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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 23 avril 2025, n° 24/01603

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

M. G.

Défendeur :

M. I.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gérard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Sider, Me Guedj, SCP Cohen Guedj - Montero - Daval Guedj, Me Desideri

TJ Bastia, du 22 oct. 2020, n° 19/00521

22 octobre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 mai 2010 M. [I] [K] a conclu avec M. [G] [N], agent général d'assurances MMA à [Localité 1], un contrat intitulé « mandat d'agent commercial pour un sous agent personne physique » par lequel M. [G] [N] lui confiait le mandat de rechercher les risques assurables en vue de la souscription de contrats d'assurances, établir tout nouveau contrat, voire de remplacer au besoin ceux existants.

M. [G] [N] a notifié à M. [I] [K] la résiliation du contrat moyennant un préavis de trois mois, par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 juillet 2018, à effet du 16 octobre 2018.

M. [I] [K] a assigné M. [G] [N] en paiement des indemnités qu'il estimait devoir lui être dues.

Par jugement réputé contradictoire du 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Bastia a :

- condamné M. [G] [N] à payer à M. [I] [K] la somme de 139.448,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de résiliation ;

- précisé que cette somme devra être payée dans les six mois de la signification de la présente décision ;

- précisé que la somme de 139.448,38 euros portera intérêt au taux légal à compter du 16 avril 2019 ;

- dit que M. [G] [N] sera tenu aux dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contradictoire.

Par déclaration du 1er décembre 2020, M. [G] [N] a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2021.

Le 6 décembre 2021, M. [I] [K] a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et l'admission de ses conclusions numéro 2 du même jour.

Par arrêt avant dire droit du 16 mars 2022, la cour d'appel de Bastia a :

- révoqué l'ordonnance de clôture du 1er décembre 2021,

- reçu les écritures déposées par les parties postérieurement à cette date et jusqu'au 30 avril 2022 inclus,

- clôturé la procédure au 1er mai 2022,

- renvoyé la procédure à l'audience du 9 juin 2022 à 8 h 30 pour y être plaidée,

- réservé les dépens.

Par arrêt du 05 octobre 2022, la cour d'appel de Bastia a :

- rejeté les fins de non-recevoir développées par M. [I] [K],

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- débouté M. [G] [N] de l'ensemble de ses demandes y compris celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] [N] au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me Pascale Perreimond, avocate,

- condamné M. [G] [N] à payer à M. [I] [K] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi formé par M. [G] [N], la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, par arrêt du 31 janvier 2024 :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

- constaté l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rendu par la même cour d'appel le 5 octobre 2022 ;

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- condamné M. [K] aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par M. [K] et l'a condamné à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ».

M. [G] [N] a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration du 9 février 2024.

Par conclusions notifiées et déposées le 2 octobre 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- condamner M. [K] à restituer à M. [N] le montant des condamnations versées en exécution du jugement entrepris ;

- condamner M. [K] à payer à M. [N] la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de l'exécution déloyale et fautive du mandat, de la violation de l'obligation de non-concurrence et des actes de concurrence déloyale, ainsi que de la rétention abusive des archives clients de l'agence MMA de [Localité 1] et du matériel informatique MMA ;

- condamner M. [K] à restituer à M. [N] l'ensemble des archives et dossiers clients MMA et le matériel informatique prêté par la MMA sous astreinte de 500 euros par jour de retard et ce, dans un délai de deux semaines à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner M. [K] à payer à M. [N] la somme de 669,20 euros et 186,09 euros au titre des frais de constat et de sommation d'huissier ;

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par M. [K] en cause d'appel, pour la somme de 310.998,99 euros ;

- débouter M. [K] de son appel incident et de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant de l'indemnité de rupture à la somme de 47.230,85 euros ;

- condamner M. [K] à restituer à M. [N] le montant des condamnations versées en exécution du jugement entrepris excédant le montant de l'indemnité de rupture qui serait fixé par la cour.

en tout état de cause,

- condamner M. [K] à payer à M. [N] la somme de 14.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, outre les dépens de l'instance cassée.

M. [G] [N] soutient que le contrat conclu entre les parties est un contrat de sous-agence relevant de l'article R. 512-2 du code des assurances et que le statut des agents commerciaux est inapplicable notamment en raison du fait que l'activité d'agent d'assurance est une activité de nature civile alors que l'agent commercial exerce une activité commerciale. Il ajoute que M. [I] [K] est inscrit à l'ORIAS en tant que mandataire d'intermédiaire d'assurance conformément aux termes de son contrat et qu'il n'est donc pas fondé à réclamer une indemnité compensatrice en application de l'article L 134-12 du code de commerce.

Sur la rupture du contrat, il invoque l'exécution déloyale et fautive de son mandat par M. [I] [K] en ce qu'il a détourné la clientèle appartenant à MMA via son activité de courtier depuis 2016. Il a constaté une chute des souscriptions de contrat ainsi qu'un nombre anormal de résiliations de contrats. Le détournement de clientèle a été rendu possible par l'accès aux dossiers clients dont bénéficiait M. [I] [K]. Il ajoute que M. [I] [K] a également violé son contrat en commettant des fautes de gestion et en ne rendant pas compte de sa gestion à son mandataire.

Il fait valoir que la responsabilité de M. [K] est engagée sur le fondement délictuel et contractuel pour concurrence déloyale et violation de l'obligation de non-concurrence ainsi que rétention abusive des archives clients MMA et du matériel informatique.

À titre subsidiaire, il demande que l'indemnité soit fixée conformément aux dispositions contractuelles.

Par conclusions déposées et notifiées le 04 octobre 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [I] [K] demande à la cour de :

à titre liminaire :

- révoquer l'ordonnance de clôture rendue par la cour d'appel de Bastia le 1er décembre 2021 ;

- recevoir les nouvelles conclusions et pièces des parties communiquées sur renvoi après cassation jusqu'au jour de la clôture décidée le 7 octobre 2024 par l'avis de fixation du 14 février 2024.

à titre principal :

- réformer le jugement querellé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande des sommes qu'il aurait dû percevoir si le contrat s'était poursuivi jusque son terme contractuel ;

- condamner M. [N] à payer à M. [K] la somme de 310 988,99 ' prorata temporis entre le 16 juillet 2018 et le 31 décembre 2022 ;

- confirmer pour le surplus le jugement querellé en toutes ses autres dispositions ;

- débouter M. [N] de toutes ses prétentions ;

- condamner M. [N] à payer à M. [K] la somme de 25 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les plus entiers dépens d'instance avec distraction aux offres de droit par la SCP Cohen-Guedj, avocats aux offres de droit.

à titre infiniment subsidiaire :

- désigner tel expert judiciaire qu'il vous plaira avec mission de déterminer « le montant des 12 derniers mois de rétrocessions de commissions IARD et VIE perçues par le sous-agent » par application des articles 8 et 9 de la convention du 12 mai 2010.

M. [I] [K] fait valoir que la mission contractuelle que lui a conférée M. [N] consiste non pas seulement à rechercher les risques assurables en vue de la souscription de contrats d'assurance mais également à établir tout nouveau contrat, voire de remplacer au besoin ceux existants ce qui confère au mandataire un pouvoir de représentation qui est celui d'un agent commercial et il soutient en conséquence que les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce sont applicables.

Il conteste toute déloyauté, fait observer que son mandant connaissait son activité de courtier et qu'il n'est nullement rapporté la preuve d'un comportement déloyal de sa part.

Il soutient également que la clause de non-concurrence doit être annulée en ce qu'elle n'est pas délimitée dans l'espace.

Il conteste les demandes indemnitaires de M. [N] qui ne sont pas justifiées.

MOTIFS

1. Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue par la cour d'appel de Bastia le 1er décembre 2021 :

Les parties sont en l'état de l'appel du jugement du tribunal judiciaire de Bastia du 22 octobre 2020 et la cour d'appel d'Aix-en-Provence, cour d'appel de renvoi, n'a pas à connaitre de la procédure suivie devant la cour d'appel de Bastia, de sorte que la demande formée par M. [I] [K] au titre de la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée cette juridiction, dont l'arrêt a été cassé et annulé, est irrecevable.

La procédure d'instruction de l'affaire dans la présente instance, suivie, conformément aux dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile selon les dispositions des articles 905 et suivants du même code, dans leur rédaction en vigueur au jour de la déclaration de saisine, a abouti au prononcé d'une ordonnance de clôture le 7 octobre 2024 ; les dernières conclusions des parties, respectivement déposées et notifiées les 2 et 4 octobre 2024, étant les seules sur lesquelles la cour d'appel de renvoi doit statuer.

2. Sur la qualification du contrat :

M. [G] [N] soutient que le contrat ne peut pas être soumis aux règles édictées par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce puisqu'il s'agit d'une règlementation particulière prévue aux articles L. 511-1 et R. 511-2 et suivants du code des assurances, dans leur rédaction applicable à l'espèce, M. [I] [K] ayant, en cette qualité, été immatriculé à l'ORIAS.

M. [I] [K] fait valoir quant à lui que le contrat conclu entre les parties relève du statut de l'agence commerciale et qu'il a donné lieu à une activité effective d'agent commercial. Il conteste que l'activité décrite dans ce contrat relève des dispositions de l'article L. 511-1 du code des assurances invoqué par M. [G] [N]. Il ajoute qu'à supposer même que le statut des agents commerciaux ne lui soit pas applicable, rien n'empêchait les parties de soumettre le contrat à ces dispositions et de prévoir aux articles 8 et 9 des dispositions indemnitaires en cas de rupture.

Aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donné à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée et il appartient à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve.

Le contrat litigieux, intitulé « mandat d'agent commercial pour un sous agent », stipule en son article 1 qu'il est confié par M. [G] [N] à M. [I] [K] le « mandat de rechercher les risques assurables en vue de la souscription de contrats d'assurances, d'établir tout nouveau contrat, voire de remplacer au besoin ceux existants » et il est précisé que « le sous-agent s'oblige à restituer les fonds éventuellement encaissés, dont il demeure comptable jusqu'à leur remise dans les meilleurs délais. En vertu de l'article R. 511-2 du code des assurances, le sous-agent ne peut faire aucun acte de gestion sur les contrats d'assurance qu'il réalise, le règlement des sinistres demeure de la seule compétence de l'agent général. Le présent mandat est régi par la loi du 25 juin 1991 ».

Au titre des conditions d'exercice du mandat, le contrat stipule (article 6) « le sous-agent doit donner tous ses soins dans la sélection des risques et dans l'établissement de la proposition. Il délivre une note de couverture sur instruction de l'agent général d'assurances. Il doit faire régulariser les polices et avenants dans les 30 jours de la réception et doit les retourner avec le règlement ».

Pour justifier de l'application du statut d'agent commercial, M. [I] [K] invoque l'existence du pouvoir de représentation que lui confère le mandat, le versement de commissions et la volonté clairement exprimée des parties de soumettre leurs relations contractuelles aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Or comme rappelé ci-dessus, ni le simple pouvoir de représentation, qui découle de l'existence d'un mandat, ni le versement de commissions, ne suffisent en l'espèce à caractériser une activité d'agent commercial en l'absence de tout pouvoir de négociation conféré au sous-agent qui doit, aux termes du contrat respecter les instructions du mandataire et se borner à effectuer les opérations qui relèvent de l'article L. 511-1 du code des assurances, dans les conditions édictées par les articles L. 511-2 et suivants du même code.

L'article R. 511-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, précise qu'est considérée comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d'une proposition d'assurance, le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter ou de recueillir la souscription d'un contrat ou l'adhésion à un tel contrat, ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d'un contrat.

Cette définition correspond exactement aux activités confiées par M. [G] [N] à M. [I] [K], comme le soutient à juste titre M. [N].

Dès lors, en application de l'article L. 134-1 alinéa 2 et en l'absence de toute preuve par M. [I] [K] de ce que le contrat lui permettait la négociation des contrats, le mandat qui lui a été conféré le 12 mai 2010 est exclu des dispositions de l'article L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a fait application des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce.

3. Sur les conséquences de de la rupture du contrat :

3.1 Les manquements reprochés à M. [I] [K] :

M. [G] [N] soutient que la résiliation a été prononcée en raison de la violation par M. [I] [K] de ses obligations de loyauté puisqu'il a démarché des clients de la compagnie MMA afin de placer, via son intermédiaire les risques concurrents auprès d'assureurs concurrents de MMA et en commettant des fautes de gestion sans, de surcroit, en avoir informé son mandant.

S'agissant de la violation de l'obligation de loyauté, M. [N] se borne à invoquer un nombre anormal de résiliations de contrats (ses pièces 7 et 7-1 à 7-4 reproduisant les résiliations constatées sur le portefeuille suivi par M. [I] [K] de 2013 à 2018).

M. [G] [N], qui ne produit aucun autre élément objectif, ne prouve pas que ces résiliations ont été causées par des man'uvres déloyales, la preuve de ces faits ne pouvant résulter du simple constat de la présence de résiliations de contrats, sur plusieurs années, sans d'ailleurs que M. [N] ne se soit enquis auprès de son sous agent des motifs de ces résiliations.

Il est rappelé en outre, d'une part que M. [I] [K] ne devait aucune exclusivité à son mandant et, d'autre part, que M. [I] [K] exerçait parallèlement une activité de courtier, pour laquelle il est également immatriculé à l'ORIAS, ce dont M. [G] [N] avait une parfaite connaissance (CF mail du 31 mars 2017 à 15h18).

Les courriers de résiliations produits par M. [G] [N] sont muets sur les conditions dans lesquelles celles-ci sont intervenues, étant rappelé que l'assuré a le droit de résilier son contrat à l'échéance et ne font donc pas non plus la preuve d'une man'uvre déloyale de la part de l'intimé.

La déloyauté, laquelle au demeurant n'est pas le motif de la résiliation du contrat comme en attestent les échanges entre les parties, mais la volonté de la compagnie MMA de modifier le contrat conclu par son agent général et son sous-agent, n'est donc pas démontrée.

S'agissant de la faute de gestion constituée par l'assurance d'une résidence secondaire alors que la compagnie MMA exclut ce type de risques, M. [N] prouve que cette interdiction est émise depuis 1993 et soumise à un contrôle strict de la part de la compagnie en produisant la note établie le 27 mai 1993 à ce titre.

Cela étant, ladite note réserve le cas d'un contexte commercial tout à fait exceptionnel, qui impose de saisir la direction régionale de Marseille seule habilitée à déroger à la règle générale.

M. [N] n'a notifié cette faute supposée que par courriel du 23 novembre 2018, postérieurement à la résiliation, alors que d'une part, aux termes du contrat de mandat, la note de couverture ne peut être établie que sur instructions de l'agent général, donc M. [N] lui-même, ce dont il en résulte que le contrat n'a pu être établi qu'avec l'aval du mandant, selon les procédures exigées par la compagnie d'assurance.

M. [I] [K] produit d'ailleurs une attestation de l'assuré aux termes de laquelle, il est effectivement un client notable de la compagnie compte tenu du montant des primes payées et il est toujours assuré auprès de la compagnie MMA ce qui démontre que la compagnie a parfaitement accepté ce risque dans ce cas particulier.

La faute du mandataire n'est donc pas établie.

M. [N] fait valoir également des fautes dans l'établissement des risques assurables et produit en pièces 9 et 10 des courriers adressés aux assurés en 2019 pour leur signifier que le risque ne correspond pas à ce qui a été déclaré et qu'il était nécessaire de résilier les contrats ainsi souscrits. Cependant, même si M. [I] [K] a pu commettre une erreur dans le choix de la proposition d'assurance, ces erreurs n'ont pas un caractère de gravité suffisant pour justifier une résiliation, étant rappelé que ces erreurs n'ont pas pu être le motif de la résiliation, puisqu'elles ont été découvertes postérieurement.

Le manquement n'est pas justifié.

M. [N] soutient également que M. [I] [K] a contrevenu à son obligation de rendre compte de l'exécution de sa mission puisqu'un assuré l'a informé de difficultés de communication avec M. [I] [K] de nature à conduire à la résiliation de son contrat auprès de la compagnie MMA.

Cependant, cette présentation des faits est erronée au regard des énonciations du courrier de cet assuré et de la réponse formulée par M. [N] lui-même. En effet, ce courrier n'est pas un défaut d'information du mandataire, mais un problème de paiement des cotisations incombant au seul assuré pour lequel M. [N] affirme qu'il ressort de la compétence du « service Sedree seul habilité à répondre », ce qui est effectivement le cas au regard des courriers produits. Quant à la souscription du nouveau contrat de cet assuré, elle n'est due qu'à son défaut de paiement de deux échéances consécutives lequel a entraîné une résiliation de plein droit ce que d'ailleurs il ne conteste pas dans ses courriers.

Dès lors, la faute au titre du devoir d'information n'est pas caractérisée.

Les fautes invoquées n'étant ni démontrées ni suffisamment graves, elles ne sont pas de nature à priver M. [I] [K] de l'indemnisation prévue au contrat.

3.2 Sur l'indemnité de résiliation due à M. [I] [K] :

En premier lieu, les dispositions de l'article L. 134-12 sont inapplicables et les demandes formulées à ce titre par M. [I] [K] sont rejetées, seules les dispositions du contrat du 12 mai 2010 devant régir les relations entre les parties et spécialement celles de l'article 9 stipulant que « l'indemnité se calcule par application du coefficient 1 au montant des 12 derniers mois de rétrocessions de commissions IARD et Vie perçues par le sous-agent. Il est tenu compte de l'intégralité des rétrocessions de commissions encaissées par l'agent commercial pendant les 12 derniers mois précédant sa cessation de fonction, à l'exclusion des commissions sur primes uniques ne générant pas un courant d'affaires régulier depuis au moins trois ans ».

En considération du montant des commissions perçues par M. [I] [K] (sa pièce 27) qui ne sont pas contestées par M. [G] [N], la cour fixe l'indemnité contractuellement due à la somme de 47 230,85 euros.

3.3 Sur l'appel incident de M. [I] [K] :

M. [I] [K], qui, au visa de l'article 1212 du code civil, soutient que le contrat est à durée déterminée et ne pouvait être rompu de manière anticipée, sollicite la somme de 310 988,89 euros au titre des commissions qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'arrêt de l'activité de M. [G] [N], le 31 décembre 2023.

M. [G] [N] soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile et sur le fond, qu'il s'agit bien d'un contrat à durée indéterminée pour lequel les parties avaient prévu expressément une faculté de résiliation réciproque à tout moment et sans motif.

Sur le premier point, M. [I] [K] avait formé une demande devant le premier juge au titre des sommes qu'il aurait dû percevoir si le mandat s'était poursuivi jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'à la date d'extinction du mandat de M. [G] [N] avec la compagnie MMA.

Si la demande chiffrée est désormais de 310 988,89 euros il s'agit de la même demande actualisée à la date de cessation d'activité de M. [G] [N] et elle est donc recevable.

La clause relative à la durée du mandat stipule que le contrat est conclu pour la même durée que le contrat liant l'entreprise d'assurance MMA à l'agent général d'assurance. M. [G] [N] a produit aux débats son traité de nomination en qualité d'agent général d'assurance qui ne comporte aucun terme. En tout état de cause, le libellé de la clause ne fixe aucun terme certain ni précis, la date de cessation d'activité ne pouvant être assimilée exclusivement à la retraite.

Enfin, et surtout, en application de l'article 2004 du code civil, le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre, soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute. Faute de durée déterminée du mandat, les parties ont librement convenu une faculté de résiliation réciproque sans motif, sous réserve d'un préavis de trois mois, ce qui a été respecté par M. [G] [N].

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

4. La violation de la clause de non-concurrence :

M. [G] [N] soutient que M. [I] [K] a violé la clause de non-concurrence insérée au contrat en poursuivant ses activités de courtier dans la circonscription de [Localité 1]. M. [I] [K] lui oppose la nullité de la clause, sollicitant la confirmation du jugement sur ce point.

Une clause de non-concurrence n'est valable qu'à condition d'être limitée dans le temps et dans l'espace et d'être proportionnée au regard de l'objet du contrat ou des intérêts légitimes à protéger.

En l'espèce la clause est libellée comme suit : le sous-agent s'interdit pendant deux années après la fin de son mandat pour quelque cause qu'elle intervienne de présenter au public directement ou indirectement des opérations d'assurances dans les mêmes branches que celles visées à l'article 3 de la convention dans la circonscription précédemment exploitée.

Si cette clause est bien limitée dans le temps à deux années, sa limitation dans l'espace n'est nullement établie. Le terme « circonscription précédemment exploitée » renvoie à la définition de l'article 3 selon laquelle le sous-agent exercera son activité sur la circonscription de l'agence de [Localité 1] (code 2001).

Contrairement à ce que soutient M. [G] [N], le terme de circonscription, qui ne désigne qu'une division administrative et constitue un terme générique, n'est pas identifiable au département de Haute Corse comme le soutient M. [G] [N], par la seule référence à [Localité 1]. Le terme peut s'entendre de la même manière comme l'arrondissement ou la commune.

La limitation géographique n'étant pas déterminée, ni identifiable, la clause est nulle et le jugement confirmé sur ce point.

5. La restitution des archives clients et du matériel informatique :

Alors que le premier juge lui a fait grief de ne pas préciser la liste des éléments dont il réclame la restitution, M. [G] [N], devant la cour de renvoi n'apporte aucune précision dans le dispositif de ses conclusions quant au nombre et à la nature des éléments dont il revendique la propriété, le jugement est également confirmé de ce chef.

Les demandes indemnitaires formées par M. [N], sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour détournement de clientèle, violation de l'engagement de concurrence, rétention abusive de dossiers et de matériel informatique et manquements de M. [I] [K] à ses obligations contractuelles ne sauraient être accueillies alors que l'intégralité de ces griefs a été rejetée.

Chacune des parties a succombé pour une grande part dans ses prétentions. Elles supporteront en conséquence la charge de leurs propres dépens et il n'y a pas lieu dans ces conditions d'octroyer à l'une ou à l'autre des parties une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de la déclaration de saisine,

Déclare irrecevable la demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue par la cour d'appel de Bastia le 1er décembre 2021 ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Bastia du 22 octobre 2020 en ce qu'il a :

- condamné M. [G] [N] à payer à M. [I] [K] la somme de 139.448,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de résiliation ;

- précisé que cette somme devra être payée dans les six mois de la signification de la présente décision ;

- précisé que la somme de 139.448,38 euros portera intérêt au taux légal à compter du 16 avril 2019 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le contrat de mandat conclu le 12 mai 2010 ne constitue pas un contrat d'agent commercial,

Condamne M. [G] [N] à payer à M. [I] [K] la somme de 47 230,85 euros, au titre de l'indemnité de résiliation contractuellement fixée,

Rejette le surplus des demandes de chacune des parties,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,

Dit n'y avoir lieu à prononcer une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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