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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 22 avril 2025, n° 23/02426

NANCY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Vice-président :

M. Silhol

Conseiller :

M. Firon

Avocats :

Me Thiriet, Me Mouton

TJ Val de Briey, du 25 sept. 2023, n° 22…

25 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte notarié du 25 mai 2022, Monsieur [B] [I] a vendu à Monsieur [K] [V] et Madame [W] [P] une 'maison en cours de construction' située [Adresse 1] pour le prix de 135000 euros.

Se plaignant de l'absence d'un compteur d'eau pourtant prévu dans l'acte notarié, Monsieur [V] et Madame [P] ont adressé une lettre recommandée de mise en demeure à Monsieur [I], déposée le 15 juillet 2022 et revenue avec la mention 'Pli avisé et non réclamé'.

Ils ont par ailleurs fait procéder à un constat d'huissier le 4 août 2022 pour établir l'absence d'installation de ce compteur d'eau.

Par acte d'huissier du 12 septembre 2022, Monsieur [V] et Madame [P] ont fait assigner Monsieur [I] devant le tribunal judiciaire de Val-de-Briey aux fins de condamnation de ce dernier à leur payer les sommes de 2825,59 euros correspondant au coût d'installation du compteur d'eau, 2437,60 euros correspondant au coût de remplacement de la porte de garage, 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction, outre la condamnation de Monsieur [I] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Codazzi.

Par jugement réputé contradictoire du 25 septembre 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2022,

- condamné Monsieur [I] à payer ensemble à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 2825,59 euros au titre du coût d'installation du compteur d'eau avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2022,

- rejeté la demande de Monsieur [V] et Madame [P] en dommages et intérêts au titre du coût de remplacement de la porte du garage,

- rejeté la demande de Monsieur [V] et Madame [P] en dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

- condamné Monsieur [I] à payer ensemble à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [I] aux dépens avec distraction au profit de Maître Bruno Codazzi, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement au titre du compteur d'eau, le premier juge a relevé que selon l'acte de vente notarié du 25 mai 2022, le vendeur déclare que le terrain est viabilisé, mais que la maison n'est pas raccordée à un réseau de distribution, précisant cependant qu''un compteur d'eau et un compteur d'électricité ont été installés en limite de propriété'.

Il a indiqué que, selon constat d'huissier du 4 août 2022, s'il existe bien un raccordement au réseau gaz, électricité et télécom en bordure de propriété, il n'existe pas de compteur d'eau sur ce bien. Le premier juge en a déduit que Monsieur [I] a, par erreur, indiqué aux acquéreurs que le bien disposait d'un compteur d'eau, ces derniers ayant été trompés sur la nature du bien et sa substance. Il a estimé que la présence d'un compteur d'eau était déterminante dans la conclusion du contrat et a considéré que l'erreur était caractérisée, la responsabilité de Monsieur [I] étant de ce fait engagée. Eu égard au devis établi par la société Suez eau France le 22 juin 2022 d'un montant de 2825,59 euros, il a condamné Monsieur [I] à payer cette somme à Monsieur [V] et Madame [P], avec intérêt au taux légal à compter du 12 septembre 2022, date de l'assignation.

Concernant la demande relative à la porte du garage, le premier juge a indiqué que, selon l'acte de vente, l'électrification effective de l'ouverture de la porte de garage n'entrait pas dans le champ contractuel. Il a relevé que Monsieur [V] et Madame [P] ne rapportaient pas la preuve que Monsieur [I] leur aurait promis que la porte serait électrifiée avant la vente. Il a ajouté que les photographies versées aux débats n'étaient pas circonstanciées, n'ayant pas été réalisées par un huissier et que le devis produit concerne la pose d'une nouvelle porte et non la mise en route d'un système d'électrification de l'ouverture de la porte. Dès lors, il les a déboutés de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, le tribunal a exposé que Monsieur [V] et Madame [P] soutenaient avoir subi un préjudice moral constitué par la conviction d'avoir été trompés par Monsieur [I]. Il a considéré qu'en ayant recours à ces termes, ils ne caractérisaient pas un préjudice distinct de celui pour lequel ils ont déjà été indemnisés, dès lors que leur demande en paiement est fondée sur l'existence d'une erreur ou d'un dol. Il a ajouté que Monsieur [V] et Madame [P] se contentant d'évoquer la conviction d'avoir été trompés, ils n'apportaient aucun élément supplémentaire sur les conséquences morales de l'erreur dont est responsable Monsieur [I].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 20 novembre 2023, Monsieur [I] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [I] demande à la cour, sur le fondement des articles 1130, 1132 et 1178 du code civil et 564 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement rendu le 25 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey en ce qu'il a :

- condamné Monsieur [I] à payer ensemble à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 2825,59 euros au titre du coût d'installation du compteur d'eau avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2022,

- condamné Monsieur [I] à payer ensemble à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [I] aux dépens avec distraction au profit de Maître Bruno Codazzi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable l'appel incident de Monsieur [V] et Madame [P] tendant à la condamnation de Monsieur [I] à leur verser la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

- débouter Monsieur [V] et Madame [P] de leur appel incident,

Statuant à nouveau,

- débouter Monsieur [V] et Madame [P] de leurs entières demandes, fins et prétentions dirigées contre Monsieur [I],

- condamner in solidum Monsieur [V] et Madame [P] à verser à Monsieur [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Monsieur [V] et Madame [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris les frais de signification et les éventuels frais d'exécution au sens des articles L 111-7 et L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 13 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [V] et Madame [P] demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé Monsieur [V] et Madame [P] en leur appel incident de la décision rendue le 25 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey,

Y faisant droit,

- réformer le jugement sus énoncé et daté en ce qu'il a :

- rejeté la demande de Monsieur [V] et Madame [P] en dommages et intérêts au titre du coût de remplacement de la porte de garage à hauteur de 2437,60 euros,

- rejeté la demande de Monsieur [V] et Madame [P] en dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral à hauteur de 8000 euros,

Et statuant à nouveau,

- condamner Monsieur [I] à payer la somme de 2437,60 euros au titre du coût de remplacement de la porte de garage,

- condamner Monsieur [I] à payer la somme de 8000 euros au titre du préjudice moral et de jouissance,

- confirmer pour le surplus la décision déférée et débouter Monsieur [I] de son recours ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner Monsieur [I] à payer la somme de 3000 euros au titre des frais non répétibles de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [I] aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 14 janvier 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 3 février 2025 et le délibéré au 22 avril 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

Sur la demande présentée au titre de l'absence du compteur d'eau

Monsieur [V] et Madame [P] fondent leur action à titre principal sur l'existence d'un vice du consentement et, à titre subsidiaire, sur un manquement à l'obligation de délivrance conforme.

L'article 1130 du code civil dispose : 'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.

Selon l'article 1132 de ce code, 'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant'.

L'article 1133 du même code prévoit : 'Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité'.

En l'espèce, l'acte de vente notarié du 25 mai 2022 stipule en page 11 : 'Le VENDEUR déclare que le terrain est viabilisé mais que la maison n'est raccordée à aucun réseau de distribution (eau, gaz, électricité, téléphone et communication, assainissement').

Un compteur d'eau et un compteur d'électricité ont été installés en limite de propriété'.

Or, selon procès-verbal de constat d'huissier du 4 août 2022, il n'existe pas de compteur d'eau, cette absence n'étant pas contestée par Monsieur [I].

En application des dispositions des articles 1132 et 1133 du code civil, Monsieur [V] et Madame [P] ont contracté en pouvant légitimement croire à l'existence d'un compteur d'eau qui, s'agissant d'un élément expressément convenu, constitue une qualité essentielle de la prestation due.

Pour contester l'existence d'une erreur vice du consentement, Monsieur [I] affirme avoir 'alerté le notaire' rédacteur de l'acte de vente définitif, par courriels des 26 mai et 15 juin 2020, de l'absence de raccordement de la parcelle à l'électricité, au gaz, à l'eau et à l'assainissement, ces informations ayant été reprises dans le compromis de vente du 15 janvier 2022.

En premier lieu, Monsieur [I] n'a pas 'alerté' le notaire à ce sujet, n'ayant fait que répondre aux questions de ce dernier dans deux courriels.

En deuxième lieu, ces courriels de mai et juin 2020 sont antérieurs de deux ans à l'acte notarié du 25 mai 2022. Il ne peut dès lors en être tiré aucune conséquence puisque des compteurs auraient pu être installés ultérieurement.

En troisième lieu, les courriels en réponse de Monsieur [I] ne mentionnent nullement une absence de compteur d'eau, mais seulement une absence de raccordement.

En quatrième lieu, dans son courriel du 15 juin 2020, Monsieur [I] fait expressément référence à des compteurs en écrivant : 'Suite à votre demande du 15 juin 2020, je porte à votre connaissance que la parcelle est bien viabilisée mais qu'aucun raccordement entre la maison et les compteurs n'existe : Ni à l'électricité, ni au gaz, ni à l'eau [...]'.

Monsieur [I] prétend que c'est par erreur que le notaire a mentionné en page 11 de l'acte authentique que le compteur d'eau et le compteur d'électricité avaient été installés en limite de propriété.

À la supposer exacte, cette indication portant sur l'origine de la mention erronée est indifférente s'agissant d'une erreur vice du consentement.

Monsieur [I] affirme ne pas avoir pu rectifier cette erreur avant la signature de l'acte authentique, car il n'a reçu aucun projet d'acte, qu'il n'a découvert le contenu de cet acte que le jour de la signature, laquelle a été réalisée dans l'empressement en ne laissant pas aux parties le temps de relire l'acte et ses stipulations.

Tout d'abord, Monsieur [I] ne rapporte pas la preuve de ses allégations relatives à l'absence de transmission d'un projet d'acte notarié avant le jour de la signature, ainsi qu'aux conditions de signature de cet acte, étant observé qu'il n'a pas mis en cause le notaire dans la présente procédure.

Surtout, elles sont sans portée quant à l'existence d'une erreur vice du consentement pour Monsieur [V] et Madame [P].

Monsieur [I] ajoute que Monsieur [V] et Madame [P] ont réalisé plusieurs visites au cours desquelles ils ont pu se rendre compte des équipements manquants et présents,

l'agent immobilier ayant attesté que ces derniers ont été informés lors des visites de l'absence du compteur d'eau notamment.

S'agissant des visites réalisées par Monsieur [V] et Madame [P], il est rappelé qu'il s'agissait de la vente d'une maison 'en cours de construction' et il ne peut être considéré que des acquéreurs profanes se sont rendus compte de l'absence de compteur d'eau en visitant le bien.

Quant à l'attestation établie par Monsieur [T] [U], chargé de la vente de la maison de Monsieur [I], indiquant que Monsieur [V] et Madame [P] 'ont été parfaitement informés lors des différentes visites de cette maison que les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité n'étaient pas présent [sic]', elle est insuffisamment probante.

Tout d'abord, ayant été mandaté par le vendeur, l'agent immobilier ne peut être considéré comme impartial alors qu'il a été mis en cause au même titre que Monsieur [I] par courrier recommandé de Monsieur [V] et Madame [P] en date du 6 juillet 2022. L'agent immobilier a en effet un intérêt à ce qu'il soit retenu que les acquéreurs n'ignoraient pas l'absence du compteur d'eau, excluant de ce fait toute éventuelle responsabilité de sa part.

Ensuite, il est pour le moins surprenant que dans cette même attestation, Monsieur [U] ajoute : 'Nous avons bien réalisé une dernière visite le jour de l'acte authentique afin de montrer l'absence de ces compteurs [...]'. En effet, si l'absence d'un compteur d'eau était connue de Monsieur [V] et Madame [P], il n'était pas nécessaire de procéder à une nouvelle visite du bien 'pour leur montrer cette absence'.

Monsieur [I] indique encore que l'acte de vente stipule que tous les raccordements au réseau et les frais y afférents seront supportés par l'acquéreur.

Cependant, cet argument est sans emport dès lors que cette stipulation ne contredit pas celle mentionnant l'existence d'un compteur d'eau.

Monsieur [I] fait valoir la stipulation en page 16 de l'acte de vente selon laquelle l'acquéreur prendra le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exercer de recours contre le vendeur et celle figurant en page 2 selon laquelle l'acquéreur déclare avoir connaissance de la situation constatée en visitant le bien.

Cependant, la stipulation mentionnée en page 2 évoque l'absence de cloisons intérieures et de plomberie, ainsi que l'installation d'électricité, mais ne se rapporte nullement à l'existence d'un compteur d'eau.

Quant à l'exclusion de garantie en page 16, elle est introduite par l'intitulé suivant : 'Informations et déclarations complémentaires'. Dès lors, s'agissant de déclarations 'complémentaires', elles ne sauraient avoir pour effet de vider de sens et de portée les stipulations claires qui précèdent, notamment quant à l'existence d'un compteur d'eau. Le contrat de vente est un contrat synallagmatique emportant des obligations réciproques à la charge du vendeur et de l'acquéreur. L'obligation de délivrer le bien convenu est une obligation essentielle du vendeur, dont ce dernier ne saurait s'exonérer par une clause portant atteinte à son obligation principale. En d'autres termes, la stipulation selon laquelle l'acquéreur prendra le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exercer de recours contre le vendeur ne peut avoir pour effet de dispenser ce dernier de remettre à l'acquéreur un bien correspondant aux caractéristiques expressément mentionnées dans l'acte notarié de vente.

En conséquence, la présence d'un compteur d'eau étant clairement stipulée à l'acte, l'acquéreur peut se prévaloir de son absence pour invoquer une erreur constitutive d'un vice du consentement.

Monsieur [I] soutient également qu'il n'existe aucune erreur vice du consentement dès lors qu'il n'est pas démontré que Monsieur [V] et Madame [P] n'auraient pas contracté, ou à des conditions substantiellement différentes, s'ils avaient eu connaissance de l'absence d'un compteur d'eau, en soulignant que le devis d'installation d'un tel compteur est d'un montant de 2825,59 euros et que le prix de vente est de 135000 euros. Il ajoute qu'il n'est pas établi que l'absence d'un compteur d'eau soit une qualité essentielle à une maison d'habitation qui devait être achevée.

Cependant, le paragraphe concerné, intitulé 'Raccordement aux réseaux', situé en pages 11 et 12 de l'acte notarié, après avoir mentionné que le terrain est viabilisé, que la maison n'est raccordée à aucun réseau de distribution, qu'un compteur d'eau et un compteur d'électricité ont été installés, que les frais de raccordement seront supportés par l'acquéreur, indique in fine : 'Les parties déclarent avoir expressément tenu compte de ces éléments lors de la fixation du prix'.

Il en résulte que les parties ont érigé ces caractéristiques du bien en éléments essentiels du contrat, présentant un caractère déterminant de leur consentement et que Monsieur [V] et Madame [P] auraient acheté le bien à des conditions substantiellement différentes s'ils avaient eu connaissance de l'absence du compteur d'eau.

En conséquence, l'erreur vice du consentement est caractérisée.

Monsieur [V] et Madame [P] sollicitent la somme de 2825,59 euros en présentant un devis daté du 22 juin 2022.

Monsieur [I] prétend que l'indemnisation du dommage suppose corrélativement que le contrat soit annulé, alors que cette annulation du contrat n'a pas été demandée en l'espèce. Il affirme que l'arrêt cité par Monsieur [V] et Madame [P] ne peut pas être transposé au cas d'espèce.

Cependant, le dernier alinéa de l'article 1178 du code civil prévoit que 'Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle'.

Ce texte prévoyant expressément que l'indemnisation peut être demandée 'indépendamment' et non 'en plus' de l'annulation du contrat, il en résulte que les acquéreurs sont fondés à solliciter des dommages et intérêts sans présenter de demande en nullité du contrat.

Eu égard au devis établi par la société Suez eau France le 22 juin 2022, Monsieur [I] sera condamné à payer la somme de 2825,59 euros à Monsieur [V] et Madame [P].

Le jugement sera donc confirmé à ce sujet.

Sur la demande relative à la porte du garage

Monsieur [V] et Madame [P] allèguent un manquement de Monsieur [I] à son obligation d'information sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil. Ils prétendent que ce dernier leur a indiqué de façon trompeuse, lors de la visite des lieux, que la porte de garage n'était pas électrifiée, mais que l'ensemble des pièces nécessaires à l'achèvement de cette porte était rassemblé dans une autre pièce de l'immeuble avec le moteur. Ils exposent qu'il manquait néanmoins des pièces métalliques et des câbles. Ils produisent l'attestation d'un artisan témoignant de l'impossibilité d'ouvrir la porte en raison des pièces manquantes. Ils affirment que, de ce fait, ils ont été contraints de remplacer la porte et produisent un devis d'un montant de 2437,60 euros.

L'article 1112-1 du code civil dispose : 'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants'.

Il résulte de ces dispositions légales que, pour se prévaloir d'un manquement à l'obligation d'information de Monsieur [I], Monsieur [V] et Madame [P] doivent démontrer qu'ils ignoraient l'état de la porte du garage, que cette information était déterminante de leur consentement et que Monsieur [I] était tenu de leur délivrer cette information.

Tout d'abord, les photographies produites par Monsieur [V] et Madame [P] montrent clairement que cette porte n'était pas achevée, notamment en raison de fils électriques non raccordés. Or, l'acte de vente ne prévoit pas d'obligation à la charge de Monsieur [I] concernant la porte de garage.

Ensuite, Monsieur [V] et Madame [P] ne rapportent pas la preuve de leur affirmation selon laquelle Monsieur [I] leur aurait indiqué lors d'une visite des lieux que l'ensemble des pièces nécessaires à l'achèvement de la porte de garage était rassemblé dans une autre pièce de l'immeuble avec le moteur.

Contrairement à ce que soutiennent Monsieur [V] et Madame [P], le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve à ce sujet. En vertu des dispositions légales rappelées ci-dessus, il incombe aux intimés de prouver que Monsieur [I] leur devait cette information. Or, en raison du caractère inachevé de la maison en général et de cette porte en particulier, c'est aux acquéreurs qu'il incombait de se renseigner quant aux pièces nécessaires pour terminer cette installation.

S'agissant de l'attestation de Monsieur [D] [G], elle relate l'impossibilité d'ouvrir la porte et est donc sans emport quant à une quelconque obligation d'information du vendeur. Il est ajouté qu'à la supposer avérée, une telle impossibilité d'ouverture était nécessairement apparente lors d'une visite normale des lieux.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [V] et Madame [P] de cette demande d'indemnisation.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et du préjudice de jouissance

Le tribunal a rejeté la demande de Monsieur [V] et Madame [P] en dommages et intérêts présentée au titre de leur préjudice moral.

Monsieur [V] et Madame [P] sollicitent désormais en appel la condamnation de Monsieur [I] à leur payer la somme de 8000 euros au titre du préjudice moral et de jouissance.

Ils font valoir que l'absence de compteur d'eau et l'impossibilité d'installer la porte de garage ont retardé leur jouissance effective, qu'ils ont été contraints d'organiser des travaux, qu'ils ont subi des difficultés et délais imprévus affectant leur qualité de vie et qu'ils ont le sentiment d'avoir été lésés dans cette transaction immobilière.

Ils ajoutent que la location de leur précédent bien a été retardée car ils ont emménagé plus tardivement que prévu dans le nouveau, qu'un artisan atteste que l'absence du compteur a retardé les travaux de deux mois.

Monsieur [I] demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel incident de Monsieur [V] et Madame [P] tendant à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance.

Il fait valoir que cette prétention n'était pas formulée en première instance et qu'elle est donc irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile. En réplique, il soutient qu'il ne s'agit pas d'une actualisation des prétentions formulées en première instance, ni du complément d'une demande initiale, mais d'une demande distincte.

Monsieur [V] et Madame [P] prétendent que la demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance n'est pas nouvelle, qu'il s'agit d'une confusion entre prétentions et moyens, qu'ils peuvent invoquer de nouveaux faits au soutien d'une prétention. Ils ajoutent qu'un trouble supplémentaire ressortant des mêmes faits ne constitue pas une demande nouvelle mais un complément de la demande initiale, recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile.

L'article 564 du code de procédure civile prévoit que 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

Selon l'article 565 de ce code, 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

L'article 566 du même code dispose que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

La demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance et une prétention différente de celle tendant à la réparation d'un préjudice moral. Que ces deux prétentions résultent d'un même fait générateur n'a pas pour conséquence d'en faire une demande unique. Le préjudice moral et le préjudice de jouissance allégués au soutien d'une demande d'indemnisation ne sont pas des moyens puisqu'ils constituent la nature même des préjudices fondant la demande de réparation. Dès lors, ces demandes d'indemnisation ne tendent pas aux mêmes fins puisqu'elles ont vocation à réparer des chefs de préjudice différents. Pareillement, la demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire de la prétention tendant à la réparation d'un préjudice moral.

En conséquence, cette demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance, qui n'avait pas été présentée devant le tribunal, est une demande nouvelle qui sera déclarée irrecevable.

S'agissant de la demande d'indemnisation d'un préjudice moral, le seul manquement retenu à l'encontre de Monsieur [I] réside dans l'absence du compteur d'eau prévu à l'acte notarié.

Aucun dol n'est caractérisé à l'encontre de Monsieur [I], mais une erreur pouvant résulter du notaire, ainsi que du manque d'attention du vendeur lors de la signature de l'acte. Il ne peut donc être considéré que Monsieur [V] et Madame [P] aient eu légitimement le sentiment d'avoir été lésés à ce sujet.

Ces derniers ne rapportent pas la preuve du lien de causalité entre les chefs de préjudice qu'ils allèguent et cette seule absence d'un compteur d'eau. L'attestation de Monsieur [D] [G] selon laquelle l'absence du compteur a entraîné un retard de deux mois est insuffisamment probante en ce que cet artisan est intervenu à la demande de Monsieur [V] et Madame [P] et est économiquement lié à ces derniers, cette attestation ne démontrant pas que le retard relatif à l'installation du compteur a eu une incidence sur l'achèvement de la maison en son entier.

En conséquence, Monsieur [V] et Madame [P] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un préjudice moral et le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de cette demande d'indemnisation.

SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Monsieur [I] succombant dans son appel, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens, avec distraction au profit de Maître Bruno Codazzi, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, Monsieur [I] sera condamné aux dépens d'appel, à payer à Monsieur [V] et Madame [P] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et il sera débouté de sa propre demande présentée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions contestées le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey le 25 septembre 2023,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [K] [V] et Madame [W] [P] tendant à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance ;

Condamne Monsieur [B] [I] à payer à Monsieur [K] [V] et Madame [W] [P] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute Monsieur [B] [I] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [B] [I] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par

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