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Décisions

CA Reims, ch. soc., 23 avril 2025, n° 24/00380

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 24/00380

23 avril 2025

Arrêt n°

du 23/04/2025

N° RG 24/00380

IF/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 23 avril 2025

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 9 février 2024 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Encadrement (n° F 23/00130)

S.A.S. CEMOI CONFISEUR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Amélie DAILLENCOURT, avocat au barreau de REIMS et par la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [M] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Elise BRAND de l'AARPI BFL, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 23 avril 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Faits et procédure :

Monsieur [M] [I] a été engagé à compter du 1er juin 2005 par la société Chocolats de l'Abbaye Suisse Normande, devenue Cemoi Chocolatier Etablissement de [Localité 5], en qualité de responsable flux avant d'être promu directeur d'usine à compter du 1er janvier 2007.

Par accord conclu le 20 mai 2015, Monsieur [M] [I] a accepté la novation de son contrat de travail par substitution d'employeur et a été transféré au sein de la société CEMOI CONFISEUR à compter du 1er septembre 2015.

Parallèlement à cette convention de transfert, il a signé le 21 mai 2015 avec la société CEMOI CONFISEUR un contrat à durée indéterminée prévoyant sa nomination à compter du 1er septembre 2015 en qualité de directeur d'usine des établissements de [Localité 6] et de [Localité 3], avec une reprise de l'ancienneté acquise depuis le 1er juin 2005.

La convention collective applicable était celle des cinq branches industries alimentaires diverses.

Le 2 décembre 2019, Monsieur [M] [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave le 18 décembre 2019.

Par requête du 27 novembre 2020, Monsieur [M] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins de contester son licenciement et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre indemnitaire et salarial.

Par jugement du 30 mars 2023, le conseil de prud'hommes de Caen s'est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Troyes qui par jugement du 9 février 2024 a :

- dit Monsieur [M] [I] recevable et partiellement fondé en ses demandes ;

- dit que Monsieur [M] [I] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant ;

- dit que le forfait jours n'était pas applicable à Monsieur [M] [I] ;

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il était abusif ;

- condamné la société CEMOI CONFISEUR à payer à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 3 740,90 euros bruts de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre 374,09 euros bruts de congés payés afférents,

. 28'376,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 837,69 euros bruts de congés payés afférents,

. 52 970,18 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 80'000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 65'053,34 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 6 505,34 euros bruts de congés payés afférents,

. 20'767,92 euros bruts au titre du repos compensateur outre 2 076,79 euros bruts de congés payés sur repos compensateur,

. 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté Monsieur [M] [I] de ses autres demandes ;

- débouté la société CEMOI CONFISEUR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes ci-dessus porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial ;

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil ;

- prononcé l'exécution provisoire de la décision en vertu de l'article R 1454-28 du code du travail pour la somme de 85130,64 euros calculée sur la moyenne des trois derniers mois évaluée à 9 458,96 euros et en vertu des articles 517 à 519 du code de procédure civile pour tout le surplus des sommes figurant dans le jugement, les sommes constituant une garantie sous forme de consignation déposée par la société CEMOI CONFISEUR à la caisse des dépôts et consignations ;

- condamné la société CEMOI CONFISEUR au remboursement à France Travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

- condamné la société CEMOI CONFISEUR aux dépens ;

Le 7 mars 2024, la société CEMOI CONFISEUR a formé appel du jugement de première instance, portant sur toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses conclusions, notifiées par RPVA le 26 novembre 2024, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société CEMOI CONFISEUR demande à la cour :

A titre liminaire sur l'appel incident,

DE DÉCLARER recevables toutes ses demandes visant à :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [M] [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 3 740,90 euros bruts de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre 374,09 euros bruts de congés payés afférents,

. 28'376,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 837,69 euros bruts de congés payés afférents,

. 52 970,18 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 80'000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement à France Travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que Monsieur [M] [I] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 65'053,34 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 6 505,34 euros bruts de congés payés afférents,

. 20'767,92 euros bruts à titre de repos compensateur outre 2 076,79 euros bruts de congés payés sur repos compensateur,

A titre principal,

D'INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [M] [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D'INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 3 740,90 euros bruts de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre 374,09 euros bruts de congés payés afférents,

. 28'376,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 837,69 euros bruts de congés payés afférents,

. 52 970,18 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 80'000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

D'INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement à France travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

DE CONSTATER, DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [M] [I] repose sur une faute grave ;

DE DÉBOUTER Monsieur [M] [I] de toutes ses demandes ;

D'INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit que Monsieur [M] [I] ne relevait pas du statut de cadre dirigeant ;

DE CONSTATER, DIRE ET JUGER que Monsieur [M] [I] bénéficiait d'un statut de cadre dirigeant ;

D'INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 65'053,34 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 6 505,34 euros bruts de congés payés afférents,

. 20'767,92 euros bruts à titre de repos compensateur outre 2 076,79 euros bruts de congés payés sur repos compensateur ;

DE DÉBOUTER Monsieur [M] [I] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

D'INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [M] [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

DE REQUALIFIER le licenciement de Monsieur [M] [I] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

DE DÉBOUTER Monsieur [M] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

D'INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement à France Travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

En tout état de cause,

DE CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [I] de ses demandes de paiement au titre du rappel de primes sur objectifs, au titre de l'intéressement et de la participation, au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

D'INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DE CONDAMNER Monsieur [M] [I] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DE CONDAMNER Monsieur [M] [I] aux dépens ;

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 20 janvier 2025, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [M] [I] demande à la cour :

DE DÉCLARER irrecevable toute demande de la société CEMOI CONFISEUR visant à la remise en cause des dispositions suivantes du jugement, définitives :

- dit que le forfait jour n'est pas applicable à Monsieur [M] [I],

- dit et juge que le licenciement de Monsieur [M] [I] est abusif,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial,

- condamne la société CEMOI CONFISEUR aux entiers dépens ;

DE QUALIFIER de définitives ces mêmes dispositions ;

DE CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a :

- dit ses demandes recevables et fondées,

- dit qu'il ne relevait pas du statut de cadre dirigeant, - dit que le forfait jours ne lui était pas applicable,

- dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il était abusif,

- condamné la société CEMOI CONFISEUR à lui payer les sommes suivantes :

. 3 740,90 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre 374,09 euros bruts de congés payés afférents,

. 28 376,88 euros bruts à titre de préavis outre 2 837,68 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 52 970,18 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 65 053,34 euros bruts à titre d'heures supplémentaires outre 6 505,34 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 20 767,92 euros bruts à titre de repos compensateur outre 2 076,79 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté la société CEMOI CONFISEUR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes ci-dessus porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision en vertu de l'article R 1454-28 du code du travail pour la somme de 85 130,64 euros calculée sur la moyenne des 3 derniers mois évaluée à 9 458,96 euros et des articles 517 à 519 du code de procédure civile pour tout le surplus des sommes figurant dans le jugement, cette somme constituant une garantie sous forme de consignation déposée par la SAS CEMOI CONFISEUR à la Caisse des dépôts et consignations,

- condamné la SAS CEMOI CONFISEUR au remboursement à France Travail de tout ou partie des indemnités de chômage qui lui ont été versées à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

- condamné la SAS CEMOI CONFISEUR aux entiers dépens.

DE REFORMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il :

- l'a débouté de ses autres demandes,

- l'a débouté de sa demande de condamner la société CEMOI CONFISEUR à lui verser la somme de 16 309,42 euros bruts au titre de la prime versée sur les objectifs de l'année 2018 outre 1 630,98 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- l'a débouté de sa demande de condamner la société CEMOI CONFISEUR à lui verser la somme de 56 753,76 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- a limité à la somme de 80 000 euros nets de CSG et de CRDS les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- l'a débouté de sa demande de condamner la société CEMOI CONFISEUR à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct causé par les circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail ;

Statuant à nouveau,

DE CONDAMNER la société CEMOI CONFISEUR à lui verser les sommes suivantes :

. 16 309,80 euros bruts au titre de la prime sur objectifs de l'année 2018 outre 1 630,98 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 56 753,76 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,

. 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de son licenciement ;

DE DÉBOUTER la société CEMOI CONFISEUR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

DE CONDAMNER société CEMOI CONFISEUR à lui verser la somme de 3 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens en appel ;

Motifs :

La société CEMOI CONFISEUR ayant formé deux déclarations d'appel distinctes qui ont le même objet, il convient d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les n° 24/00380 et 24/00405.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Monsieur [M] [I] soutient que certaines dispositions du jugement de première instance doivent être confirmées au motif que la société CEMOI CONFISEUR ne les a pas contestées aux termes de ses premières écritures devant la cour d'appel et que les dispositions suivantes sont ainsi devenues définitives :

- dit que le forfait jour n'est pas applicable à Monsieur [M] [I],

- dit et juge que le licenciement de Monsieur [M] [I] est abusif,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial,

- condamne la société CEMOI CONFISEUR aux dépens.

La société CEMOI CONFISEUR répond qu'elle n'a pas contesté le fait que le salarié n'était pas soumis à un forfait annuel en jours mais qu'elle a fait appel du jugement de première instance en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dénué de cause réelle et sérieuse, disposition dont elle a sollicité l'infirmation tant dans sa déclaration d'appel que dans le dispositif de ses premières écritures.

Elle ajoute que les dispositions concernant les intérêts au taux légal et les dépens dépendent des chefs de jugement qu'elle critique et des condamnations qui seront, in fine, prononcées.

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique de la décision rendue par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Selon l'article 562, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 954 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige dispose : "Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs".

Il résulte de ces textes que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation de la décision, la cour d'appel ne peut que confirmer la décision.

La déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel (Cass. 2e civ, 14 sept. 2023, n° 20-18.169)

Si l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués, celle-ci doit vérifier s'il existe un lien de dépendance entre deux chefs de jugement avant de constater l'absence d'effet dévolutif pour l'un d'entre eux (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n° 20-16.239).

La société CEMOI CONFISEUR ne prétend pas que Monsieur [M] [I] relevait d'un forfait annuel en jours. Elle a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a jugé que le salarié ne relevait pas du statut de cadre dirigeant. Dans ses premières conclusions elle a sollicité l'infirmation de cette disposition et a demandé à la cour de juger que le salarié bénéficiait du statut de cadre dirigeant.

Le juge de première instance a jugé que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il était abusif.

En sollicitant l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société CEMOI CONFISEUR sollicite également en application de l'article 562 du code de procédure civile l'infirmation en ce que le premier juge a jugé que le licenciement était abusif.

Par ailleurs, la société CEMOI CONFISEUR sollicite de la cour qu'elle juge que le licenciement de Monsieur [M] [I] repose sur une faute grave, ce qui constitue une prétention.

Ainsi contrairement à ce que soutient le salarié, le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes n'est pas définitif en ce qu'il a jugé que le licenciement était abusif.

Enfin, les chefs de jugement qui portent sur l'application des intérêts au taux légal et les dépens ont été critiqués dès la déclaration d'appel et de telles condamnations sont dépendantes des condamnations qui sont prononcées in fine par la cour de sorte qu'elle en est également saisie.

En conséquence, Monsieur [M] [I] doit être débouté de sa demande tendant à voir juger que sont irrecevables les demandes de la société CEMOI CONFISEUR visant à la remise en cause des dispositions suivantes :

- dit et juge que le licenciement de Monsieur [M] [I] est abusif,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial,

- condamne la société CEMOI CONFISEUR aux dépens.

Il est de même débouté de sa demande tendant à voir juger que ces dispositions sont définitives.

Par ailleurs la cour précise que Monsieur [M] [I] ne forme aucune demande à hauteur d'appel concernant le versement de la somme de 3282,12 euros nets d'intéressement et de participation, demande dont il a été débouté en première instance, de sorte qu'elle n'en est pas saisie.

I) L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur la qualité de cadre dirigeant

La société CEMOI CONFISEUR fait valoir que Monsieur [M] [I] occupait un poste de directeur d'usines, justifiant l'application du statut de cadre dirigeant, conformément à son contrat de travail qui prévoit une rémunération forfaitaire sans lien avec la durée du travail et à l'accord d'entreprise d'aménagement du temps de travail.

Elle ajoute qu'en cette qualité, la législation relative à la durée du travail ne lui était pas applicable.

Monsieur [M] [I] conteste l'application de ce statut soulignant que son contrat de travail ne le mentionne pas, pas plus que la délégation de pouvoir qui lui a été consentie.

Il ajoute qu'il ne remplissait pas les conditions légales et jurisprudentielles pour bénéficier de cette qualité et que l'employeur l'a toujours considéré comme un cadre en forfait jour ainsi que cela est mentionné sur ses bulletins de salaire.

Selon l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

La Cour de cassation, aux termes de deux décisions a précisé que ces critères cumulatifs impliquaient que seuls relèvent de cette catégorie, les cadres participant à la direction de l'entreprise (Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10-24.412, Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10-23.828).

Elle a néanmoins affirmé que la participation à la direction de l'entreprise ne constituait pas un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux posés par l'article L 3111-2 du Code du travail qui définit le cadre dirigeant ( Cass. soc., 1er déc. 2016, n° 15-24.695).

Il appartient au juge de vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné, peu important que l'accord collectif retienne pour sa fonction la qualité de cadre dirigeant ( Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 06-42.208).

Cet examen se fait au regard de chacun des trois critères, afin de vérifier si le salarié participe à la direction de l'entreprise.

La reconnaissance du statut de cadre dirigeant n'exige pas pour autant la démonstration d'une absence totale de lien de subordination à l'égard l'employeur (Cass. soc., 23 nov. 2010, n° 09-41.552).

En tant que salarié, le cadre dirigeant reste soumis à l'autorité de son employeur (PDG, gérant, directeur général) auquel il rend compte de son activité dans des conditions qui doivent être compatibles avec les responsabilités qu'il exerce et l'autonomie de décision qui en est le corollaire.

La seule circonstance qu'un cadre se voie assigner des objectifs budgétaires dans le cadre des orientations commerciales définies par la direction du groupe ne suffit pas à l'exclure de la qualité de cadre dirigeant ( Cass Soc., 23 nov. 2010, n° 09-41.552).

En tant que directeur des usines de [Localité 6] et de [Localité 3], Monsieur [M] [I] avait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.

En revanche il n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome.

En effet la délégation de pouvoirs qui lui a été consentie par la direction de la société CEMOI CONFISEUR le 1er septembre 2015 est limitée aux domaines du droit du travail et de la réglementation économique.

Par ailleurs elle révèle que Monsieur [M] [I] devait agir dans le cadre des décisions du siège de l'entreprise et du groupe CEMOI.

Monsieur [M] [I] n'avait pas l'autonomie pour déterminer lui-même le budget des deux établissements dont il assumait la direction puisque la délégation de pouvoirs prévoit expressément que ces budgets devaient être soumis préalablement pour approbation au CODIR.

Cette absence d'autonomie de décision est confirmée par les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation de Monsieur [M] [I] qui comportent tous une rubrique 'esprit groupe : capacité à faire respecter les règles établies par le groupe'.

Par ailleurs les six témoignages de cadres que la société CEMOI CONFISEUR produit aux débats démontrent l'important pouvoir décisionnel et de contrôle du siège et du groupe au sein de l'usine de [Localité 6] dans tous les domaines.

Enfin Monsieur [M] [I] devait respecter les consignes de la directrice industrielle à laquelle il était hiérarchiquement rattaché mais également celle de la direction des ressources humaines du groupe.

Les paramètres et les rubriques d'évaluation, et les commentaires de la directrice industrielle, qui figurent dans les évaluations annuelles de Monsieur [M] [I], produites aux débats, démontrent par ailleurs que le salarié n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, étant par ailleurs relevé que l'entretien annuel de 2019, produit aux débats en pièce 26 par le salarié, mentionne qu'il est cadre au forfait jours.

Enfin, plusieurs niveaux hiérarchiques séparaient Monsieur [M] [I] de la direction de la société CEMOI CONFISEUR. Il était placé sous la direction hiérarchique de la directrice industrielle, elle-même placée sous la direction hiérarchique du directeur des opérations, directement subordonné au directeur général ainsi que cela est établi par l'organigramme produit en pièce 33 par le salarié.

S'agissant de la rémunération de Monsieur [M] [I], la société CEMOI CONFISEUR ne produit aucun élément chiffré aux débats pour démontrer qu'il bénéficiait d'une des rémunérations les plus élevées.

Monsieur [M] [I] bénéficiait de la classification conventionnelle N8 E2 mais la classification des cadres comporte un niveau supérieur en N9.

Enfin surabondamment, la cour relève que les bulletins de paie de Monsieur [M] [I] mentionnent un forfait de 217 jours, catégorie cadre, et que le contrat de travail ne fait aucune référence à une qualité de cadre dirigeant.

Il résulte de ces éléments que si Monsieur [M] [I] dirigeait l'usine de [Localité 6] et l'usine de [Localité 3], il ne participait pas à la direction de l'entreprise.

C'est donc à raison que le premier juge a considéré que Monsieur [M] [I] n'avait pas la qualité de cadre dirigeant.

Or aux termes des articles L 3121-27 à L 3121-30 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet, qui ne sont pas cadres dirigeants, est fixée à 35 heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Monsieur [M] [I] est donc fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires.

Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties, l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ainsi, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, Monsieur [M] [I] produit aux débats les relevés de pointage de l'usine de [Localité 6] qui démontrent qu'il était présent sur le site de [Localité 6] dans les proportions suivantes : 2 262 heures au titre de l'année 2017, 2 170 heures au titre de l'année 2018, 1 946 heures au titre de la période du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2019.

La société CEMOI CONFISEUR ne produit aucun élément concernant le temps de travail de Monsieur [M] [I].

C'est donc à raison que le premier juge a fait droit à sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour un total de 65'053,34 euros outre 6505,34 euros de congés payés afférents soit :

. 29'641,98 euros au titre de l'année 2017 outre 2 964,20 euros de congés payés afférents

. 24'210,58 euros au titre de l'année 2018 outre 2 421,06 euros de congés payés afférents

. 11'200,78 euros au titre de l'année 2019 outre 1 120,08 euros de congés payés afférents.

Le jugement de première instance doit être confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des contreparties en repos

Aux termes des articles L 3121-27 à L 3121-30 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complets est fixée à 35 heures par semaine. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel, fixé à 220 heures par l'article D 3121-24 du code du travail ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

L'article L 3121-38 du code du travail prévoit qu'à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionné à l'article L 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L 3121-30 pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

En application de l'article D 3121-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

Cette indemnité a le caractère de salaire.

Le salarié, qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents ainsi que l'a jugé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2018, pourvoi n 17-17.940.

Au vu des heures supplémentaires réalisées par le salarié, telles que précisées ci-dessus, c'est à raison que le premier juge a condamné la société CEMOI CONFISEUR à payer à Monsieur [M] [I] la somme de 20'762,92 euros outre 2076,70 euros de congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé

Monsieur [M] [I] soutient que la société CEMOI CONFISEUR ne pouvait ignorer qu'il n'était ni cadre dirigeant, ni cadre au forfait, en l'absence de régularisation d'une telle convention, de sorte qu'elle s'est soustraite volontairement au paiement des nombreuses heures supplémentaires qu'il effectuait et dont elle était informée par les relevés de pointage.

La société CEMOI CONFISEUR répond que Monsieur [M] [I], en tant que cadre dirigeant n'était pas soumis à la réglementation sur le temps de travail et qu'il n'apporte pas la preuve de l'existence d'une dissimulation intentionnelle des heures de travail.

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du'travail, dans sa rédaction issue de la' loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, est réputé'travail'dissimulé'par dissimulation d'emploi salarié, le fait par l'employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de'travail'inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de'travail', soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de'travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l'article L 8221-5 du code du'travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le'caractère'intentionnel'de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées.

Il ne peut davantage résulter du seul fait que la cour ne retienne pas la qualité de cadre dirigeant, étant relevé que le salarié qui a signé un contrat de travail qui mentionnait expressément que sa rémunération était forfaitaire et indépendante du temps passé à remplir ses fonctions n'a, jusqu'à l'engagement de la procédure prud'homale, émis aucune réclamation quant à son temps de travail.

L'élément intentionnel requis par l'article L 8221-5 du code du travail étant insuffisamment établi, Monsieur [M] [I] sera débouté de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1, par confirmation du jugement de première instance.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs 2019

La cour relève que le dispositif des conclusions du salarié comporte une erreur matérielle en ce que la demande de rappel de salaires à hauteur de 16'309,42 euros outre 1 630,98 euros est formulée au titre de la prime versée sur les objectifs de 2018 alors que dans ses moyens, Monsieur [M] [I] sollicite le rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs de 2019 et précise que la prime d'objectifs au titre de l'année 2018 lui a été versée.

Monsieur [M] [I] sollicite un rappel de salaires à hauteur de 16'309,42 euros outre 1 630,98 euros correspondant au même montant que la prime d'objectifs de l'année 2018 dans la mesure où son contrat de travail prévoit cette rémunération variable, qu'il n'exclut pas le versement d'une telle prime en cas de départ du salarié en cours d'année et que l'employeur ne démontre pas qu'il n'avait pas atteint ses objectifs.

La société CEMOI CONFISEUR répond que s'agissant d'une rémunération variable, il peut être prévu que celle-ci n'est octroyée au salarié que si son contrat de travail n'a pas été rompu avant la fin de la période de référence et que la proratisation de la rémunération variable, dans une telle hypothèse, ne se présumant pas, il appartient au salarié qui l'invoque de justifier d'un engagement de l'employeur en ce sens.

Elle affirme que chaque année, dans le cadre de l'entretien annuel d'évaluation, les objectifs étaient communiqués au salarié et que le procès-verbal d'entretien comportait un onglet intitulé "part variable cadre" indiquant qu'en cas de rupture du contrat, par rupture conventionnelle ou licenciement, il ne pourrait percevoir de rémunération variable sur objectifs.

Elle ajoute qu'en l'espèce aucune prime sur objectifs au titre de l'année 2019 n'est due à Monsieur [M] [I] dès lors qu'il n'était plus dans l'entreprise à l'issue de la période de référence, le contrat de travail ayant été rompu le 18 décembre 2019 et qu'au surplus, il n'a pas atteint ses cinq objectifs fixés au titre de l'année 2019.

Si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement (Cass., Soc., 29 septembre 2021, pourvoi nº 13-25.549).

Lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice. (Cour de cassation, Chambre sociale, 9 Février 2022 ' n° 20-12.611).

Le contrat de travail de Monsieur [M] [I] stipule : « (...) en plus de cette rémunération, Monsieur [M] [I] bénéficiera d'une prime sur objectifs conformément à la politique RH en vigueur dans la société. Cette prime pourra atteindre au titre de l'année 2015, un maximum de 12 % de son salaire de base brut annuel pour 100 % des objectifs réalisés. Les objectifs annuels sont fixés par le directeur industriel auquel il rendra compte de son activité »

La société CEMOI CONFISEUR produit en pièce 19 un document intitulé "période des EA cadres 2019" qui mentionne les dates d'entretien annuel pour les cadres, la répartition des objectifs et qui stipule qu'en cas de licenciement aucune part variable n'est versée.

Toutefois il ne s'agit pas d'un document contractuel, signé par les parties, contrairement au contrat de travail qui prévoit le versement d'une rémunération variable en fonction des objectifs atteints, sans condition de présence dans l'entreprise à la fin de la période de référence.

Monsieur [M] [I] est donc fondé à solliciter le versement d'une rémunération variable au titre de l'année 2019 nonobstant son licenciement.

Au titre de l'année 2019, Monsieur [M] [I] s'était vu fixer 5 objectifs : ligne Quatro, dossier lean et edossier, projet confiseur, projet réduction des coûts transverses, et budget.

La société CEMOI CONFISEUR affirme que Monsieur [M] [I] n'a pas atteint ses objectifs, mais elle n'en justifie pas de sorte que la demande du salarié doit être accueillie par infirmation du jugement de première instance.

La société CEMOI CONFISEUR sera donc condamnée à lui payer la somme de 16'309,80 euros à titre de prime sur objectifs de l'année 2019 outre 1 630,98 euros de congés payés afférents.

II) LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave

La société CEMOI CONFISEUR soutient qu'elle a découvert au mois de novembre 2019, dans le cadre de la tenue du Comité Economique Européen du Groupe CEMOI les agissements qu'elle reproche à Monsieur [M] [I] dans la lettre de licenciement de sorte qu'aucune prescription ne peut être invoquée.

Elle précise que Monsieur [M] [I] a fait preuve d'opacité dans la direction de ses établissements, a refusé que ses collaborateurs appliquent les consignes communes à tous les établissements de l'entreprise, qu'il pratiquait un management par la terreur, empêchait les collaborateurs de s'exprimer librement, interférait dans le management de ses cadres afin de les décrédibiliser, multipliait les consignes contradictoires, refusait de respecter les règles qu'il imposait à ses collaborateurs, faisait des différences entre les membres de son équipe et que ce comportement a été à l'origine d'une dégradation des conditions de travail de ses collaborateurs et de leur état de santé.

Elle ajoute que, si la Cour considérait que la faute grave n'est pas caractérisée, le licenciement de Monsieur [I] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse.

Monsieur [M] [I] répond que les faits que la société CEMOI CONFISEUR lui reproche sont prescrits et infondés.

* sur la prescription

Selon l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Selon une jurisprudence constante, ce n'est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai de prescription mais celle de la connaissance par l'employeur des faits reprochés, cette connaissance s'entendant d'une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits (Cass., Soc. 17 février 1993 pourvoi n°88-45.539; Cass., Soc. 28 septembre 2011 pourvoi n°10-17.343). La détermination de la date à laquelle l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité et de l'ampleur des faits imputables au salarié, s'agissant de la preuve d'un fait, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass., Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 17-21.514).

Les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur de plus de deux mois dans la mesure où le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement et s'il s'agit de faits de même nature (Cass., Soc. 9 avril 2014, pourvoi n° 12-23.870).

La société CEMOI CONFISEUR justifie que les griefs qu'elle reproche à Monsieur [M] [I] ont été portés à sa connaissance à l'occasion de la réunion du Comité Economique Européen du groupe qui s'est tenu à [Localité 4] du 18 au 20 novembre 2019.

Le procès-verbal de cette réunion, qu'elle produit aux débats en pièce 14, mentionne que les IRP ont porté à la connaissance de la direction la situation critique sur le site de [Localité 6] en ces termes : « l'ensemble des cadres, sans exception, ainsi que les membres du CODIR nous ont mandatés pour remonter leur plainte sur le fonctionnement de l'usine et les agissements du directeur d'usine (pression, agressivité, hyper-contrôle, refus d'accompagnement par les IRP lors d'entretiens de salariés, plus de dialogue, pression sur certains IRP...). Les cadres de l'usine souhaitent rencontrer Monsieur [N] pour évoquer cette situation directement le plus rapidement possible.

Les élus du site de [Localité 6] avaient déjà alerté la direction générale par courrier en 2017. Depuis la situation s'est fortement dégradée et élargie à tous les cadres.

Nous rappelons que les alertes avaient déjà été émises en CE et CEE et des mouvements sociaux déclenchés lors de ses fonctions sur le site de [Localité 5].

Nous vous alertons sur les conséquences de ce comportement sur la santé physique et psychique des salariés (pleurs, arrêts maladie, hospitalisation psychiatrique, démissions en chaîne) déjà évoqués sur le site. Nous vous alertons également sur sa propre sécurité.

Il n'est pas souhaitable d'attendre une atteinte physique comme avec l'ancien RRH pour régler cette situation. Nous nous inquiétons par ailleurs du recrutement du nouveau RRH par le directeur actuel. Au vu de cette situation nous nous interrogeons sur le déclenchement d'un droit d'alerte concernant la situation préoccupante du site de [Localité 6]. Nous espérons que la direction générale prenne la mesure de cette alerte. Nous souhaitons également que vous veillerez à ce que cette alerte n'ait de préjudice ni pour les salariés qui se seront exprimés ni pour les IRP (...) Les cadres ont l'intelligence de ne pas faire redescendre le problème à la production. On a déplacé le problème de [Localité 5] à [Localité 6]. [Localité 5] a vécu 10 ans de galère ».

Le directeur général Monsieur [R] et le directeur des ressources humaines, Monsieur [N], ont répondu qu'ils découvraient l'ampleur du problème, qu'ils avaient traité récemment la situation du RRH du site de [Localité 6] qui avait été licencié pour faute grave, qu'ils prenaient la situation très au sérieux, allaient la traiter et qu'il ne fallait pas attendre les CEE pour les avertir de telles situations.

Monsieur [M] [I] produit aux débats, en pièce 61, une étude RPS réalisée en 2017 et affirme que cette pièce démontre à elle seule que la direction avait connaissance, au moins dès 2017, de la plupart des faits qui lui ont ensuite été reprochés dans le cadre de son licenciement, de sorte qu'ils sont prescrits.

Toutefois cette étude 'évaluation RPS établissement de [Localité 6]' s'inscrivait dans une démarche visant à mettre en place un plan d'action d'amélioration et d'accompagnement des changements et elle a retranscrit de manière très générale les résultats d'une enquête concernant cinq aspects : exigence du travail, exigences émotionnelles, autonomie et marge de man'uvre, rapports sociaux, sens et valeurs incarnées, sécurité socio-économique en faisant ressortir que le rythme de travail était contraignant et que la plupart des collaborateurs avaient le sentiment de ne pas être impliqués dans les changements techniques et organisationnels de l'entreprise.

Il ne peut donc être soutenu que la société CEMOI CONFISEUR avait une connaissance exacte dès 2017 de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qui ont été portés à sa connaissance à l'occasion du comité économique européen.

Par ailleurs, les conditions et les termes dans lesquels les difficultés ont été portées à la connaissance de la direction à l'occasion de la réunion du Comité Economique Européen démontrent que les faits se sont poursuivis jusqu'à ce qu'ils soient mentionnés lors de cette réunion.

La société CEMOI CONFISEUR a mis Monsieur [M] [I] à pied à titre conservatoire dès le 2 décembre 2019 et a prononcé le licenciement le 18 décembre 2019 de sorte que le salarié n'est pas fondé à invoquer une prescription.

* sur la caractérisation des griefs

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués par l'employeur au soutien du licenciement prononcé, ainsi que l'a rappelé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2020, pourvoi n° 18-25.943.

Le juge doit ainsi rechercher d'une part si les faits invoqués constituent bien une faute, à défaut de quoi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'autre part si ces faits, à défaut de caractériser le degré de gravité de la faute invoquée par l'employeur, ne constituent pas une faute d'un degré moindre de nature à justifier le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

Le doute profite au salarié.

Le juge apprécie la gravité des faits reprochés au salarié au regard des circonstances propres de l'espèce et notamment de la nature des agissements, de leur caractère éventuellement répété, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, de son ancienneté, de son niveau de responsabilité, des éventuels manquements, mises en garde et sanctions antérieurs, des conséquences des agissements pour l'employeur ou les autres salariés.

Aux termes de la lettre de licenciement en date du 18 décembre 2019, qui fixe les limites du litige, la société CEMOI CONFISEUR a formulé, à l'encontre de Monsieur [M] [I], les griefs suivants concernant l'usine de [Localité 6] :

-- une absence de communication avec les membres du CODIR et l'opacité de son management

A ce titre l'employeur cite notamment une absence de communication à l'égard du CODIR concernant le budget de fonctionnement et d'investissement de l'usine, l'absence de retour concernant le comité de revue de projet tenu en octobre 2019 malgré les demandes des membres du CODIR, un refus de fournir aux membres du CODIR des extractions du budget, une absence d'explication concernant les changements de gamme validés depuis la fin de l'année 2018, une absence d'informations concernant le licenciement, le 23 octobre 2019 de Monsieur [F], responsable des ressources humaines du site de [Localité 6] et un manque d'écoute des équipes qui estiment qu'elles ne peuvent s'exprimer

' une dégradation des conditions de travail des collaborateurs, privation et retrait de leurs fonctions avec des conséquences sur leur état de santé

A ce titre, l'employeur reproche notamment à Monsieur [M] [I] un contrôle excessif du CODIR qui n'avait plus de marge de man'uvre, une intervention directe auprès des N-1 des cadres, un management par le stress et des pressions psychologiques se caractérisant par :

. des inégalités de traitement entre les différents membres du CODIR et les collaborateurs

. l'absence de prise en compte de la charge de travail

. un entretien annuel éprouvant pendant cinq heures pour un cadre

. une absence de participation aux réunions d'équipe quotidienne mise en place par lui-même

. une multiplication des réunions quotidiennes sans valeur ajoutée

. une pression sur les collaborateurs entraînant un climat délétère et des arrêts de travail et notamment l'hospitalisation du responsable technique après plusieurs alerte concernant sa détresse demeurée sans suite

. une modification des règles qu'il avait lui-même fixées (cutter)

. des injonctions paradoxales

- une absence de respect des obligations en matière de qualité avec pour conséquence des risques graves pour le site

A ce titre l'employeur reproche notamment à Monsieur [M] [I] les faits suivants :

. autorisation en dilution d'un chocolat dont le contrôle organoleptique n'était pas conforme ce dont il avait été alerté le 28 octobre 2019,

. ordre donné malgré l'alerte et les protestations d'un adjoint de production de recycler du chocolat qui datait de plus de 14 mois en dépit d'un protocole qui en imposait la destruction,

. ordre donné de refondre du chocolat prémium dans du standard en 2018 en dépit de l'alerte de l'adjoint de production,

. ordre de continuer à produire, le 28 août 2019, en dépit d'une température dépassant 23°

- la décision de réduire drastiquement les heures de nettoyage des lignes de production, l'inspection sanitaire de la ligne Carl ayant relevé le 30 octobre 2019 la présence de teignes et de larves

- l'échec de la mise en route de la ligne Quatro, projet clé pour la pérennité économique du site de [Localité 6] avec une mauvaise anticipation des ressources techniques nécessaires en dépit de l'alerte du chef de projet Quadro

- un manquement organisationnel et technique ayant eu de graves répercussions sur le site

A ce titre l'employeur reproche notamment à Monsieur [M] [I] la validation tardive, en octobre 2019 d'une commande de moules indispensables pour la saison de Pâques 2020, malgré une demande réalisée en janvier 2019 et la limitation des entretiens de révision sur site avec pour conséquence des pannes de machines sur les lignes clés.

- un refus d'embaucher à la hauteur des besoins malgré les demandes de l'encadrement et une absence de respect du Cap RH impulsé par la direction des ressources humaines impliquant un remplacement des départs, le respect du recours aux saisonniers, la vigilance quant au recours à l'intérim, le respect de la sécurité, la vigilance quant aux risques psychosociaux entraînant une augmentation de l'accidentologie et un nombre important de démissions.

La société CEMOI CONFISEUR ne conteste pas qu'à la suite de l'alerte émise à l'occasion du Comité Economique Européen, elle a interrogé les cadres du site de [Localité 6], ainsi que l'affirme Monsieur [D] [X] lui-même (coordinateur amélioration continue) qui atteste en faveur de Monsieur [M] [I].

Elle produit les attestations émanant de quatre des six cadres qui composaient le CODIR du site et étaient placés sous la direction de Monsieur [M] [I] soit :

- Monsieur [C] [U], responsable de production, attestation établie le 25 janvier 2021

- Madame [J] [B], responsable approvisionnement/méthodes, attestation établie le 29 janvier 2021

- Monsieur [W] [A], responsable qualité/sécurité/environnement, attestation établie le 22 janvier 2021

- Monsieur [E] [H], responsable logistique, attestation établie le 21 janvier 2021

Il est précisé que l'un des six cadres, Monsieur [T] [F] avait été licencié pour faute grave pour un comportement sexiste et inadapté, peu de temps avant le licenciement de Monsieur [M] [I].

La société CEMOI CONFISEUR produit également des attestations de Monsieur [L] [P], adjoint au responsable de production, établie le 25 janvier 2021 et de Monsieur [Z] [S], planificateur, établie le 20 janvier 2020.

Elle produit ainsi les attestations des cadres membres du CODIR et des cadres les plus proches de Monsieur [M] [I].

Or ces attestations établissent plusieurs des griefs formulés à l'encontre de Monsieur [M] [I] :

Ainsi Madame [J] [B] atteste de l'opacité du management de Monsieur [M] [I], de la dégradation des conditions de travail des collaborateurs et notamment des cadres responsables, de l'absence de prise en compte de la charge de travail et de l'absence de respect des règles imposées par siège, notamment en terme de qualité.

Elle indique qu'en 2016, Monsieur [M] [I] a décidé de modifier les règles concernant la gestion des prix de revient industriel des différentes gammes de chocolat sans en avertir le siège et en dépit des règles claires du service méthode. Elle ajoute qu'elle ne trouvait pas honnête de faire ces modifications sans en avertir le siège mais qu'elle ne pouvait pas aller à l'encontre de la décision du directeur.

Elle précise : « nous nous sommes donc retrouvés avec des produits finis révisés de cette main-d''uvre et d'autres qui ne l'étaient pas car le code produit fini n'avait pas changé et ce pour une même famille de produits. Du coup, à chaque fois que le contrôle de gestion groupe nous posait des questions sur des incohérences entre deux produits de la même famille, c'était Monsieur [I] qui prenait la main pour répondre, nous demandant parfois de modifier des valeurs en prétextant une erreur auprès du contrôle de gestion groupe, afin de ne pas avoir à justifier ses choix.

Deux ans plus tard, en 2018, Monsieur [M] [I] nous a demandé de réduire la main-d''uvre et des pourcentages de perte dans nos gammes et de revenir en arrière avec un objectif d'économie de 100'000 euros dans nos gammes ce qui revenait à retirer de la main-d''uvre dans nos gammes (...) Le travail que nous avions fait était basé sur une méthodologie précise mais comme le résultat ne convenait pas à Monsieur [I], il nous a demandé de modifier des valeurs en 'bidouillant' pour obtenir le résultat de 100'000 euros qu'il souhaitait. Je lui ai dit que je n'adhérais pas à ce fonctionnement, que je n'arrivais pas à comprendre ce que l'on faisait et comment on devait le faire et que je préférais qu'il reprenne la gestion du service méthode car je ne me sentais pas compétente face à ce que l'on me demandait de faire (...)

Les règles changeaient régulièrement et au détriment de la cohérence dans la gestion des dossiers au quotidien. De ce fait Monsieur [I] ne produisait aucun écrit pour qu'il n'y ait pas de traces et cela m'obligeait, à chaque changement de cap, à formuler par écrit ce qu'il nous demandait aussi bien pour être sûre d'avoir bien compris ce qu'il nous demandait que pour avoir une trace de pourquoi on l'avait fait et pouvoir me justifier si nécessaire. Le service méthode n'avait plus aucune autonomie et nous ne savions plus comment agir avec l'impression de toujours mal faire. Quelles que soient les demandes du siège en termes d'études de nouveaux produits, nous devions lui en référer et le traitement pouvait être différent, c'était infantilisant et on peut qualifier cela d'hyper contrôle. Si les règles avaient été claires nous n'aurions pas eu à subir toutes ces situations. Mes collègues des méthodes et moi-même étions déroutés (...)»

Madame [J] [B] ajoute « [G] [O] était donc la personne qui suivait le dossier de production et qui l'avait mis en place dix ans plus tôt et quand nous sommes passés sur edossier (dossier suivi de production digital) il a missionné Monsieur [K] [X] (responsable Lean arrivé un an plus tôt) comme pilote du projet alors qu'il n'avait aucune compétence/expérience en la matière. Le paramétrage a donc été réalisé sans cohérence et sans connaissance des prérequis avec pour conséquence une perte d'informations importantes en termes de suivi de production que l'on subit encore aujourd'hui là où nous étions précis auparavant. Cela a mis en souffrance ma collaboratrice qui s'est sentie mise au placard. En tant que manager je me suis sentie impuissante face à cette situation car, quoi que l'on pense ou dise, Monsieur [M] [I] avait décidé et c'était ainsi. Il n'y avait pas de consensus possible »

Madame [J] [B] atteste également de l'inégalité de traitement que Monsieur [M] [I] réservait à ses cadres et collaborateurs. Elle indique à ce sujet : « il n'avait pas le même traitement pour ses différents collaborateurs. En effet j'ai entendu de mon bureau des mots violents qu'il a eus à l'encontre des adjoints de production qui étaient arrivés en retard à une réunion sans l'avoir prévenu alors que lui-même a parfois été en retard à des réunions sans forcément prévenir.

J'ai également de mon bureau entendu une altercation que Monsieur [M] [I] a eu avec mon collègue [E] [H] dont je partage le bureau, pour les mêmes raisons (retard à une réunion) sans que mon collègue puisse se justifier.

A l'inverse Monsieur [F], notre responsable RRH de l'époque arrivait systématiquement en retard aux réunions sans que rien ne lui soit jamais reproché. Au contraire cela le faisait sourire et il lui faisait des remarques avec humour. Cela a altéré ensuite l'ambiance de travail car chacun était dans le stress permanent et plus du tout naturel dans son comportement au quotidien face à lui.»

Enfin, Madame [J] [B] atteste de l'absence de prise en compte de la charge de travail des collaborateurs : « j'ai à plusieurs reprises, et au même titre que certains de mes collègues, alerté Monsieur [I] sur le fait que mon collègue [V] [Y], responsable de la maintenance, paraissait surmené et que les actions à mener sur certains dossiers qui faisaient appel à la maintenance n'étaient pas réalisées et bloquaient l'avancement et la performance de l'usine. Il m'a répondu à chaque fois que c'était à [V] de manager ses équipes et de prendre des décisions pour assainir son service. Mais il me semble que si un collaborateurs ne va pas bien et/ou n'est pas à l'attendu de ce que l'on exige de lui, c'est bien à son supérieur hiérarchique de gérer la situation en l'accompagnant dans un premier temps sur ses difficultés et/ou en prenant les décisions qui s'imposent si la situation perdure.

Pour autant, il a, sans que l'on comprenne pourquoi, retiré le dossier environnement à mon collègue [W] [A] qui était compétent en la matière pour le redonner à Monsieur [V] [Y] qui ne s'en sortait déjà pas. Je n'ai pas compris cette décision et j'ai vu mes collègues souffrir de cette situation. Résultat, le dossier environnement n'a plus été géré et laissé en friche jusqu'à l'arrivée de la nouvelle direction »

Monsieur [C] [U] atteste d'un management par le stress en indiquant que Monsieur [M] [I] lui mettait la pression en lui disant régulièrement "tu pars déjà" et qu'il a très souvent quitté tard son travail suite à ces remarques. Il ajoute que lors des présentations des résultats annuels à l'ensemble du personnel de l'usine, Monsieur [M] [I] faisait des commentaires qui ne reflétaient pas la réalité des chiffres affichés, que son discours était négatif alors que les résultats étaient bons. Il mentionne enfin un refus d'accéder à ses demandes de formation formulées lors des entretiens annuels.

Il témoigne également d'une inégalité de traitement, en ces termes : « suite à un retard de l'ensemble des adjoints de production à une réunion, Monsieur [I] nous a poursuivis sur le parking afin d'aller dans son bureau. Nous avons subi une réprimande verbale pendant 10 minutes pour ce retard. A contrario Monsieur [I] se permettait lors du point quotidien d'arriver en retard »

Monsieur [A] atteste d'un management par le stress, d'une perte d'autonomie, d'injonctions paradoxales et d'une absence d'exemplarité et de respect des procédures par Monsieur [M] [I]

Il indique : « le management déstabilisant de Monsieur [M] [I] a eu pour conséquence pour ma part de rentrer dans une relation conflictuelle et de stress permanent ayant des conséquences sur ma santé, m'obligeant à consulter à la fois la médecine du travail et mon médecin traitant.

Ci-dessous quelques exemples ayant participé à ma déstabilisation, à la dégradation de mes conditions de travail et à mon mal-être au travail :

- absence de cap clair et cohérent ne me permettant pas d'être autonome et de bien manager mes équipes. Monsieur [M] [I] me demande en entretien d'être selon ses mots un 'dragon de la qualité et de la sécurité' en conclusion d'échanges m'indiquant que je n'étais pas assez exigeant. Pour autant, le 27 mars 2018, il me demande de refondre des chocolats ayant un goût non conforme et qui auraient dû être jetés selon les critères du groupe CEMOI. Comment être plus exigeant suite à ses demandes contradictoires »

A son attestation Monsieur [A] produit en annexe un échange de mails avec Monsieur [M] [I] en date du 27 mars 2018. A à sa question "les saisons de Noël et de Pâques sont maintenant terminées et nous avons 6T500 de recyclage 6805 dérogé l'année dernière mais non utilisé. La prochaine utilisation est prévue en S20. Si on applique la règle groupe définie l'an passé, cette quantité est à mettre en BD (recyclage âgé de plus de 14 mois). Que fait-on ' Dans l'attente de te lire", Monsieur [M] [I] a répondu : "je vais faire comme si je n'avais pas vu ce mail. Je recommande néanmoins la dégustation et l'analyse bactério. Et bien sûr un plan d'action rapide pour les passer"

Il ajoute : « exemplarité : suite à la mise en place d'un système répressif concernant le respect des règles de sécurité au travail, Monsieur [M] [I] a été repris par un salarié alors qu'il utilisait un cutter non autorisé qui avait été interdit suite à un accident de travail. Monsieur [M] [I] est alors revenu vers mon animatrice sécurité et moi-même à plusieurs reprises afin de changer les règles et ne pas perdre la face. Nous lui avons expliqué les risques et conséquences potentielles (problématique d'exemplarité). Il nous a tout de même obligés à appliquer sa décision d'autoriser son utilisation à titre dérogatoire pour les membres du comité de direction.»

Monsieur [A] produit en annexe un mail de Monsieur [M] [I] en date du 6 novembre 2018 qui corrobore ce point de son attestation.

Dans son attestation, Monsieur [A] témoigne de ce que Monsieur [M] [I] donnait l'ordre de continuer à produire lorsque les températures maximales de production étaient dépassées, contrairement aux procédures imposées par le groupe, faisant courir le risque d'une production de mauvaise qualité.

Il produit en annexe un échange de mail en date des 28 et 29 août 2019 qui corrobore ce point de son attestation.

Il témoigne également d'une réduction de son périmètre de responsabilité :

- Monsieur [M] [I] lui ayant retiré la gestion du DUERP alors que ce dossier était le fondement de la démarche sécurité, pour le confier au service maintenance géré par Monsieur [V] [Y] alors que celui-ci n'était pas qualifié et déjà en surcharge de travail

Il produit en annexe un mail de Monsieur [M] [I] en date du 21 avril 2016 qui corrobore ce point de son attestation

- Monsieur [M] [I] lui a retiré le dossier environnement le 12 février 2018 pour le confier au service maintenance sans qualification dans ce domaine et toujours plus en difficulté.

Il indique que suite à l'ensemble de ces décisions, il a alerté le directeur sur les risques encourus et il produit en annexe un mail du 14 février 2018 adressé à Monsieur [M] [I] et en copie à Madame [J] [B], pour l'alerter sur les difficultés liées à ses décisions en termes de sécurité, de responsabilité et de management.

Enfin Monsieur [A] indique : «Monsieur [M] [I] me demandait régulièrement de venir dans son bureau et fermait la porte sans m'informer du sujet qui allait être abordé. Parfois cela était pour me réprimander et d'autrefois pour me donner des informations ne nécessitant aucune confidentialité. Cette incertitude était génératrice de stress à chaque fois qu'il me demandait de venir dans son bureau et qu'il fermait la porte (...) . Mon entretien annuel d'évaluation de 2018 a duré cinq heures pendant lesquelles il est sans cesse revenu sur des dossiers sur lesquels je m'étais opposé voulant absolument me contraindre à accepter ses décisions alors que celles-ci allaient à l'encontre de mes principes (intégrité/respect des règles groupe) et même parfois de ceux du groupe CEMOI. Il me fait comprendre qu'il pourrait dégrader ma notation avec une 'performance' en dessous de l'attendu alors que cela ne m'est jamais arrivé en 18 années de vie professionnelle. Peu de temps après il m'appela dans son bureau, ferma la porte et m'informa qu'il m'octroyait une augmentation individuelle qui était en total décalage avec entretien annuel que je venais de subir »

Monsieur [E] [H] témoigne d'un management par le stress, d'une perte d'autonomie, d'injonctions paradoxales et indique que le comportement de Monsieur [M] [I] a considérablement dégradé ses conditions de travail, qu'il validait tardivement des demandes de congés le mettant dans l'impossibilité de s'organiser avec sa famille, qu'il recevait des injonctions paradoxales qui ne lui permettaient pas d'atteindre ses objectifs et de s'aligner avec le reste des équipes. Il précise que Monsieur [M] [I] :

- lui a demandé de mettre tous les moyens techniques et toutes les ressources pour finaliser l'implantation et le fonctionnement de la ligne de fabrication Quadro, au détriment des autres lignes en dépit de ses alertes,

- ne l'a pas consulté en sa qualité de responsable logistique sur le projet RFID avec la société Mésotechnic et qu'il n'a pas fait d'appel d'offres alors qu'il impose normalement cette démarche, le mettant devant le fait accompli, et lui imposant de gérer un projet qui s'est révélé être un échec faute de pouvoir être intégré dans le système informatique,

- lui demandait de faire des ajustements de stock sans que le résultat de l'usine ne soit impacté en invisibilisant les mouvements dans le logiciel pour que le contrôle de gestion ne les détecte pas,

- était dans l'hyper-contrôle et ne lui laissait aucune autonomie dans ses sujets malgré sa position de cadre dans l'entreprise. Il intervenait directement auprès des collaborateurs de ses services et leur donnait des informations contradictoires par rapport aux siennes, il allait à l'encontre de ses décisions, lui faisant perdre toute confiance en lui en tant que manager,

- pouvait avoir des comportements violents verbalement et qu'il a assité à trois reprises à ses emportements à l'encontre de ses collaborateurs, le 30 octobre 2016, le 1er octobre 2018 lorsqu'il lui a été fait remarqué qu'il utilisait un cutter non homologué et le 5 décembre 2018 après avoir constaté que Monsieur [S] avait modifié l'ouverture d'une porte,

- traitait différemment les membres du CODIR et favorisait Monsieur [F] et Monsieur [X],

- se comportait en autocrate

Monsieur [E] [H] précise : « j'avais la boule au ventre chaque jour car je ne savais pas dans quel état d'esprit il était. Sa pression psychologique a laissé des traces et a fait beaucoup de dégâts aussi sur mes équipes et moi-même. Lors de mes entretiens individuels avec mes collaborateurs certains ont remonté une année 2019 qui a été très difficile moralement. Cette souffrance était due au management de Monsieur [M] [I] et Monsieur [F]. Encore aujourd'hui je crains des représailles de sa part »

Monsieur [L] [P] dans son attestation confirme le management inadéquat de Monsieur [M] [I] en précisant que l'ambiance était malsaine quotidiennement notamment en réunion 'point dix minutes' avec les autres responsables, que les désaccords avec les membres du CODIR étaient quasi permanents et que chacun se demandait 'qui serait le prochain'.

Il mentionne des réunions de plus en plus chronophages et sans valeur ajoutée au cours desquelles les collaborateurs étaient mis en difficulté, un blocage des services transverses avec une centralisation des décisions en dépit de la présence des responsables de services, des ordres et des contre ordres, des équipes sous pression et en mal-être.

Il conclut qu'en 25 ans d'ancienneté il a connu de nombreux styles de management, certains directifs et d'autres participatifs, mais que pour la première fois il a été dans l'incapacité de pouvoir aider ses collègues, en souffrance à tour de rôle, et qu'en tant que cadre il lui était difficile de voir le fonctionnement de l'entreprise dans un tel état et de ne pouvoir rien faire.

Monsieur [Z] [S] atteste enfin qu'à la réunion de présentation du passeport personnel sécurité à points en date du 3 octobre 2018, il a été fait appel à la délation de tout acte 'non-sécure' du personnel pour que la direction puisse prendre les sanctions éventuelles, que pris en défaut sur un point de vigilance sécurité, Monsieur [M] [I] a répondu "je m'en fous, les points, c'est moi qui les enlève".

Il ajoute que Monsieur [M] [I] a réagi avec violence et agressivité après avoir constaté qu'il avait bloqué une porte pour éviter que les salariés traversent son bureau pour se rendre aux toilettes et que lors de la réunion de projet de réaménagement des bureaux, toutes les propositions étaient systématiquement rejetées au profit des seules propositions du directeur lui-même.

La société CEMOI CONFISEUR produit également aux débats un procès-verbal de l'inspection du travail en date du 23 janvier 2020, adressé au directeur des ressources humaines Groupe, Monsieur [N], après réalisation d'une enquête sur les risques psycho-sociaux effectuée les 27 et 28 août 2019 au sein des services administratifs de l'usine de [Localité 6].

Il en ressort :

- que l'ancien directeur des ressources humaines de l'usine, Monsieur [F] (licencié pour faute grave par la société CEMOI CONFISEUR le 23 octobre 2019) avait un comportement sexiste et méprisant voire menaçant à l'égard de certains salariés, que les salariés de son service ou de l'entreprise hésitaient à le contacter par peur de son comportement et que Monsieur [M] [I] a banalisé son comportement et le risque qu'il représentait pour ses collaborateurs et notamment ses collaboratrices,

- qu'à compter de l'année 2017, il s'est produit une multiplication des accidents du travail graves sur le site de [Localité 6],

- que plusieurs arrêts maladie étaient liés aux conditions de travail,

- que le droit à la déconnexion n'était pas garanti,

- que les règles concernant les demandes de congés n'étaient pas fixées suffisamment à l'avance et n'étaient pas les mêmes pour tous,

- que le permis à point 'sécurité ' tel qu'il était présenté aux salariés et appliqué était source de RPS, et que les salariés interrogés exprimaient leur regret qu'en dépit de l'absence de respect des règles du permis à points par Monsieur [F] et Monsieur [M] [I], ils ne se soient jamais vu retirer des points

- que l'installation de la ligne Quadro a été mal gérée et que des salariés de cette ligne ont souvent été vus en pleurs, ce qui serait lié à un manque de communication, de formation des salariés et d'anticipation des problèmes qui pourraient être rencontrés ; il est précisé que les conséquences de la mauvaise gestion de la ligne Quadro et ses dysfonctionnements ont laissé penser aux salariés que cette ligne, supposée relancer le site de [Localité 6], allait en réalité le mettre en péril et qu'il pourrait à plus ou moins court terme être fermé.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que Monsieur [M] [I] s'est volontairement abstenu de communiquer au CODIR le budget de fonctionnement et d'investissement de l'usine, le comité de revue de projet tenu en octobre 2019, des extractions du budget, des explications concernant les changements de gamme validés depuis la fin de l'année 2018, des informations concernant le licenciement, le 23 octobre 2019 de Monsieur [F], responsable des ressources humaines du site de [Localité 6].

Il n'est pas davantage établi qu'il a pris la décision de réduire drastiquement les heures de nettoyage des lignes de production, qu'il est responsable de l'échec de la mise en route de la ligne Quatro, qu'il a validé tardivement, en octobre 2019 une commande de moules indispensables pour la saison de Pâques 2020, malgré une demande réalisée en janvier 2019, qu'il a limité les entretiens de révision sur site avec pour conséquence des pannes de machines sur les lignes clés, et qu'il a refusé d'embaucher à la hauteur des besoins malgré les demandes de l'encadrement et une absence de respect du Cap RH impulsé par la direction des ressources humaines.

Il est en revanche démontré par les éléments susvisés que Monsieur [M] [I] a volontairement usé d'un management déstabilisant et harcelant pour ses collaborateurs et notamment les cadres membres du CODIR qui attestent de manière concordante des mêmes attitudes et agissements, dégradant leurs conditions de travail, et qu'il a imposé à ses chefs de service de ne pas respecter certaines procédures en matière de qualité avec pour conséquence des risques graves pour le site.

Compte tenu de sa qualité de directeur de l'usine ces comportements rendent impossible son maintien dans l'entreprise et caractérisent une faute grave.

Le jugement de première instance sera donc infirmé en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il était abusif et en ce qu'il a condamné la société CEMOI CONFISEUR à lui payer un rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement de première instance est également infirmé en ce qu'il a condamné la société CEMOI CONFISEUR à rembourser à France Travail les indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur la demande de dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires de la rupture

Monsieur [M] [I] soutient que les conditions brutales et vexatoires de son licenciement sont caractérisées par une accumulation de griefs infondés, une mise à pied conservatoire et un licenciement à quelques jours des fêtes de fin d'année.

La société CEMOI CONFISEUR conteste tout caractère brutal et vexatoire, souligne qu'elle a dû réagir rapidement compte tenu des agissements du salarié et de la prescription légale prévue par le code du travail.

Le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

Les circonstances de l'espèce ne permettent pas de caractériser un comportement vexatoire, brutal ou humiliant de l'employeur à l'occasion de la rupture du code du travail, étant au surplus souligné que si plusieurs griefs ne sont pas établis, le licenciement pour faute grave est en revanche fondé.

Monsieur [M] [I] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire par confirmation du jugement de première instance.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de rappeler que les condamnations s'entendent sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables.

Les condamnations à caractère salarial (rappel d'heures supplémentaires et de contreparties en repos) porteront intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2020, date de réception par la société CEMOI CONFISEUR de l'accusé de réception de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Caen.

La solution donnée au litige à hauteur d'appel commande de confirmer les dispositions du jugement de première instance concernant les frais irrépétibles et les dépens, de condamner la société CEMOI CONFISEUR à payer à Monsieur [M] [I] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en appel, de la débouter de sa demande à ce titre et de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.

Par ces motifs :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi

ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les n° 24/00380 et 24/00405 ;

DÉBOUTE Monsieur [M] [I] de sa demande tendant à voir juger que sont irrecevables les demandes de la société CEMOI CONFISEUR visant à la remise en cause des dispositions suivantes :

- dit et juge que le licenciement de Monsieur [M] [I] est abusif

- dit que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial

- condamne la société CEMOI CONFISEUR aux dépens ;

DEBOUTE Monsieur [M] [I] de sa demande tendant à voir juger que lesdites dispositions sont définitives ;

Statuant dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement de première instance en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [M] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il était abusif ;

- condamné la société CEMOI CONFISEUR à payer à Monsieur [M] [I] les sommes suivantes :

. 3 740,90 euros bruts de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre 374,09 euro brut de congés payés afférents,

. 28'376,88 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 837,69 euros bruts de congés payés afférents,

. 52 970,18 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

. 80'000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société CEMOI CONFISEUR au remboursement à France Travail de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [M] [I] à compter du 18 décembre 2019 jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

PRÉCISE que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2020 ;

RAPPELLE que les condamnations s'entendent sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables ;

CONDAMNE la société CEMOI CONFISEUR à payer à Monsieur [I] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en appel,

DÉBOUTE la société CEMOI CONFISEUR de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel :

CONDAMNE la société CEMOI CONFISEUR aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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