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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 23 avril 2025, n° 21/04566

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Logela (SAS)

Défendeur :

Logela (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Toulouse

Conseillers :

Mme Allard, Mme Dampfhoffer

Avocats :

Me Cilia-Agroff, Me Lacaze, Me Descosse, Me Bonnet

TJ Tarascon, du 4 févr. 2021, n° 20/0067…

4 février 2021

Exposé des faits et de la procédure

Le 21 mars 2017, M. [B] [O] a conclu avec la société par actions simplifiée (SAS) Logela un contrat de travail d'agent commercial en immobilier. Le contrat a pris fin à son initiative le 19 juillet 2019.

En octobre et décembre 2019, M. [O] a émis deux factures à hauteur de 5 100 euros et 2 700 euros, correspondant à des honoraires dus au titre de transactions finalisées après la rupture de son contrat de travail.

La SAS Logela ayant refusé de lui payer ces deux factures et de lui communiquer la liste des transactions finalisées après son départ, M. [O] l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Tarascon, par acte du 13 mai 2020, afin d'obtenir sa condamnation à lui régler les deux factures, ainsi que des dommages-intérêts et à lui communiquer, sous astreinte, la liste des transactions finalisées depuis son départ.

Par jugement réputé contradictoire du 4 février 2021, le tribunal a :

- condamné la SAS Logela à payer à M. [O] une somme de 7 800 euros, avec intérêts au taux légal, et à lui remettre un état des affaires en cours au 11 juillet 2019 ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- débouté M. [O] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la SAS Logela aux dépens et à payer à M. [O] une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer en ce sens, le tribunal s'est référé au contrat conclu entre les parties, notamment à la clause qui stipule au profit de l'agent commercial un droit de suite lui permettant, pour toute transaction finalisée après la rupture du contrat, de percevoir une commission dès lors que la transaction a été finalisée dans les six mois de la rupture du contrat et qu'elle est principalement due à son activité au cours de ce dernier, relevant qu'en l'espèce, la SAS Logela n'a jamais contesté la réalité des transactions objets des deux factures et que, si elle s'est plaint d'un détournement de clientèle par M. [O], la réalité de ce détournement n'est pas démontrée.

Par acte du 27 mars 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [O] a relevé appel de cette décision, limité à ses dispositions qui ont rejeté ses demandes d'astreinte et de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 28 janvier 2025.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 24 janvier 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé des moyens, M. [O] demande à la cour de :

' infirmer partiellement le jugement ;

' condamner la SAS Logela à lui remettre l'état des affaires en cours depuis juillet 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

' condamner la SAS Logela à lui payer la somme de 2 500 euros pour résistance abusive ;

' débouter la SAS Logela de sa demande de dommages et intérêts pour détournement de clientèle et appel abusif ainsi que de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, notifiées le 16 janvier 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé des moyens, la SAS Logela demande à la cour de :

' juger son appel incident et ses demandes reconventionnelles recevables ;

' infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' rejeter les demandes de M. [O] ;

' condamner M. [O] à lui payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du détournement des mandats relatifs aux biens situés à Merise, soit à la date du départ de M. [O] ;

' condamner M. [O] à une amende civile et à lui payer 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs ;

' condamner M. [O] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

1/ Sur la recevabilité des demandes de la SAS Logela

1.1 Moyens des parties

M. [O] fait valoir qu'aucune demande de dommages-intérêts au titre d'un détournement de clientèle n'a été formalisée par la SAS Logela devant le premier juge et que cette demande reconventionnelle, en tout état de cause, ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La SAS Logela réplique que les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la partie qui n'a pas comparu en première instance ; que sa demande reconventionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant en ce qu'il s'agit du même contrat et qu'en tout état de cause, elle tend à la compensation des sommes dues, de sorte qu'elle est recevable même en l'absence d'un tel lien.

1.2 Réponse de la cour

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 567 du même code, qui fait suite à l'article 566, selon lequel les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Il s'en déduit qu'une demande reconventionnelle, émanant du défendeur à l'action est recevable pour la première fois en cause d'appel, sous réserve de respecter les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, selon lequel les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant et que la demande de compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf possibilité pour le juge de la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.

En l'espèce, non comparante en première instance, la SAS Logela sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de M. [O] à lui payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la violation de ses obligations contractuelles et 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs.

La demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour appel abusif est recevable dès lors qu'elle procède de l'exercice par M. [O] d'une voie de recours que la SAS Logela estime abusive.

Le surplus de la demande de dommages-intérêts est fondé sur l'inexécution par M. [O] de ses obligations contractuelles.

Les prétentions originaires sont afférentes à l'exécution par la SAS Logela, mandante, de ses obligations contractuelles, notamment de son obligation, au titre du droit de suite stipulé dans le contrat de mandat, de régler au mandataire les honoraires auxquels il a droit au titre de ventes finalisées après la rupture du contrat.

En conséquence, dès lors que les prétentions, principale et reconventionnelle, sont afférentes à l'exécution du même contrat, la demande reconventionnelle de la SAS Logela aux fins de dommages-intérêts se rattache aux prétentions originaires de M. [O] par un lien suffisant.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer les demandes reconventionnelles irrecevables.

2/ Sur l'injonction de communiquer sous astreinte

2.1 Moyens des parties

M. [O] fait valoir que le droit de suite stipulé au contrat comporte l'obligation pour le mandant de communiquer l'état des affaires en cours au jour du départ du mandataire ; que la SAS Logela s'est soustraite à son obligation en dépit du jugement et qu'en conséquence, elle doit y être contrainte par une astreinte.

La SAS Logela réplique que le contrat ne l'oblige pas à communiquer la liste de toutes les affaires immobilières en cours, sauf à l'exposer à un détournement de mandats, mais seulement à remettre eu mandataire la liste des affaires pour lesquelles il peut prétendre à commission, ce qu'elle a fait, mais qu'en tout état de cause, elle a, tout risque de détournement étant désormais exclue, régulièrement produit cette liste, de sorte que la demande d'astreinte est devenue sans objet.

2.2 Réponse de la cour

L'article 8 du contrat conclu entre les parties, afférent à la fin du contrat, stipule en son paragraphe B, alinéa 1, que 'pour toute affaire réalisée après la cessation du présent contrat, quelle que soit la raison de la rupture, le mandataire a droit à la commission définie à l'article précédent, lorsque l'affaire est principalement due à son activité au cours du contrat et qu'elle s'est réalisée dans un délai de six mois à compter de la cessation du contrat' et en son alinéa 2 que ' à la date de fin du contrat, le mandant remet au mandataire un état donnant la liste des affaires en cours pour lesquelles le mandataire pourrait prétendre à commission en cas de réalisation'.

Il s'en déduit la SAS Logela a l'obligation de remettre à M. [O] un état des transactions réalisées entre le 1er juillet 2019 et le 1er janvier 2020, puisque la vocation de la clause est de mettre le mandataire en mesure de connaitre les transactions qui ont été finalisées dans les six mois de son départ afin de déterminer s'il peut prétendre à une commission sur celles-ci.

Cette liste constitue le seul moyen à la disposition du mandataire pour déterminer les commissions auxquelles il a droit en exécution du contrat puisque c'est la finalisation de la vente qui génère le droit à commission et que le mandataire ayant quitté la société ne peut, par définition, en être informée.

Le respect de cette clause conditionne donc l'exercice par M. [O] des droits qu'il tire du contrat.

En l'espèce, M. [O] a réclamé des honoraires pour deux transactions finalisées après son départ, mais également la liste précitée. La SAS Logela ne démontre par aucune pièce lui avoir adressé cette liste.

Dans ses dernières conclusions, elle prétend communiquer cette liste dans le cadre de la présente instance en pièce 5, contestant, non l'injonction prononcée par le premier juge, mais la pertinence de l'astreinte sollicitée par l'appelant.

Cependant, la pièce n°5 produite par la SAS Logela correspond, ainsi que cela ressort également de son bordereau de communication de pièces, à une saisie d'écran du mandat de vente n° 958.

Aucune des autres pièces produites par la SAS Logela ne correspond aux '28 affaires en cours de juin 2019 à janvier 2020" que, dans ses conclusions récapitulatives, page 4, elle prétend avoir communiquées dans le cadre de l'instance.

Après l'audience de plaidoirie du 11 février 2025, la SAS Logela a communiqué par le RPVA, avec copie au conseil de M. [O], les 28 factures afférentes aux ventes finalisées entre le mois de juin 2019 et le mois de janvier 2020, expliquant qu'à la faveur d'une erreur, la pièce n°5, initialement communiquée 'ne correspondait pas à celle qui devait l'être initialement'.

Il en résulte que la pièce produite après l'audience de plaidoirie n'a pas été communiquée à M. [O] avant la clôture de la procédure.

La cour ne saurait se déterminer au vu de pièces produites et communiquées à la partie adverse après l'ordonnance de clôture, comme telles, irrecevables d'office.

Le jugement doit, conséquence, être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'injonction de communiquer.

En revanche, la cour n'estime pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

3/ Sur les commissions réclamées par M. [O]

3.1 Moyens des parties

M. [O] fait valoir que deux ventes, pour lesquelles il est intervenu en qualité de mandataire de la SAS Logela, ont été conclues en octobre et décembre 2019 ; qu'en exécution du droit de suite stipulé à l'article 8 du contrat, dès lors que ces transactions sont principalement dues à son activité, il a droit, à ce titre à la somme de 8 800 euros qui se décompose comme suit : 5 100 euros au titre d'une vente pour le compte de la SCI Plantier le 22 octobre 2019 et 2 700 euros au titre d'une vente [G]/[Y] le 17 décembre 2019.

La SAS Logela réplique que, si elle ne conteste pas le droit de M. [O] à percevoir ces deux commissions pour un montant total de 8 800 euros, il lui doit des dommages-intérêts au titre de plusieurs détournements de mandats, de sorte qu'elle est fondée à solliciter la compensation du montant de ces commissions avec les dommages-intérêts réparant les détournements dont elle a été victime.

3.2 Réponse de la cour

En application de l'article 8 du contrat conclu entre les parties 'pour toute affaire réalisée après la cessation du présent contrat, quelle que soit la raison de la rupture, le mandataire a droit à la commission définie à l'article précédent, lorsque l'affaire est principalement due à son activité pendant le contrat et qu'elle est conclue dans les six mois de la date à laquelle son contrat a pris fin'.

En l'espèce, les deux ventes pour lesquelles M. [O] réclame une commission ont été conclues les 22 octobre 2019 et 17 décembre 2019, soit pendant la période prévue par le contrat pour l'exercice du droit de suite.

Dans ses conclusions, page 2, la SAS Logela expose qu'elle 'ne conteste pas les ventes soient en relations avec l'activité de M. [O]' et, page 7, qu'elle 'a toujours admis que M. [O] avait droit à la rémunération des deux ventes celles pour lesquelles il a présenté deux factures'.

Il s'en déduit qu'elle ne conteste pas devoir à M. [O] à ce titre une somme totale de 8 800 euros, quand bien même elle prétend à sa compensation avec une créance de dommages-intérêts au titre de détournements imputés à l'intéressé.

La compensation éventuelle de cette somme avec les dommages-intérêts qu'elle revendique sur M. [O] relève des modalités d'exécution de la condamnation et sera examinée plus loin après qu'il ait été statué sur la créance de dommages-intérêts.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Logela à payer à M. [O] la somme de 8 800 euros en exécution du contrat.

4/ Sur la demande de dommages-intérêts de la SAS Logela

4.1 Moyens des parties

La SAS Logela fait valoir que M. [O] a commis des fautes dans l'exécution du contrat en détournant sa clientèle vers un concurrent à la faveur de trois ventes pour le compte de M. [L] [H], qui lui avait donné mandat exclusif de vendre ses biens ; que la réalité du mandat conclu avec ce dernier le 29 mai 2019 est établie par le registre des mandats qui ne peut être modifié a posteriori en raison du codage du logiciel, agréé par les services fiscaux, par l'attestation de M. [D], par M. [O] lui même dans un courriel qu'il lui a adressé le 31 mai 2019 et par des saisies d'écran du logiciel de l'agence ; qu'il en résulte, soit que M. [H] a menti dans l'attestation remise à M. [O], soit que ce dernier a omis de lui expliquer qu'il intervenait pour son compte en qualité de mandataire ; qu'en tout état de cause, les biens de M. [H] ont été vendus par l'entremise de l'agence IAD représentée par M. [O], qui a encaissé des commissions qui auraient dû lui revenir et que sa perte équivaut aux trois commissions de 7 000 euros chacune, perdues par sa faute.

En réplique, M. [O] soutient que la SAS Logela ne démontre par aucune pièce probante les détournements de mandat qu'elle lui impute ; que M. [H], client prétendument détourné, conteste avoir donné un mandat de vente à la SAS Logela ; que son contrat ne comportait aucune clause d'exclusivité, de sorte qu'il pouvait intervenir pour d'autres mandants et qu'en tout état de cause, elle ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque.

4.2 Réponse de la cour

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat ou demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Il appartient à celui qui se plaint de l'inexécution d'un engagement contractuel de rapporter la preuve de celui-ci mais également d'un dommage en lien de causalité avec la faute.

En l'espèce, le contrat conclu entre M. [O] et la SAS Logela le 21 mars 2017 stipule page 7, que le mandant donne au mandataire mandat de le représenter, prospecter, négocier ou s'entremettre au nom et pour le compte du mandant et qu'à ce titre, le mandant l'habilite à prospecter en son nom et pour son compte, à rechercher des affaires à vendre ou à louer, à obtenir un mandat écrit de les vendre ou de les louer, ainsi qu'à rechercher des acquéreurs ou des preneurs. Il précise qu'à l'occasion des activités en relations avec le contrat, à la seule exception des honoraires qui lui seront directement versés par le mandant, le mandataire n'est à aucun moment et d'aucune manière habilité à recevoir ou détenir des sommes d'argent, le mandat ayant pour seul effet de permettre au mandataire de représenter le mandant dans le cadre de son activité d'agent immobilier, sans pour autant constituer une délégation des mandats dont est titulaire de mandant.

L'article 5 stipule que le contrat est conclu dans l'intérêt commun des parties et que les rapports entre le mandataire et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

Selon les dispositions relatives à la commission due au mandataire, pour toute affaire réalisée pendant la durée du contrat grâce à son intervention, le mandataire a droit à un pourcentage de l'honoraire encaissé par le mandant.

Il en résulte que pour toute transaction, la rémunération due à l'agent immobilier est perçue par la SAS Logela, à charge pour elle de reverser à M. [O] le montant de sa commission.

Si le contrat réglemente les conditions dans lesquelles le mandataire a droit, après rupture du contrat, à la rétrocession de commissions au titre de transactions finalisées après cette date, il n'interdit pas au mandataire d'accepter la représentation de nouveaux mandants y compris pendant la durée du contrat puisque selon l'article 5 A 'le mandataire est libre d'accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants'.

En revanche, la loyauté qui préside aux relations contractuelles lui interdit de conclure directement, pour son propre compte ou le compte d'un autre mandant, un contrat de mandat avec des personnes ayant déjà conclu un mandat avec la SAS Logela afin de percevoir directement la commission générée par une transaction.

Au soutien de sa demande indemnitaire, la SAS Logela produit son registre des mandats sur lequel figure un mandat n°958 du 29 mai 2019 au nom de [H] (lire [H]) [F], domicilié [Adresse 1]. Le registre précise que l'objet du mandat est la vente d'un bien immobilier situé 'idem, [Adresse 1]'.

Cependant, les captures d'écran du logiciel de la SAS Logela afférente au mandat n° 958 font état d'un bien situé [Adresse 4] et non [Adresse 1].

Dans une attestation du 2 juin 2020, M. [K] [D], agent commercial pour le compte de la SAS Logela, explique avoir eu entre les mains le mandat n° 958, signé par M. [H], 'concernant la vente en exclusivité de ses biens [Adresse 1], notamment le n°11 sur la commune de [Localité 5]. Le mandat était daté du 29 mai 2019. Il était contre-signé par M. [O] [B] agent commercial à cette époque pour Logela'. M. [D] ajoute s'être rendu à plusieurs rendez vous à cette adresse avec des clients acheteurs de l'agence Logela en compagnie de M. [O] jusqu'à son départ en juillet 2019, et avoir assisté à la remise par M. [H] des clefs de l'immeuble [Adresse 1].

Dans une attestation en date du 4 mars 2020, M. [H] conteste avoir donné mandat de vente à la société Logela pour son bien immobilier situé [Adresse 1].

Cependant, le registre des mandats produit par la SAS Logela, qui ne peut être modifié a posteriori, indique le contraire et il est, sur ce point, conforté par les déclarations circonstanciées de M. [D].

L'existence d'un contrat de mandat entre M. [H] et la SAS Logela, conclu au cours de la période où M. [O] a travaillé pour le compte de celle-ci, est donc établie.

Pour autant, aucune pièce ne permet de déterminer la durée de ce mandat.

Or, en application des dispositions impératives de la loi Hoguet, la durée du mandat de vente immobilière, lorsqu'il est assorti d'une clause d'exclusivité, doit être limitée dans le temps et comporter un terme extinctif certain et si la stipulation d'un renouvellement ou d'une tacite reconduction, est possible, le mandant bénéficie toujours d'une faculté de dénonciation ouverte à tout moment après une période d'irrévocabilité.

En l'espèce, les pièces produites aux débats ne permettent pas d'établir si le mandat exclusif donné par M. [H] à la SAS Logela était toujours dans sa phase d'irrévocabilité ou s'il avait, après celle-ci, été renouvelé par tacite reconduction.

Il n'est d'ailleurs justifié d'aucune procédure engagée par la SAS Logela à l'encontre de M. [H] pour non respect du contrat de mandat.

En tout état de cause, l'existence d'un mandat, fut-il exclusif, ne suffit pas pour engager la responsabilité de M. [O]. La SAS Logela doit démontrer que le ou les biens objets du mandat ont donné lieu à une transaction dans laquelle M. [O] est intervenu pour son compte ou celui d'un autre mandataire, détournant ainsi la commission qui aurait dû revenir à son ancien mandant.

M. [O] était contractuellement libre d'accepter la représentation d'autres mandants, y compris pour des biens faisant l'objet d'un mandat non exclusif en cours avec la SAS Logela.

Or, en l'espèce, la SAS Logela ne démontre pas que les biens de M. [H] étaient toujours sous mandat de vente exclusif au profit de la SAS Logela après le départ de M. [O]. Par ailleurs, aucune des pièces qu'elle produit ne démontre que M. [H] a effectivement vendu le bien situé [Adresse 1] ou ses autres biens par l'entremise d'une agence immobilière ayant pour mandataire M. [O], ni que celui-ci a perçu, et donc détourné, à cette occasion trois commissions de 7 000 euros chacune.

En conséquence, la SAS Logela sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

5/ sur les demandes de dommages-intérêts pour appel abusif et résistance abusive

5.1 Moyens des parties

M. [O] fait valoir que la résistance de la SAS Logela à ses demandes est abusive dès lors que, dans le domaine des affaires, la loyauté exige que celui qui dispose des documents destinés à éclairer les comptes à opérer entre les parties, les remette sans tergiverser, faute de quoi, aucun compte n'est possible pour le commissionnaire.

La SAS Logela soutient que l'appel est abusif en ce qu'elle n'a jamais contesté devoir le montant des commissions réclamé mais refusé de les payer pour un motif légitime caractérisé par la créance de dommages-intérêts qu'elle détient sur M. [O] en raison des détournements de mandats.

5.2 Réponse de la cour

L'exercice du droit d'ester en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Le seul rejet des prétentions d'un plaideur, y compris par confirmation en appel d'une décision de première instance, ne caractérise pas automatiquement un abus du droit d'ester en justice.

Par ailleurs, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas à elle seule constitutive d'une faute, sauf s'il est démontré que le demandeur ne peut, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par les parties que le contrat a été rompu dans des conditions conflictuelles qui n'ont pas facilité la mise en oeuvre du droit de suite dont bénéficiait M. [O]. Si celui-ci était légitime à agir en justice, la résistance de la SAS Logela était fondée sur ses propres revendications concernant l'exécution par son ancien commissionnaire de ses obligations contractuelles.

Aucune résistance abusive ne s'évince des conditions dans lesquelles la SAS Logela a résisté à la demande, et ce, quand bien même elle n'a jamais contesté devoir les commissions objets du litige, puisqu'elle prétendait à une compensation.

S'agissant de la communication de l'état des transactions conclues entre juillet et décembre 2019, la résistance de la SAS Logela était manifestement infondée, mais, compte tenu des conditions particulièrement conflictuelles dans lesquelles les parties se sont séparées, elle ne revêt pas un caractère abusif.

De son côté, M. [O] a relevé appel du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre d'une résistance abusive de la SAS Logela. Si la cour estime que cette résistance relevait du droit de la SAS Logela de défendre à l'action, la mauvaise appréciation par M. [O] de son droit de relever appel ne consacre pas pour autant un abus.

En conséquence, il convient de débouter les parties de leurs demandes de dommages-intérêts.

La cour n'estime pas davantage nécessaire de prononcer une amende civile.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.

La SAS Logela, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au profit de l'une ou l'autre des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La cour,

Déclare les demandes de dommages-intérêts formulées par la SAS Logela recevables ;

Confirme le jugement en toutes dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Logela de ses demandes de dommages-intérêts pour détournement de mandats et procédure abusive ;

Condamne la SAS Logela aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

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