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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 2, 22 avril 2025, n° 21/00080

PAU

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gadrat

Vice-président :

Mme Gimeno

Conseiller :

Mme Delcourt

Avocats :

Me Junqua-Lamarque, Me Mariol, SCP Mezard-Le Noan

TJ Bayonne, du 23 nov. 2020, n° 17/00389

23 novembre 2020

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Du mariage de M. [Y] [J] et de Mme [U] [O] sont issus deux enfants:

- M. [R] [J],

- Mme [A] [J].

Le divorce des époux [J]/[O] a été prononcé par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 11 mars 1997.

M. [Y] [J] a épousé en secondes noces, le [Date mariage 9] 1997, Mme [B] [L], les époux ayant adopté le régime de la séparation de biens.

De cette nouvelle union sont issus deux enfants :

- Mme [H] [J],

- M. [P] [J].

M. [Y] [J] est décédé le [Date décès 12] 2013, laissant pour lui succéder :

- son épouse en secondes noces, Mme [B] [L],

- ses enfants issus de sa première union, à savoir M. [R] [J] et Mme [A] [J],

- ses enfants issus de sa seconde union, à savoir M. [P] [J] et Mme [H] [J].

* * *

Par acte du 11 juillet 2014, M. [R] [J] et Mme [A] [J] ont fait assigner Mme [B] [L], tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [P], et Mme [H] [J] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne afin d'obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance du 21 octobre 2014, le juge des référés a ordonné une mesure d'instruction confiée à M. [E] avec pour mission :

- après s'être fait remettre tous documents utiles, et notamment les titres de propriété, les actes de donation, les éventuels contrats de rente viagère, les relevés FIDJI,

- après avoir levé auprès du service des domaines, l'état des actifs immobiliers appartenant au de cujus,

- après avoir obtenu de Ficoba les coordonnées bancaires des comptes ouverts par le de cujus et des agences bancaires les états et relevés de compte de moins de 10 ans,

- après avoir obtenu des agences immobilières de la ville où des notaires les valeurs moyennes des transactions ou de locations commerciales et bourgeoises au mètre carré, dans le périmètre des biens immobiliers où sont situées les biens du de cujus,

- après s'être rendu sur les lieux, les parties présentes ou dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception,

- après avoir obtenu des parties l'ensemble des documents bancaires des 10 dernières années du de cujus,

- évaluer l'ensemble des actifs immobiliers du de cujus à la valeur au jour du décès,

- déterminer l'actif successoral mobilier,

- déterminer le montant des donations faites à l'une ou l'autre des parties, tant mobilières qu'immobilières,

- évaluer la valeur du ou des fonds de commerce, des parts sociales,

- proposer un compte de succession aux parties et une éventuelle division par lots.

L'expert a clôturé son rapport définitif le 24 novembre 2015.

Par acte du 13 janvier 2017, M. [R] [J], Mme [A] [J] et Mme [U] [O] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bayonne Mme [B] [L], Mme [H] [J] et M. [P] [J] aux fins de :

- dire que M. [Y] [J] s'est rendu coupable d'un recel de communauté au titre de la SARL [31],

- en conséquence, dire que Mme [O] est seule détentrice des droits de M. [J] dans la société [31] depuis l'origine avec toutes les conséquences de droit,

- dire que la somme de 18 038 euros est une créance de la succession envers Mme [L] et sera réintégrée dans l'actif de la succession,

- dire que Mme [L] ne justifie pas avoir personnellement réglé les montants des taxes foncières de 2005 à 2012, lesquels seront réintégrés dans l'actif de la succession s'agissant d'une créance de la succession,

- dire que la somme de 600 000 euros versée par M. [Y] [J] à Mme [L] en juillet 2008 est une donation déguisée et sera réintégrée dans l'actif de succession,

- dire que la somme de 295 600,22 euros versée par M. [Y] [J] en octobre 2008 est une donation déguisée et sera réintégrée dans l'actif de la succession,

- dire que les sommes de 3000 euros, 111 000 euros, 169 000 euros, 280 050 euros (soit 563 050 euros) créditées sur le compte de Mme [L] par M. [Y] [J] au titre d'un rachat partiel d'assurance-vie sont des donations déguisées et seront réintégrées dans l'actif de la succession,

- dire que les chèques perçus par Mme [L] pour un montant total de 70 000 euros en 2005 et pour un montant total de 174 000 euros en 2006 sont des donations déguisées, de sorte qu'il conviendra de réintégrer ces sommes dans l'actif successoral,

- dire que la somme globale de 284 930 euros qui a été virée sur le compte de [P] [J] entre 2012 et 2013 est une donation déguisée et qu'il conviendra de réintégrer ces sommes dans l'actif successoral,

- dire et ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [Y] [J],

- désigner tel notaire liquidateur qu'il plaira au tribunal afin de procéder auxdites opérations et notamment déterminer et fixer la masse successorale à partager, faire un état des récompenses dues, liquider la communauté et la succession et procéder à son partage, rechercher tous documents qui peuvent l'éclairer pour l'accomplissement de sa mission,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage,

- condamner Mme [L] à leur verser la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 23 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne a notamment :

- déclaré recevable l'action de Mme [O] aux fins de voir constater le recel de communauté,

- déclaré recevable l'action en partage judiciaire engagée par M. [R] [J] et Mme [A] [J],

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mme [B] [L] ainsi que par M. [P] [J] et Mme [H] [J],

- débouté Mme [B] [L], M. [P] [J] et Mme [H] [J] de leur demande tendant à voir le rapport d'expertise judiciaire de M. [E] écarté des débats,

- débouté Mme [B] [L] de sa demande tendant à voir ordonner une nouvelle expertise judiciaire,

- dit que Mme [U] [O] est devenue propriétaire exclusive des 125 parts sociales de la SARL [31] dont M. [Y] [J] était détenteur, et ce à compter de la dissolution de la communauté intervenue le 24 mai 1996, à la suite du recel de communauté commis par M. [Y] [J],

- dit que Mme [U] [O] a droit, à concurrence de ses droits correspondants à 125 parts sociales :

aux dividendes produits par ses parts sociales depuis la date de la dissolution de la communauté (24 mai 1996),

au produit de la vente des actifs de la SARL [31] dans la société [24],

au produit de la vente intervenue le 12 janvier 2006 des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24] au groupe [23],

déduction faite des impôts et charges éventuelles dus à concurrence de ses droits.

- dit que l'actif successoral net de la succession de M. [Y] [J] s'élève à la somme de 843 163 euros correspondant à la créance entre époux dont Mme [B] [L] est redevable envers la succession de M. [Y] [J],

- débouté M. [R] [J] et Mme [A] [J] de leur demande tendant à voir rapporter à la succession des sommes au titre de donations déguisées et de paiement des taxes foncières concernant l'immeuble situé à [Localité 19] appartenant en propre à Mme [B] [L],

- réservé la demande M. [R] [J] et de Mme [A] [J] tendant à voir constater l'existence d'un recel de succession dans l'hypothèse où il pourrait s'avérer que des comptes ouverts dans les livres de la société [18] non signalés par Mme [B] [L] seraient au nom de M. [Y] [J] ou constitueraient des comptes joints dont M. [Y] [J] serait un des titulaires,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [Y] [J],

- commis Me [N], notaire, pour procéder à ces opérations, lequel devra rechercher, dans le cadre de sa mission, les noms du ou des titulaires des comptes désignés par les requérants ouverts dans les livres de la [18], si besoin en interrogeant le fichier Ficoba, la [16], l'Agira, toutes banques et tous organismes financiers et bancaires susceptibles de le renseigner,

- fait réquisition, en tant que de besoin, auxdits organismes de déférer aux demandes du notaire,

- dit que le notaire commis devra chiffrer le montant des sommes revenant à Mme [U] [O], déduction faite des impôts et charges éventuelles dues, à concurrence des droits correspondant à 125 parts sociales de la SARL [31] au titre :

* des dividendes produits par ces parts sociales depuis la date de la dissolution de la communauté (24 mai 1996),

* du produit de la vente des actifs de la SARL [31] dans la société [24],

* du produit de la vente intervenue le 12 janvier 2006 des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24] au groupe [23],

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, seront inclus dans les frais privilégiés de partage,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe de la cour via le RPVA le 11 janvier 2021, Mme [B] [L] a relevé appel de cette décision, dans des conditions de forme et de délai non contestées, en ses dispositions expressément énumérées dans sa déclaration d'appel.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour via le RPVA le 24 mai 2022, Mme [B] [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] [J] et Mme [A] [J] de leur demande de reconnaissance de multiples donations déguisées,

- débouter M. [R] [J] et Mme [A] [J] de toute demande à ce sujet,

- débouter M. [R] [J] et Mme [A] [J] de leur demande de communication de pièces,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le partage de la succession de M. [Y] [J] et nommer un notaire pour ce faire,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que M. [Y] [J] avait recelé 125 parts sociales de la société [31] lors du partage de communauté entre lui et Mme [O], attribué en propriété exclusive des 125 parts à cette dernière et dit qu'en conséquence qu'elle avait droit aux dividendes et produits générés par ces parts depuis le 24 mai 1996,

* fixé l'actif de la succession de M. [J] à 843 163 euros représentant une dette entre époux due par Mme [L],

* donné au notaire commis la mission de chiffrer les droits de Mme [O] aux dividendes générés par la société [31] et de mener des recherches sur les éléments d'actif de la succession,

* réservé les demandes de recel successoral de M. [R] [J] et Mme [A] [J],

statuant à nouveau sur ces points

sur le recel de communauté

- déclarer irrecevable Mme [O] en sa demande de recel de communauté,

sinon

- débouter Mme [O] de sa demande fondée sur le recel de communauté,

sinon

- débouter Mme [O] de sa demande d'être déclarée propriétaire des parts sociales de la société [31] depuis le 24 mai 1996,

- fixer à la somme de 2859 euros la réparation de l'éventuel recel de communauté,

sur l'actif de la succession de M. [Y] [J]

- fixer à la somme de 222 712 euros le montant de l'actif net de la succession de M. [Y] [J],

sur la mission donnée au notaire commis

- supprimer de la mission donnée au notaire commis les points suivants :

* chiffrer le montant des sommes revenant à Mme [O] au titre des dividendes de la société [31] depuis le 24 mai 1996, du produit de la vente des actifs de [31] dans la société [24] et du produit de la vente des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24] au groupe [23],

* rechercher les noms des titulaires des comptes ouverts dans les livres de la [18],

* rechercher de manière générale les comptes ouverts au nom de M. [J] ou/et de Mme [L], les valeurs qui y étaient entreposées et les mouvements de fonds, ainsi que les contrats d'assurance-vie, dc et les clauses bénéficiaires,

* interroger à cet effet FICOBA, [16], AGIRA et tout détenteur d'informations, sans que puisse être opposé le secret professionnel,

sur la réserve de la demande en recel successoral de M. [R] [J] et Mme [A] [J]

- débouter M. [R] [J] et Mme [A] [J] de leurs demandes de réserve d'une action en recel successoral,

- condamner in solidum Mme [U] [O], M. [R] [J] et Mme [A] [J] à payer à Mme [L] une somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe de la cour via le RPVA le 30 mars 2022, M. [R] [J], Mme [A] [J] et Mme [U] [O] demandent à la cour de :

avant dire droit

- dire et juger que l'appelante devra communiquer aux débats, sous astreinte de 200 euros par jour de retard :

* la copie du chèque de 18 038 euros réglés aux services fiscaux,

* les justificatifs des règlements des montants de taxe foncière de 2005 à 2012, à savoir : relevés bancaires et copie du chèque ou du virement,

* la justification du versement de la somme de 600 000 euros versés par M. [Y] [J] à Mme [L] en juillet 2008,

* la justification du versement de la somme de 295 600,22 euros versés par M. [Y] [J] en octobre 2008,

* la justification du versement des sommes de 3000 euros, 111 000 euros, 169 000 euros et 280 050 euros (soit 563 050 euros) créditées sur le compte de l'appelante par M. [Y] [J] au titre d'un rachat partiel d'assurance-vie,

* la justification du versement de la somme des chèques perçus par l'appelante pour un montant total de 70 000 euros en 2005 et pour un montant total de 174 000 euros en 2006,

* les avis d'imposition du couple [J]/[L] entre 2010 et 2013,

sur le fond et à titre principal

- confirmer le jugement du 23 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Mme [U] [O] aux fins de voir constater le recel de communauté,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 843 163 euros l'actif successoral net correspondant à des créances entre époux dont Mme [B] [L] est redevable envers la succession de M. [Y] [J],

- confirmer le jugement en ce qu'il a réservé la demande de M. [R] [J] et Mme [A] [J] tendant à voir constater l'existence d'un recel de succession dans l'hypothèse où il pourrait s'avérer que les comptes ouverts dans les livres de la [18], non signalés par Mme [L], sont au nom de M. [Y] [J] ou constituent des comptes joints dont M. [Y] [J] serait un des titulaires,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [Y] [J],

- confirmer le jugement en ce qu'il a commis Me [N] pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage entre les parties,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le notaire commis devra rechercher le ou les noms du ou des titulaires des comptes ouverts auprès de la [18],

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le notaire commis interrogera si besoin est le FICOBA, la [16], l'AGIRA, toute banque et tous organismes financiers et bancaires susceptibles de le renseigner, non seulement sur les comptes susvisés mais d'une manière générale sur les comptes qui ont été ouverts, pendant leur vie commune, au nom de M. [Y] [J] et/ou au nom de M. [Y] [J] et de Mme [B] [L], les valeurs qui étaient entreposées et les mouvements de fonds enregistrés ainsi que sur les contrats d'assurance-vie et décès et leurs clauses bénéficiaires,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fait réquisition en tant que de besoin à ces organismes de déférer aux demandes du notaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le notaire commis devait solliciter directement les informations utiles auprès de ceux qui détiennent les valeurs pour le compte de M. [Y] [J] et de Mme [B] [L],

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* dit que Mme [U] [O] est devenue propriétaire exclusive des 125 parts sociales de la SARL [31] dont M. [Y] [J] était détenteur, et ce à compter de la dissolution de la communauté intervenue le 24 mai 1996, à la suite du recel de communauté commis par M. [Y] [J],

* dit que Mme [O] a droit, à concurrence de ses droits correspondant à 125 parts sociales aux dividendes et aux produits de ces 125 parts sociales,

* débouté M. [R] [J] et Mme [A] [J] de leurs demandes tendant à voir rapporter à la succession les sommes dues au titre de donations déguisées et de paiement de taxes foncières concernant l'immeuble situé à [Localité 19] appartenant en propre à Mme [B] [L].

statuer à nouveau sur ces points

- dire et juger que Mme [O] est devenue propriétaire exclusive des 250 parts sociales de la SARL [31] dont M. [Y] [J] était détenteur, et ce à compter de la dissolution de la communauté intervenue le 24 mai 1996, à la suite du recel de communauté commis par M. [Y] [J],

- dire et juger que Mme [O] a droit, à concurrence de ses droits correspondants à 250 parts sociales :

* aux dividendes produits par ses parts sociales depuis la date de la dissolution de la communauté (24 mai 1996),

* au produit de la vente des actifs de la SARL [31] dans la société [24]

* au produit de la vente intervenue le 12 janvier 2006 des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24] au groupe [23], déduction faite des impôts et charges éventuelles dues à concurrence de ses droits,

- dire et juger que la somme de 18 038 euros est une créance de la succession envers Mme [L], et sera réintégrée dans l'actif de la succession,

- dire et juger que Mme [L] ne justifie pas avoir personnellement réglé les montants des taxes foncières de 2005 à 2012, lesquels seront réintégrés dans l'actif successoral, s'agissant d'une créance de la succession,

- dire et juger que la somme de 600 000 euros versée par M. [Y] [J] à Mme [L] en juillet 2008 est une donation déguisée et sera réintégrée dans l'actif de la succession

- dire et juger que la somme de 295 600,22 euros versée par M. [Y] [J] en octobre 2008 est une donation déguisée et sera réintégrée dans l'actif de la succession,

- dire et juger que les sommes de 3000 euros, 111 000 euros, 169 000 euros et 280 050 euros (soit 563 050 euros) créditées sur le compte de Mme [L] par M. [Y] [J] au titre d'un rachat partiel d'assurance-vie sont des donations déguisées et seront réintégrés dans l'actif de la succession,

- dire et juger que les chèques perçus par Mme [L] pour un montant total de 70 000 euros en 2005 et pour un montant total de 174 000 euros en 2006 sont des donations déguisées de sorte qu'il conviendra de réintégrer ces sommes dans l'actif successoral

- dire et juger que la somme globale de 284 930 euros, qui a été virée sur le compte de [P] [J] entre 2012 et 2013 est une donation déguisée et qu'il conviendra de réintégrer ces sommes dans l'actif successoral,

à titre subsidiaire

- ordonner un complément d'expertise et désigner M. [E] afin de procéder à ce complément,

en toute hypothèse

- condamner Mme [L] et ses enfants à verser aux intimés la somme de 4000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Mme [H] [J] et M. [P] [J] n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue le 21 octobre 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience des plaidoiries du 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

sur l'étendue de la saisine de la cour

De la déclaration d'appel et du dispositif des dernières conclusions des parties, il résulte que le litige en cause d'appel porte sur :

- la demande de communication de pièces et subsidiairement de complément d'expertise formée par M. [R] [J], Mme [A] [J] et Mme [U] [O],

- la question de l'éventuel recel de communauté commis par M. [Y] [J] et de ses conséquences,

- le montant des dettes entre époux à intégrer à l'actif successoral,

- l'existence éventuelle de donations déguisées de M. [Y] [J] au profit de son épouse, Mme [B] [L], et de son fils, M. [P] [J],

- l'existence d'un recel successoral,

- la mission confiée au notaire chargé de la liquidation.

Les autres dispositions du jugement, non contestées, sont donc devenues définitives.

sur le recel de communauté et ses conséquences

Pour dire que Mme [U] [O] est devenue propriétaire exclusive des 125 parts sociales de la SARL [31] dont M. [Y] [J] était détenteur, et ce à compter de la dissolution de la communauté intervenue le 24 mai 1996, à la suite du recel de communauté commis par M. [Y] [J] et qu'elle a droit, à concurrence de ses droits correspondant à 125 parts sociales aux dividendes et aux produits générés par ces parts, le premier juge a retenu que :

- le divorce des époux [J]/[O], qui étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, a été prononcé le 11 mars 1997 par le tribunal de grande instance de Nanterre et, par jugement du 16 décembre 1997, le tribunal de grande instance de Nanterre a homologué un état liquidatif établi le 21 novembre 1997 dans lequel les ex-époux décidaient de fixer la date d'effet de la dissolution de la communauté au 24 mai 1996, soit à la date de l'assignation en divorce,

- la SARL [31] ([31]) a été constituée le 11 septembre 1985 entre Mme [B] [L] et M. [Y] [J],

- le capital social était initialement détenu pour moitié par chacun, soit 250 par chacun,

- M. [Y] [J] a ensuite cédé ses parts sociales à M. [D] [W], lequel a lui-même cédé ses parts en juin 1990 par moitié à Mme [S] [J], mère de M. [Y] [J], et à M. [C] [V],

- M. [C] [V] a cédé ses 125 parts sociales à M. [Y] [J] le 6 juin 1995,

- par actes du 15 mars 1997, Mme [M] [K] a acquis les 125 parts sociales appartenant à Mme [S] [J] ainsi que les 125 parts sociales de M. [Y] [J] et est ainsi devenue détentrice de 250 parts sociales,

- le 15 octobre 2000, Mme [M] [K] a cédé ses 250 parts sociales à Mme [B] [L] qui, possédant déjà 250 parts, est ainsi devenue associée unique de la SARL [31],

- la consistance de l'actif de communauté se détermine à la date des effets patrimoniaux du divorce dans les rapports entre les époux, soit en l'espèce au 24 mai 1996,

- M. [Y] [J] étant détenteur de 125 parts sociales de la SARL [31] entre le 6 juin 1995 et le 15 mars 1997, ses parts faisaient partie de la communauté le 24 mai 1996,

- il est démontré, tant par les pièces versées aux débats que par le rapport d'expertise judiciaire, la volonté manifeste de M. [Y] [J] de rompre l'égalité du partage et de dissimuler les parts sociales de la SARL [31] au moment de la liquidation de la communauté ayant existé entre lui-même et Mme [O] :

* il résulte de la lecture de l'acte de partage susvisé que les parts sociales de la SARL [31] ne figurent pas dans la masse active de la communauté bien que cette société ait été constituée le 11 septembre 1985 entre Mme [B] [L] et M. [Y] [J] qui, dans les statuts de cette société, a déclaré être divorcé de Mme [O] alors que le divorce n'a été prononcé que le 11 mars 1997, l'ordonnance de non-conciliation n'ayant été rendue que le 1er décembre 1995,

* le caractère douteux des différentes cessions de parts sociales de cette société est démontré par le rapport d'expertise judiciaire puisque Mme [M] [K] atteste n'avoir jamais réglé aucun prix à M. [Y] [J] pour la cession de ses 125 parts intervenue le 15 mars 1997 pour le prix de 12 500 francs et qualifie cette cession de fictive, tout comme la cession par Mme [S] [J] de ses 125 parts à Mme [M] [K] pour un prix qu'elle n'a jamais payé ainsi que la cession par cette dernière à Mme [B] [L] de ses 250 parts pour un prix de 35 000 francs dont Mme [K] précise qu'elle ne l'a jamais perçu, s'agissant également d'une cession fictive qui a eu pour résultat de faire de Mme [B] [L] l'unique associée de la société [31],

* Mme [B] [L] a été dans l'impossibilité de prouver le paiement du prix de cession des parts sociales à Mme [M] [K] mais il résulte en revanche d'une attestation établie par Mme [M] [K] que Mme [B] [L] n'a pas hésité à faire pression sur cette dernière pour qu'elle modifie son témoignage,

* enfin, lors de la constitution le 9 décembre 1998 d'une SA [24] au capital de 250 000 francs divisé en 2500 actions de 100 francs chacune, la SARL [31] a apporté en numéraire une somme de 61 900 francs et il lui a été attribué 1238 actions de 100 francs chacune, ce qui représente un apport de 123 800 francs ; il est révélateur de constater que la SARL [31] était censée être représentée par sa gérante, Mme [M] [K], qui indiquera que la signature figurant sur les statuts de la SA [24] n'est pas la sienne et a été imitée,

- toutes ces tractations et ces anomalies ne pouvaient avoir pour seul objectif que celui de faire échapper ses parts sociales aux règles du partage de communauté,

- M. [Y] [J] ayant eu l'intention de fausser les opérations de partage de la communauté au détriment de son épouse, Mme [O], il s'est rendu coupable de recel de communauté,

- il résulte des articles 1477, 549 et 1378 du code civil que l'époux victime d'un recel devient propriétaire exclusif des biens divertis ou recelés et a droit aux fruits et revenus produits par ces biens depuis la date de la dissolution de la communauté, ou si le recel a été commis postérieurement, depuis la date de l'appropriation injustifiée,

- il s'ensuit que Mme [O], victime du recel, est devenue propriétaire exclusive des titres recelés à compter de la dissolution de la communauté, en l'espèce, les 125 parts sociales dont M. [Y] [J] était détenteur au 24 mai 1996, compte tenu du caractère manifestement fictif des prétendus cessions intervenues,

- en effet, la sanction du recel d'effets de communauté ne prive pas le receleur des seuls titres recelés, elle le prive également des dividendes produits par ces titres à compter du recel.

Mme [B] [L] conclut tout d'abord à l'irrecevabilité de la demande de Mme [O] en l'absence de demande de partage complémentaire, la demande relative au recel de communauté ne pouvant, selon elle, être exercée hors action en partage ou en complément de parts ; elle soutient en outre que, à supposer qu'elle soit recevable à agir en qualité de créancier de la succession, encore convient-il que sa créance existe, ce qui dépend du succès de son action en recel, recel de communauté qui ne peut être établi que dans le respect des règles de recevabilité de son action.

Sur le fond, et à supposer que des parts sociales de la SARL [31] aient été omises de l'actif à partager lors de la dissolution de la communauté [O]/[J], elle soutient que :

- les biens meubles ont fait l'objet d'un partage verbal, en cela inclus les parts sociales, ce qui se déduit nécessairement du fait que l'acte de partage notarié ne porte sur aucun bien meuble (comptes bancaires, meubles meublants),

- le fait que les 125 parts sociales ne soient pas mentionnées dans l'acte de partage du 21 novembre 1997 ne démontre pas qu'elles ont volontairement été cachées par l'époux

- l'omission des parts sociales du partage, à la supposer établie, ne peut porter que sur 125 parts - et non 250 parts, comme réclamé par Mme [O] - M. [W] ayant bien acquis les 250 parts puisqu'il a participé à l'assemblée générale de la SARL [31] le 29 juin 1990 ayant validé leur cession à Mme [S] [J] et à M. [V], peu important ses déclarations contradictoires dans la sommation interprétative,

- l'omission dans l'actif de communauté à partager de ces 125 parts n'a pas rompu l'égalité du partage compte tenu, d'une part, de leur faible valeur résultant des pertes constatées lors des exercices 1994, 1995 et 1996, d'autre part, du déséquilibre du partage en faveur de Mme [O] qui s'est vu attribuer les deux seuls immeubles appartenant à la communauté pour une valeur totale de 2 958 321 francs ,

- -en tout état de cause, pour décider que l'ex-épouse est devenue propriétaire exclusive des 125 parts sociales et a droit à l'intégralité des dividendes depuis le 24 mai 1996, le tribunal a considéré à tort que la cession du 15 mars 1997 des parts sociales à Mme [K], puis la cession de ces mêmes parts de Mme [K] à Mme [L] étaient fictives au motif que les prix de cession n'auraient pas été réglés, se fondant pour cela sur l'attestation de Mme [K], alors que lesdits actes de cession stipulent bien que les prix de vente ont été payés, qu'il en est donné quittance dans les actes et qu'en application de l'article 1359 du code civil la preuve par témoignage ne peut être accueillie à l'encontre du contenu des écrits,

- la fraude éventuelle ne peut être étendue aux cessions postérieures régulières,

- les biens recélés n'existant plus en nature de biens partageables lors de l'action en recel, l'époux victime n'a droit qu'à leur valeur et à la moitié de l'actif communautaire augmenté de cette valeur,

- lors de la cession du 15 mars 1997, cette valeur a été fixée à 12 500 francs, soit 1906 euros d'où Mme [O] a droit à 1906 + 953, soit 2859 euros.

En réponse, M. [R] [J], Mme [A] [J] et Mme [U] [O] font valoir que :

- Mme [O] ne revendique pas la qualité de cohéritier mais agit en qualité de créancier de la succession, victime au moment du divorce d'un recel de communauté,

- elle a été informée par ses enfants de cette fraude suite à l'expertise,

- elle a qualité à agir contre les copartageants puisque les parts sociales dont elle a été spoliées, objet du recel de communauté, ont bénéficié à l'appelante qui s'est retrouvée détentrice de l'intégralité des parts sociales de [31] moins de trois ans après que le divorce ait été prononcé,

- le principe de la concomitance de la demande en recel successoral et de la demande en partage s'applique à l'héritier accusé de recel et non au défunt qui a commis un recel

- l'action en restitution en cas du décès du conjoint receleur peut s'exercer contre les héritiers et les ayants droits,

- le recel est caractérisé par les éléments suivants :

* dès la création de la société [31], M. [Y] [J] a menti en indiquant qu'il était divorcé,

* il a volontairement omis de mentionner les 125 parts qu'il détenait - suite au rachat effectué le 6 juin 1995 - dans l'acte liquidatif de partage de la communauté,

* peu importe qu'il ait pu en disposer, la valeur de ces parts devait être portée à l'actif de la communauté, de telle sorte qu'en ne le faisant pas M. [J] a commis un recel de communauté,

* la cession entre M. [J] et M. [W] est fictive, ce dont il se déduit que l'époux détenait toujours 250 parts sociales au moment de la liquidation de la communauté, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge,

- s'agissant du prétendu partage verbal des biens meubles, il appartient à l'appelante d'en démontrer l'existence et l'inclusion des parts sociales de la SARL [31] dans un tel partage, sauf à inverser la charge de la preuve, preuve qu'elle ne rapporte pas,

- l'activité de la SARL [31] a été volontairement réduite juste avant le divorce et les mauvais résultats de la société sont notamment liés aux salaires disproportionnés versés à Mme [L] et aux dividendes mirobolants répartis,

- la prestation compensatoire allouée à Mme [O], lors du divorce, qui a été réglée par M. [J] par abandon de la soulte qui lui était due après attribution des immeubles communs à l'épouse, n'a nullement créé un déséquilibre dans le partage mais a permis simplement de compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux résultant du divorce sachant qu'il y avait 30 ans de vie commune, que Mme [O] ne travaillait pas et n'allait donc percevoir qu'une retraite très modeste,

- le refus de Mme [L] de communiquer à l'expert les éléments qui lui étaient réclamés constitue un commencement de preuve par écrit corroboré par les attestations de Mme [K] qui permettent d'établir le caractère fictif des cessions postérieures au divorce, en application des dispositions de l'article 1362 du code civil,

- personne ne demande la nullité des actes de cession car cette action est prescrite depuis longtemps mais l'absence de demande de nullité des actes de litigieux n'a pas de conséquence, ni d'influence sur la qualification du recel,

- l'appelante ajoute une condition à l'article 1477 en considérant que la nullité des cessions de parts à l'origine de la fraude doit être demandée,

- il est constant que la moitié des parts de la société [31] appartenait à la communauté au moment de la dissolution de celle-ci,

- le recel de communauté prive l'époux de ses droits de sorte que les 250 parts revenaient à l'épouse, victime du recel de communauté, et devenaient, par l'effet de la sanction légale, sa propriété exclusive depuis la dissolution de la communauté,

- à ce jour, la société [31] est en liquidation et Mme [L] en est toujours officiellement l'associé unique,

- l'expert n'a pu obtenir, pour les années 2010 et 2011, les rapports de gérance et les procès-verbaux d'affectation des résultats et, pour les années 2012, 2013 et 2014, les comptes de résultats, les rapports de de gérance et les procès-verbaux d'affectation des résultats relatifs à la société [31],

- pour autant, la société [24] a été cédée le 12 janvier 2006 au groupe [23] en contrepartie de la somme de 5 490 000 euros et, à la même date, la société [31] a cédé au groupe [23] les 1187 actions qu'elle possèdait dans la société [24] pour un montant de 2 606 652 euros,

- c'est ce montant qui doit être retenu pour fixer la valeur des parts de la société [31] et, en suivant, les droits de Mme [O], soit la moitié du prix, c'est-à-dire la somme de 1 303 326 euros,

- en outre, en application des dispositions des articles 1477, 549 et 1378 du code civil, l'époux victime d'un recel devient propriétaire exclusif des biens divertis ou recelés et a droit également aux fruits et revenus produits par ces biens,

- si les produits les fruits du bien recelé ne se retrouvent pas en nature, le receleur doit restituer leur valeur estimée conformément aux dispositions de l'article 549 du code civil à la date de restitution,

- la succession de M. [Y] [J], ainsi que le conjoint survivant, doivent donc être privés de tout droit, non seulement sur les fruits générés par la SARL [31] mais également sur la vente des parts de la société [31] détenues par M. [Y] [J], et ce à compter de la dissolution de la communauté soit le 24 mai 1996,

- l'appelante, qui ne peut donc être considérée comme l'unique propriétaire des parts de la SARL [31], devra en conséquence restituer non seulement la moitié du bénéfice de 2006 de 1 959 974,97 euros mais aussi la moitié de tout ce qu'elle a perçu indûment jusqu'à la date de la vente, mais également de la moitié du prix de vente des actifs de [31], étant observé que la valeur que le receleur doit restituer (et sur laquelle il sera privé de tout droit) est celle de la valeur actuelle du bien acquis grâce aux fonds recélés,

- Mme [O] a ainsi droit aux dividendes produits par ses 250 parts sociales de la société [31] depuis la date de dissolution de la communauté, soit le 24 mai 1996, au produit de la vente des actifs de la SARL [31] dans la société [24] et au produit de la vente intervenue le 12 janvier 2006 des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24] au groupe [23], et ce déduction faite des impôts et charges éventuelles dues à concurrence de ses droits.

- sur la recevabilité de l'action de Mme [O] au titre du recel de communauté

Il est constant que :

- le conjoint, qui se dit victime d'un recel de communauté, dispose d'une action en restitution à l'encontre de son ex-conjoint, accusé de recel, mais aussi des héritiers et ayants droits de celui-ci dès lors que l'obligation de restituer, pénalité purement civile, se trouve dans la succession au même titre que les autres obligations dont le défunt se trouvait tenu,

- cette action doit être engagée dans le délai de cinq ans de la connaissance qu'il a eue du recel.

En l'espèce, Mme [O] indique n'avoir eu connaissance de l'existence des parts sociales de la SARL [31] que grâce aux investigations menées par l'expert qui a déposé ses conclusions le 24 novembre 2015.

Dès lors, la présente action de Mme [O], introduite par acte du 13 janvier 2017, en ce qu'elle est exercée à l'encontre des héritiers et ayants droits de son ex-conjoint, M. [Y] [J], à raison du recel qu'il aurait commis lors des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre eux, en dissimulant l'existence de cet actif commun, est parfaitement recevable.

La décision dont appel sera confirmée de ce chef.

- sur l'existence et l'étendue du recel de communauté allégué

Selon les dispositions de l'article 1477 du code civil, « Celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets (') ».

Le recel de communauté suppose tout d'abord que soient divertis ou recelés des effets de la communauté.

Il est en outre caractérisé par la réunion de deux éléments :

- un élément matériel constitué par tout acte positif ou négatif qui rompt l'égalité du partage au profit de son auteur, en diminuant l'actif commun partageable, étant observé que le recel n'implique pas nécessairement un acte d'appropriation et peut résulter de tout procédé tendant à frustrer l'autre époux de sa part de communauté,

- un élément moral ou intentionnel constitué par l'intention frauduleuse de l'auteur du recel, c'est-à-dire la volonté de rompre à son profit l'égalité du partage.

Le recel de communauté est enfin sanctionné en ce qu'il constitue une atteinte à l'égalité du partage.

Il résulte en l'espèce du rapport d'expertise de M. [E] que :

- la SARL [31] a été constituée le 11 septembre 1985 entre Mme [B] [L] et M. [Y] [J], le capital social de 50 000 francs étant divisé en 500 parts de 100 francs chacune et réparti à hauteur de 250 parts pour chacun des associés,

- M. [Y] [J] déclare être divorcé dans les statuts de ladite société,

- M. [Y] [J] a ensuite cédé ses parts sociales à M. [D] [W], lequel a lui-même cédé ses parts en juin 1990 par moitié (125 parts) à Mme [S] [J], mère de M. [Y] [J], et pour l'autre moitié (125 parts) à M. [C] [V],

- M. [C] [V] a cédé ses 125 parts sociales à M. [Y] [J] le 6 juin 1995,

- par actes du 15 mars 1997, Mme [M] [K] a acquis les 125 parts sociales appartenant à Mme [S] [J] ainsi que les 125 parts sociales de M. [Y] [J],

- le divorce des époux [J]/[O], qui étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, a été prononcé le 11 mars 1997 par le tribunal de grande instance de Nanterre et, par jugement du 16 décembre 1997, le tribunal de grande instance de Nanterre a homologué un état liquidatif établi le 21 novembre 1997 dans lequel les ex-époux décidaient de fixer la date d'effet de la dissolution de la communauté au 24 mai 1996, soit à la date de l'assignation en divorce.

Selon les dispositions de l'article 1404 du code civil, constituent des propres par leur nature, quand bien même ils auraient été acquis pendant leur mariage, tous les droits exclusivement attachés à la personne.

C'est ainsi que, du fait de l'intuitu personae qui caractérise les titres non négociables (telles les parts sociales d'une SARL) - qui conduit à opérer une distinction entre le titre et la finance -, ces parts sociales, acquises par un époux en cours de communauté, sont attachées à la personne de leur titulaire et ne tombent pas en communauté.

Pour autant, leur valeur doit figurer dans la masse active à partager.

Il est constant et non contesté que l'état liquidatif du 21 novembre 1997, comme l'a justement relevé le premier juge, ne mentionne pas les 125 parts sociales de la SARL [31] détenues par M. [Y] [J] du 6 juin 1995 au 15 mars 1997 et donc à la date d'effet de la dissolution de la communauté.

La valeur desdites parts sociales aurait ainsi dû figurer à l'actif de communauté. L'élément matériel du recel de communauté est donc parfaitement caractérisé s'agissant de ses 125 parts sociales de la SARL [31].

S'agissant des parts sociales initialement détenues par M. [Y] [J] et cédées à M. [D] [W] entre 1985 et 1990 (250 parts), s'il n'a effectivement pas été trouvé trace par l'expert de cette cession, force est de constater que le 11 juin 1990, M. [W] a cédé les 250 parts sociales en question moyennant la somme de 30 000 francs (soit pour un montant supérieur à leur valeur nominale) et qu'une assemblée générale extraordinaire de la [27] a donné son agrément aux deux nouveaux associés le 29 juin 1990.

Les déclarations contradictoires de M. [W] dans le cadre de la sommation interprétative qui lui a été délivrée ainsi que dans l'acte de cession où il indique avoir été attributaire des 250 parts en représentation de sa participation au capital (et non en vertu d'une cession de parts) ne peuvent suffire à établir, en l'état des éléments qui précèdent, que la cession de ses parts sociales par M. [Y] [J] à M. [W] était fictive et qu'il était encore ainsi détenteur de ces 250 parts sociales à la date d'effet de la dissolution de la communauté.

Il en résulte que l'élément matériel du recel n'est pas caractérisé en l'espèce.

S'agissant de l'élément moral du recel de communauté, et donc de l'intention de M. [Y] [J] de rompre l'égalité du partage, s'il est manifeste que l'intéressé a dissimulé l'existence de son mariage dans les statuts de la société et a revendu les parts acquises le 6 juin 1995 avant que ne soit établi l'état liquidatif, la preuve de l'intention de M. [J] de rompre l'égalité du partage n'est pas rapportée par Mme [O] en l'espèce dès lors que :

- les parts litigieuses ont été revendues pour la somme de 12 500 francs le 15 mars 1997 alors même que la masse active brute de la communauté est évaluée à 3 211 021,39 francs dans l'état liquidatif,

- si Mme [O] fait état du caractère fictif de la cession en question ainsi que des cessions ultérieures des parts sociales, force est de constater que ces cessions ont été régularisées par actes sous-seing privé dont la validité n'est pas valablement remise en cause, que le cédant a bien donné quittance du paiement dans l'acte et qu'elles ont toutes été valablement autorisées par assemblées générales de telle sorte que les attestations de Mme [K] sont inopérantes à remettre en cause la sincérité de ces écrits, conformément aux dispositions de l'article 1359 du code civil, étant observé que les réticences de Mme [L] à fournir à l'expert les documents réclamés par celui-ci ne peut être analysée comme un commencement de preuve par écrit du caractère fictif de ces cessions au regard des dispositions de l'article 1362 du code civil qui concernent la procédure spécifique de comparution personnelle des parties devant la juridiction,

- la valorisation des parts, telle que retenue dans l'acte de cession du 15 mars 1997, est en rapport avec les résultats déficitaires de la SARL [31] à la date des effets de la dissolution du mariage et lors des exercices précédents (perte de 69 960 francs pour l'exercice 1996, perte de 153 685 francs pour l'exercice 1995, perte de 87 460 francs pour l'exercice 1994),

- la circonstance que la société [31] ait apporté en numéraire 61 900 francs au moment de la constitution de la SA [24] le 9 décembre 1998 (après un bénéfice de 177 495 francs sur l'exercice 1997 et sans que l'on connaisse l'origine de ces fonds ' capitaux propres, emprunt, ') est insuffisante à établir que l'activité de la société aurait été volontairement réduite pendant la procédure de divorce, que la situation de la SARL [31] était en réalité plus florissante et que la valeur de ses parts sociales aurait été ainsi sous-évaluée,

- ces parts sociales ne sauraient pas plus être évaluées en considération du résultat exceptionnel de la SARL [31] réalisé lors de la cession de ses actions dans la société [24] près de 10 ans plus tard, étant observé qu'à ce jour la SARL [31] est en liquidation judiciaire,

- les parts sociales litigieuses peuvent donc valablement être évaluées au jour du partage à leur valeur de cession au 15 mars 1997, soit 12 500 euros (ce qui correspond à leur valeur nominale),

- dès lors, l'omission dans l'actif de communauté, de la valeur minime - au regard du montant total de l'actif commun (0,38% de la masse active déclarée) - des 125 parts sociales qu'il détenait dans la SARL [31] ne saurait ainsi caractériser une volonté frauduleuse de M. [J] de rompre l'égalité du partage.

Il en résulte que le recel de communauté allégué n'est pas caractérisé. La décision dont appel sera réformée en ce sens.

sur les créances entre époux et l'actif successoral

Pour dire que Mme [L] est redevable envers la succession de M. [J] d'une créance entre époux et que l'actif net de succession s'élevait à la somme de 843 163 euros, le premier juge a retenu que :

- les époux [J]/[L] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens suivant contrat du 15 septembre 1997 stipulant, en son article 3, que chacun des époux sera réputé s'être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage,

- la présomption de contribution aux charges du mariage au jour le jour, instituée par leur contrat de mariage, porte sur le principe de la contribution qui est réputée être acquittée mais elle n'exclut pas qu'il y a lieu d'apprécier si elle l'a été de manière proportionnelle à leurs possibilités financières,

- force est de constater que Mme [L] n'a jamais produit de documents utiles permettant de connaître la situation financière de chacun des époux, se contentant de communiquer des bordereaux de situation du Trésor public relatifs aux impôts impayés dont il ressort qu'en 2004 le montant de l'impôt sur le revenu dû par les époux s'est élevé à 53 548 euros alors que l'expert estime à 124 513 euros le montant des salaires perçus par M. [Y] [J] en qualité de directeur commercial ; il est donc possible d'en déduire que les revenus des époux étaient sensiblement équivalents en 2004.

- il résulte également du rapport d'expertise judiciaire qu'à partir de l'année 2006 les revenus de M. [J] semblent avoir été constitués par ses pensions de retraite et la rente [15] pour un montant annuel moyen de 75 000 euros ; le montant de l'impôt au titre du revenu 2006 s'élève à 468 410 euros, de sorte qu'il en résulte que, pour cette année précise, les revenus de l'épouse ont été très largement supérieurs à ceux de son époux ; l'impôt sur le revenu du couple en 2008 s'est élevé à la somme de 31 715 euros, ce qui confirme l'hypothèse de revenus sensiblement équivalents entre les époux, Mme [L] indiquant elle-même, dans ses écritures, qu'elle exerçait la profession de broker au moment de sa rencontre avec M. [J] et qu'elle gagnait largement sa vie,

- il résulte donc des éléments parcellaires que Mme [L] a bien voulu produire à l'expert qu'il n'existait manifestement aucun motif pour que la contribution aux charges du mariage de M. [J] soit d'un montant supérieur à celle de Mme [L] qui affirme, sans en rapporter la preuve, qu'elle supportait la totalité des dépenses et frais relatifs à l'entretien et au fonctionnement du ménage, de sorte que la contribution de M. [J] à hauteur de 843 163 euros est manifestement excessive compte tenu de la situation financière respective des parties,

- quant à l'argument invoqué par Mme [L] concernant le fait que tous les virements effectués par la société [31] sur le compte joint des époux doivent être considérés comme des apports de la part de l'épouse, ils sont particulièrement mal fondés compte tenu du recel de communauté, auquel elle a elle-même participé, reproché à M. [J],

- il ressort du rapport d'expertise judiciaire que, si M. [J] n'était propriétaire d'aucun bien immobilier au moment du décès et ne semble avoir acquis aucun bien immobilier pendant sa vie commune avec Mme [L], en revanche, cette dernière a acquis un appartement dans un immeuble à [Localité 19] pour le prix de 800 357,34 euros financé pour partie par ses deniers personnels et par un crédit immobilier dont les mensualités ont été prélevées sur le compte joint ainsi que par une somme de 114 337 euros provenant du compte de M. [J] au [21] et par une somme de 40 017,87 euros, montant de l'indemnité d'immobilisation versée par les époux [J] ; des travaux de réfection de la salle de bains ont également été effectués dans cet immeuble, financés par le compte joint des époux ; suite à la revente de ce bien le 26 avril 2012, pour un montant de 1 232 500 euros, le solde du prix, après le remboursement du crédit par anticipation, a été viré pour un montant de 1 005 472,08 euro sur le compte personnel de Mme [L], laquelle ne rapporte pas la preuve qu'elle a remboursé à son époux la moitié des mensualités du crédit immobilier, ni les sommes susvisées ayant servi à l'acquisition et à la rénovation de ce bien propre,

- par acte reçu le 5 mai 2012, Mme [L] a fait l'acquisition d'une maison d'habitation à [Localité 14] dont elle est toujours propriétaire moyennant le prix de 603 000 euros, payé comptant à concurrence de 578 850 euros de ses deniers personnels et à hauteur de 30 150 euros correspondant au dépôt de garantie réglé avec les fonds du compte joint le 20 mars 2012 au notaire des vendeurs,

- également, au moment du décès de son époux, Mme [L] était l'associée unique de deux sociétés, la SARL [31] et la SARL [28] et avait été l'associée unique de la SARL [17], liquidée en 2011 ; or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'analyse des recettes et dépenses sur les relevés bancaires du compte joint des époux [J]/[L] que des règlements ont été faits pour le compte tant de la SARL [17] que de la SARL [28],

- aucun élément n'étant invoqué ou produit aux débats permettant de remettre sérieusement en cause les conclusions de l'expert judiciaire, il convient de les entériner et de dire que l'actif successoral net de la succession de M. [Y] [J] s'élève à la somme de 843 163 euros correspondant à la créance entre époux dont Mme [B] [L] est redevable envers la succession de M. [Y] [J].

Mme [L] ne conteste pas la méthode de calcul de l'expert mais fait deux observations qui ramènent la créance de la succession à son égard de la somme de 846 163 euros à celle de 222 712 euros, à savoir :

- la prise en compte d'une somme de 38 000 euros correspondant au paiement d'une annuité de l'un des prêts immobiliers (versement de ses fonds propres sur le compte [18] puis versement du compte [18] sur le compte [22]) ce qui modifie le calcul du profit subsistant,

- la prise en compte d'une somme de 598 567 euros correspondant à une avance sur dividendes versée par la société [31] (société dont elle était l'associée unique) sur le compte [18].

M. [R] [J] et Mme [A] [J] concluent, quant à eux, à la confirmation du jugement sur ce point.

Il sera rappelé que les époux [J]/[L] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et que, comme l'a rappelé le premier juge, leur contribution aux charges du mariage était régie par les dispositions du contrat de mariage.

L'expert a procédé dès lors, en l'état des éléments qui lui étaient fournis, à une analyse la plus complète possible des mouvements de fonds entre les comptes personnels et les comptes joints des parties pour déterminer l'existence éventuelle de créances entre époux.

À cet effet, il a relevé que les époux étaient titulaires de deux comptes joints, l'un auprès de la [18] et l'autre auprès du [22].

Il indique, s'agissant du compte [18], que chacun des époux a réglé des dépenses personnelles par prélèvement sur ce compte joint, ce qui justifie qu'un compte de créances entre époux soit établi en tenant compte toutefois de la quote-part de chacun dans le compte joint estimée à la moitié.

L'expert a par ailleurs, après examen des comptes litigieux, considéré qu'il existait une créance entre époux au profit de M. [J] s'agissant du financement du logement de la famille à [Localité 19], appartenant en propre à Mme [L], étant observé que cet appartement a été financé en partie par des fonds provenant du compte personnel de M. [J] et par des prêts dont les échéances étaient réglées à partir du compte joint [22].

Il a ainsi calculé la participation de M. [J] dans le financement de cet immeuble et calculé la créance qui lui était due en appliquant la règle du profit subsistant sur le prix de revente de cet immeuble.

Il en résulte une créance de M. [J] à l'égard de Mme [L] de 579 275 euros de ce chef.

L'expert ayant considéré à juste titre, sans être utilement démenti par Mme [L], que le compte sur lequel les échéances de prêt étaient prélevées avait été alimenté de manière équivalente par les époux sur la période de remboursement du prêt, la circonstance que le compte joint [22] ait été alimenté le 30 août 2007 par un virement de 38 000 euros provenant du compte joint [18], lui-même alimenté par un virement du même montant émanant d'un compte personnel de Mme [L], ne saurait justifier que cette somme soit déduite du calcul de l'expert sans que Mme [L] ne justifie que ce versement modifie le constat de l'expert d'une participation équivalente de chacun des époux à l'alimentation de ce compte sur la totalité de la période.

Par ailleurs, après analyse des mouvements de fonds entre le compte joint [18] et les comptes personnels des époux, l'expert a évalué la créance de M. [J] à l'encontre de Mme [L] à la somme de 316 658 euros.

Mme [L] reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte dans ses calculs d'une somme de 598 567 euros virée par la SARL [31] sur le compte joint [18] en 2006.

S'il est exact que, sur l'exercice 2006, la SARL [31] a bénéficié d'un résultat exceptionnel de 1 959 974 euros, suite à la cession de ses actions dans la SA [24], et que Mme [L] était associée unique de la SARL [31], il ne saurait en être déduit que la somme litigieuse correspondait nécessairement à une partie de ses dividendes et devait ainsi être prise en compte dans la balance de calcul des créances entre époux comme un apport personnel.

Dès lors, et en considération de l'opacité des mouvements de fonds constatés sur les différents comptes des parties, de la résistance délibérée de Mme [L] à produire les pièces réclamées par l'expert et de l'implication particulière de M. [J] dans la SARL [31], c'est à juste titre que l'expert n'a pas pris en compte cette somme, provenant d'un tiers, comme un apport personnel de Mme [L] pour calculer les créances entre époux.

En définitive, c'est à bon droit que l'expert a retenu une créance de M. [J] à l'encontre de Mme [L] à hauteur de 316 658 euros à ce titre.

La créance de M. [J] à l'encontre de Mme [L], à inclure dans l'actif successoral, s'élève donc à la somme totale de 892 933 euros.

L'expert évalue par ailleurs la créance de Mme [L] à l'égard de M. [J] - et donc aujourd'hui de ses ayants droits - à la somme de 42 120 euros, somme qui n'est pas contestée par les parties.

C'est ainsi que le premier juge a retenu à juste titre que l'actif net de la succession s'élevait à : 892 933 - 49 770 = 843 163 euros.

La décision dont appel sera en conséquence confirmée de ce chef.

sur les donations déguisées

S'agissant de la somme de 18 038 euros, le premier juge a retenu que :

- à la page 54 de son pré-rapport, l'expert judiciaire a interrogé Mme [B] [L] sur une somme de 18 038 euros payée par chèque au profit des impôts en se demandant si cette somme était destinée à payer les impôts personnels de M. [Y] [J] ou ceux de Mme [B] [L],

- Mme [B] [L] n'ayant pas répondu, tel que cela ressort de la page 13 des annexes du rapport judiciaire définitif, M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent au tribunal de dire que cette somme devra être rapportée à l'actif successoral, s'agissant d'une créance de la succession à l'encontre de Mme [B] [L],

- en l'absence d'autre élément de preuve, le fait que Mme [B] [L] n'ait pas estimé utile de répondre à l'expert ou de fournir tous documents permettant de justifier de la destination de cette somme est insuffisant pour établir la preuve qu'elle a bénéficié de la part de M. [Y] [J] d'une donation déguisée alors que la preuve d'une intention libérale n'est pas rapportée et que les demandeurs ayant constaté que l'expert judiciaire se voyait opposer le secret professionnel par l'administration fiscale, avaient parfaitement la possibilité (de même que l'expert) de demander au juge chargé du contrôle des expertises d'autoriser l'expert à se faire remettre sur sa demande tous documents dont il estimera la production nécessaire, en intervenant directement, tant auprès des parties qu'auprès des tiers, sans que ces derniers puissent invoquer le bénéfice du secret professionnel.

En cause d'appel, M. [R] [J] et Mme [A] [J] se bornent à réitérer leur demande de communication de la copie du chèque de 18 038 euros réglé aux services fiscaux, demande rejetée par le conseiller de la mise en état.

M. [J] est décédé le [Date décès 12] 2013, soit maintenant depuis plus de 11 ans. Une expertise a été ordonnée le 21 octobre 2014 aux fins de reconstituer l'actif et le passif de la succession de l'intéressé, expertise qui s'est déroulée sur plus d'un an puisque le rapport a été déposé le 24 novembre 2015.

Comme l'a fort justement rappelé le premier juge, les parties n'ont pas sollicité du juge commis les diligences qui auraient pu permettre d'obtenir des services fiscaux les informations sollicitées.

Il sera en outre rappelé que la charge de la preuve de la donation déguisée, à savoir du paiement et de l'intention libérale de son auteur, repose sur ceux qui l'invoquent.

Dans ces conditions, la demande de communication de pièces sera rejetée et, faute pour M. [R] [J] et Mme [A] [J] de rapporter la preuve de l'existence d'une donation déguisée de ce chef, la décision du premier juge sera confirmée, étant observé que, dans ses dernières écritures, Mme [L] explique que cette somme correspondait aux impôts sur le revenu du couple pour les années 2004 et 2008 ainsi qu'à la taxe foncière 2009 et qu'il résulte du rapport d'expertise que ce chèque au profit du Trésor public a été débité après qu'elle a elle-même crédité le compte joint de la somme de 18 000 euros.

Sur la demande de rapport de la somme de 600 000 euros, le premier juge a retenu que :

- ayant constaté, à la lecture d'un extrait du relevé de compte bancaire personnel de Mme [B] [L] ouvert à la [18], qu'une somme de 600 000 euros avait été virée sur son compte au moment de l'achat, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, de l'appartement de [Localité 19], M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent le rapport à la succession de leur père de cette somme en soutenant qu'il s'agit d'une donation déguisée faite par leur père à son épouse,

- force est de constater que le virement concerné s'intitule « Vir Cpte et Cpe reçu [J] [B] D bouclement demande d'avance CA » et que la preuve n'est pas rapportée que le virement proviendrait soit d'un compte joint, soit d'un compte personnel de M. [Y] [J].

En cause d'appel, M. [R] [J] et Mme [A] [J] se bornent là aussi à réitérer leur demande de « justification du versement de la somme de 600 000 euros qui lui a été versée par M. [Y] [J] en juillet 2008 ».

Cette demande sera rejetée au regard des observations pertinentes du premier juge sur la charge de la preuve. La décision du premier juge sera donc également confirmée sur ce point.

Sur la demande de rapport d'une somme de 295 600,22 euros, le premier juge a retenu que :

- M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent le rapport à la succession de M. [Y] [J] d'une somme de 295 600,22 euros au motif que le compte de Mme [B] [L] était créditeur de ce montant au 13 octobre 2008, ce qui aurait permis de régler le 14 octobre 2008 la somme de 280 050 euros pour l'achat en VEFA et constitue une donation déguisée,

- force est de constater que les demandeurs procèdent par affirmations sur la base de simples suppositions mais qu'ils n'articulent aucun faisceau d'éléments précis et concordants de nature à rapporter la preuve que la somme dont le rapport est sollicité proviendrait de fonds versés par M. [Y] [J] à son épouse.

M. [R] [J] et Mme [A] [J] ne rapportent pas plus une telle preuve en cause d'appel, se limitant là encore à réitérer une demande de communication de pièces rejetée par le conseiller de la mise en état et présupposant que les sommes litigieuses provenaient des comptes de leur père sans pour autant en justifier.

La décision du premier juge sera également confirmée sur ce point en ce qu'elle a dit que la preuve d'une donation déguisée n'était pas plus rapportée.

Sur la demande de rapport d'une somme de 563 050 euros au titre d'un rachat partiel d'assurance-vie, le premier juge a retenu que :

- M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent le rapport à la succession de leur père de cette somme, correspondant à des versements (3000 euros, 111 000 euros, 169 000 euros et 280 050 euros) créditées sur le compte de Mme [B] [L], au motif qu'il s'agirait d'une donation déguisée au profit de son épouse de la part de leur père,

- les demandeurs ne produisent aucun élément de preuve, en dehors des interrogations de l'expert judiciaire, que la somme dont le rapport à la succession est sollicité serait une donation déguisée de M. [Y] [J].

Là encore, une telle preuve n'est pas plus rapportée en cause d'appel par M. [R] [J] et Mme [A] [J], ce qui justifie le rejet de leur demande, étant observé que, dans ses dernières conclusions, Mme [L] justifie que ces fonds proviennent de rachats d'assurances-vie qu'elle avait souscrites elle-même à l'aide des dividendes perçus de la société [31] à hauteur de près de 2 millions d'euros.

La décision du premier juge sera également confirmée sur ce point.

Sur la demande de rapport à la succession de la somme de 70 000 euros et de la somme de 174 000 euros, le premier juge a retenu que :

- M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent le rapport à la succession de leur père de ces sommes correspondant à l'addition de plusieurs chèques, au motif qu'il s'agirait de donations déguisées de la part de leur père au profit de Mme [L],

- à la page 56 du pré-rapport, l'expert judiciaire avait demandé à Mme [L] de fournir la copie de la souche des chèques concernés et, à défaut, de se procurer la copie de tous les chèques auprès de la [18],

- les demandeurs, qui auraient pu eux-mêmes faire autoriser l'expert à solliciter la copie des chèques auprès de l'organisme bancaire, ne produisent aucun élément de preuve, en dehors des interrogations de l'expert judiciaire, que les sommes dont le rapport à la succession est sollicité proviennent du compte joint ou d'un compte personnel de M. [Y] [J] et correspondent à une donation déguisée de sa part.

En cause d'appel, M. [R] [J] et Mme [A] [J] ne fournissent pas plus d'élément de preuve et se contentent de réitérer leur demande de communication des chèques litigieux.

C'est sur le fondement d'observations pertinentes que le premier juge a rejeté la demande tendant à voir dire que les sommes en question correspondent à des donations déguisées, sachant qu'il ne saurait être fait droit aujourd'hui à cette demande de communication de pièces alors même que, compte tenu du long délai qui s'est écoulé, il est peu vraisemblable que ces chèques puissent être produits et qu'il sera rappelé que la charge de la preuve leur incombe.

La décision du premier juge sera encore confirmée de ce chef.

Sur la demande de rapport de la somme de 284 930 euros virés entre 2005 et 2012 sur le compte de M. [P] [J], le premier juge a retenu que :

- M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent le rapport à la succession de leur père de cette somme correspondant à 65 virements effectués sur le compte bancaire de l'intéressé,

- au soutien de leurs prétentions, les demandeurs se contentent d'affirmer que « des sommes importantes ont transité par le compte de [P] [J], enfant mineur du couple [J]/[L] alors qu'il n'avait à l'époque que 12 ans et ainsi en 2012 il apparaît sur le relevé bancaire 57 virements pour la somme globale de 228 500 euros et en 2013 huit virements pour la somme de 56 430 euros »,

- force est de constater que les demandeurs ne versent aux débats ni les relevés bancaires du compte de M. [P] [J] dont le numéro et la banque ne sont pas précisés, ni les relevés bancaires établissant que la somme sollicitée provient de virements effectués à partir du compte joint des époux [J] ou d'un compte personnel de M. [Y] [J], précision faite que le tribunal n'a pas trouvé ces documents dans l'exemplaire du rapport d'expertise judiciaire produit par les parties,

- de plus, il est indiqué à la page 21 des annexes du rapport d'expertise judiciaire qu'en 2012 le compte joint a été alimenté par 57 virements de [P] [J] pour un montant total de 228 500 euros,

- la preuve de donations déguisées faites par M. [Y] [J] au profit de son fils [P] [J] n'est pas rapportée.

En cause d'appel, M. [R] [J] et Mme [A] [J] ne produisent pas plus la preuve de leurs allégations.

Dans ces conditions, la décision du premier juge fondé sur des motifs pertinents sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de rapport à la succession du montant des taxes foncières pour les années 2005 à 2012 concernant l'immeuble de [Localité 19], le premier juge a retenu que :

- M. [R] [J] et Mme [A] [J] demandent de rapport à la succession de leur père du montant des taxes foncières concernant l'immeuble de [Localité 19] appartenant en propre à Mme [B] [L] au motif qu'elle ne prouve pas qu'elle assumait personnellement ces paiements,

- il sera rappelé que la charge de la preuve de la donation déguisée alléguée par les demandeurs repose sur eux et que l'existence d'une donation déguisée ou indirecte suppose que soit rapportée, par celui qui l'invoque, la preuve de l'intention libérale du donateur,

- en l'espèce, les demandeurs ne produisent aucun élément permettant d'affirmer que les taxes foncières concernées ont été payées par M. [Y] [J] pour le compte de son épouse.

Il ne saurait là encore être pallié à la carence des demandeurs dans l'administration de la preuve par une demande de production sous astreinte de justificatifs alors que, pas plus en cause d'appel qu'en première instance, M. [R] [J] et Mme [A] [J] ne justifient que les taxes foncières litigieuses auraient été réglées par leur père.

La décision du premier juge sera également confirmée de ce chef.

M. [R] [J] et Mme [A] [J] seront ainsi déboutés de leurs demandes de communication de pièces sous astreinte et de complément d'expertise sachant que, comme cela a été rappelé précédemment, la charge de la preuve des donations déguisées qu'ils allèguent pèse sur eux en application des dispositions de l'article 1353 du code civil et que, en tout état de cause, ils n'ont pas entrepris, au cours de la mission d'expertise, les démarches nécessaires auprès du juge commis pour obtenir la communication par des tiers des documents qu'ils revendiquent aujourd'hui.

S'agissant de la liste des comptes bancaires ouverts auprès de la société [18] dont les demandeurs souhaitent connaître le ou les détenteurs, l'expert commis avait pour mission de consulter le Ficoba à cet effet (ce qui permettait d'avoir la liste complète des comptes détenus par le défunt) et il appartenait là encore à l'expert commis et/ou aux demandeurs à l'instance de solliciter le juge commis en cas de difficultés.

En l'état des observations qui précèdent, il n'y a en outre pas lieu de confier au notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [Y] [J] la mission de consulter à nouveau Ficoba ou de faire des recherches complémentaires.

De la même manière, aucun recel successoral n'étant en l'espèce avéré, il n'y a pas lieu de « réserver » aux demandeurs la possibilité d'une telle action.

La décision dont appel sera réformée sur ces points.

L'équité commande enfin de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés dans cette instance. Mme [B] [L] d'une part et M. [R] [J], Mme [A] [J] et Mme [U] [O] d'autre part seront en conséquence déboutés de leurs demandes respectives sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure d'appel seront inclus dans les frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME la décision du tribunal judiciaire de Bayonne du 23 novembre 2020, sauf en ce qu'elle a :

- dit que Mme [O] était devenue propriétaire exclusive des 125 parts sociales de la SARL [31] dont M. [Y] [J] était détenteur, et ce à compter de la dissolution de la communauté intervenue le 24 mai 1996, à la suite du recel de communauté commis par M. [Y] [J],

- dit qu'elle avait droit en conséquence à concurrence de ses droits, aux dividendes produits par les parts sociales, au produit de la vente des actifs de la SARL [31] et au produit de la vente intervenue le 12 janvier 2006 des actions possédées par la SARL [31] dans la société [24],

- réservé la demande de M. [R] [J] et de Mme [A] [J] tendant à voir constater l'existence d'un recel de succession dans l'hypothèse où il pourrait s'avérer que des comptes ouverts dans les livres de la société [18], non signalés par Mme [L], sont au nom de M. [Y] [J] ou constituent des comptes joints dont ce dernier serait un des titulaires,

- dit que le notaire commis devra rechercher le ou les noms du ou des titulaires des comptes ouverts dans les livres de la [18] dans la liste est fournie,

- dit que le notaire commis interrogera, si besoin est les fichiers Ficoba, la [16], l'AGIRA, toutes banques et tous organismes financiers et bancaires susceptibles de le renseigner non seulement sur les comptes susvisés mais d'une manière générale sur les comptes qui ont été ouverts, pendant leur vie commune, au nom de M. [Y] [J] et/ou au nom de M. [Y] [J] et de Mme [B] [L], les valeurs qui étaient entreposées et les mouvements de fonds enregistrés ainsi que sur les contrats d'assurance-vie et décès et leurs clauses bénéficiaires,

- fait réquisition en tant que de besoin à ces organismes de déférer aux demandes du notaire,

- dit que le notaire commis sera ainsi autorisé à solliciter directement les informations utiles auprès de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte de M. [Y] [J] et de Mme [B] [L] et, le cas échéant, des sociétés dans lesquelless l'un ou l'autre des époux ont eu ou ont des intérêts financiers, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé,

- dit que le notaire commis pourra également se faire remettre sur sa demande tous les relevés de compte, les documents bancaires et comptables ainsi que tous autres documents dont il estimera la production nécessaire,

- dit que le notaire commis devra chiffrer le montant des sommes revenant à Mme [O].

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

DEBOUTE Mme [U] [O] de l'ensemble de ses demandes au titre du recel de communauté

DEBOUTE M. [R] [J] et de Mme [A] [J] de leur demande de communication de pièces sous astreinte ainsi que de leur demande de complément d'expertise,

DIT n'y avoir lieu à réserver l'action en recel de succession de M. [R] [J] et de Mme [A] [J] et à confier au notaire une mission d'investigation complémentaire,

DEBOUTE les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

DEBOUTE les parties de leur demande respective sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens d'appel seront inclus dans les frais privilégiés de partage.

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