CA Rouen, 1re ch. civ., 23 avril 2025, n° 24/00255
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/00255 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JRZN
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 AVRIL 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00411
Tribunal judiciaire de Dieppe du 6 décembre 2023
APPELANTES :
EURL [U] [B]
RCS de Rouen 818 358 590
[Adresse 2]
[Localité 12]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
RCS de Paris 784 647 349
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
SA de droit belge QBE EUROPE SA/NV
venant aux droits de QBE Insurance Europe limited
prise en sa succursale en France
RCS de Nanterre 842 689 556
[Adresse 14]
[Localité 8]
représentée par Me Sylvie AMISSE DUVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de Dieppe et assistée de Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Julie SAINT VOIRIN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 février 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 5 février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 avril 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
* * * *
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sci de la Manche a fait construire un ensemble immobilier [Adresse 13] à [Localité 11] dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement. Elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la société Qbe Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société Qbe Europe Sa/Nv.
La maîtrise d''uvre de conception et d'exécution a été confiée à M. [U] [B], architecte. La société Richard, assurée auprès de la Sa Gan assurances Iard a eu en charge le lot gros 'uvre.
Par acte notarié du 21 septembre 2010, M. [A] [C] et Mme [S] [N] se sont portés acquéreurs d'une maison à usage d'habitation. Par acte notarié du 30 mars 2011, Mme [W] [H] s'est également portée acquéreur d'une maison à usage d'habitation.
Les ouvrages ont été réceptionnés les 19 et 20 mai 2011. Suite à l'apparition de désordres acoustiques, les acquéreurs des différents biens immobiliers ont diligenté des procédures en vue d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Par actes d'huissier des 16 mai et 18 mai 2012, M. [C], Mme [N], et Mme [H] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Dieppe la Sci de la Manche et la société Qbe Insurance Europe Limited.
Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné la Sci de la Manche à régler à M. [C] et Mme [N] la somme de 20 000 euros et à Mme [H] la somme de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral et de jouissance,
- débouté la Sci de la Manche de son appel en garantie à l'encontre de la société Qbe Insurance Europe Limited au titre de l'action indemnitaire,
- condamné la Sci de la Manche à régler au titre des travaux réparatoires à M. [C] et Mme [N] la somme de 66 588,24 euros, et à Mme [H] la somme de 66 315,09 euros,
- condamné la société Qbe Europe Sa/Nv, venant aux droits de Qbe Insurance Europe Limited, à garantir la Sci de la Manche de l'intégralité des sommes dues au titre des travaux réparatoires.
Par jugement du 25 mai 2022, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné M. [B], la Maf, et la société Gan assurances, assureur de la société Richard, à garantir intégralement et relever indemne la Sci de la Manche de l'ensemble des condamnations qui ont été prononcées contre elle au profit de
M. [C] et Mme [N], d'une part, et Mme [W] [H], d'autre part, et pour lesquelles elle n'a pas été garantie par la société Qbe Europe Sa/Nv par l'effet du jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020 :
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral que le tribunal a octroyé à M. [C] et Mme [N],
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral que le tribunal a octroyé à Mme [H],
. 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [B] et la Maf de leur appel en garantie formé contre M. [D] [M],
- fait droit à l'appel en garantie formé par M. [B] et la Maf contre la société Gan assurances, assureur de la société Richard.
Par jugement du 29 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné M. [B] et la Maf ainsi que la société Gan assurances, assureur de la société Richard, à garantir la Sci de la Manche de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au profit de M. [I] [N] et Mme [K] [Y] suivant jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe le 2 juin 2020, et rectifié suivant jugement du 6 août 2020, et de les condamner au paiement de la somme de 22 372,92 euros,
- condamné la société Gan assurances à garantir M. [B] et la Maf de toute condamnation faite à son encontre.
Parallèlement aux procédures qui ont donné lieu à ces décisions, la société Qbe Insurance Europe Limited a, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage de la Sci de la Manche, par actes d'huissier des 19 et 29 mars 2018, assigné en garantie devant le tribunal judiciaire de Dieppe, « la société » [U] [B] et la Maf, son assureur.
Par jugement contradictoire du 6 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Dieppe a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Limited,
- reçu l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Europe Insurance Europe Limited,
- mis hors de cause la société Qbe Insurance Europe Limited,
- déclaré recevable l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la « société » [U] [B],
- reçu l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la « société » [U] [B] et la Maf au titre des condamnations prononcées par jugement du 2 juin 2020,
- condamné solidairement la « société » [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné in solidum la « société » [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la « société » [U] [B] et la Maf aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 19 janvier 2024, l'Eurl [U] [B] et son assureur, la Maf, ont formé appel de ce jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2024, l'Eurl [U] [B] et son assureur, la Maf, demandent à la cour, au visa des articles 122, 30, 32 et 31 du code de procédure civile, 2224 et 1240 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv, venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
statuant à nouveau,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Qbe Europe Sa/Nv à l'égard de la société [U] [B], architecte, et son assureur, la Maf,
par conséquent,
- juger irrecevables, pour défaut d'intérêt et de qualité pour agir, les demandes de la société Qbe Europe Sa/Nv à l'égard de la société [U] [B] et la Maf,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. condamné la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
. condamné la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
y ajoutant,
- débouter la société Qbe Europe Sa/Nv de toutes ses demandes,
- condamner la société Qbe Europe Sa/Nv à régler à la société [U] [B] et la Maf la somme de 5 000 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Qbe Europe Sa/Nv aux dépens de première instance et d'appel.
Opposant à la société Qbe une fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt et de qualité à agir, l'Eurl [U] [B] et la Maf soutiennent qu'il résulte des pièces produites aux débats que la société Qbe a assigné la société [U] [B] alors qu'elle n'est pas le cocontractant concerné par l'acte de construire, pas plus que la Maf, dès lors que le contrat d'architecte a été signé par M. [U] [B] en son nom personnel, et relèvent qu'il ne pouvait être condamné à la fois à titre personnel et en qualité de personne morale pour le même chantier.
A titre subsidiaire, sur le fond, elles se prévalent également du défaut d'intérêt et de qualité de la société Qbe pour introduire un recours subrogatoire, arguant du fait que l'intimée n'est pas en mesure d'établir l'existence d'une dette, certaine, liquide et exigible.
Elles exposent qu'en supposant les prétentions formulées par la société Qbe recevables, celles-ci seraient atteintes par la prescription tirée des dispositions de l'article 2224 du code civil.
Par conclusions notifiées le 11 juillet 2024, la Sa de droit belge Qbe Europe Sa/Nv demande à la cour, au visa des articles L. 241-1 et suivants et L. 242-1 et suivants du code des assurances, 1240 et 1792 et suivants du code civil, de :
in limite litis,
- prendre acte que la société Qbe Europe Sa/Nv vient aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Europe Limited,
en conséquence :
- prendre acte de l'intervention volontaire de la compagnie Qbe Europe Sa/Nv,
- ordonner la mise hors de cause de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- déclarer recevables et bien fondées les demandes soulevées par la société Qbe Europe Sa/Nv dans les présentes conclusions,
à titre principal,
- recevoir la société Qbe Europe Sa/Nv en ses demandes et l'y jugeant bien fondée,
- dire et juger que les désordres de nature décennale sont imputables à la société [U] [B],
- dire et juger que la responsabilité civile décennale de la société [U] [B] doit être engagée,
- dire et juger que les garanties délivrées par la Maf sont mobilisables,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 66 588,24 euros et de
66 315,09 euros suite au jugement rendu le 2 juin 2020,
par conséquent,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et notamment en ce qu'il a :
. rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Limited,
. reçu l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Europe Insurance Europe Limited,
. mis hors de cause la société Qbe Insurance Europe Limited,
. déclaré recevable l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la société [U] [B],
. reçu l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la société [U] [B] et la Maf au titre des condamnations prononcées par jugement du 2 juin 2020,
. condamné solidairement la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
. débouté les parties de leurs plus amples demandes,
. condamné in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné in solidum la société [U] [B] et la Maf aux dépens,
en tout état de cause,
- condamner in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société [U] [B] et la Maf au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.
S'agissant de son intervention volontaire, elle expose que toutes les activités et engagements de la succursale en France de la société Qbe Insurance Europe Limited ont été transférés à la société Qbe Europe Sa/Nv, qui a débuté ses activités le 1er janvier 2019, de sorte que l'ensemble des droits relatifs au portefeuille de la société Qbe Insurance Europe Limited a bien été transféré à la société Qbe Europe Sa/Nv, en ce compris les obligations et recours inhérents aux garanties contenues au sein de ce portefeuille.
Elle précise que sa qualité d'assureur constructeur non réalisateur, et sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, n'ont jamais été remise en cause, tout comme l'existence d'un lien juridique entre les sociétés Qbe Europe Sa/Nv et Qbe Insurance Europe Limited.
Sur la recevabilité de son action formée contre la société [B] et la Maf, expliquant que la transformation de la forme d'exercice d'une activité produit des effets à l'égard des tiers, elle souligne que la société [U] [B] et son assureur ne peuvent se prévaloir du fait que la première ait poursuivie son activité dans le cadre d'une société unipersonnelle.
Sur son recours en qualité d'assureur dommages-ouvrage, elle considère être subrogée dans les droits des acquéreurs qui ont obtenu la mobilisation de sa garantie et donc de ce fait bien fondée à appeler les intervenants à la construction responsables et leurs assureurs en garantie.
Sur son recours en qualité d'assureur constructeur non réalisateur, elle prétend que même si le maître de l'ouvrage, constructeur non réalisateur, est responsable de plein droit des désordres envers l'acquéreur, elle rappelle qu'elle n'a pas vocation à en supporter personnellement la charge dès lors que ces désordres peuvent être imputés aux constructeurs.
A titre subsidiaire, elle allègue que si par extraordinaire la juridiction venait à écarter son action en garantie sur le fondement de l'article 1792 du code civil, elle serait parfaitement fondée à exercer ses recours à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs respectifs sur le fondement de l'article 1346 du code civil.
A titre encore plus subsidiaire, sur ses recours en qualité d'assureur constructeur non réalisateur sur le fondement de l'article 1240 du code civil, elle estime qu'elle est parfaitement recevable à solliciter la condamnation des défendeurs à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, dès lors qu'elle a été assignée en responsabilité par le propriétaire de l'ouvrage.
Sur la répartition de la charge définitive de la dette, et précisément sur l'imputabilité des désordres au maître d''uvre, elle expose que la société [U] [B] ne justifie pas avoir établi et transmis au maître d'ouvrage les rapports d'auto-contrôle attestant de l'exécution de leurs obligations de vérification formalisée de ses travaux. Elle ajoute que les opérations expertales menées tant par M. [T] que par M. [L] ont démontré, sans contestation possible, que des désordres étaient imputables au lot n°10 revêtements de sols, dont était titulaire la société Delamotte Rameau, sous la responsabilité du maître d''uvre, la société [U] [B].
La clôture de l'instruction est intervenue le 15 janvier 2025.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir opposée à la société Qbe par la société [U] [B] et la Maf
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, le contrat d'architecte litigieux conclu le 25 mai 2007 entre M. [U] [B] et la Sci de la Manche stipule au paragraphe « Parties contractantes », par l'emploi de cases cochées, que le maître d'ouvrage est identifié comme étant la Sci de la Manche, et que l'architecte est désigné comme étant d'une part, M. [B] [U], « contractant en son nom personnel », et d'autre part, la « société [U] [B] Architecte DPLG, n°RCS 40448668000014, représentée par M. [B] [U]' inscrit au tableau régional de l'ordre des architectes de NR 1085 sous le n°45907 », domicilié « [Adresse 1]. ».
Le contrat litigieux a donc été conclu à la fois par M. [B] en son nom personnel, et par la société [U] [B] en qualité de représentant légal.
En page 6 du contrat, dans l'encadré dédié à la signature de l'architecte, M. [B] a apposé un tampon le désignant comme suit : « [U] [B], Architecte DPLG, [Adresse 4] ».
Le paragraphe « Assurances » du contrat d'architecte discuté précise que « l'architecte est assuré contre les conséquences pécuniaires de ses responsabilités professionnelles auprès de la compagnie mutuelle des architectes français Maf par contrat n°48791/J/17 ».
Or, la société Qbe produit effectivement le contrat d'assurance n°48791/J/17 souscrit par M. [B] auprès de la Maf le 23 août 2007, devant prendre effet le 1er janvier 2008 mais mentionnant comme adhérent M. [U] [B], architecte, domicilié
[Adresse 1] à [Localité 9] et non une société.
L'Eurl [U] [B], assignée, et immatriculée sous le n°81835859000037 et la Maf versent aux débats un extrait du site internet Papers à jour du 18 janvier 2024 lequel indique que l'Agence [U] [B] Architecte (ADCA) est domiciliée au [Adresse 6] à [Localité 12] et a été créée le 12 janvier 2016 soit presque dix ans après la signature du contrat de maîtrise d''uvre.
La société Qbe qui vise dans ses conclusions comme intimée la Sarlu [U] [B] avec le numéro d'immatriculation n°818358590 communique un extrait du site Infogreffe à jour du 7 avril 2024 qui mentionne un établissement secondaire, l'agence [U] [B] Architecte, inscrit au registre du commerce et des sociétés sous le n°81835859000029, domicilié [Adresse 5] à [Localité 10] qui en toute hypothèse a été enregistré postérieurement au contrat puisque daté du
10 février 2017.
Les jugements du tribunal judiciaire de Dieppe produits par les parties, notamment ceux prononcés les 2 juin 2020 et 25 mai 2022, font état de procédures poursuivies à l'encontre de M. [U] [B], en son nom personnel, domicilié [Adresse 5] à [Localité 10].
En conséquence, aucun élément produit par la société Qbe ne permet de rattacher les pièces contractuelles versées aux débats et ses prétentions à l'égard de la société assignée et son assureur.
Elle ne se prévaut pas ni n'établit précisément les éventuelles constitutions de nouvelles sociétés, les changements de forme ou de domiciliation des différentes société [U] [B] entre la conclusion du contrat litigieux et la présente instance.
Elle ne justifie pas notamment d'un transfert d'activité entre la société [U] [B] immatriculée n°4044866000014, engagée contractuellement, et la société [U] [B] immatriculée n°81835859000037 à l'encontre de laquelle elle dirige son appel en garantie alors qu'un tel transfert n'est pas de droit dans le cadre de la constitution de différentes personnes morales autonomes.
Ainsi, dès lors que la société appelée en garantie, l'Eurl [U] [B] n'est pas celle qui engagée contractuellement par le contrat de maîtrise d''uvre dont l'exécution est discutée ; la Maf expressément appelée en sa qualité d'assureur de cette société, ne garantit pas davantage celle-ci pour les travaux, objets de désordres.
En conséquence, les demandes de la société Qbe sont irrecevables à défaut d'intérêt à agir. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formulées par la société Qbe à l'encontre de l'Eurl [U] [B] et de son assureur, la Maf sans qu'il y ait lieu de statuer sur le fond.
Sur les frais de procédure
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
La société Qbe Europe Nv/Sa, prise en sa succursale française succombe à l'instance et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera condamnée à payer à l'Eurl [U] [B] et à la Maf, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites de l'appel formé,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Déclare irrecevable l'appel en garantie formé par la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française à l'encontre de l'Eurl [U] [B] et de son assureur, la Maf, faute d'intérêt à agir,
Déboute la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française de sa demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française à payer à l'Eurl [U] [B] et à la Maf, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 AVRIL 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00411
Tribunal judiciaire de Dieppe du 6 décembre 2023
APPELANTES :
EURL [U] [B]
RCS de Rouen 818 358 590
[Adresse 2]
[Localité 12]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
RCS de Paris 784 647 349
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
SA de droit belge QBE EUROPE SA/NV
venant aux droits de QBE Insurance Europe limited
prise en sa succursale en France
RCS de Nanterre 842 689 556
[Adresse 14]
[Localité 8]
représentée par Me Sylvie AMISSE DUVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de Dieppe et assistée de Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Julie SAINT VOIRIN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 février 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 5 février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 avril 2025.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sci de la Manche a fait construire un ensemble immobilier [Adresse 13] à [Localité 11] dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement. Elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la société Qbe Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société Qbe Europe Sa/Nv.
La maîtrise d''uvre de conception et d'exécution a été confiée à M. [U] [B], architecte. La société Richard, assurée auprès de la Sa Gan assurances Iard a eu en charge le lot gros 'uvre.
Par acte notarié du 21 septembre 2010, M. [A] [C] et Mme [S] [N] se sont portés acquéreurs d'une maison à usage d'habitation. Par acte notarié du 30 mars 2011, Mme [W] [H] s'est également portée acquéreur d'une maison à usage d'habitation.
Les ouvrages ont été réceptionnés les 19 et 20 mai 2011. Suite à l'apparition de désordres acoustiques, les acquéreurs des différents biens immobiliers ont diligenté des procédures en vue d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Par actes d'huissier des 16 mai et 18 mai 2012, M. [C], Mme [N], et Mme [H] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Dieppe la Sci de la Manche et la société Qbe Insurance Europe Limited.
Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné la Sci de la Manche à régler à M. [C] et Mme [N] la somme de 20 000 euros et à Mme [H] la somme de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral et de jouissance,
- débouté la Sci de la Manche de son appel en garantie à l'encontre de la société Qbe Insurance Europe Limited au titre de l'action indemnitaire,
- condamné la Sci de la Manche à régler au titre des travaux réparatoires à M. [C] et Mme [N] la somme de 66 588,24 euros, et à Mme [H] la somme de 66 315,09 euros,
- condamné la société Qbe Europe Sa/Nv, venant aux droits de Qbe Insurance Europe Limited, à garantir la Sci de la Manche de l'intégralité des sommes dues au titre des travaux réparatoires.
Par jugement du 25 mai 2022, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné M. [B], la Maf, et la société Gan assurances, assureur de la société Richard, à garantir intégralement et relever indemne la Sci de la Manche de l'ensemble des condamnations qui ont été prononcées contre elle au profit de
M. [C] et Mme [N], d'une part, et Mme [W] [H], d'autre part, et pour lesquelles elle n'a pas été garantie par la société Qbe Europe Sa/Nv par l'effet du jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020 :
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral que le tribunal a octroyé à M. [C] et Mme [N],
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral que le tribunal a octroyé à Mme [H],
. 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [B] et la Maf de leur appel en garantie formé contre M. [D] [M],
- fait droit à l'appel en garantie formé par M. [B] et la Maf contre la société Gan assurances, assureur de la société Richard.
Par jugement du 29 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Dieppe a notamment :
- condamné M. [B] et la Maf ainsi que la société Gan assurances, assureur de la société Richard, à garantir la Sci de la Manche de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au profit de M. [I] [N] et Mme [K] [Y] suivant jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe le 2 juin 2020, et rectifié suivant jugement du 6 août 2020, et de les condamner au paiement de la somme de 22 372,92 euros,
- condamné la société Gan assurances à garantir M. [B] et la Maf de toute condamnation faite à son encontre.
Parallèlement aux procédures qui ont donné lieu à ces décisions, la société Qbe Insurance Europe Limited a, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage de la Sci de la Manche, par actes d'huissier des 19 et 29 mars 2018, assigné en garantie devant le tribunal judiciaire de Dieppe, « la société » [U] [B] et la Maf, son assureur.
Par jugement contradictoire du 6 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Dieppe a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Limited,
- reçu l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Europe Insurance Europe Limited,
- mis hors de cause la société Qbe Insurance Europe Limited,
- déclaré recevable l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la « société » [U] [B],
- reçu l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la « société » [U] [B] et la Maf au titre des condamnations prononcées par jugement du 2 juin 2020,
- condamné solidairement la « société » [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné in solidum la « société » [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la « société » [U] [B] et la Maf aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 19 janvier 2024, l'Eurl [U] [B] et son assureur, la Maf, ont formé appel de ce jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2024, l'Eurl [U] [B] et son assureur, la Maf, demandent à la cour, au visa des articles 122, 30, 32 et 31 du code de procédure civile, 2224 et 1240 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv, venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
statuant à nouveau,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Qbe Europe Sa/Nv à l'égard de la société [U] [B], architecte, et son assureur, la Maf,
par conséquent,
- juger irrecevables, pour défaut d'intérêt et de qualité pour agir, les demandes de la société Qbe Europe Sa/Nv à l'égard de la société [U] [B] et la Maf,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. condamné la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
. condamné la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
y ajoutant,
- débouter la société Qbe Europe Sa/Nv de toutes ses demandes,
- condamner la société Qbe Europe Sa/Nv à régler à la société [U] [B] et la Maf la somme de 5 000 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Qbe Europe Sa/Nv aux dépens de première instance et d'appel.
Opposant à la société Qbe une fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt et de qualité à agir, l'Eurl [U] [B] et la Maf soutiennent qu'il résulte des pièces produites aux débats que la société Qbe a assigné la société [U] [B] alors qu'elle n'est pas le cocontractant concerné par l'acte de construire, pas plus que la Maf, dès lors que le contrat d'architecte a été signé par M. [U] [B] en son nom personnel, et relèvent qu'il ne pouvait être condamné à la fois à titre personnel et en qualité de personne morale pour le même chantier.
A titre subsidiaire, sur le fond, elles se prévalent également du défaut d'intérêt et de qualité de la société Qbe pour introduire un recours subrogatoire, arguant du fait que l'intimée n'est pas en mesure d'établir l'existence d'une dette, certaine, liquide et exigible.
Elles exposent qu'en supposant les prétentions formulées par la société Qbe recevables, celles-ci seraient atteintes par la prescription tirée des dispositions de l'article 2224 du code civil.
Par conclusions notifiées le 11 juillet 2024, la Sa de droit belge Qbe Europe Sa/Nv demande à la cour, au visa des articles L. 241-1 et suivants et L. 242-1 et suivants du code des assurances, 1240 et 1792 et suivants du code civil, de :
in limite litis,
- prendre acte que la société Qbe Europe Sa/Nv vient aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Europe Limited,
en conséquence :
- prendre acte de l'intervention volontaire de la compagnie Qbe Europe Sa/Nv,
- ordonner la mise hors de cause de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- déclarer recevables et bien fondées les demandes soulevées par la société Qbe Europe Sa/Nv dans les présentes conclusions,
à titre principal,
- recevoir la société Qbe Europe Sa/Nv en ses demandes et l'y jugeant bien fondée,
- dire et juger que les désordres de nature décennale sont imputables à la société [U] [B],
- dire et juger que la responsabilité civile décennale de la société [U] [B] doit être engagée,
- dire et juger que les garanties délivrées par la Maf sont mobilisables,
- condamner solidairement ou à défaut in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 66 588,24 euros et de
66 315,09 euros suite au jugement rendu le 2 juin 2020,
par conséquent,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et notamment en ce qu'il a :
. rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Insurance Limited,
. reçu l'intervention volontaire de la société Qbe Europe Sa/Nv venant aux droits et obligations de la société Qbe Europe Insurance Europe Limited,
. mis hors de cause la société Qbe Insurance Europe Limited,
. déclaré recevable l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la société [U] [B],
. reçu l'appel en garantie formulé par la société Qbe Europe Sa/Nv à l'encontre de la société [U] [B] et la Maf au titre des condamnations prononcées par jugement du 2 juin 2020,
. condamné solidairement la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 132 903,33 euros au titre des condamnations prononcées par le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 2 juin 2020,
. débouté les parties de leurs plus amples demandes,
. condamné in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné in solidum la société [U] [B] et la Maf aux dépens,
en tout état de cause,
- condamner in solidum la société [U] [B] et la Maf à payer à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société [U] [B] et la Maf au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.
S'agissant de son intervention volontaire, elle expose que toutes les activités et engagements de la succursale en France de la société Qbe Insurance Europe Limited ont été transférés à la société Qbe Europe Sa/Nv, qui a débuté ses activités le 1er janvier 2019, de sorte que l'ensemble des droits relatifs au portefeuille de la société Qbe Insurance Europe Limited a bien été transféré à la société Qbe Europe Sa/Nv, en ce compris les obligations et recours inhérents aux garanties contenues au sein de ce portefeuille.
Elle précise que sa qualité d'assureur constructeur non réalisateur, et sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, n'ont jamais été remise en cause, tout comme l'existence d'un lien juridique entre les sociétés Qbe Europe Sa/Nv et Qbe Insurance Europe Limited.
Sur la recevabilité de son action formée contre la société [B] et la Maf, expliquant que la transformation de la forme d'exercice d'une activité produit des effets à l'égard des tiers, elle souligne que la société [U] [B] et son assureur ne peuvent se prévaloir du fait que la première ait poursuivie son activité dans le cadre d'une société unipersonnelle.
Sur son recours en qualité d'assureur dommages-ouvrage, elle considère être subrogée dans les droits des acquéreurs qui ont obtenu la mobilisation de sa garantie et donc de ce fait bien fondée à appeler les intervenants à la construction responsables et leurs assureurs en garantie.
Sur son recours en qualité d'assureur constructeur non réalisateur, elle prétend que même si le maître de l'ouvrage, constructeur non réalisateur, est responsable de plein droit des désordres envers l'acquéreur, elle rappelle qu'elle n'a pas vocation à en supporter personnellement la charge dès lors que ces désordres peuvent être imputés aux constructeurs.
A titre subsidiaire, elle allègue que si par extraordinaire la juridiction venait à écarter son action en garantie sur le fondement de l'article 1792 du code civil, elle serait parfaitement fondée à exercer ses recours à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs respectifs sur le fondement de l'article 1346 du code civil.
A titre encore plus subsidiaire, sur ses recours en qualité d'assureur constructeur non réalisateur sur le fondement de l'article 1240 du code civil, elle estime qu'elle est parfaitement recevable à solliciter la condamnation des défendeurs à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, dès lors qu'elle a été assignée en responsabilité par le propriétaire de l'ouvrage.
Sur la répartition de la charge définitive de la dette, et précisément sur l'imputabilité des désordres au maître d''uvre, elle expose que la société [U] [B] ne justifie pas avoir établi et transmis au maître d'ouvrage les rapports d'auto-contrôle attestant de l'exécution de leurs obligations de vérification formalisée de ses travaux. Elle ajoute que les opérations expertales menées tant par M. [T] que par M. [L] ont démontré, sans contestation possible, que des désordres étaient imputables au lot n°10 revêtements de sols, dont était titulaire la société Delamotte Rameau, sous la responsabilité du maître d''uvre, la société [U] [B].
La clôture de l'instruction est intervenue le 15 janvier 2025.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir opposée à la société Qbe par la société [U] [B] et la Maf
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du même code dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, le contrat d'architecte litigieux conclu le 25 mai 2007 entre M. [U] [B] et la Sci de la Manche stipule au paragraphe « Parties contractantes », par l'emploi de cases cochées, que le maître d'ouvrage est identifié comme étant la Sci de la Manche, et que l'architecte est désigné comme étant d'une part, M. [B] [U], « contractant en son nom personnel », et d'autre part, la « société [U] [B] Architecte DPLG, n°RCS 40448668000014, représentée par M. [B] [U]' inscrit au tableau régional de l'ordre des architectes de NR 1085 sous le n°45907 », domicilié « [Adresse 1]. ».
Le contrat litigieux a donc été conclu à la fois par M. [B] en son nom personnel, et par la société [U] [B] en qualité de représentant légal.
En page 6 du contrat, dans l'encadré dédié à la signature de l'architecte, M. [B] a apposé un tampon le désignant comme suit : « [U] [B], Architecte DPLG, [Adresse 4] ».
Le paragraphe « Assurances » du contrat d'architecte discuté précise que « l'architecte est assuré contre les conséquences pécuniaires de ses responsabilités professionnelles auprès de la compagnie mutuelle des architectes français Maf par contrat n°48791/J/17 ».
Or, la société Qbe produit effectivement le contrat d'assurance n°48791/J/17 souscrit par M. [B] auprès de la Maf le 23 août 2007, devant prendre effet le 1er janvier 2008 mais mentionnant comme adhérent M. [U] [B], architecte, domicilié
[Adresse 1] à [Localité 9] et non une société.
L'Eurl [U] [B], assignée, et immatriculée sous le n°81835859000037 et la Maf versent aux débats un extrait du site internet Papers à jour du 18 janvier 2024 lequel indique que l'Agence [U] [B] Architecte (ADCA) est domiciliée au [Adresse 6] à [Localité 12] et a été créée le 12 janvier 2016 soit presque dix ans après la signature du contrat de maîtrise d''uvre.
La société Qbe qui vise dans ses conclusions comme intimée la Sarlu [U] [B] avec le numéro d'immatriculation n°818358590 communique un extrait du site Infogreffe à jour du 7 avril 2024 qui mentionne un établissement secondaire, l'agence [U] [B] Architecte, inscrit au registre du commerce et des sociétés sous le n°81835859000029, domicilié [Adresse 5] à [Localité 10] qui en toute hypothèse a été enregistré postérieurement au contrat puisque daté du
10 février 2017.
Les jugements du tribunal judiciaire de Dieppe produits par les parties, notamment ceux prononcés les 2 juin 2020 et 25 mai 2022, font état de procédures poursuivies à l'encontre de M. [U] [B], en son nom personnel, domicilié [Adresse 5] à [Localité 10].
En conséquence, aucun élément produit par la société Qbe ne permet de rattacher les pièces contractuelles versées aux débats et ses prétentions à l'égard de la société assignée et son assureur.
Elle ne se prévaut pas ni n'établit précisément les éventuelles constitutions de nouvelles sociétés, les changements de forme ou de domiciliation des différentes société [U] [B] entre la conclusion du contrat litigieux et la présente instance.
Elle ne justifie pas notamment d'un transfert d'activité entre la société [U] [B] immatriculée n°4044866000014, engagée contractuellement, et la société [U] [B] immatriculée n°81835859000037 à l'encontre de laquelle elle dirige son appel en garantie alors qu'un tel transfert n'est pas de droit dans le cadre de la constitution de différentes personnes morales autonomes.
Ainsi, dès lors que la société appelée en garantie, l'Eurl [U] [B] n'est pas celle qui engagée contractuellement par le contrat de maîtrise d''uvre dont l'exécution est discutée ; la Maf expressément appelée en sa qualité d'assureur de cette société, ne garantit pas davantage celle-ci pour les travaux, objets de désordres.
En conséquence, les demandes de la société Qbe sont irrecevables à défaut d'intérêt à agir. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formulées par la société Qbe à l'encontre de l'Eurl [U] [B] et de son assureur, la Maf sans qu'il y ait lieu de statuer sur le fond.
Sur les frais de procédure
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
La société Qbe Europe Nv/Sa, prise en sa succursale française succombe à l'instance et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera condamnée à payer à l'Eurl [U] [B] et à la Maf, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites de l'appel formé,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Déclare irrecevable l'appel en garantie formé par la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française à l'encontre de l'Eurl [U] [B] et de son assureur, la Maf, faute d'intérêt à agir,
Déboute la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française de sa demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française à payer à l'Eurl [U] [B] et à la Maf, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa de droit belge Qbe Europe Nv/Sa en sa succursale française aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,