CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 25 avril 2025, n° 23/05011
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 25 AVRIL 2025
N° 2025/86
Rôle N° RG 23/05011 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLCN6
S.A.S. SODAM (LES MAISONS DU SOLEIL)
C/
[Z] [N]
[F] [G] épouse [N]
Compagnie d'assurances ABEILLE IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jérôme CARANTA Me Kristel GORAN
Me Géraldine PUCHOL
Décision déférée à la cour :
Ordonnance du président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 21 mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01384.
APPELANTE
S.A.S. SODAM (LES MAISONS DU SOLEIL) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme CARANTA de l'AARPI CA AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [Z] [N]
né le 14 janvier 1982 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
Madame [F] [G] épouse [N]
née le 29 juin 1981 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
tous deux représentés par Me Kristel GORAN, avocat au barreau de GRASSE,
et assistés de Me Romain FESSAGUET, avocat au barreau de TOULOUSE
Société ABEILLE IARD & SANTE, anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sylvie GHIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 décembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente rapporteure,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
Madame Florence TANGUY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ayant déclaré déposer leurs dossiers sans plaider, ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 mars 2025, prorogé au 25 avril 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 avril 2025,
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 20 février 2020, M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, ont conclu avec la société Sodam exerçant sous l'enseigne 'Les Maisons du Soleil' un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) pour l'édification d'une maison sur un terrain situé à [Localité 4] (06), moyennant un prix forfaitaire de 279 000 euros. Ils ont signé plusieurs avenants ramenant le prix convenu à la somme de 280 792 euros.
La réception des travaux a eu lieu le 8 septembre 2021, avec plusieurs réserves. M. et Mme [N] ont ultérieurement notifié 129 réserves par un courriers du 14 septembre 2021 et, le 25 janvier 2022, ils ont mis le constructeur en demeure de procéder aux travaux de reprise nécessaires à la levée des réserves.
Par un courrier en date du 4 avril 2022, la société Sodam a demandé quitus pour 114 réserves et elle s'est engagée à intervenir pour procéder à la reprise de 13 autres réserves ainsi qu'à en indemniser 2 dernières.
Etant bénéficiaires de l'assurance dommages ouvrage qui avait été souscrite auprès de la société Aviva (devenue Abeille Iard & Santé), les maîtres d'ouvrage lui ont adressé une déclaration de sinistre le 30 juillet 2022, mais la compagnie d'assurance a refusé sa garantie en l'absence de désordre de nature décennale.
Par actes délivrés les 2 et 5 septembre 2022, M. et Mme [N] ont alors assigné la société Sodam ainsi que la société Aviva pour obtenir la levée de 13 réserves et le paiement d'une indemnité provisionnelle de 15 000 euros. Ils ont finalement abandonné leur demande de garantie à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage.
Par ordonnance de référé rendue le 21 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse ainsi saisi a :
- ordonné à la société Sodam à procéder, dans le délai d'un mois, et sous une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, à la levée des 13 réserves suivantes :
- R33 : boîte électrique dans un raidisseur parasismique sonnette d'entrée principal raidisseur nul
- R38 : plusieurs seuils de porte sont abîmés
- R39 : accès vide sanitaire : les abords présentent des épaufrures de bétons qu'il convient d'ajuster par ponçage régulier au droit de la trappe
- R41 : défaut d'étanchéité suite aux trous larges réalisés dans le vide sanitaire
- R43 : seuil de porte présente certaines fissures
- R51 : portes fenêtres pas droits à l'étage dans la salle de bain, chambres et garage
- R60 : non-respect des cotes de portes de garage et la hauteur plus faible ce qui empêche de passer une camionnette ou véhicule de loisir
- R61 : réglage des portes fenêtres à reprendre dans la chambre 1 et la salle de bain
- R81 : sonnette entrée et carillon manquants
- R90 : absence d'interphone
- R112 : plusieurs trous et irrégularités sur les enduits de façade
- R128 : propreté vide sanitaire
- R129 : propreté terrain
- débouté M. et Mme [N] du surplus de leurs demandes (notamment de leur demande de provision, s'agissant des deux réserves R59 et R63),
- condamné la société Sodam aux dépens et à payer à M. et Mme [N] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] à payer à la société Abeille Iard & Santé la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sodam a interjeté appel de cette ordonnance par une déclaration d'appel en date du 4 avril 2023 limitant expressément le recours aux chefs du dispositif lui faisant grief (les condamnations à procéder aux travaux de levée des 13 réserves sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard et à payer une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens) intimant à la fois les époux [N] et la société Abeille Iard & Santé qui n'a constitué avocat et qu'elle a alors assignée en garantie par acte du 21 avril 2023.
Suivant avis en date du 25 avril 2023, l'affaire a été fixée à bref délai, pour une audience fixée le 7 septembre 2023.
La société Abeille Iard & Santé a cependant soulevé un incident en faisant état de ce que, dans ses conclusions notifiées le 21 avril 2023, la société appelante ne présentait aucune prétention à son encontre. Elle a également contesté la recevabilité de l'appel incident de M. et Mme [N] dans le cadre de leurs premières conclusions du 19 mai 2023.
Par une ordonnance du 18 janvier 2024, la présidente de la chambre a :
- prononcé la caducité de la déclaration d'appel de la société Sodam à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé,
- débouté cette dernière de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. et Mme [N] à son encontre,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Sodam aux dépens de l'incident.
Vu le nouvel avis de fixation du 30 avril 2024, pour une audience fixée le 5 septembre 2024, ainsi que le renvoi de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2024,
Vu les dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 14 novembre 2024 par la société Sodam, qui demande en substance à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée sur le rejet de la demande de provision de M. et Mme [N] faute pour eux de justifier d'une créance non sérieusement contestable,
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée laà lever les 13 réserves (R33 ; R38 ; R39 ; R41 ; R43 ; R51 ; R60 ; R61 ; R81 ; R90 ; R112 ; R128 ; R129) sous astreinte de 300 ' par jour de retard, ces réserves ne pouvant être levées du fait du comportement adopté par les époux [N],
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes et la société Abeille Iard & Santé de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En toute hypothèse,
- condamner la société Abeille Iard & santé à la relevr et garantir de toutes condamnations éventuelles,
- condamner les époux [N] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- écarter l'exécution provisoire de droit, si par extraordinaire la juridiction de céans devait prononcer une quelconque condamnation à l'endroit de la société Sodam,
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2024 par la société Abeille venant aux droits de la société Aviva, aux fins de :
- confirmation de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Grasse rendue le 21 mars 2023, à tout le moins en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à son encontre et en ce qu'elle a condamné M. et Mme [N] à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- irrecevabilité comme nouvelle en cause d'appel et en tout état de cause rejet comme injustifiée de la demande des époux [N] visant à ce que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré opposable, et les en débouter,
- irrecevabilité comme contraire au principe de concentration des moyens, comme nouvelle en cause d'appel et en tout état de cause rejet comme injustifiée la demande de la société Sodam de garantie de sa part, et l'en débouter,
- rejet de toute demande formée à son encontre,
- condamnation de la Société Sodam, d'une part, et des époux [N], de l'autre, à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions notifiées le 26 et 29 août 2024 par M. et Mme [N], qui demandent à la cour en substance de :
- débouter la société Sodam et la compagnie Abeille Iard & Santé de l'intégralité de leurs demandes,
- ordonner que la décision à intervenir soit déclarée opposable à la compagnie Abeille Iard & Santé en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage,
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société Sodam à procéder dans le délai d'un mois et sous astreinte de 300 euros à la levée des 13 réserves suivantes :
- R33 : boîte électrique dans un raidisseur parasismique sonnette d'entrée principal raidisseur nul
- R38 : plusieurs seuils de porte sont abîmés
- R39 : accès vide sanitaire : les abords présentent des épaufrures de bétons qu'il convient d'ajuster par ponçage régulier au droit de la trappe
- R41 : défaut d'étanchéité suite aux trous larges réalisés dans le vide sanitaire
- R43 : seuil de porte présente certaines fissures
- R51 : portes fenêtres pas droits à l'étage dans la salle de bain, chambres et garage
- R60 : non-respect des cotes de portes de garage et la hauteur plus faible ce qui empêche de passer une camionnette ou véhicule de loisir
- R61 : réglage des portes fenêtres à reprendre dans la chambre 1 et la salle de bain
- R81 : sonnette entrée et carillon manquants
- R90 : absence d'interphone
- R112 : plusieurs trous et irrégularités sur les enduits de façade
- R128 : propreté vide sanitaire
- R129 : propreté terrain
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société Sodam à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- réformer l'ordonnance de référé en ce qu'elle les a déboutés de leur demande d'indemnité provisionnelle de 15 000 euros et les a condamnés à verser à la compagnie Abeille Iard & Santé une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et :
- condamner la société Sodam à leur payer :
- une provision de 15 000 euros au titre des travaux de levée des réserves n°59 et 63,
- une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la compagnie Abeille Iard&Santé de sa demande au titre des frais irrépétibles fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sodam aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2024,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l'issue de l'audience du 13 décembre 2024, à laquelle elles ont été régulièrement convoquées, les parties ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 21 mars 2025 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé du délibéré au 25 avril 2025.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage :
En application du principe de concentration des moyens, et des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile (alors applicables désormais codifiées à l'article 915-2 al 2) prévoyant que « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond» et que « l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures », la société Abeille soutient à juste titre que la demande de relevé et garantie présentée pour la première fois par la société Sodam dans des conclusions notifiées le 7 novembre 2024 se heurte à cette fin de non-recevoir. Elle justifie en effet que les premières conclusions jointes à l'assignation devant la cour qui lui a été délivrée le 21 avril 2023 et les conclusions dites en réplique du 7 juin 2023 ne comportent aucune demande de garantie à son encontre.
Par ailleurs, la société Abeille établit par la production de leurs écritures que la société Sodam et les époux [N] ne présentaient aucune demande de condamnation à son encontre en première instance, de sorte que la demande d'être relevée et garantie présentée par la première et la demande tendant à ce que l'arrêt à intervenir lui déclaré opposable formulées par les seconds, sont nouvelles et se heurtent à l'interdiction des demandes nouvelles devant la cour posée par l'article 564 du code de procédure civile.
M. et Mme [N] ne peuvent légitimement soutenir à cet égard que leur demande formulée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de la société Abeille serait le 'complément nécessaire' de leurs prétentions soumises au premier juge en cas d'inexécution par la société Sodam des travaux de levée des réserves mis à sa charge, alors d'une part qu'elle ne formalise devant la cour aucune demande de garantie et, d'autre part, qu'elle expressément abandonné ses demandes à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage en première instance comme constaté par le tribunal.
En revanche, en l'état de l'ordonnance de caducité partielle de la déclaration d'appel de la société Sodam à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé en date du 18 janvier 2024, la cour n'est pas saisie des demandes de l'appelante à l'encontre de cette intimée, de sorte qu'il n'entre plus dans son office de les déclarer irrecevables.
En revanche, elle déclarera irrecevables les demandes présentées par les époux [N] à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage.
Sur les travaux nécessaires à la levée des réserves et le versement d'une provision :
Après avoir rappelé les dispositions des articles 835 du code de procédure civile relatif aux pouvoirs du juge des référés en matière de mesures conservatoires, L.231-8 du code de la construction et de l'habitat relatif à la dénonciation des réserves et 1792-6 du code civil relatif à la garantie de parfait achèvement, le juge des référés du tribunal de Grasse a constaté que les époux [N] avaient émis des réserves lors de la réception intervenue le 8 septembre 2021 sans qu'ils aient été assistés par un professionnel et par deux courriers datés des 14 septembre 2021 et 25 janvier 2022 tandis que, par un courrier du 4 avril 2022, la société Sodam avait reconnu devoir intervenir pour lever 13 réserves et indemniser les maîtres d'ouvrage pour 2 autres.
Or, selon l'ordonnance, le constructeur ne démontrait pas avoir repris 13 réserves et indemnisé 2 autres conformément à cet engagement, si bien qu'il convenait d'accueillir la demande d'exécution sous astreinte de travaux de reprise sur la base de la liste présentée par les époux [N] en l'absence de production d'une autre liste qui soit lisible et à défaut de démonstration que les 13 réserves mentionnées dans le courrier de la société Sodam aient été levées.
Dans le cadre de son appel, cette dernière soutient tout d'abord qu'elle n'a pas pu lever les 13 réserves litigieuses et exécuter la condamnation du fait du comportement et des agissements des époux [N] qui l'ont empêchée d'intervenir sur le chantier (refus des rendez-vous, refus des artisans missionnés, comportement violent, insultes). Elle affirme notamment avoir effectué plusieurs demandes d'intervention qui se sont toutes retrouvées sans réponse et oppose la règle « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » interdisant à une partie de se prévaloir de sa propre turpitude.
Or elle ne justifie aucunement de ces allégations quant au refus des maîtres d'ouvrage dont elle fait état.
Elle fait ensuite valoir que les époux [N] ont refusé les modalités de reprise proposées pour certaines réserves (R51, R61) et que d'autres n'étaient pas justifiées (R41, R60 et R90), soutenant que :
- Sur la réserve R41, il n'y avait aucune obligation contractuelle d'étanchéité sur le vide sanitaire,
- Sur les réserves R51 (portes fenêtres pas droits à l'étage) et R61 (réglage des portes fenêtres), elle avait réalisé une intervention pour les 2 chambres mais les époux [N] avaient refusé les modalités de reprise pour la salle de bain et le garage,
- Sur la réserve R60 (non-respect des cotes de portes), celles-ci sont conformes au descriptif,
- Sur la réserve R90 (absence d'interphone), la livraison de l'interphone n'était pas prévue au contrat, seule la sonnette l'était, chose qu'elle a réalisé.
Les époux [N] rappellent cependant à juste titre que le constructeur a l'obligation de procéder aux travaux permettant la levée des réserves qui ont été signalées à la réception, et qu'il s'agit d'une obligation de résultat qui emporte présomption de faute et de causalité obligeant le constructeur à établir l'absence de faute pour s'exonérer et que la charge de la preuve de la levée des réserves incombe au constructeur.
Or, il résulte des pièces versées aux débats qu'après avoir rejeté toutes les réserves faites par M. et Mme [N] dans les huit jours de la réception (cf. son courrier du 7 février 2022, pièce 10 des intimés), la société Sodam s'est engagée directement envers les maîtres d'ouvrage par un courrier du 4 avril 2022 à procéder à une intervention pour 13 réserves restantes et à en indemniser 2 autres (pièce 13 des intimés) et qu'elle a réitéré son engagement de procéder à un certain nombre de reprises lors de l'expertise amiable contradictoire réalisé à la demande de l'assureur dommages ouvrage suite à la déclaration de sinistre (cf. le rapport préliminaire de la société Saretec, pièce n° 16 des intimés).
Pourtant, la société Sodam ne justifie pas avoir procédé aux travaux de levée des 13 réserves dont elle avait à l'époque reconnu le bien-fondé, ni de l'obstruction qu'elle impute aux époux [N] ni de démarches de sa part pour procéder à ces travaux de reprise. Elle ne fournit par ailleurs aucun tableau ou listing permettant d'identifier les 13 réserves qu'elle a admis devoir reprendre et qui permettrait d'exclure certaines des réserves listées par M. et Mme [N].
Par ailleurs, elle ne conteste pas ne pas avoir versé la moindre indemnisation ou émis de proposition d'indemnisation pour les deux réserves qu'elle s'était formellement engagée à indemniser, à savoir les réserves R59 (sous dimensionnement de la porte du garage) et R63 (non-respect de l'étude thermique sur l'isolation) selon M. et Mme [N], qui ne peuvent faire l'objet d'une reprise et qui ont incontestablement causé un préjudice aux maîtres d'ouvrage.
En l'état d'absence de réalisation des travaux que la société Sodam s'était engagée à effectuer et d'une créance indemnitaire non sérieusement contestable, la cour confirmera l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné au constructeur de procéder à la levée des 13 réserves listées dans son dispositif et l'infirmera sur le rejet de la demande de provision, qui s'avère justifiée à concurrence d'une somme de 10 000 euros.
Sur les autres demandes :
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Sodam supportera les dépens d'appel
Il convient de rejeter la demande tendant à voir lui faire supporter, sur le fondement de l'article L.111-8 du code des procédures civiles, le coût des frais d'exécution éventuels de la présente décision qui, par application de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001, restent à la charge du créancier. Le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée qui sont en effet à la charge du débiteur.
En revanche, il résulte du tarif des huissiers de justice que les frais de certaines prestations sont à la charge du créancier hormis les cas prévus au 3e alinéa de l'article R. 444-53 du code de commerce, aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur.
La société Sodam sera en revanche condamnée à payer à M. et Mme [N] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais qu'ils ont dû exposer en cause d'appel.
La société Sodam et M. et Mme [N] seront par ailleurs condamnés in solidum à payer à la société Abeille, irrégulièrement mise en cause et inutilement maintenue dans la cause, une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision du premier juge ayant condamné les maîtres d'ouvrage à ce titre à l'égard de la société Abeille sera donc confirmée et la cour précisera que, dans leurs rapports, la socitété Sodam appelante supportera la condamnation à l'égard de l'assureur dommages ouvrage à concurrence de 60% et les époux [N] à hauteur de 40%.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe et dans les limites de sa saisine :
- Déclare irrecevables les demandes de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva ;
- Infirme l'ordonnance de référé rendue le 21 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, mais uniquement en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse ;
- La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
- Condamne la société Sodam à payer à de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de lever les réserves R59 et R63 ;
- 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamne in solidum la société Sodam ainsi que M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, à payer à la société Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que cette condamnation sera prise en charge à 60% par la société Sodam et à 40% par M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse ;
- Condamne la société Sodam aux dépens d'appel ;
- Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 25 AVRIL 2025
N° 2025/86
Rôle N° RG 23/05011 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLCN6
S.A.S. SODAM (LES MAISONS DU SOLEIL)
C/
[Z] [N]
[F] [G] épouse [N]
Compagnie d'assurances ABEILLE IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jérôme CARANTA Me Kristel GORAN
Me Géraldine PUCHOL
Décision déférée à la cour :
Ordonnance du président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 21 mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01384.
APPELANTE
S.A.S. SODAM (LES MAISONS DU SOLEIL) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme CARANTA de l'AARPI CA AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [Z] [N]
né le 14 janvier 1982 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
Madame [F] [G] épouse [N]
née le 29 juin 1981 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
tous deux représentés par Me Kristel GORAN, avocat au barreau de GRASSE,
et assistés de Me Romain FESSAGUET, avocat au barreau de TOULOUSE
Société ABEILLE IARD & SANTE, anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sylvie GHIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 décembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Marianne FEBVRE, présidente rapporteure,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
Madame Florence TANGUY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ayant déclaré déposer leurs dossiers sans plaider, ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 mars 2025, prorogé au 25 avril 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 avril 2025,
Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 20 février 2020, M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, ont conclu avec la société Sodam exerçant sous l'enseigne 'Les Maisons du Soleil' un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) pour l'édification d'une maison sur un terrain situé à [Localité 4] (06), moyennant un prix forfaitaire de 279 000 euros. Ils ont signé plusieurs avenants ramenant le prix convenu à la somme de 280 792 euros.
La réception des travaux a eu lieu le 8 septembre 2021, avec plusieurs réserves. M. et Mme [N] ont ultérieurement notifié 129 réserves par un courriers du 14 septembre 2021 et, le 25 janvier 2022, ils ont mis le constructeur en demeure de procéder aux travaux de reprise nécessaires à la levée des réserves.
Par un courrier en date du 4 avril 2022, la société Sodam a demandé quitus pour 114 réserves et elle s'est engagée à intervenir pour procéder à la reprise de 13 autres réserves ainsi qu'à en indemniser 2 dernières.
Etant bénéficiaires de l'assurance dommages ouvrage qui avait été souscrite auprès de la société Aviva (devenue Abeille Iard & Santé), les maîtres d'ouvrage lui ont adressé une déclaration de sinistre le 30 juillet 2022, mais la compagnie d'assurance a refusé sa garantie en l'absence de désordre de nature décennale.
Par actes délivrés les 2 et 5 septembre 2022, M. et Mme [N] ont alors assigné la société Sodam ainsi que la société Aviva pour obtenir la levée de 13 réserves et le paiement d'une indemnité provisionnelle de 15 000 euros. Ils ont finalement abandonné leur demande de garantie à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage.
Par ordonnance de référé rendue le 21 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse ainsi saisi a :
- ordonné à la société Sodam à procéder, dans le délai d'un mois, et sous une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, à la levée des 13 réserves suivantes :
- R33 : boîte électrique dans un raidisseur parasismique sonnette d'entrée principal raidisseur nul
- R38 : plusieurs seuils de porte sont abîmés
- R39 : accès vide sanitaire : les abords présentent des épaufrures de bétons qu'il convient d'ajuster par ponçage régulier au droit de la trappe
- R41 : défaut d'étanchéité suite aux trous larges réalisés dans le vide sanitaire
- R43 : seuil de porte présente certaines fissures
- R51 : portes fenêtres pas droits à l'étage dans la salle de bain, chambres et garage
- R60 : non-respect des cotes de portes de garage et la hauteur plus faible ce qui empêche de passer une camionnette ou véhicule de loisir
- R61 : réglage des portes fenêtres à reprendre dans la chambre 1 et la salle de bain
- R81 : sonnette entrée et carillon manquants
- R90 : absence d'interphone
- R112 : plusieurs trous et irrégularités sur les enduits de façade
- R128 : propreté vide sanitaire
- R129 : propreté terrain
- débouté M. et Mme [N] du surplus de leurs demandes (notamment de leur demande de provision, s'agissant des deux réserves R59 et R63),
- condamné la société Sodam aux dépens et à payer à M. et Mme [N] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] à payer à la société Abeille Iard & Santé la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sodam a interjeté appel de cette ordonnance par une déclaration d'appel en date du 4 avril 2023 limitant expressément le recours aux chefs du dispositif lui faisant grief (les condamnations à procéder aux travaux de levée des 13 réserves sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard et à payer une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens) intimant à la fois les époux [N] et la société Abeille Iard & Santé qui n'a constitué avocat et qu'elle a alors assignée en garantie par acte du 21 avril 2023.
Suivant avis en date du 25 avril 2023, l'affaire a été fixée à bref délai, pour une audience fixée le 7 septembre 2023.
La société Abeille Iard & Santé a cependant soulevé un incident en faisant état de ce que, dans ses conclusions notifiées le 21 avril 2023, la société appelante ne présentait aucune prétention à son encontre. Elle a également contesté la recevabilité de l'appel incident de M. et Mme [N] dans le cadre de leurs premières conclusions du 19 mai 2023.
Par une ordonnance du 18 janvier 2024, la présidente de la chambre a :
- prononcé la caducité de la déclaration d'appel de la société Sodam à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé,
- débouté cette dernière de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. et Mme [N] à son encontre,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Sodam aux dépens de l'incident.
Vu le nouvel avis de fixation du 30 avril 2024, pour une audience fixée le 5 septembre 2024, ainsi que le renvoi de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2024,
Vu les dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 14 novembre 2024 par la société Sodam, qui demande en substance à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée sur le rejet de la demande de provision de M. et Mme [N] faute pour eux de justifier d'une créance non sérieusement contestable,
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée laà lever les 13 réserves (R33 ; R38 ; R39 ; R41 ; R43 ; R51 ; R60 ; R61 ; R81 ; R90 ; R112 ; R128 ; R129) sous astreinte de 300 ' par jour de retard, ces réserves ne pouvant être levées du fait du comportement adopté par les époux [N],
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes et la société Abeille Iard & Santé de sa demande de condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En toute hypothèse,
- condamner la société Abeille Iard & santé à la relevr et garantir de toutes condamnations éventuelles,
- condamner les époux [N] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- écarter l'exécution provisoire de droit, si par extraordinaire la juridiction de céans devait prononcer une quelconque condamnation à l'endroit de la société Sodam,
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2024 par la société Abeille venant aux droits de la société Aviva, aux fins de :
- confirmation de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Grasse rendue le 21 mars 2023, à tout le moins en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à son encontre et en ce qu'elle a condamné M. et Mme [N] à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- irrecevabilité comme nouvelle en cause d'appel et en tout état de cause rejet comme injustifiée de la demande des époux [N] visant à ce que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré opposable, et les en débouter,
- irrecevabilité comme contraire au principe de concentration des moyens, comme nouvelle en cause d'appel et en tout état de cause rejet comme injustifiée la demande de la société Sodam de garantie de sa part, et l'en débouter,
- rejet de toute demande formée à son encontre,
- condamnation de la Société Sodam, d'une part, et des époux [N], de l'autre, à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions notifiées le 26 et 29 août 2024 par M. et Mme [N], qui demandent à la cour en substance de :
- débouter la société Sodam et la compagnie Abeille Iard & Santé de l'intégralité de leurs demandes,
- ordonner que la décision à intervenir soit déclarée opposable à la compagnie Abeille Iard & Santé en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage,
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société Sodam à procéder dans le délai d'un mois et sous astreinte de 300 euros à la levée des 13 réserves suivantes :
- R33 : boîte électrique dans un raidisseur parasismique sonnette d'entrée principal raidisseur nul
- R38 : plusieurs seuils de porte sont abîmés
- R39 : accès vide sanitaire : les abords présentent des épaufrures de bétons qu'il convient d'ajuster par ponçage régulier au droit de la trappe
- R41 : défaut d'étanchéité suite aux trous larges réalisés dans le vide sanitaire
- R43 : seuil de porte présente certaines fissures
- R51 : portes fenêtres pas droits à l'étage dans la salle de bain, chambres et garage
- R60 : non-respect des cotes de portes de garage et la hauteur plus faible ce qui empêche de passer une camionnette ou véhicule de loisir
- R61 : réglage des portes fenêtres à reprendre dans la chambre 1 et la salle de bain
- R81 : sonnette entrée et carillon manquants
- R90 : absence d'interphone
- R112 : plusieurs trous et irrégularités sur les enduits de façade
- R128 : propreté vide sanitaire
- R129 : propreté terrain
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société Sodam à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- réformer l'ordonnance de référé en ce qu'elle les a déboutés de leur demande d'indemnité provisionnelle de 15 000 euros et les a condamnés à verser à la compagnie Abeille Iard & Santé une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et :
- condamner la société Sodam à leur payer :
- une provision de 15 000 euros au titre des travaux de levée des réserves n°59 et 63,
- une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la compagnie Abeille Iard&Santé de sa demande au titre des frais irrépétibles fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sodam aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2024,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l'issue de l'audience du 13 décembre 2024, à laquelle elles ont été régulièrement convoquées, les parties ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 21 mars 2025 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informées par le greffe du prorogé du délibéré au 25 avril 2025.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage :
En application du principe de concentration des moyens, et des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile (alors applicables désormais codifiées à l'article 915-2 al 2) prévoyant que « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond» et que « l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures », la société Abeille soutient à juste titre que la demande de relevé et garantie présentée pour la première fois par la société Sodam dans des conclusions notifiées le 7 novembre 2024 se heurte à cette fin de non-recevoir. Elle justifie en effet que les premières conclusions jointes à l'assignation devant la cour qui lui a été délivrée le 21 avril 2023 et les conclusions dites en réplique du 7 juin 2023 ne comportent aucune demande de garantie à son encontre.
Par ailleurs, la société Abeille établit par la production de leurs écritures que la société Sodam et les époux [N] ne présentaient aucune demande de condamnation à son encontre en première instance, de sorte que la demande d'être relevée et garantie présentée par la première et la demande tendant à ce que l'arrêt à intervenir lui déclaré opposable formulées par les seconds, sont nouvelles et se heurtent à l'interdiction des demandes nouvelles devant la cour posée par l'article 564 du code de procédure civile.
M. et Mme [N] ne peuvent légitimement soutenir à cet égard que leur demande formulée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de la société Abeille serait le 'complément nécessaire' de leurs prétentions soumises au premier juge en cas d'inexécution par la société Sodam des travaux de levée des réserves mis à sa charge, alors d'une part qu'elle ne formalise devant la cour aucune demande de garantie et, d'autre part, qu'elle expressément abandonné ses demandes à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage en première instance comme constaté par le tribunal.
En revanche, en l'état de l'ordonnance de caducité partielle de la déclaration d'appel de la société Sodam à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé en date du 18 janvier 2024, la cour n'est pas saisie des demandes de l'appelante à l'encontre de cette intimée, de sorte qu'il n'entre plus dans son office de les déclarer irrecevables.
En revanche, elle déclarera irrecevables les demandes présentées par les époux [N] à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage.
Sur les travaux nécessaires à la levée des réserves et le versement d'une provision :
Après avoir rappelé les dispositions des articles 835 du code de procédure civile relatif aux pouvoirs du juge des référés en matière de mesures conservatoires, L.231-8 du code de la construction et de l'habitat relatif à la dénonciation des réserves et 1792-6 du code civil relatif à la garantie de parfait achèvement, le juge des référés du tribunal de Grasse a constaté que les époux [N] avaient émis des réserves lors de la réception intervenue le 8 septembre 2021 sans qu'ils aient été assistés par un professionnel et par deux courriers datés des 14 septembre 2021 et 25 janvier 2022 tandis que, par un courrier du 4 avril 2022, la société Sodam avait reconnu devoir intervenir pour lever 13 réserves et indemniser les maîtres d'ouvrage pour 2 autres.
Or, selon l'ordonnance, le constructeur ne démontrait pas avoir repris 13 réserves et indemnisé 2 autres conformément à cet engagement, si bien qu'il convenait d'accueillir la demande d'exécution sous astreinte de travaux de reprise sur la base de la liste présentée par les époux [N] en l'absence de production d'une autre liste qui soit lisible et à défaut de démonstration que les 13 réserves mentionnées dans le courrier de la société Sodam aient été levées.
Dans le cadre de son appel, cette dernière soutient tout d'abord qu'elle n'a pas pu lever les 13 réserves litigieuses et exécuter la condamnation du fait du comportement et des agissements des époux [N] qui l'ont empêchée d'intervenir sur le chantier (refus des rendez-vous, refus des artisans missionnés, comportement violent, insultes). Elle affirme notamment avoir effectué plusieurs demandes d'intervention qui se sont toutes retrouvées sans réponse et oppose la règle « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » interdisant à une partie de se prévaloir de sa propre turpitude.
Or elle ne justifie aucunement de ces allégations quant au refus des maîtres d'ouvrage dont elle fait état.
Elle fait ensuite valoir que les époux [N] ont refusé les modalités de reprise proposées pour certaines réserves (R51, R61) et que d'autres n'étaient pas justifiées (R41, R60 et R90), soutenant que :
- Sur la réserve R41, il n'y avait aucune obligation contractuelle d'étanchéité sur le vide sanitaire,
- Sur les réserves R51 (portes fenêtres pas droits à l'étage) et R61 (réglage des portes fenêtres), elle avait réalisé une intervention pour les 2 chambres mais les époux [N] avaient refusé les modalités de reprise pour la salle de bain et le garage,
- Sur la réserve R60 (non-respect des cotes de portes), celles-ci sont conformes au descriptif,
- Sur la réserve R90 (absence d'interphone), la livraison de l'interphone n'était pas prévue au contrat, seule la sonnette l'était, chose qu'elle a réalisé.
Les époux [N] rappellent cependant à juste titre que le constructeur a l'obligation de procéder aux travaux permettant la levée des réserves qui ont été signalées à la réception, et qu'il s'agit d'une obligation de résultat qui emporte présomption de faute et de causalité obligeant le constructeur à établir l'absence de faute pour s'exonérer et que la charge de la preuve de la levée des réserves incombe au constructeur.
Or, il résulte des pièces versées aux débats qu'après avoir rejeté toutes les réserves faites par M. et Mme [N] dans les huit jours de la réception (cf. son courrier du 7 février 2022, pièce 10 des intimés), la société Sodam s'est engagée directement envers les maîtres d'ouvrage par un courrier du 4 avril 2022 à procéder à une intervention pour 13 réserves restantes et à en indemniser 2 autres (pièce 13 des intimés) et qu'elle a réitéré son engagement de procéder à un certain nombre de reprises lors de l'expertise amiable contradictoire réalisé à la demande de l'assureur dommages ouvrage suite à la déclaration de sinistre (cf. le rapport préliminaire de la société Saretec, pièce n° 16 des intimés).
Pourtant, la société Sodam ne justifie pas avoir procédé aux travaux de levée des 13 réserves dont elle avait à l'époque reconnu le bien-fondé, ni de l'obstruction qu'elle impute aux époux [N] ni de démarches de sa part pour procéder à ces travaux de reprise. Elle ne fournit par ailleurs aucun tableau ou listing permettant d'identifier les 13 réserves qu'elle a admis devoir reprendre et qui permettrait d'exclure certaines des réserves listées par M. et Mme [N].
Par ailleurs, elle ne conteste pas ne pas avoir versé la moindre indemnisation ou émis de proposition d'indemnisation pour les deux réserves qu'elle s'était formellement engagée à indemniser, à savoir les réserves R59 (sous dimensionnement de la porte du garage) et R63 (non-respect de l'étude thermique sur l'isolation) selon M. et Mme [N], qui ne peuvent faire l'objet d'une reprise et qui ont incontestablement causé un préjudice aux maîtres d'ouvrage.
En l'état d'absence de réalisation des travaux que la société Sodam s'était engagée à effectuer et d'une créance indemnitaire non sérieusement contestable, la cour confirmera l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné au constructeur de procéder à la levée des 13 réserves listées dans son dispositif et l'infirmera sur le rejet de la demande de provision, qui s'avère justifiée à concurrence d'une somme de 10 000 euros.
Sur les autres demandes :
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Sodam supportera les dépens d'appel
Il convient de rejeter la demande tendant à voir lui faire supporter, sur le fondement de l'article L.111-8 du code des procédures civiles, le coût des frais d'exécution éventuels de la présente décision qui, par application de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001, restent à la charge du créancier. Le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée qui sont en effet à la charge du débiteur.
En revanche, il résulte du tarif des huissiers de justice que les frais de certaines prestations sont à la charge du créancier hormis les cas prévus au 3e alinéa de l'article R. 444-53 du code de commerce, aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur.
La société Sodam sera en revanche condamnée à payer à M. et Mme [N] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais qu'ils ont dû exposer en cause d'appel.
La société Sodam et M. et Mme [N] seront par ailleurs condamnés in solidum à payer à la société Abeille, irrégulièrement mise en cause et inutilement maintenue dans la cause, une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision du premier juge ayant condamné les maîtres d'ouvrage à ce titre à l'égard de la société Abeille sera donc confirmée et la cour précisera que, dans leurs rapports, la socitété Sodam appelante supportera la condamnation à l'égard de l'assureur dommages ouvrage à concurrence de 60% et les époux [N] à hauteur de 40%.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe et dans les limites de sa saisine :
- Déclare irrecevables les demandes de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, à l'encontre de la société Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva ;
- Infirme l'ordonnance de référé rendue le 21 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, mais uniquement en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse ;
- La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
- Condamne la société Sodam à payer à de M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de lever les réserves R59 et R63 ;
- 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamne in solidum la société Sodam ainsi que M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse, à payer à la société Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit que cette condamnation sera prise en charge à 60% par la société Sodam et à 40% par M. [Z] [N] et Mme [F] [G], son épouse ;
- Condamne la société Sodam aux dépens d'appel ;
- Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le Greffier, La Présidente,