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Décisions

CA Amiens, 2e protection soc., 23 avril 2025, n° 21/05243

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 21/05243

23 avril 2025

ARRET



S.A.R.L. [4]

C/

URSSAF NORD PAS DE

CALAIS

[W]

Copie certifiée conforme délivrée à :

- SARL [4]

- URSSAF NPDC

- M. [Y] [W]

- Me Grégory OSSOWSKI

- Me Maxime DESEURE

- Me Jérôme POLLET

- tribunal judiciaire

Copie exécutoire :

- Me Grégory OSSOWSKI

- Me Maxime DESEURE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 23 AVRIL 2025

*************************************************************

N° RG 21/05243 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IILV - N° registre 1ère instance : 19/01213

Jugement du tribunal judiciaire de Lille (pôle social) en date du 05 octobre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. [4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Grégory OSSOWSKI, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMÉE

URSSAF NORD PAS DE CALAIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 20 janvier 2025 devant Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 avril 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathanaëlle PLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Claire BIADATTI-BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 23 avril 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LEPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

La société [4] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) du Nord Pas-de-Calais, portant sur les années 2015 et 2016, à l'issue duquel il lui a été adressée une lettre d'observations le 14 septembre 2019 concluant à un redressement d'un montant de 14'667 euros au titre des chefs suivants':

- n°1 - affiliation des mandataires sociaux à l'assurance chômage et à l'AGS (-'1'337 euros)

- n°2 - réduction générale des cotisations - employeurs et salariés concernés (5'765 euros)

- n°3 - erreur matérielle de report ou de totalisation (2'463 euros)

- n°4 - frais professionnel - limite d'exonération - utilisation du véhicule personnel - indemnités kilométriques (2'631 euros)

- n°5 - non fourniture de documents - fixation forfaitaire de l'assiette (5'145 euros).

Le 26 octobre 2018, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais a mis en demeure la société [4] de lui verser la somme de 14'667 euros, augmentée de majorations de retard de 1'532 euros, soit un total de 16'199 euros.

Contestant le redressement, la société [4] a saisi la commission de recours amiable (CRA) de l'URSSAF le 15 janvier 2019, laquelle a rejeté sa demande par décision du 12 décembre 2019.

La société [4] a alors formé un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Lille qui, par jugement du 5 octobre 2021, a':

- jugé régulières les opérations de contrôle,

- confirmé les chefs de redressement n° 1 à n° 5,

- condamné la société [4] à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 16'199 euros sous réserve, d'une part, des paiements, régularisations ou crédits qui auraient pu intervenir sur le compte URSSAF de la société depuis l'émission de la mise en demeure et, d'autre part, des majorations de retard, lesquelles continuent à courir jusqu'à parfait paiement,

- condamné la société [4] aux dépens,

- condamné la société [4] à verser à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

La société [4] a relevé appel de cette décision le 3 novembre 2021.

Après trois renvois lors des audiences du 16 janvier et 23 octobre 2023, 27 mai 2024, les parties ont été reconvoquées à l'audience du 20 janvier 2025.

Par conclusions visées par le greffe le 20 janvier 2025 et soutenues oralement à l'audience, la société [4], appelante assistée de son conseil, demande à la cour de':

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

- en conséquence, in limine litis et à titre principal, prononcer l'irrégularité et la nullité du contrôle de l'URSSAF en raison du dépassement de la durée légale du contrôle en application des dispositions de l'article L. 243-13 du code de la sécurité sociale,

- à titre subsidiaire et au fond, si par impossible le moyen tiré de l'irrégularité et de l'irrecevabilité n'était pas retenu, dire que':

o la lettre d'observations de l'URSSAF du 14 septembre 2018 ne saurait concerner les effets directs et indirects du rejet de l'assujettissement à l'assurance chômage par le Pôle emploi, faute de contrôle de ce point par la vérificatrice,

o les décisions de rejet de l'assujettissement du salarié à l'assurance chômage, émises par le Pôle emploi le 10 juillet 2018 et le 1er février 2019, ne respectent pas les règles de fond et de forme des contrôles, n'ont aucune portée juridique et doivent donc être annulées,

o constater la réalité de son fonctionnement et rétablir le statut de salarié de son gérant minoritaire, M. [W],

- annuler en conséquence le redressement de l'URSSAF en toutes ses dispositions,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner l'URSSAF aux entiers frais et dépens.

Par conclusions visées par le greffe le 20 janvier 2025 et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, intimée représentée par son conseil, demande à la cour de':

- confirmer le jugement dont appel, sauf à ramener la condamnation à paiement à la somme de 11'708,43 euros correspondant au solde de la mise en demeure du 26 novembre 2018, sans préjudice des majorations de retard complémentaires qui courent jusqu'à parfait paiement,

- condamner la société à lui payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions visées par le greffe le 20 janvier 2025 et soutenues oralement à l'audience, M. [Y] [W], gérant minoritaire de la société [4], appelé en intervention forcée par la cour lors de l'audience du 23 octobre 2023, assisté de son conseil, demande à la cour de':

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- in limine litis et à titre principal, prononcer l'irrégularité et la nullité du contrôle de l'URSSAF en raison du dépassement de la durée légale du contrôle en application des dispositions de l'article L. 243-13 du code de la sécurité sociale,

- à titre subsidiaire et au fond, si par impossible'le moyen tiré de l'irrégularité et de l'irrecevabilité n'était pas retenu, dire que':

o la lettre d'observations de l'URSSAF du 14 septembre 2018 ne saurait concerner les effets directs et indirects du rejet de l'assujettissement à l'assurance chômage par le Pôle emploi, faute de contrôle de ce point par la vérificatrice,

o les décisions de rejet de l'assujettissement du salarié à l'assurance chômage, émises par le Pôle emploi le 10 juillet 2018 et le 1er février 2019, ne respectent pas les règles de fond et de forme des contrôles, n'ont aucune portée juridique et doivent donc être annulées,

o il dispose d'un statut de salarié,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'URSSAF aux entiers frais et dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur l'irrégularité alléguée du contrôle tirée du dépassement de sa durée légale

La société [4] soutient que le contrôle est irrégulier en application des dispositions de l'article L. 243-13 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'il a débuté par la notification de l'avis de contrôle du 14 mai 2018 et s'est achevé par la lettre d'observations du 14 septembre 2018, sans que l'URSSAF n'eût prorogé la durée maximale de contrôle de trois mois.

L'URSSAF estime pour sa part que l'avis de contrôle ne constitue pas l'acte premier du contrôle, dès lors que ce courrier précise que la première visite sur place de l'inspecteur est fixée au 18 juin 2018, date qui marque le début effectif du contrôle.

M. [W] reprend la même argumentation que la société.

Sur ce, l'article L. 243-13 du code de la sécurité sociale prévoit que «'I.- Les contrôles prévus à l'article L. 243-7 visant les entreprises versant des rémunérations à moins de dix salariés ou les travailleurs indépendants ne peuvent s'étendre sur une période supérieure à trois mois, comprise entre le début effectif du contrôle et la lettre d'observations.

Cette période peut être prorogée une fois à la demande expresse de l'employeur contrôlé ou de l'organisme de recouvrement.

La limitation de la durée du contrôle prévue au premier alinéa du présent I n'est pas applicable lorsqu'il est établi au cours de cette période':

1° Une situation de travail dissimulé, défini aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail';

2° Une situation d'obstacle à contrôle, mentionnée à l'article L. 243-12-1 du présent code';

3° Une situation d'abus de droit, défini à l'article L. 243-7-2';

4° Ou un constat de comptabilité insuffisante ou de document inexploitable';

II.- Le présent article n'est pas applicable lorsque la personne contrôlée appartient à un ensemble de personnes entre lesquelles il existe un lien de dépendance ou de contrôle, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de commerce, et que l'effectif de cet ensemble est égal ou supérieur à celui mentionné au premier alinéa du I du présent article'».

En l'espèce, l'avis de contrôle du 14 mai 2018 est libellé dans les termes suivants': «'dans le cadre du contrôle des cotisants, j'ai l'honneur de vous aviser que je me présenterai dans votre entreprise le lundi 18 juin 2018 vers 9 heures 30, afin de procéder au contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS à compter du 1er janvier 2015. Ces vérifications seront opérées dans les conditions prévues aux articles L. 243-7 à L. 243-13, L. 114-14 à L. 114-16, R. 243-59 et suivants du code de la sécurité sociale (') Vous voudrez bien tenir à ma disposition tous les documents nécessaires à la vérification (') De plus, vous avez la faculté de vous faire assister au cours de ce contrôle par le conseil de votre choix (') Je vous informe qu'un document intitulé «'Charte du cotisant contrôlé'» (') est consultable sur le site (')'».

Ainsi que l'a retenu le tribunal, si cet avis de contrôle permet à la société d'être informée du déroulement des prochaines opérations de vérification, de s'y préparer, de prendre connaissance de la charte du cotisant, et de préparer les documents nécessaires, il ne saurait toutefois correspondre au début effectif du contrôle.

En effet, le début effectif du contrôle s'apprécie à la date de la première visite de l'inspecteur du recouvrement, laquelle correspond au début des opérations de contrôle, en l'espèce le 18 juin 2018.

En outre, d'après la charte du cotisant contrôlé, l'avis de contrôle constitue, d'une part, une information du cotisant sur le déroulement de celui-ci, et la date de début de contrôle correspond, d'autre part, à :

- la date de début des vérifications indiquée sur ledit avis, en cas de contrôle sur pièces,

- la date de première visite de l'agent chargé du contrôle, en cas de contrôle sur place.

Il n'est pas contesté que la date de fin du contrôle correspond à la date d'expédition de la lettre d'observations, en l'espèce le 17 septembre 2018.

Ainsi, le délai de trois mois, prévu à l'article L. 243-13 précité, a bien été respecté par l'URSSAF, de sorte que les opérations de contrôle sont régulières.

Sur le fond

Sur le chef de redressement n° 1': assurance chômage et AGS - affiliation des mandataires sociaux (-'1'337'euros)':

L'article L. 5312-1 du code du travail dispose que le Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui a pour mission, notamment, d'assurer pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance et, pour le compte de l'État, les services des allocations de solidarité, des sommes dues au titre de la prime forfaitaire, ainsi que le service de toute autre allocation ou aide dont l'État confierait le versement par convention.

L'article L. 5422-9 du même code prévoit que l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond'; toutefois, l'assiette des contributions peut être forfaitaire pour les catégories de salariés, pour lesquelles les cotisations à un régime de base de sécurité sociale sont ou peuvent être calculées sur une assiette forfaitaire.

L'article L. 5422-13 du code du travail oblige l'employeur à assurer ses salariés contre le risque de privation d'emploi, et précise que l'adhésion au régime d'assurance ne peut être refusée.

Enfin, l'article R. 5422-5 dudit code ajoute que «'pour satisfaire à son obligation d'affiliation définie à l'article L. 5422-13, l'employeur qui embauche pour la première fois un salarié qu'il est tenu d'assurer contre le risque de privation d'emploi, adresse un bordereau d'affiliation à Pôle emploi. Il est réputé s'être acquitté de cette obligation par l'accomplissement de la déclaration mentionnée à l'article L. 1221-16. Quelle que soit la date à laquelle le bordereau d'affiliation est reçu par l'organisme, l'affiliation prend effet à la date d'embauche du premier salarié'».

La loi n°'2008-126 du 13 juillet 2008 prévoit que l'URSSAF est en charge du recouvrement des cotisations d'assurance chômage mais que celle-ci reste gérée et servie par le Pôle emploi, lequel est seul compétent pour apprécier si un travailleur remplit les conditions requises pour être affilié au régime d'assurance chômage.

En outre, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit que «'sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription':

1° Les personnes physiques immatriculées au registre de commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales';

2° Les personnes physiques inscrites au registre de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports d'intérieurs';

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés'».

L'article L. 311-11 du code de la sécurité sociale dispose que les personnes physiques visées au premier alinéa de l'article L. 120-3 du code du travail (devenu L. 8221-6 du même code) ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

M. [W] soutient avec la société [4] qu'il est un salarié bénéficiant, depuis 2006, du régime de l'assurance chômage en accord avec les organismes chargés de ce dispositif tant pour le contrat de travail dont il bénéficie, que pour la rémunération des prestations techniques qu'il réalise, et que le Pôle emploi a contesté cette réalité sans s'être livré à aucun contrôle des faits.

L'URSSAF précise que les dirigeants de société sont exclus du régime d'assurance chômage, que les personnes exclusivement titulaires d'un mandat ne contribuent ni à un régime d'assurance chômage ni au régime de garantie de salaires, et que le Pôle emploi avait notifié, à la société, son refus d'admettre l'affiliation du dirigeant à l'assurance chômage.

Sur ce, aux termes de sa lettre d'observations du 14 septembre 2018, l'inspecteur du recouvrement a relevé ce qui suit': «'l'examen des déclarations annuelles enregistrées par les services de l'URSSAF, associé à l'étude des bulletins de paie, permettent de constater que les rémunérations de M. [W] [Y] ont été assujetties aux cotisations d'assurance chômage et AGS. Or, par décision du 10 juillet 2018, Pôle emploi rejette la participation à l'assurance chômage de M. [W] [Y]. M. [W] est associé, gérant et la subordination qu'il a présentée concerne uniquement le mandat social.

Par conséquent, il est procédé à la régularisation créditrice des contributions d'assurance chômage acquittées à tort'».

En effet, dans son courrier du 10 juillet 2018, le Pôle emploi indique que l'une au moins des conditions de l'article L. 5422-13 du code du travail n'est pas remplie, à savoir que M.'[W] possède des délégations de pouvoir étendues ou sans rapport avec sa fonction salariale, et qu'il est dirigeant de droit, de sorte que l'assurance chômage ne peut lui être appliquée.

Si l'URSSAF peut contrôler la régularité du recouvrement des cotisations de l'assurance chômage, elle n'a toutefois pas compétence pour apprécier si un travailleur doit, ou non, y être affilié, et est donc tenue par les décisions rendues à cet égard par l'organisme compétent, le Pôle emploi.

Ainsi, l'URSSAF a interrogé le Pôle emploi afin de déterminer si l'affiliation de M. [W] était nécessaire, lequel a clairement répondu que ce dernier ne devait pas être considéré comme un salarié mais bien comme un mandataire social, et que le simple fait que ce dernier bénéficie d'un contrat de travail de consultant à durée indéterminée, signé à son bénéfice par lui-même, ne saurait remettre en cause sa position.

La société [4], qui prétend que son salarié, M. [W], devait être affilié à l'assurance chômage, n'apporte aucun élément au soutien de ses dires, et notamment pas une attestation antérieure du Pôle emploi.

Il s'ensuit que la présomption de non-salariat instituée par les articles L. 311-11 du code de la sécurité sociale et L. 8221-6 du code du travail n'est, en l'espèce, pas renversée, et que la rémunération perçue par M. [W], gérant minoritaire, ne doit pas être soumise aux cotisations du régime général de sécurité sociale.

Comme l'ont exactement apprécié les premiers juges, M.'[W], n'ayant pas qualité de salarié mais de mandataire social, ne doit pas être soumis au régime d'assurance chômage et doit ainsi obtenir le remboursement des cotisations d'assurance chômage qu'il a versées à tort.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement n°'1.

Sur le chef de redressement n°'2': la réduction générale des cotisations - employeurs salariés concernés - principes généraux (5'765 euros)

Selon l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, une réduction générale des cotisations s'applique aux gains et rémunérations versées aux salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 5422-13 précédemment cité, soit l'obligation d'assurer ses salariés contre le risque de privation d'emploi.

En l'espèce, l'inspectrice du recouvrement a noté que': «'les tableaux récapitulatifs des années 2015 et 2016 permettent de relever que les réductions générales des cotisations ont été appliquées sur les rémunérations de M. [W] [Y].

Or, M. [W] [Y] est gérant de la société. Par décision du 10 juillet 2018, Pôle emploi a rejeté sa participation à l'assurance chômage aux motifs qu'il possède des délégations de pouvoir étendues ou sans rapport avec sa fonction salariale, et qu'il est dirigeant de droit.

Conformément aux dispositions précitées, la réduction générale des cotisations s'applique aux rémunérations des salariés soumis à l'obligation d'assurance contre le risque de privation d'emploi'».

Comme l'a exactement jugé le tribunal, la décision du Pôle emploi, qui a considéré que M.'[W] ne relevait pas d'une affiliation au régime de l'assurance chômage, s'impose à l'URSSAF, et comme ni la société ni son gérant n'apportent d'éléments venant contredire ces considérations, l'URSSAF ne peut que procéder à la régularisation contestée.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement n°'2.

Sur le chef de redressement n° 3': l'erreur matérielle de report et de totalisation (2'463 euros)

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme notamment d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.

En l'espèce, l'inspectrice du recouvrement a constaté que «'les rapprochements effectués au titre des années 2015 et 2016 entre la paie, le tableau récapitulatif annuel et la comptabilité [révélaient] un écart débiteur. Les comptes 641000 libellés «'rémunérations du personnel'» [enregistraient] les rémunérations nettes versées au gérant de la société M. [W] [Y]. Les rémunérations nettes [étaient] versées directement sur le compte courant du gérant 455000 «'associés comptes courants'».

L'inspectrice a ainsi relevé des discordances entre':

- les rémunérations déclarées dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) pour M. [W],

- et les rémunérations qui, selon les écritures comptables, ont été réellement versées à ce dernier.

Selon la lettre d'observations du 14 septembre 2018, M. [W] a, par courrier du 14 août 2018, expliqué ces discordances de la façon suivante : «'la centralisation comptable et les écritures de fin d'exercice sont suivis par mes associés, et votre contrôle a révélé que le compte «'salaire'» avait été majoré au titre des deux derniers exercices vérifiés, alors que les déclarations URSSAF ont continué à être établies sur la base du salaire fixe, versé chaque mois. Cette erreur résulte du fait que les augmentations n'ont concerné, par des décisions de fin d'exercice, que mon compte courant sans [que] les fiches mensuelles ne soient ajustées. Il y a donc une correction à opérer dans les conditions suivantes':

Pour 2014/2015, il a été déclaré 10'020 euros pour un net perçu de 8'550 - 1 000 = 7'550 euros.

Pour 2015/2016, il a été déclaré 10'020 euros pour un net perçu de 12 500 - 1'000 = 11'500 euros.'»

Par suite de ces éléments, l'inspectrice du recouvrement a indiqué que «'les déductions de 1'000 euros portées par M. [W] [Y] [n'étaient] pas justifiées'», et détaillé son calcul en réintégrant à l'assiette les sommes manquantes.

Si la société et M. [W] contestent ce chef de redressement en indiquant à nouveau que ce dernier était salarié affilié au régime d'assurance chômage et non mandataire social, il reste, comme le relève exactement le tribunal, que l'URSSAF liée par l'avis du Pôle emploi devait traiter les rémunérations perçues par M. [W] comme des rémunérations versées à un mandataire social.

Il s'ensuit que ces rémunérations ne devaient pas être soumises aux cotisations dues au titre d'un emploi salarié.

Ainsi, le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement n° 3, les erreurs de report constatées n'ayant pas été utilement remises en cause.

Sur le chef de redressement n° 4': frais professionnels - limites d'exonération - utilisation du véhicule personnel - indemnités kilométriques (2'631 euros)

Aux termes de l'article L. 241-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations. Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales de déduction au titre des frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

L'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, définit les frais professionnels comme des charges de caractère spécial, inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé, que celui-ci supporte au titre de ses missions.

L'article 1 de cet arrêté dispose que les allocations forfaitaires versées aux mandataires sociaux ne peuvent être exonérées de cotisations.

Cependant, la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 précise qu'« à titre de simplification, lorsque ces personnes utilisent leur véhicule personnel à des fins professionnelles, les frais professionnels peuvent être déduits sur la base des indemnités forfaitaires kilométriques annuellement publiées par l'administration fiscale'».

Selon l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002, l'indemnisation des frais professionnels s'effectue':

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé, l'employeur étant alors tenu de produire les justificatifs y afférents,

- soit sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur étant autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par l'arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ses allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par l'arrêté.

L'article 4 dudit arrêté prévoit que lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.

Il est constant que l'exonération est admise sous réserve de justifier du moyen de transport utilisé par le salarié, du nombre de kilomètres effectués à titre professionnel, de la puissance du véhicule (par le biais de la carte grise).

En application de la loi de finances pour 2013, le barème est limité à 7 CV.

L'inspectrice du recouvrement a constaté que M. [W] percevait «'des indemnités de déplacements dans le cadre de l'exercice de ses missions. Ses indemnités lui [étaient] directement versées sur le compte courant associés, et [étaient] en parties enregistrées au débit du compte 625000 "déplacements, missions et réceptions".

La carte grise [avait] été présentée, il [s'agissait] d'un véhicule de marque Mazda d'une puissance fiscale de 10 CV.

M. [W] [avait] communiqué des données mensuelles indiquant la date, la ville du déplacement, le nombre de kilomètres parcourus, et le montant de l'indemnité calculée sur la base de 0,595 euros / km.

Sur les années 2015 et 2016, M. [W] [avait] effectué plus de 5'000 kilomètres. Les notes de frais [indiquaient] que le montant de l'indemnité [avait] été calculé sur la base du barème fiscal applicable pour une distance inférieure à 5'000 km, soit 0,595 euros par kilomètre'».

La société et M. [W] ne contestent pas le calcul opéré par l'URSSAF en ce qu'elle a bien commis une erreur en utilisant la base de calcul de 0,595 euros, mais revendiquent l'application du régime des cotisations applicables aux salariés au lieu des mandataires sociaux.

La société et M. [W] n'apportent pas davantage d'éléments s'agissant de ce chef de redressement.

Or, l'URSSAF est tenue par l'avis du Pôle emploi et c'est à bon droit que l'inspecteur du recouvrement a soumis les sommes à réintégrer au régime social des mandataires sociaux.

M. [W] ayant effectué plus de 5'000 kilomètres par an, il devait être procédé à un calcul des indemnités kilométriques sur la base, non de 0,595 euros par kilomètre, mais de 0,337 euros par kilomètre.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement n°'4.

Sur le chef de redressement n° 5': non fourniture de documents - fixation forfaitaire de l'assiette (5'145 euros)

Aux termes de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, si l'employeur ne met pas à disposition de l'inspecteur du recouvrement les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle, ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement.

L'article R. 243-59-4 dispose que «'I.- Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants':

1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base de calcul des cotisations dues';

2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.

Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve'».

En l'espèce, il ressort de la lettre d'observations que «'lors de la consultation de la comptabilité des exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, [l'inspectrice du recouvrement a] constaté par l'intermédiaire des comptes 625000 «'déplacements, missions et restaurations'» que des retraits d'espèces, des frais de restaurations, et diverses dépenses étaient [effectués] chaque mois'».

Par courriel du 18 juin 2018, l'inspectrice du recouvrement a sollicité des justificatifs. M.'[W] lui a répondu en ces termes': «'les dossiers que je traite se préparent ou se terminent le plus souvent à table, car cela permet souvent d'aplanir les petits problèmes qui peuvent se poser. Au cas présent, à la demande de mes associés, je m'efforce de les limiter au strict nécessaire. La comptabilité identifie clairement toutes les dépenses faites à ce titre et les justificatifs vous ont été présentés et restent à votre disposition. Il serait trop lourd de les scanner dans leur ensemble lors de la présente réponse.

Les paiements de restaurant sont bien identifiés étant précisé que le compte «'Le Terminus'» ne correspond pas à de l'achat d'essence, mais à un restaurant où j'invite régulièrement divers clients'».

Le 11 septembre suivant, l'inspectrice du recouvrement a réceptionné des relevés de compte courant de la société, des notes de restaurant, et des factures en photocopies, réglées soit en espèces soit par carte bancaire, ainsi que des tickets de paiement par carte bancaire.

Elle a néanmoins considéré que :

- certains justificatifs ne permettaient pas de connaître la nature précise de la dépense en l'absence de facture détaillée ou d'explications concernant le motif des prises en charge,

- les reçus de paiement ou les tickets de carte bancaire ne suffisaient pas à justifier les dépenses effectuées par la société,

- les dépenses en espèces n'étaient pas justifiées en intégralité.

Aux termes de la lettre d'observations du 14 septembre 2018, «'la société est invitée à présenter dans le délai légal de 30 jours (') tout fichier ou document exploitable selon les demandes et préconisations précisées dans les différents échanges intervenus afin d'établir avec certitude et en conformité avec les textes, les montants exacts auxquels ouvre droit la société pour les exercices visés par la présente vérification'».

La société [4] explique que les remboursements repris dans la lettre d'observations ont été, au vu des justificatifs fournis et contrôlés, formellement acceptés par l'assemblée générale et qu'il s'agissait de dépenses que le gérant salarié était contraint d'engager dans l'exercice de ses fonctions.

Or il est constant, d'une part, que les constatations de l'inspectrice du recouvrement font foi jusqu'à preuve du contraire et, d'autre part, qu'aucun des éléments produits par la société ne vient démontrer que les dépenses redressées correspondaient effectivement à des frais professionnels ou à des frais d'entreprise.

Devant les premiers juges, comme en cause d'appel, la société ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'inspectrice.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement n° 5.

Sur la condamnation au paiement

L'article 1343 du code civil prévoit que le débiteur d'une obligation de somme d'argent se libère par le versement de son montant nominal.

En l'espèce, le jugement qui a validé l'ensemble des chefs de redressement est confirmé.

En cause d'appel, l'URSSAF ramène sa réclamation initiale de 16'199 euros correspondant à la mise en demeure du 26 novembre 2018 à un solde de 11'708,43 euros par suite des versements effectués par la société [4].

En effet, le tableau produit par l'URSSAF montre qu'elle a reçu les règlements suivants :

* 1'057,32 euros le 1er avril 2020';

* 686.65 euros le 25 août 2020';

* 2'746,60 euros le 14 septembre 2021.

La société n'apporte aucun élément sur ce point.

En conséquence, il convient de condamner la société [4] à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais le solde restant dû à hauteur de 11'708,43 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement critiqué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société [4], appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné au paiement de la somme de 1'000 euros à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais sur ce même fondement.

M. [W], partie intervenante, sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 octobre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, sauf en ce qu'il a condamné la société [4] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord Pas-de-Calais la somme de 16 199 euros sous réserve, d'une part, des paiements, régularisations ou crédits qui auraient pu intervenir sur le compte URSSAF de la société depuis l'émission de la mise en demeure et, d'autre part, des majorations de retard, lesquelles continuent à courir jusqu'à parfait paiement';

Le réforme de ce chef';

Prononçant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,

Condamne la société [4] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord Pas-de-Calais la somme de 11'708,43 euros';

Rejette les plus amples prétentions des parties';

Condamne la société [4] aux dépens d'appel';

Condamne la société [4] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord Pas-de-Calais une indemnité de procédure d'appel de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Déboute la société [4] et M. [Y] [W] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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