CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 24 avril 2025, n° 21/02366
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Le Comptable Du Pôle De Recouvrement Spécialisé Des Alpes Maritimes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Keromes
Conseillers :
Mme Vassail, Mme Miquel
Avocats :
Me D'ortoli, Me Badie, Me Chatenet, Me Castelnau
EXPOSE DU LITIGE
La SARL [Adresse 2] a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 10 janvier 2019 et Me [V] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes Maritimes a adressé par courriel au mandataire judiciaire une déclaration de créance datée du 15 février 2019 pour la somme de 8 036 euros à titre définitif et pour celle de 259 976 euros au titre de la TVA à titre provisionnel.
Le 4 mars 2019, le PRS a rendu définitive sa créance déclarée à titre provisionnel, pour un montant de 136 538 euros et pour 44 852 euros au titre de l'avis de mise en recouvrement 20190200025.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 août 2019, le mandataire judiciaire a informé le PRS Alpes-Maritimes d'une contestation par la débitrice de ses créances.
Le PRS a fait connaître ses observations par courrier du 5 septembre 2019 et a maintenu la déclaration en intégralité.
Par ordonnance rendue le 4 février 2021(n°2020m2991), le juge commissaire du tribunal de commerce de Nice a prononcé l'admission de la créance déclarée par le PRS à titre définitif et privilégié pour la somme de 181 390 euros et à titre provisionnel, pour la somme de 61 500 euros';
La SARL [Adresse 2] a interjeté appel le 16 février 2021 de cette décision.
Par conclusions déposées et signifiées par RPVA le 14 mai 2021, la SARL [Adresse 2] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance critiquée et, statuant à nouveau, de prononcer le rejet des créances du PRS Alpes-Maritimes et de condamner celui-ci au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle oppose la forclusion tirée de ce que les créances du PRS n'ont pas été déclarées dans le délai prescrit à compter de la publication du jugement d'ouverture du redressement judiciaire au Bodacc, en l'absence de relevé de forclusion'; elle relève à ce titre que la liste succincte des créances nées avant le jugement d'ouverture établie par Maître [V] le 8 avril 2019, ne fait apparaître aucune créance du PRS, lesquelles apparaissent pour la première fois sur une liste succincte établie le 20 mai 2019, soit postérieurement à la date ultime du 20 mars 2019. Elle soutient que le PRS ne justifie pas de l'accusé de réception postal ni du certificat électronique comportant les mentions prévues à l'article 4 du 1er octobre 2015, qui aurait accompagné sa déclaration de créance faite par voie électronique.
Par conclusions déposées et signifiées par RPVA le 16 juillet 2021, le PRS demande à la cour':
- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- constater que le comptable du PRS a adressé par voie électronique sa déclaration de créance le 15 février 2019 partie à titre définitif, partie à titre provisoire';
- constater que le 4 mars 2019, le comptable du PRS a demandé l'admission à titre définitif d'une partie de la créance déclarée à titre provisoire';
- constater que le mandataire judiciaire a reconnu avoir réceptionné dans le délai de deux mois la déclaration de créance du PRS et l'avoir transmise à la débitrice,
- en conséquence, débouter la SARL [Adresse 2] et confirmer la décision querellée,
- condamner la SARL [Adresse 2] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il fait valoir que seule la première déclaration de créance est soumise au délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc, et non la seconde'; que la première déclaration a bien été réceptionnée par le mandataire judiciaire le 15 février 2019 à 13h31 ainsi que cela ressort du message électronique'; que l'absence d'apposition du timbre humide du mandataire judiciaire sur la déclaration électronique est inopérante'; que la déclaration de créance n'est soumise à aucune règle de forme particulière et peut être faite par courrier simple'; que la réception de la déclaration par le mandataire judiciaire ressort du courrier du 8 août 2019 dans lequel celui-ci indique avoir réceptionné les déclarations de l'administration fiscale dans les délais et les avoir transmises à la débitrice.
Par conclusions déposées et signifiées par RPVA le 9 octobre 2023, la Selarl [V] & Associés demande le débouté de l'appelante de ses demandes et que soit constatée la péremption de l'instance en l'absence de toute diligence de l'appelante entre le 16 août 2021 et le 17 août 2023.
Le comptable du PRS Alpes-Maritimes a répliqué par conclusions en défense sur incident notifiées le 3 avril 2024.
La Selarl [V] & Associés a sollicité le 3 avril 2024 la radiation de l'incident, demande à laquelle s'est associée l'appelante'; la radiation a été ordonnée à l'audience d'incident par mention en marge du dossier.
Les parties ont été avisées le 19 juillet 2024 de la fixation de l'affaire à l'audience du 6 février 2025 avec indication de la date prévisible de la clôture. La clôture a été prononcée le 16 janvier 2025.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
MOTIFS DE LA DECISION
Le délai de déclaration de créance est, selon l'article L622-24 du code de commerce, de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Selon l'article L622-24 alinéa 4 du code de commerce "les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale (...), qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement."
Il est de jurisprudence constante que si la déclaration de créance n'obéit à aucune règle formelle, il incombe toutefois au créancier en application de l'article 1353 du code civil, de justifier par tous moyens, qu'il a effectué cette formalité dans le délai légal prescrit à l'article L622-24 du code de commerce à peine de forclusion.
A cet égard, l'arrêté du 1er octobre 2015 relatif à la mise en 'uvre du portail électronique prévu aux articles L814-2 et L. 814-13 du code de commerce prévoyant pour la transmission par voie électronique des envois et remises des actes mentionnés à l'article D. 814-58-3 du code de commerce, un procédé de signature électronique authentifiant l'expéditeur et un horodatage des envois invoqué par l'appelante, ne revêt pas de caractère obligatoire et n'est pas exclusif du recours à d'autres procédés d'envoi et de remise d'actes fréquemment usités, y compris par voie électronique.
Le redressement judiciaire de SARL [Adresse 2] a été prononcé par jugement du 10 janvier 2019 publié au Bodacc le 20 janvier 2019 et le délai maximal pour déclarer une créance expirait le 20 mars 2019 à 24h00 en application des articles 640 et suivants du code de procédure civile.
En l'état des éléments versés aux débats, il résulte des pièces n°1 et n°2 de l'appelante et des pièces n°1 et 2 produites par l'intimé, que':
- par un courriel envoyé le 15 février 2019 à 13h31, Mme [C] [N], contrôleur des finances publiques du PRS Alpes-Maritimes a adressé sur la boite mail de la Selarl [V] & Associés ([Courriel 6]), en pièce jointe, une déclaration de créances fiscales intitulée «'DECL 35 AVENUE.pdf'» (pièce n°2 de l'intimé) précisant':
«'Objet': SARL [Adresse 2]
SIREN 533 784 518
«'Maître,
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint la déclaration de créances fiscales de la société citée en objet.
Vous en souhaitant bonne réception, veuillez agréer, Maître, mes salutations respectueuses.
Pièces jointes':
DECL35AVENUE.pdf'»
- la déclaration datée du 15 février 2019 produite par l'appelante (pièce n°1), reprend les références de la SARL [Adresse 2] et de la procédure collective, mentionne les sommes de':
- 8 036 euros à titre définitif,
- 259 96 euros à titre provisionnel,'
- la déclaration datée du 4 mars 2019 produite par l'appelante (pièce n°1) rappelant la déclaration à titre provisionnel faite le 15 février 2019, reprenant les mêmes références, établit le montant définitif de la créance à hauteur de 44 852 euros au titre de l'avis de mise en recouvrement n°20190200025 et de 136 538 euros à titre privilégié par avis de mise en recouvrement n°20190200025, totalisant 181 390 euros.
Il n'est pas discuté que SARL [Adresse 2] n'a contesté, outre une autre créance de l'administration fiscale d'un montant de 14 036 euros, que la date d'envoi au mandataire judiciaire des créances portées sur les déclarations du PRS Alpes-Maritimes des 15 février et 4 mars 2019.
A cet égard, le courrier adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 août 2019, réceptionné le 9 août 2019 par le PRS (pièce n°1 de l'intimé), par lequel la Selarl [V] & Associés ès qualités, indique que le mandataire judiciaire n'entend pas s'associer à «'cette contestation ayant par ailleurs transmis à l'entreprise les mails accompagnant vos déclarations et confirmant que vos déclarations ont été effectuées dans le délai légal'», fait bien référence aux déclarations de l'administration fiscale, qu'il précise avoir été effectuées dans le délai légal.
Comme l'invoque l'appelante, le fait que les sommes objets de la déclaration datée du 15 février 2019 n'apparaissent pas sur la liste succincte des créances établie par le mandataire judiciaire à la date du 8 avril 2019 (pièces n°2 de l'appelante) mais uniquement sur celle établie à la date du 20 mai 2019, ne saurait faire présumer qu'elles ont été déclarées tardivement.
Dès lors, en l'état des pièces produites, le comptable public du PRS Alpes-Maritimes a justifié, ainsi qu'il lui incombe, de l'envoi le 15 février 2019 au mandataire judiciaire de la déclaration de créance portant date du 5 février 2019, dans le délai légal prescrit. La déclaration postérieure du 4 mars 2019 n'a eu pour effet que de rendre définitives les sommes déclarées le 19 février à titre provisionnel, conformément aux dispositions de l'alinéa 4 de l'article L.622-24 du code de commerce.
L'ordonnance du juge commissaire en date du 4 février 2021 (n°2020m2991) sera par conséquent confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
La SARL [Adresse 2] succombant, est infondée en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'appelante et employés en frais privilégié de la procédure collective.
Au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de SARL [Adresse 2]. Il y a lieu de rejeter la demande du comptable public du PRS Alpes-Maritimes sur ce chef,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance rendue par le juge commissaire en date du 4 février 2021 (n°2020m2991) en toutes ses dispositions';
Déboute la SARL [Adresse 2] en ses demandes';
Déboute le comptable public du PRS Alpes-Maritimes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Laisse les dépens d'appel à la charge de la SARL [Adresse 2] et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.