CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 24 avril 2025, n° 21/06701
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Mathieu, Me Darbier-Voisin, Me Romain
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS [10] et la SAS [19] sont deux sociétés ayant pour objet social respectif la fabrication, transformation et commercialisation de produits en aluminium et PVC, ainsi que divers travaux de bâtiment s'y rapportant.
Leur capital était détenu par M. [M] [X] et Mme [F] [C] épouse [X].
Par acte sous seing privé en date du 18 juillet 2014, M. et Mme [X] ont cédé la totalité des parts sociales de la société [10] et de la société [19], pour le prix total de 950 000 euros, à la société holding [15], constituée pour l'occasion entre M. [G] [E] et ses trois enfants.
La société [15] a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence le 17 novembre 2016, puis en liquidation judiciaire par jugement du 10 mars 2017 désignant Maître [N] [W] en qualité de liquidateur.
Les sociétés [10] (devenue [16]) et [19] ont également été placées en redressement judiciaire le 16 novembre 2016 et ont fait l'objet d'un plan de cession arrêté par jugement du 14 février 2017.
Fin 2016, la société [15] a engagé une procédure contre les époux [X] pour la mise en 'uvre de la garantie contractuelle d'actif et de passif, pour un montant de 94 000 euros. Par jugement du 10 juillet 2017, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a condamné les époux [X] à payer aux organes de la procédure collective de la société [15] une somme de 11 172,75 euros au titre du solde de la garantie d'actif et de passif, en sus de la somme de 22 645,06 euros déjà réglée par M. [X].
Estimant avoir fait l'objet de man'uvres dolosives de la part des époux [X] lors de la cession, M. [E] a assigné ces derniers devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 10 juillet 2017 aux fins d'obtenir réparation de son préjudice financier à hauteur de 700 000 euros et de son préjudice moral et personnel à hauteur de 100 000 euros.
Le 13 juillet 2017, M. [E] a également assigné les époux [X] en référé devant le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire. Sa demande a été rejetée par ordonnance du 20 novembre 2017 au motif qu'une instance au fond était déjà ouverte devant le même tribunal.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a statué comme suit :
- déclare la présente instance non périmée, (cette disposition n'est pas discutée en appel)
- déclare M. [G] [E] irrecevable dans ses demandes de voir M. [M] [X] et Mme [F] [X] condamnés à l'indemniser sur la perte de ses apports, qui sont une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers du fait de la liquidation judiciaire de la société [15], au seul profit du liquidateur de cette dernière,
- déclare M. [G] [E] recevable dans ses demandes de voir les époux condamnés à l'indemniser sur la perte de chance de percevoir des rémunérations ou dividendes de la société [15],
- déboute M. [G] [E] de sa demande de condamnation de M. [M] [X] et Mme [F] [X] pour manquements de leur part lors de la cession de leurs sociétés,
- déboute M. [G] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamne M. [G] [E] à payer à M. [M] [X] et Mme [F] [X], pris ensemble, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [G] [E] aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 158,59 euros TTC dont TVA 26,43 euros,
- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
S'agissant de la qualité à agir de M. [E] et de la recevabilité de ses prétentions, le tribunal a considéré que ses demandes d'indemnisation relatives à la perte de ses apports constituent une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers consécutivement à la liquidation judiciaire de la société [15] et relèvent du monopole du mandataire judiciaire en application de l'article L.622-20 du code de commerce. En revanche, se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015, le tribunal a considéré comme recevables les demandes de M. [E] visant à obtenir la condamnation des époux [X] à l'indemniser d'un préjudice personnel distinct consistant en la perte de chance de percevoir des rémunérations ou dividendes de ladite société.
Sur le moyen opposé par les époux [X], tiré du fait que M. [E] n'était pas personnellement partie au contrat de cession, le tribunal a considéré que la conclusion d'une promesse de vente le 14 mars 2014 entre M. [E] et les époux [X] rendait recevables les demandes de M. [E] contre ces derniers.
Néanmoins, concernant les manquements reprochés aux époux [X], il a relevé d'une part que conformément aux termes de la promesse du 14 mars 2014 M. [E] avait fait réaliser un audit d'acquisition et avait estimé ses conclusions positives pour avoir levé la condition suspensive correspondante, et d'autre part que les nombreuses accusations formulées intervenaient trois ans après la cession et qu'elles auraient dû, a minima, faire l'objet de réclamations écrites dans les premiers mois suivant leur survenance ou leur découverte. Le tribunal a estimé que M. [E] procédait par simples allégations sans produire d'éléments probants étayant la réalité de ses accusations.
Concernant la demande d'expertise judiciaire, le tribunal a estimé que la démarche de M. [E] visait à rechercher des preuves qu'il n'était pas en mesure de produire à ce stade de la procédure.
Enfin, s'agissant de la demande des époux [X] pour procédure abusive et préjudice moral, le tribunal a considéré que ceux-ci ne fournissaient aucun élément permettant de justifier le quantum de leur demande.
Par déclaration du 4 mai 2021, M. [G] [E] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 20 septembre 2022, M. [G] [E], demande à la cour, au visa des articles anciens 1240, 1103, 1231-1 et 1240 du code civil, de :
Recevoir M. [E] en son appel, ses contestations et demandes,
En conséquence :
Infirmer le jugement rendu le 23 mars 2021 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il:
Déclare M. [G] [E] irrecevable dans ses demandes de voir M. [M] [X] et Mme [F] [X] condamnés à l'indemniser sur la perte de ses apports, qui sont une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers du fait de la liquidation judiciaire de la société [15], au seul profit du liquidateur judiciaire de cette dernière,
Déboute M. [G] [E] de sa demande de condamnation de M. [M] [X] et Mme [F] [X] pour manquements de leur part lors de la cession de leurs sociétés,
Déboute M. [G] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Déboute M. [G] [E] de sa demande d'expertise judiciaire,
Condamne M. [G] [E] à payer à M. [M] [X] et Mme [F] [X], pris ensemble, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [G] [E] aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 158,59 euros TTC dont TVA 26,43 euros.
Statuant de nouveau :
Déclarer les époux [X] responsables du préjudice financier et des pertes subis par M. [E] consécutifs à la cession des actions des sociétés [10] et [19],
Condamner solidairement les époux [X] à réparer les préjudices subis par M. [E], en raison du dol commis à son encontre lors de l'acquisition des sociétés [10] et [19], à savoir :
- 487 465,87 euros, en réparation du préjudice financier relatif à la perte de ses investissements;
- 169 388 euros en réparation du préjudice subi par M. [E] pour la perte de chance de ne pas s'être porté caution personnelle de la société [15] auprès de la [26];
- 135 000 euros en réparation du préjudice de perte de chance de percevoir des rémunérations en sa qualité de dirigeant ;
- 119 283 euros en réparation du préjudice de perte de chance de percevoir des dividendes;
- 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. [E] ;
Soit la somme totale de 865 136,87 euros.
Débouter les époux [X] de leurs demandes, fins et conclusions reconventionnelles,
Condamner solidairement les époux [X] à payer à M. [E] la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement les époux [X] aux entiers dépens
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 17 novembre 2021, M. [M] [X] et Mme [F] [X], demandent à la cour, au visa des articles 563 et 564 du code de procédure civile, des articles 9, 32, 117, 122 du code de procédure civile, de l'article L622-20 du code de commerce, et des articles 1103, 1104, 1137, 1193 et 1217 du code civil, de :
Juger que les demandes de M. [E] présentées pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables,
Juger irrecevable l'action de M. [E] pour défaut de droit d'agir et défaut de preuve,
Très subsidiairement,
Juger que M. [E] doit être débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions comme infondées,
Dans tous les cas condamner M. [E] à verser aux époux [X] la somme de :
- 40000 euros de dommages et intérêts pour abus de procédure,
- 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'instruction du dossier a été clôturée par une ordonnance du 3 octobre 2024.
MOTIFS
Sur les fin de non-recevoir invoquées par les époux [X] :
Les époux [X] soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité des prétentions de M. [E] en cause d'appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile, estimant que les réclamations chiffrées relatives au préjudice allégué sont fondées sur des éléments et considérations non débattus en première instance.
Contrairement à ce qu'affirme M. [E], la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d'appel et non de celle du conseiller de la mise en état (cf avis de la Cour de cassation, 2e civ, 11 octobre 2022, n°22-70.010).
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de ses conclusions visées au jugement dont appel M. [E] sollicitait à titre principal du tribunal de commerce qu'il condamne solidairement les époux [X] à l'indemniser des préjudices consécutifs à la cession des sociétés [10] et [19], à hauteur de 700000 euros au titre de la perte de son investissement et 100000 euros en réparation du préjudice moral et de la perte de revenus.
La demande d'indemnisation formée devant la cour d'appel pour un montant total élevé à hauteur de 865 136,87 euros est ventilée entre divers postes de préjudices plus précisément détaillés dans le dispositif des conclusions mais tend aux mêmes fins que celle présentée en première instance, à savoir l'indemnisation des préjudices financiers et moraux résultant selon M. [E] des dissimulations et manquements reprochés aux époux [X].
La fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile sera en conséquence rejetée.
Les époux [X] demandent ensuite à la cour, au visa des articles 9,32,117, 122 du code de procédure civile de juger irrecevable l'action de M. [E] pour défaut de droit d'agir et défaut de preuve.
S'il résulte des articles789 6° et 907 du code de procédure civile, dans leur version applicable à la cause, que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, ce magistrat chargé de la seule instruction de l'appel ne peut cependant connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (avis de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 3 juin 2021 n° 21-70.006).
Les fins de non-recevoir soulevées par les époux [X] ayant été rejetées par le jugement de première instance, seule la cour est compétente pour en connaître.
Le moyen tiré d'un défaut de preuve au visa de l'article 9 du code de procédure civile n'est pas une cause d'irrecevabilité de la demande mais un motif de rejet de la demande au fond.
Les époux [X] soutiennent que M. [E] est dépourvu du droit d'agir à leur encontre sur le fondement contractuel puisqu'il n'est pas personnellement partie au contrat de cession de titres du 18 juillet 2014, conclu avec la société [15].
Ce moyen constitue bien une fin de non-recevoir prévue par l'article 122 du code de procédure civile, visé au dispositif de leurs conclusions, et non une irrégularité de fond.
M. [E], qui agit au visa des articles 1116, 1134, 1147 et 1382 anciens du code civil, fait valoir à juste titre qu'un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un dol ou un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. [E] recevable à agir à l'encontre des époux [X].
Les intimés invoquent par ailleurs la fin de non-recevoir tirée du monopole du liquidateur pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers, retenue par le tribunal pour une partie des demandes.
Il résulte des articles L.622-20 et L.641-4 du code de commerce que seul le liquidateur a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. En conséquence, un créancier de la société en liquidation n'est recevable à agir contre un tiers en réparation d'un préjudice résultant d'une faute commise par ce tiers à l'égard de la société que si le préjudice qu'il allègue lui est personnel et est distinct du préjudice subi collectivement par les créanciers du fait de l'insuffisance d'actif.
En l'espèce, peuvent être considérés comme des préjudices personnels distincts les postes de préjudices allégués par M. [E] au titre :
- de la perte de chance de ne pas s'être porté caution personnelle de la société [15] auprès de la [26],
- de la perte de chance de percevoir des rémunérations en sa qualité de dirigeant,
- de la perte de chance de percevoir des dividendes,
- d'un préjudice moral.
En revanche, la perte par l'associé fondateur de ses apports au capital de la société [15], et de ses apports en compte courant aux sociétés [15] et [16] (ex [10]), société cédée ayant également fait l'objet d'une liquidation judiciaire, s'analyse en la perte de créances contre les sociétés liquidées, dont le recouvrement est compromis par l'insuffisance d'actif.
Ces préjudices ne sont pas distincts de celui subi collectivement par les créanciers des sociétés liquidées, de sorte que la demande formée à ce titre par M. [E] à hauteur de 487465,87 euros sera déclarée irrecevable, le fait que M. [E] n'ait pas, pour une partie de ces créances, formalisé de déclarations de créances étant sans emport à cet égard.
Sur les fautes reprochées à M. et Mme [X] :
M. [E] reproche en premier lieu aux époux [X] d'avoir commis des man'uvres dolosives lors de la cession, en dissimulant intentionnellement des informations cruciales sur la situation réelle des sociétés cédées et notamment sur la nature de la clientèle et l'existence de contrats avec de grands donneurs d'ordre, représentant une part substantielle du chiffre d'affaires, et sur le caractère temporaire et non reconductible de ces contrats, qui majoraient artificiellement le chiffre d'affaires.
Ils prétend que les cédants ont présenté les sociétés [10] et [19] comme ayant une clientèle 'grand public' intervenant quasiment intégralement pour le compte de particuliers, et qu'il a découvert après le rachat qu'elles travaillaient en réalité pour le compte de grands donneurs d'ordre à savoir [24] ([25]), [13] ([7]) [11] et [9], ayant recours à des appels d'offres de marchés privés, que cette dissimulation a été rendue possible par le fait que les factures étaient établies non pas au nom du donneur d'ordre mais des particuliers bénéficiaires des travaux et réglées par le donneur d'ordre, que les contrats conclus avec les grands donneurs d'ordre ne lui ont pas été communiqués.
Les relevés bancaires de la société [10] sur les années 2010 à 2014, obtenus sur ordonnance du président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 10 décembre 2019 et versés aux débats, font notamment apparaître que cette société a reçu sur toute la période des virements réguliers '[8]' et sur la dernière année, des virements de [24].
M. [E] ne produit en revanche aucune pièce permettant d'identifier la cause des virements récurrents effectués par la direction départementale des finances de l'Isère et de les rattacher à un contrat de grand donneur d'ordre.
L'appelant produit une attestation établie le 12 février 2016 par un ingénieur acousticien de la société [27] qui certifie que la société [17] a réalisé avec satisfaction les chantiers d'insonorisation de façades de plus de 100 logements le long des autoroutes A62, A9 et A68 réceptionnés entre 2011 et 2013 et traite actuellement les travaux d'insonorisation de façades de 24 logements.
M. et Mme [X] ne contestent pas avoir obtenu des marchés avec les sociétés [7] ou [25] pour effectuer des travaux d'insonorisation chez des particuliers riverains d'autoroutes ou de voies ferrées, les travaux étant facturés au nom de chaque particulier bénéficiaire et réglés par [7] ou [25].
Ils ne justifient pas avoir communiqué cette information à l'acquéreur de la société [10] ni remis les dossiers des marchés correspondant, alors même que les paiements [7] apparaissant sur les relevés bancaires entre 2010 et 2014 représentent en moyenne environ 30% du chiffre d'affaires de la société [10].
Le rapport de l'audit fiscal et social de cession confié par M. [E] au cabinet [21] et portant sur les comptes clos au 31 décembre 2013 ne comporte aucune mention permettant à M. [E] d'identifier la présence d'un ou plusieurs grands donneurs d'ordres, étant précisé que pour ces travaux, les pièces comptables que l'auditeur a pu consulter (factures) sont au nom du particulier bénéficiaire des travaux.
En omettant de communiquer à l'acquéreur une information importante relative à la structure de la clientèle et des marchés en cours, les cédants ont commis a minima un manquement à leur obligation d'information exacte, exhaustive et loyale sur la situation des sociétés cédées, qui engage leur responsabilité.
M. [E] reproche d'autre part à M. et Mme [X] de ne pas avoir engagé de démarche, à compter du 1er janvier 2013, pour obtenir un label RGE Qualibat, requis par la réglementation thermique RT2012 pour réaliser des chantiers relatifs aux bâtiments visés par l'arrêté du 28 décembre 2012.
Il indique avoir dû engager cette démarche lui-même et n'avoir pu obtenir le label que le 27 juillet 2015.
Il ressort cependant du dossier de présentation du projet de reprise des sociétés [10] et [19], établi par M. [E], que ce dernier était parfaitement informé de l'absence de certification, accréditation connue ([22], [23]) qu'il mentionne au titre des points faibles en page 18 de son dossier.
Il ne justifie d'aucune demande effectuée à ce titre auprès des époux [X] en amont de la cession ni d'aucune réclamation adressée postérieurement à la cession, avant l'introduction de l'instance.
Contrairement à ce qu'il affirme, les textes réglementaires qu'il cite ne font pas ressortir une impossibilité pour les sociétés cédées d'accéder à compter du 1er janvier 2013 aux marchés qui constituaient jusqu'à lors leur clientèle.
Aucun manquement des cédants ne sera retenu à ce titre.
M. [E] reproche enfin à M. et Mme [X] de ne pas avoir respecté la clause de maintien des effectifs figurant à l'acte de cession et stipulant 'Maintien des effectifs en place. En cas de remplacement d'un départ, embauche d'un salarié au même niveau'.
Il fait valoir que l'un des trois commerciaux, M. [S] a pris sa retraite le 28 février 2014 et n'a pas été remplacé.
Le rapport d'audit fiscal et social établi en avril 2014 par le cabinet [21] à l'attention de M. [E] en vue de la cession mentionne clairement que M. [S], âgé de 68 ans, ne faisait plus partie du personnel depuis début 2014 et avait cessé son activité après une période en contrat cumul retraité-salarié sur la base de 13h par mois au SMIC.
M. [E] était ainsi parfaitement informé du départ de M. [S] et de l'état des effectifs lors de la cession, et ne justifie, encore une fois, d'aucune demande adressée à ce titre aux époux [X], ni en amont de la cession, ni pendant la période d'accompagnement ayant suivi la cession.
C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'aucune faute des cédants ne pouvait être retenue à ce titre.
Sur les préjudices allégués et le lien de causalité avec l'unique manquement retenu :
M. [E] soutient que s'il n'avait pas été trompé sur la nature de la clientèle et l'existence de contrats avec de grands donneurs d'ordre ayant un caractère temporaire et non reconductible, il aurait renoncé à l'acquisition ou l'aurait acceptée à d'autres conditions.
Le préjudice résultant d'un défaut d'information par les cédants ne peut en effet consister qu'en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [E] a conclu la cession le 18 juillet 2014 à la suite de longues négociations, après la signature d'un engagement de confidentialité le 25 avril 2013, d'une lettre d'intention le 26 juin 2013, d'une promesse de cession le 14 mars 2013, et après avoir fait réaliser un audit d'acquisition, comportant notamment en annexe l'état du carnet de commandes.
Si l'existence de contrats avec de grands donneurs d'ordre à l'origine d'une part significative du chiffre d'affaire constitue une information importante pour l'acquéreur, M. [E] ne démontre pas que de tels contrats étaient nécessairement temporaires et non reconductibles.
Il est d'autre part inexact que les sociétés cédées lui auraient été présentées comme 'intervenant quasiment intégralement pour le compte de particuliers' puisque dans son dossier de présentation du projet de reprise, il présente lui-même l'entreprise comme travaillant à 40% du chiffre d'affaires avec les particuliers et à 60% avec des professionnels et comme étant référencée de longue date auprès de bureaux d'études, architectes et promoteurs.
En considération de ces éléments, la probabilité que M. [E] ait renoncé à son acquisition s'il avait été informé de l'existence de ces contrats grands donneurs d'ordre sera évaluée à 30%.
Le préjudice constitué par la perte de chance de ne pas s'être porté caution personnelle de la société [15] auprès de la Société [20] sera ainsi indemnisé par l'allocation d'une somme de 56463 euros correspondant à 30% des sommes dues à la banque selon un arrêt rendu par cette cour le 17 décembre 2020.
Le préjudice invoqué par M. [E] au titre de la perte de chance de percevoir des rémunérations et dividendes apparaît dépourvu de lien de causalité avec le manquement retenu à l'encontre des époux [X].
Ce préjudice est la conséquence directe de la liquidation judiciaire de la société [15] dont les époux [X] ne sont pas jugés responsables, et dans l'éventualité favorable où M. [E], mieux informé, aurait renoncé à son acquisition, il n'aurait pas eu vocation à percevoir des rémunérations et dividendes de cette société.
Le préjudice moral invoqué par M. [E] apparaît justifié dans son principe au regard des poursuites engagées par la Société [20] et des hypothèques inscrites sur ses biens, ainsi que de la déloyauté des époux [X].
Il lui sera alloué à ce titre une somme de 5000 euros.
Sur la demande en dommages et intérêts formée par les intimés :
L'action introduite par M. [E] se révélant, aux termes de la présente décision, partiellement fondée, M. et Mme [X] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
Parties succombantes, M. et Mme [X] seront condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles comme il sera dit au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Déclare M. et Mme [X] recevables en leurs fins de non-recevoir soumises à la cour,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile,
Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- déclaré M. [G] [E] irrecevable en ses demandes de voir M. [M] [X] et Mme [F] [X] condamnés à l'indemniser sur la perte de ses apports, qui sont une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers du fait de la liquidation judiciaire de la société [15], au seul profit du liquidateur de cette dernière,
- déclaré M. [G] [E] recevable en ses demandes de voir les époux condamnés à l'indemniser sur la perte de chance de percevoir des rémunérations ou dividendes de la société [15],
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare M. [G] [E] irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 487 465,87 euros en réparation du préjudice financier relatif à la perte de ses investissements,
Déclare M. [G] [E] recevable en ses demandes au titre de la perte de chance de ne pas s'être porté caution personnelle de la société [15] auprès de la [26], et au titre d'un préjudice moral,
Condamne M. [M] [X] et Mme [F] [C] épouse [X] in solidum à payer à M. [G] [E] la somme de 56 463 euros en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas s'être porté caution personnelle de la société [15] auprès de la [26], et la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboute M. [M] [X] et Mme [F] [C] épouse [X] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. [M] [X] et Mme [F] [C] épouse [X] in solidum à payer à M. [G] [E] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [M] [X] et Mme [F] [C] épouse [X] aux dépens de première instance et d'appel.