoire, de l'indemnisation du préjudice subséquent et par voie de conséquence de celles en licenciement nul et en réintégration.
Sur le rappel de salaire
M. [A] sollicite le paiement d'un rappel de salaire au titre de la rémunération individuelle de performance en 2017 exposant qu'il avait rempli ses objectifs.
La société s'y oppose répliquant que le montant a été fixé au regard des problèmes de comportement du salarié qui avait été relevé dans l'évaluation faite par sa hiérarchie.
Sur ce
La cour a précédemment jugé que l'employeur justifiait sa décision sur le montant de l'attribution de la rémunération individuelle de performance pour 2017 dans l'évaluation rédigée en 2018. Le supérieur hiérarchique du salarié ayant pointé les difficultés du salarié à prendre du recul sur les situations dites " compliquées " pour prendre la pleine mesure de la situation avant de prendre une décision qui pourrait ensuite le desservir. Le montant de la rémunération individuelle de performance pour 2017 a été fixé en tenant compte de l'évaluation par le supérieur hiérarchique et était donc justifiée.
Cette demande sera rejetée, par infirmation du jugement.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la mise à la retraite d'office
La société conteste la prescription de certains faits fautifs faisant valoir qu'en application de la PERS 846 le pouvoir disciplinaire appartient pour les agents de maîtrise aux chefs d'unité, que ce n'est que le 24 janvier 2021 qu'elle a eu connaissance complète des faits reprochés grâce au dépôt du rapport du cabinet JLO communiqué à M. [S] directeur d'établissement maintenance et autorité compétente en matière disciplinaire, détenteur d'une délégation de pouvoir à cet effet, alors que M. [I] n'est pas chef d'unité et ne disposait pas du pouvoir disciplinaire
Sur le fond, la société soutient que les faits invoqués à l'appui de la décision de mise à la retraite d'office sont caractérisés grâce notamment au rapport d'enquête du cabinet JLO, que M. [I] a été victime d'une agression physique commise par M. [A] à laquelle a assisté M. [O] qui en a témoigné, que M. [A] a pris la liberté d'organiser des réunions d'équipe en écartant la présence de sa hiérarchie, qu'il s'est livré à des comportements irrespectueux, ostracisants et humiliants à l'encontre de M. [I] et [T] notamment en changeant la serrure du local cuisine sans fournir une clé à son supérieur hiérarchique et sans l'informer de l'endroit où il pouvait en trouver une, en ne réagissant pas aux surnoms méprisants donnés par des collègues à M. [I] et [T], en refusant de les saluer et de leur parler sauf pour les critiquer et en les excluant des réunions et mails les concernant. La société ajoute que les comportements du salarié ont porté atteinte à la santé physique et mentale de M. [I] et [T] dont il est indigne de contester la réalité étant précisé que les précédents managers avaient aussi été impactés par le comportement du salarié, étant placés en arrêt maladie, qu'il est faux de prétendre que la délégation d'appui avait pour but de surveiller les agents alors qu'elle avait pour mission de soutenir le management.
Le salarié soulève la prescription des griefs de mise à l'écart de M. [I] et d'agression de M. [T] datant de septembre 2020, que l'employeur ne peut prétendre n'avoir eu connaissance de ces faits qu'avec le rapport JLO alors qu'il produit un mail du 10 novembre 2020 de M. [I] et [T] relatif à une prétendue agression, que l'autorité compétente était M. [I] détenteur du pouvoir disciplinaire, que la délégation de pouvoirs à M. [S] ne permet pas de démontrer qu'il était l'unique chef d'unité au sens de la circulaire PERS 846.
Sur le fond, le salarié réplique que des témoins attestent que M. [I] a simulé une agression physique et se contredit dans ses déclarations alors que l'employeur a mis près de deux mois à réagir, que c'est en raison de l'hostilité de M. [I] à son égard que les réunions ont été organisées avec M. [O] seulement comme représentant de la hiérarchie, ce que la société avait validé ; il conteste toute agression à l'égard de M. [T] et verse le témoignage d'un témoin direct, que le changement de canon de serrure du local cuisine avait été décidé collectivement en raison de la pandémie, qu'un double était accroché à la salle de commande en libre accès, qu'il ne lui a jamais été reproché de ne pas saluer la hiérarchie et qu'en avril 2020 il avait reçu une prime de rémunération de performance individuelle pour sa contribution ajoutant que M. [I] avait dit à l'enquêteur qu'il n'était pas impressionné par lui et vivait très bien la situation.
Sur ce
Sur la représentation de l'employeur dans le cadre du pouvoir disciplinaire et le signataire
Le salarié relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières, la PERS 846 applicable prévoit en son paragraphe 121 " l'autorité compétente pour apprécier le caractère fautif d'un agissement. Cette appréciation appartient à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire c'est-à-dire:
- pour les cadres, aux Directeurs ou aux Directeurs Adjoints des Directions Centrales,
- pour les agents d'exécution et de maîtrise, aux Chefs d'Unité ; pour les Services Centraux, aux Chefs de Service ou de Département ou à tout supérieur d'un rang plus élevé.
Dans le cas particulier où la sanction envisagée est un avertissement ou un blâme infligé sans consultation préalable de la commission de discipline, sauf si la faute a entraîné une condamnation pénale, l'autorité habilitée à apprécier le caractère fautif de l'agissement est, quel que soit le classement de l'agent, celle compétente pour les agents d'exécution et de maîtrise. "
Il est produit aux débats la délégation de pouvoirs consentie le 2 janvier 2020 par le président du directoire de la société RTE à M. [S] directeur de la direction maintenance et chef d'établissement maintenance pour lui donner compétence, notamment, sur la rupture du contrat à durée indéterminée étant précisé que ce pouvoir n'était pas subdélégable.
En conséquence seul M. [S] avait compétence pour engager la procédure disciplinaire en ce compris la mise à la retraite d'office.
Sur la prescription
L'article L 1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Les poursuites disciplinaires se trouvent engagées à la date à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Si les poursuites disciplinaires sont engagées plus de deux mois après la connaissance des faits par l'employeur, la prescription est acquise et le licenciement se trouve dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai de prescription mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés. Cette connaissance par l'employeur s'entend d'une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits. L'employeur, au sens de l'article L.1332-4 du code du travail, s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié même non titulaire de ce pouvoir.
Une sanction disciplinaire ne devant pas être décidée dans la précipitation, il est admis que des vérifications puissent être préalablement opérées par l'employeur avant l'engagement de poursuites disciplinaires. C'est alors la date de la connaissance du résultat de ces investigations qui marque le point de départ du délai de prescription.
La procédure disciplinaire ayant été engagée par une première convocation à un entretien préalable le 7 décembre 2020 pour des faits dénoncés les 16 octobre et 10 novembre 2020, la prescription des faits fautifs n'est pas acquise.
Ensuite l'employeur à réception du rapport du cabinet JLO le 25 janvier 2021 a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qui pouvaient être reproché au salarié , ce qui a entrainé l'envoi d'une seconde convocation à un entretien préalable.
Les griefs ne sont pas prescrits.
Sur le fond
L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Elle résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle s'apprécie in concreto, en fonction de l'ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l'attitude qu'il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration.
La mise à la retraite d'office qui équivaut à un licenciement pour faute grave a été notifié sur les griefs suivants :
- Avoir agressé physiquement votre manager en le saisissant par le haut des deux bras pour le faire sortir de force de la salle de commande du Groupement de Postes de [U]
- Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
- Avoir agressé physiquement le coordonnateur d'antenne de Terrier en le saisissant par les avant-bras
- Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
- Avoir dégradé les conditions de travail et altéré la santé physique et mentale des salariés ayant subi l'ensemble de ces faits.
Il convient de reprendre les différents griefs.
Avoir volontairement mis à l'écart votre manager à l'occasion de plusieurs réunions d'équipe
La Cour de cassation, rappelle, sur la base de la liberté de la preuve en matière prud'homale, que le rapport d'enquête interne ou externe est un mode de preuve valide, même si seules les victimes présumées ont été entendues lors d'une audition commune et même si le CSE n'a pas été saisi. La cour observe de plus que les agents dont M. [A] ont refusé d'être entendus par le cabinet JLO.
Sur la base du rapport du cabinet JLO dont les conclusions sont versées à la procédure il est précisé que le 10 septembre 2020 la réunion s'est déroulée sans la présence de M. [I], qu'il est arrivé avec son adjoint et que M. [A] qui animait la réunion lui aurait dit " si t'es là, çà ne va pas le faire, on fait la réunion dans la cuisine ", tout le monde s'est levé et aurait quitté la salle de réunion. M. [I] répondant qu'il n'y aurait pas de réunion dans la cuisine et que cela ne se ferait pas sans lui, l'équipe serait sortie pour aller à l'extérieur du bâtiment.
Le 1er octobre 2020 M. [I] n'est pas invité à la réunion, à son arrivée il annonce à M. [A] que la tenue de la réunion hebdomadaire aurait lieu à 8 heures en salle de réunion, la réponse du salarié aurait été " on ne la fera pas si tu es là, quitte à partir ailleurs ".
Le 22 octobre 2020 un courriel confirmant l'absence de réunion hebdomadaire à l'initiative de M. [I] M. [A] ayant semble- t il indiqué à M. [O] ne pas souhaiter la présence de M. [I] en réunion. Le même jour à 8h25 le collectif de [U] va en salle de réunion et la réalise sans la tête de l'équipe.
Ces éléments rédigés au conditionnel ont été confirmés par la concordance des témoignages et des mails. D'ailleurs M. [W], dont le témoignage est versé par le salarié confirme que les agents organisaient des réunions en parallèle et leur refus de la présence de M. [I], seule celle de M. [O] étant tolérée.
M. [O] coordonnateur du site de [Localité 5] relate dans son témoignage que [C] [A] est reconnu comme le leader naturel du site de [Localité 5], qu'il a ainsi décidé que M. [I] n'avait pas sa place en réunion d'équipe et qu'il demandait à l'équipe de se lever et de le rejoindre dans la cuisine pour animer sa propre réunion, c'est ce qu'il s'est passé le 10 septembre 2020, le 1er octobre 2020 et le 22 octobre 2020. " Dès que [Y] [I] entre dans la pièce, M. [A] se lève et toute l'équipe se lève. "
Aucune pièce produite par l'intimé, qui ne rapporte pas la preuve contraire, et aucune de ses allégations pour tenter de justifier son comportement ou à tout le moins de le minimiser ne sont pertinents.
Ce fait est établi.
Avoir procédé, de manière répétée, à des agissements irrespectueux, ostracisants, méprisants et humiliants envers votre manager et le coordonnateur d'antenne
L'employeur produit aux débats l'audition de M. [I] qui indique qu'en novembre 2020 les binômes ont été reconstitués et les lieux remis en place, que sans aucune information préalable le canon de la serrure de la porte de la cuisine a été changé et la porte fermée à clé sans qu'aucune clé ne lui soit remise alors que le CEX en avait une, que c'est à la demande de Mme [P] qu'il a obtenu une clé. Celle-ci confirme le changement de serrure sans validation managériale, qu'elle n'a jamais dit qu'il fallait fermer les portes à clé, ce qui avait été soutenu par les salariés. Si M. [A] soutient que le changement de serrure a été décidé collectivement pendant la seconde vague de pandémie, il reconnaît avoir effectué l'opération, s'il affirme qu'une clé était à disposition, il n'en justifie pas alors que M. [I] s'est plaint de ne pas en avoir et d'avoir été informé.
M. [O] indique dans son audition que M. [A] ne saluait pas M. [T], qu'il en faisait de même avec M. [I] lorsqu'il n'était pas d'accord avec lui ce qui s'est aggravé au fur et à mesure des désaccords. Ce témoin relate que M. [A] est reconnu par l'équipe et que ses décisions ont un impact, que les personnes du groupe se rallient à ces décisions, que du fait du rejet de M. [I] et de M. [T] il est passé pour une raison inconnue d'interlocuteur illégitime à " manager du groupement " pour les agents si bien que sa charge de travail a augmenté ce qui le plaçait en contrainte de manière générale. Il ajoute que si M. [F] indique que depuis septembre 2020 M. [I] ne se rend pas dans l'open space pour dire bonjour, mais faute de réponse il a abandonné.
M. [T] indique que M. [A] n'accepte pas sa présence depuis qu'il est devenu coordonnateur du site de Terrier, qu'il sait qu'il le dénigre auprès de ses collègues et ne le salue ni lui adresse la parole tout comme il le fait envers M. [I] ; il ajoute avoir été témoin d'une conversation entre le salarié et le manager au cours de laquelle M. [I] lui a dit que s'il n'acceptait pas qu'il participe au repas de fin d'année il n'y aurait pas de repas, ce à quoi M. [A] a répondu dans ce cas il n'y aura pas de repas de fin d'année et qu'effectivement il n'y a pas eu de repas en 2019.
De façon plus générale, il ressort des auditions des salariés et des anciens managers du site de [Localité 5], que M. [A] est considéré par ses collègues comme ayant le leadership, qu'il conteste régulièrement les décisions managériales notamment lors du covid en voulant imposer ses vues et en plaçant sur son contre-projet le management en télétravail ce qui a pour effet de fait de l'exclure.
M. [O] a indiqué lors de son audition que M. [A] appelait M. [I] et [T] par leur nom et pas par leur prénom comme pour les autres alors qu'ils faisaient partie de la même équipe, que ce n'est pas parce qu'il n'appréciait pas [Y] [I] qu'il devait faire en sorte que l'équipe le rejette, qu'il utilise mal son leadership, qu'il ne s'adressait pas du tout à M. [T] ni bonjour ni au revoir et avait le même comportement avec M. [I] lorsqu'il était en désaccord avec lui, que M. [A] est clairement en écart sur son savoir être, son comportement et sur l'impact de son comportement sur l'équipe.
Aucune pièce produite par l'intimé, qui ne rapporte pas la preuve contraire, et aucune et aucune de ses allégations pour tenter de justifier son comportement ou à tout le moins de le minimiser ne sont pertinents.
Ce fait est établi.
Ainsi et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, ces deux fautes sont à elles seules suffisamment graves, même en tenant compte de l'ancienneté du salarié et de l'absence d'antécédent disciplinaire, pour fonder une mise à la retraite d'office. M. [A] sera débouté de sa demande en illégitimité de mise à la retraite d'office qui est jugée fondée sur une faute grave.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que la mise à la retraite d'office, et non le licenciement, était sans cause réelle et sérieuse et a octroyé au salarié des dommages et intérêts en réparation de la rupture sans cause réelle et sérieuse, le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, les indemnités retirées pendant la procédure disciplinaire, dans le cadre de l'indemnité d'éviction les demandes relatives au logement et à la consommation d'énergie, au titre de l'intéressement, le remboursement du loyer, de prise en charge des vacances et de la mutuelle.
Sur l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur
M. [A] invoque le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure pour faire cesser la mise en danger des salariés au cours de la pandémie et ce malgré le comportement à risque de M. [I] qui ne portait pas de masque, en ne réagissant pas alors qu'avec ses collègues ils avaient alerté sur le harcèlement dont ils étaient victimes de la part de leur hiérarchie, en stoppant brutalement l'enquête QVT que la société avait fini par ordonner suite au prétendu harcèlement soulevé par M. [I] et [T]. Il fait valoir que depuis décembre 2020 il était placé en arrêt de travail pour dépression réactionnelle dont il garde encore des séquelles.
La société réplique que les pièces adverses démontrent que M. [I] n'aurait pas porté le masque qu'une ou deux fois et que la direction a alerté pour rappeler la règle à laquelle il s'est strictement conformé ; que l'alerte a donné lieu à une enquête QVT, que l'inspection du travail a annulé la mise en demeure car elle avait satisfait à ses obligations.
Sur ce
L'article L.4121-1 du code du travail dispose :
" L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".
L'employeur justifie des mesures PCA pendant la période de covid au printemps 2020 puis à compter de juillet 2020. Des salariés se sont plaint du fait d'avoir vu M. [I] en septembre 2020 sans masque dans la salle de repos. Cependant l'employeur, par la voix de Mme [P], a proposé de rencontrer M. [G] membre du CSE ; l'employeur affirme sans être démenti qu'elle a alors rappelé les consignes de sécurité et la nécessité de porter un masque à M. [I]. La cour observe d'ailleurs que par la suite il n'y a pas eu de plainte sur le non port du masque.
Suite à la demande du CSE la société a ordonné une enquête QVT dont la mise en 'uvre a été perturbée, d'abord par la crise sanitaire jusqu'en septembre 2020, puis par le signalement de M. [I] et [T] qui se sont aussi plaint de harcèlement moral. Il a déjà été relevé que le cabinet JLO est inscrit sur la liste des cabinets agréés par l'inspection du travail et avait parfaite compétence pour réaliser l'enquête. La cour observe en outre que le cabinet Apteis a pu reprendre son travail et a déposé son rapport le 5 juillet 2021. Si celui-ci indique qu'il pourrait être reconsidéré la situation de harcèlement en raison de l'absence d'auditions des agents du site de [Localité 5] et Terrier, cette absence résulte uniquement du refus de ces agents d'être entendus alors que le cabinet Aptéis ne conclut pas à l'absence des faits reprochés au salarié mais replace le conflit aigü dans un contexte plus ancien.
L'inspection du travail avait mis en demeure la société de prendre les mesures nécessaires suite à l'alerte pour danger grave et imminent du CSE mais elle a ensuite levé cette mise en demeure considérant qu'elle avait satisfait à ses obligations en matière de gestion et de prévention des risques psycho-sociaux.
En tout état de cause le salarié ne justifie pas d'un préjudice particulier du seul fait retenu de l'absence de port du masque par M. [I] à une ou deux reprises en septembre 2020, l'arrêt maladie dont il a bénéficié ayant été ordonné en raison non de covid mais pour dépression réactionnelle.
La cour, par confirmation du jugement déboutera M. [A] de cette demande de reconnaissance d'une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité et de sa demande en réparation de préjudice à ce titre.
Sur l'obligation de bonne foi
Le salarié soutient que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi soutenant qu'alors qu'il avait émis une alerte sur le comportement harcelant de M. [I] et [T] l'employeur avait choisi de retenir uniquement la version de ceux-ci sans aller jusqu'au bout de la procédure QVT ce qui constitue un acharnement disciplinaire, qu'alors que le conseil disciplinaire devait se réunir encore deux fois et n'avait pas pris sa décision, l'employeur avait déjà pris sa décision en le convoquant à un entretien préalable 2eme phase, que deux jours après avoir adressé un courrier de mise à la retraite d'office, il publiait un article sur le net annonçant la sanction.
La société rétorque que le cabinet JLO est légitime et a agi de façon indépendante, que si la procédure disciplinaire est longue c'est en raison de la nécessité de suivre plusieurs phases obligatoires au cours desquelles le salarié bénéficie de garanties, que la publication de l'entreprise ne comprend pas de propos véhéments, que le salarié est mal venu dans son accusation alors qu'avant même l'issue de l'enquête des tracts de la CGT avaient été distribués en visant le management de [U] comme harceleurs sur le site de [Localité 5].
Sur ce
En application de l'article L 1222-1 du code du travail le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La cour a motivé précédemment sur l'obligation de réaction immédiate du fait de l'obligation de prévention en cas de dénonciation de harcèlement moral par un salarié qui légitime la décision de l'employeur d'ordonner une enquête à effet de déterminer la réalité ou l'absence d'une telle situation et que le cabinet JLO était compétent pour ce faire alors qu'aucun élément de permet de douter de son impartialité.
L'employeur a suivi la procédure particulière imposée par le statut des industries électriques et gazières qui prévoit un second entretien préalable après la séance en commission disciplinaire qui émet une proposition de sanction. Il n'est pas établi que la société avait déjà pris sa décision en convoquant le salarié à un second entretien étant précisé qu'elle disposait alors de l'avis de la commission disciplinaire.
Enfin il ne saurait être reproché à la société d'avoir publié sur le site de l'entreprise la décision à l'encontre du salarié alors que cette information ne comportait pas de propos véhéments, contredisant les allégations du salarié à cet égard.
La cour confirmera le débouté de cette demande en violation de l'obligation de bonne foi et de la demande en réparation du préjudice qui en serait issu.
Sur la violation des statuts et accords collectifs
M. [A] fait valoir que la société n'a pas respecté l'accord collectif relatif aux principes de prévention des risques psycho-sociaux, qu'il existe une contradiction entre les principes énoncés et la réalité ce qui constitue une violation des statuts et des accords collectifs exposant que l'enquête JLO a été menée à charge sans tenir compte des autres alertes formées par le CSE.
La société conteste toute violation et rétorque qu'outre que la jurisprudence a abandonné la notion de préjudice nécessaire, elle a mené deux enquêtes sur le site de [Localité 5] en parallèle.
Sur ce
La cour a précédemment jugé que l'employeur a ordonné deux enquêtes qui ont toutes deux donné lieu à dépôt de rapports. M. [A] ne peut venir arguer des articles 3 et 4 de l'accord collectif relatif à la prévention des risques psycho-sociaux imposant des obligations au manager dès lors que la cour a retenu des fautes de sa part à l'encontre du management.
En tout état de cause le salarié n'établit pas l'existence d'un préjudice qui serait issue d'une violation des statuts et accords collectifs
Cette demande sera rejetée, par confirmation du jugement.
Sur les demandes en dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux
M. [A] forme une demande l'indemnisation des préjudices d'établissement, d'agrément, d'un préjudice issu de l'atteinte à la santé de la famille et d'anxiété généralisé subi exposant que du fait de la mise à la retraite d'office il a dû déménager ce qui a perturbé la vie familiale et notamment la vie des enfants et de son épouse qui a renoncé au projet d'enfant, que la décision a entraîné une peur des représailles et en sentiment d'insécurité.
La société réplique que le préjudice d'établissement n'est pas établi faute de preuve du projet de troisième enfant, que le logement était lié à la fonction d'agent RTE, sa perte étant lié à la perte du statut et qu'elle a fait preuve de souplesse pour quitter les lieux, qu'il n'est pas démontré le renoncement à une activité sportive et de loisirs, qu'elle n'est pas responsable des conséquences de la rupture du contrat de travail.
Sur ce
Le logement occupé par le salarié étant un logement lié aux astreintes qu'il réalisait au sein de RTE, la rupture du contrat de travail entraîne de fait sa restitution à l'employeur. Le salarié ne peut revendiquer un préjudice moral d'atteinte à la santé de la famille, d'établissement ou d'agrément du fait du déménagement qui n'est que la résultante de la mise à la retraite d'office jugée bien fondée précédemment.
Par ailleurs, le préjudice d'anxiété généralisé qui vise à réparer le sentiment d'inquiétude permanente générée par le risque de déclarer une pathologie liée à l'exposition d'une substance toxique n'est pas transposable en l'espèce. M. [A] qui argue d'une peur des représailles et un sentiment d'insécurité ne justifie en outre pas de cette situation.
La cour par confirmation du jugement déboutera le salarié de sa demande en réparation des préjudices moraux invoqués.
Sur les autres demandes
Le sens de la présente décision conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [A] succombant en appel supportera les dépens de l'ensemble de la procédure et sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A] sera condamné à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe de la cour,
Infirme le jugement rendu le 26 juin 2023 par le conseil de prud'hommes de Compiègne sauf en ce qu'il a :
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4817 euros
- débouté M. [C] [A] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral discriminatoire
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre du licenciement nul
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation de la bonne foi
- débouté M. [C] [A] de sa demande au titre de la violation des statuts et accords collectifs
- débouté M. [C] [A] de sa demande en réparation des préjudices moraux
Statuant à nouveau et y ajoutant
Déclare recevables les auditions de M. [B], [F] et [W]
Dit que la mise à la retraite d'office est fondée
Déboute M. [C] [A] de l'ensemble de ses demandes soumises à la cour
Condamne M. [C] [A] à payer à la société RTE la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette le surplus des demandes
Condamne M. [C] [A] aux dépens de l'ensemble de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.