CA Nouméa, ch. civ., 24 avril 2025, n° 23/00194
NOUMÉA
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Genicon
Conseiller :
M. Allard
Conseiller :
Mme Vernhet-Heinrich
Avocats :
Me Devrainne, Me Plaisant, SELARL Cabinet Plaisant
FAITS
Le 14 novembre 2016, M. [X] [W] a fait l'acquisition auprès de M. [H] [R] et de Mme [Y] [S] d'un véhicule modèle Ford, type Raptor, immatriculé 356 185 NC, au prix de 2.300.000 F CFP.
Il s'est avéré que le véhicule n'appartenait pas au vendeur.
PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE
Suivant requête du 16 août 2021,M. [X] [W] a fait citer M. [H] [R] et Mme [Y] [S] devant le tribunal de première instance de Nouméa auquel il a demandé, au visa des articles 1108, 1128 et 1599 du code civil, de :
- Annuler la vente intervenue le 21 février 2016 pour défaut d'objet;
- Condamner solidairement les défendeurs à la restitution de la somme de 2.300.000 F CFP correspondant au prix de vente, ainsi qu'à celle de 36.395 F CFP au titre des pièces détachées pour la réparation du bien vendu, sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2021, et celle de 250.000 F CFP à titre de dommages et intérêts;
- Condamner M. [H] [R] et de Mme [Y] [S] au paiement de la somme de 250.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction.
Le 2 mai 2023, le tribunal a rendu la décision dont la teneur suit :
- Prononce la nullité de la vente du véhicule modèle Ford, type Raptor, immatriculé 356 185 NC, conclue le 14 novembre 2016 entre M. [X] [W] et M. [H] [R] au prix de 2.300.000 F CFP,
- Condamne solidairement M. [H] [R] et Mme [Y] [S] à restituer à M. [X] [W] la somme de deux millions trois cent mille (2.300.000) francs CFP, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2021,
- Condamne M. [H] [R] à payer à M. [X] [W] la somme de cent mille (100.000) francs CFP à titre de dommages et intérêts,
- Rejette toute demande plus ample ou contraire,
- Condamne solidairement M. [H] [R] et Mme [Y] [S] au paiement de la somme de deux cent mille (200.000) francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Met à la charge solidaire de M. [H] [R] et de Mme [Y] [S] les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit du cabinet Plaisant, société d'avocats aux offres de droit,
- Ordonne l'exécution provisoire.
PROCEDURE D'APPEL
M. [R] et Madame [S] ont fait appel de cette décision et demande à la cour de:
- ORDONNER la jonction des numéros RG 23/00149 et RG 23/00194
- INFIRMER le Jugement n° 23-233 rendu le 22 mai 2023 par le tribunal de première instance de Nouméa
Et statuant de nouveau
- DEBOUTER monsieur [X] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- FIXER à 6 les unités de valeur revenant à Maître [L] [U] aux offres de droit, concernant madame [Y] [S] d'une part et monsieur [X] [W] d'autre part.
Ils font notamment valoir les moyens et arguments suivants :
La vente est parfaite en raison de l'accord des parties sur le prix et l'objet et M. [X] [W] avait connaissance du 'leasing'avant que la vente ne soit conclue.
La récupération du véhicule ne leur est pas imputable.
Mme [Y] [S] déclare ne pas être partie à la vente et ne pas avoir rencontré M. [X] [W].
Elle a reçu les fonds en règlement de sommes qui lui étaient dues par M. [H] [R] dont elle est séparée depuis plus de cinq ans.
L'enquête diligentée par les services de police a fait l'objet d'un classement sans suite, et ils n'ont pas conclu, avec mauvaise foi, une vente dépourvue d'objet ouvrant droit à des dommages et intérêts.
M. [W] demande à la cour de:
- CONFIRMER le jugement n° 23-233 rendu par le Tribunal de Première Instance de Nouméa le 22 mai 2023 en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente conclue entre Monsieur [W] et Monsieur [R].
- CONDAMNER solidairement Monsieur [R] et Madame [S] à restituer à Monsieur [W] la somme de 2.300.000 XPF, outre intérêts au taux légal, -REFORMER le jugement sur les dommages et intérêts octroyés à Monsieur [W];
En conséquence
- CONDAMNER solidairement Madame [S] [Y] et Monsieur [H] [R] au paiement de la somme de 36.395 XPF au titre des pièces détachées achetées en vain;
- Le tout avec intérêts au taux légal à compter du 21/07/2021, date de la mises en demeure;
- CONDAMNER solidairement Madame [S] [Y] et Monsieur [H] [R] au paiement de la somme de 250.000 XPF de dommages et intérêts;
- ORDONNER l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution;
- CONDAMNER solidairement Madame [S] [Y] et Monsieur [H] [R] au paiement de la somme de 450.000 XPF au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit du CABINET PLAISANT, avocats aux offres de droit.
Il fait notamment valoir les moyens et arguments suivants :
Il a réglé le prix de vente du véhicule par virement au bénéfice de Mme [Y] [S], laquelle s'est présentée comme la compagne et l'associée de M. [H] [R].
En dépit de plusieurs relances, le vendeur, qui se présentait comme un professionnel de la vente de véhicules d'occasion, ne lui a jamais remis la carte grise et le certificat de non gage.
Il a découvert courant mars 2017 que M. [H] [R] n'était pas propriétaire du véhicule mais que ce dernier appartenait à la société de location SNC IXORA 9, dans le cadre d'une défiscalisation gérée par la société ECOFIP, et donné en location à la société SUD NORD TRAVAUX [I], laquelle l'aurait vendu à M. [H] [R] le 26 mai 2016 au prix de 900.000 F CFP.
Il a été contraint de restituer le véhicule à la société ECOFIP le 4 avril 2017.
M. [H] [R] et Mme [Y] [S] ont refusé de lui restituer la somme correspondant au prix de vente.
Il a subi un préjudice de ce fait, outre l'achat inutile de pièces détachées pour procéder aux réparations du véhicule.
MOTIF DE LA DECISION
Sur la demande de jonction
La demande de jonction des dossiers enregistrés sous les numéros RG 23/00149 et RG 23/00194 est sans objet dans la mesure où elle a déjà été ordonnée par le conseiller de la mise en état par décision du 18 avril 2024.
Sur la demande de nullité de la vente
Les conditions essentielles de la vente ont trait au consentement des parties, à la capacité des parties, à la chose objet du contrat, à la cause de l'engagement, et au prix.
En l'espèce, le consentement des parties, leur capacité, la cause de l'engagement,et le prix ne posent pas de difficultés.
En ce qui concerne la chose objet du contrat, elle doit être déterminable et exister ou susceptible d'exister, être aliénable, et être la propriété du vendeur.
En l'espèce, l'objet du contrat existait bien, puisque le véhicule existait et était clairement déterminé. De plus, le véhicule était aliénable. Le litige n'a donc pas trait, contrairement à ce qu'indique l'acheteur, à l'existence de l'objet de la vente mais seulement à la propriété du vendeur sur le véhicule. Par ailleurs, le fait que les parties se soient entendues sur la chose et le prix n'exclut pas une éventuelle nullité de la vente.
Selon l'article 1599 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle.
En l'espèce, il est constant que, le 26 mai 2016, la société SUD NORD TRAVAUX [I] a cédé à M. [H] [R] le véhicule de marque Ford, type Raptor, immatriculé 356185 NC au prix de 900.000 F CFP ; la vente n'a pas donné lieu remise de la carte grise, le vendeur ayant déclaré l'avoir perdu.
Il est également constant que le 14 novembre 2016, le véhicule a été revendu à M. [X] [W] au prix de 2.300.000 F CFP, somme intégralement réglée au moyen d'un virement opéré le même jour au bénéfice de Mme [Y] [S].
M. [H] [R] ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de bonne foi du véhicule.
Au contraire, dans le cadre de son audition par les services d'enquête, ce dernier a déclaré connaître M. [M] [I] depuis 15 ans et n'avoir eu de cesse, durant près de deux ans, de lui demander de lui vendre le véhicule, précisant par ailleurs "vous remarquerez que sur la déclaration de perte, figure une note manuscrite. Il s'agit du nom et des coordonnées de l'organisme de défiscalisation".
De plus, M. [H] [R] a également admis dans le cadre de son audition que la demande de renseignements fournie par la Direction des infrastructures, de la topographie et des transports terrestres a été délivrée à sa demande le 29 septembre 2016.
La réunion de ces éléments démontre que M. [H] [R] savait parfaitement qu'il n'était pas propriétaire du véhicule et connaissait l'identité du véritable propriétaire du véhicule mais qu'il l'a néanmoins vendu à M. [X] [W].
Aucun élément ne permet en revanche de retenir que M. [X] [W] avait pour sa part connaissance que le véhicule appartenait toujours à autrui.
ll convient de prononcer la nullité de la vente.
Par conséquent, les choses doivent être remises dans leur état antérieur à la vente.
M. [H] [R] doit être condamné à restituer la somme de 2.300.000 F CFP correspondant au prix de vente, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2021, date de la mise en demeure.
Cette condamnation doit être prononcée solidairement avec Mme [Y] [S].
En effet, cette dernière était présente le jour de la banque, s'est présentée comme la compagne et l'associée de M. [R], et a été personnellement destinataire du virement bancaire effectué en paiement du prix de vente. Elle avait donc l'apparence d'un vendeur et M. [W] a légitimement pu croire que tel était le cas.
Sur la demande de la somme de 36'395 Fr. XPF au titre des pièces détachées et de la somme de 250.000 Fr. XPF au titre de dommages-intérêts complémentaires
Il résulte des dispositions de l'article 1599 du Code civil que la vente de la chose d'autrui peut donner lieu à dommages-intérêts lorsque l'acheteur régnerait que la chose fut à autrui.
Ce texte ne limite donc pas l'action du demandeur à la seule répétition du prix et à la remise des parties dans leur état antérieur.
En l'espèce, il est constant que M. [W] ignorait que le véhicule n'appartenait pas au vendeur.
M. [W] a acquis des pièces détachées afin de procéder aux réparations nécessaires sur le véhicule pour un montant total de 36'395 Fr. XPF.
Ces dépenses ont été engagées en vain puisqu'il a dû restituer le véhicule.
La demande en paiement de la somme de 36'395 Fr. XPF est justifiée; il convient d'y faire droit.
De même, la demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires est justifiée compte tenu du caractère de comportement du vendeur.
Il convient donc d'allouer à M. [W] la somme de 250.000 Fr. XPF à ce deuxième titre en raison du préjudice moral subi.
Le jugement sera donc réformé sur ce point.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut, Mme [S] sera tenue solidairement avec M. [R] au paiement des sommes en question.
Sur les autres demandes
Les appelants succombent et seront sera donc condamnés aux dépens d'appel.
Par suite, ils sont nécessairement redevables envers M. [W] d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civique sera fixés à 200'000 Fr. XPF.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant
Condamne solidairement M. [R] et Mme [S] à payer à M. [W] :
- La somme de 36'395 Fr. XPF au titre des sommes déboursées pour l'achat de pièces détachées.
- La somme de 250.000 Fr.XPF titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Condamne solidairement M. [R] et Mme [S] à payer à M. [W] la somme de 200'000 Fr. XPF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Fixe à cinq (5) le nombre d'unités de valeur revenant à Maître [U] au titre de l'aide judiciaire