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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 23 avril 2025, n° 24/02852

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baglan (SARL), De Filippis (SAS)

Défendeur :

Baglan (SARL), De Filippis (SAS), Mutuelle des Architectes Français (SAMCV), H2o Architectes (SARL), Axa France Iard (SA), Gan Assurances (SA), Allianz Iard (SA), Gagneraud Construction (SASU), Smabtp - Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Public (SAMCV)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Vice-président :

Mme Berthiau-Jezequel

Conseiller :

Mme Deguette

Avocats :

Me Enault, Me Suzanne, Me Fremy-Barret, Me Mella, Me Delaporte, Me Poirot-Bourdain, Me Vermont, Me Bart, Me Malbesin, Me Gray, Me Vallet

TJ Rouen, du 20 juin 2024, n° 21/00380

20 juin 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 16 décembre 2009, la commune d'[Localité 18] a conclu un marché de maîtrise d''uvre, en vue du réaménagement des abords de la cathédrale, avec un groupement solidaire composé des sociétés':

- Michel Desvigne Paysagiste, assurée auprès de la Sa Axa France Iard,

- France Aires, assurée auprès de la Sa Gan Assurances,

- H2O Architectes, assurée auprès de la Maf.

Par acte du 9 juillet 2012, la commune d'[Localité 18] a conclu un marché avec un groupement d'entreprise composé des sociétés':

- Gagneraud Construction, assurée auprès de la Sa Allianz Iard,

- et Minéral Services, en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Smabtp.

Le montant du marché s'élevait à la somme de 2 787 886,61 euros TTC après signature du dernier avenant du 10 septembre 2014. Pour la réalisation des travaux, la Sasu Gagneraud Construction s'est fournie en pierres, pavés et dalles, auprès de la Sarl Baglan qui elle-même s'est fournie auprès de la Sas De Filippis.

Les travaux ont été engagés dès le 22 septembre 2012. La zone réaménagée a été ouverte partiellement à la circulation le 16 septembre 2013. La commune d'[Localité 18] a dénoncé un phénomène de glissance du sol par un effet de dallage patiné à l'origine de plusieurs accidents. La réception des travaux a été prononcée le 21 octobre 2014, notamment sous cette même réserve de glissance.

La réserve n'ayant pas été levée, la commune d'[Localité 18] a, par courrier du 25 juin 2015, mis en demeure le groupement de maîtrise d''uvre aux fins de traiter la glissance dénoncée du revêtement de sol.

Par requête du 7 juin 2017, la commune d'Évreux a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande d'expertise judiciaire au contradictoire de la Sarl H2O Architectes et de son assureur, la Maf, de la société Michel Desvigne Paysagiste et de son assureur, la Sa Axa France Iard, de la Sasu Gagneraud Construction et de son assureur, la Sa Allianz Iard, de la société France Aires et de son assureur, le Gan Assurances, ainsi que de la société Minéral Services et de son assureur, la Smabtp.

Par ordonnance du 17 novembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande. Le 11 octobre 2018, les opérations ont été étendues à la demande de la Sasu Gagneraud Construction à la Sarl Baglan et au centre technique de matériaux naturels de construction (le Ctmnc) ainsi qu'au mandataire liquidateur de la société Minéral Services. Le 31 janvier 2019, la mesure a été étendue à la Sas De Filippis. L'expert désigné a déposé son rapport le 22 août 2019, auquel il a été adjoint un complément d'expertise le 8 juin 2020, à la suite du dire récapitulatif de la Sas De Filippis du 28 avril 2020.

Sur saisine du 13 octobre 2020 par la commune d'[Localité 18], par ordonnance du

20 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la condamnation provisionnelle in solidum des sociétés Michel Desvigne Paysagiste, H2O Architectes, France Aires, Gagneraud Construction, Minéral Services, représentée par son liquidateur, à lui payer la somme provisionnelle de 443'216 euros TTC avec intérêt au taux légal. Une mesure d'exécution forcée a été diligentée et la Sasu Gagneraud Construction a versé la somme de 452'411,03 euros.

Parallèlement, par actes d'huissier des 15, 18, 19, 20, et 21 janvier 2021, la Sarl H2O architectes et son assureur, la Maf, ont assigné les sociétés Axa France Iard, Gan Assurances, Allianz Iard, Smabtp, Baglan, et De Filippis devant le tribunal judiciaire de Rouen, en garantie in solidum de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elles par le tribunal administratif dans le cadre du contentieux engagé par la commune d'Évreux ou toute autre dans le cadre judiciaire.

Par ordonnance contradictoire du 20 juin 2024, le juge de la mise en état a':

- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la Sarl Baglan,

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut d'intérêt à agir soulevées par la Sarl Baglan et la Sas De Filippis,

- rejeté toutes demandes plus amples et contraires des parties,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 20 novembre 2024 à 9 heures, à laquelle les parties sont invitées à déposer leurs conclusions,

- rappelé que les parties peuvent, à tout moment, choisir d'avoir recours à un mode de règlement amiable de leur litige,

- invité les parties à communiquer leur éventuel accord sur l'application de l'article 799 du code de procédure civile (dépôt de dossier au greffe sans plaidoiries).

Par déclarations reçues au greffe, la Sarl Baglan, d'une part, et la Sas De Filippis, d'autre part, ont respectivement formé appel de l'ordonnance le 7 août 2024 (RG n°24/02852) et le 5 septembre 2024 (RG n°24/03176).

Par décision du président de chambre du 2 septembre 2024, l'affaire RG n°24/02852 a été fixée à l'audience du 5 février 2025 suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile dans leur version applicable à ce litige.

La jonction des procédures a été prononcée le 17 octobre 2024, l'affaire se poursuivant sous le RG n°24/02852.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 26 septembre 2024, la Sarl Baglan, appelante dans la procédure RG n°24/02852, demande à la cour, au visa des articles 122, 789 du code de procédure civile, 2224, 2239 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, de':

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a':

. rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut d'intérêt à agir soulevées par elle,

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables, car prescrites, la Sarl H2O Architectes, la Maf, la Sasu Gagneraud Construction, la Sa Allianz Iard, la Smabtp, et la Sa Gan Assurances en toutes leurs demandes dirigées contre elle,

- les condamner chacune à lui verser la somme de 2'000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile.

Elle expose que la Sasu Gagneraud Construction lui reproche un manquement à son obligation de conseil lors de la conclusion du contrat de vente et qu'en conséquence, l'action de l'acquéreur se prescrit dans un délai de 5 ans'à compter de la connaissance des faits lui permettant d'agir contre le vendeur, en application de l'article 2224 du code civil ; qu'au plus tard, à compter du 3 avril 2014, date à laquelle la maîtrise d''uvre lui a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception la mettant en demeure de remédier à la glissance excessive de son ouvrage, la Sasu Gagneraud Construction connaissait le défaut ouvrant le champ d'une action.

Elle précise que le délai d'action de la Sasu Gagneraud Construction à son encontre a été suspendu à compter du 19 février 2018, date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif de Rouen afin que les opérations d'expertise ordonnées le 17 novembre 2017, soient rendues communes et opposables'; que le rapport d'expertise administrative a été déposé le 22 août 2019, de sorte que le délai d'action a recommencé à courir à compter du 23 août 2019, pour expirer le 15 juillet 2020'soit un délai de 1497 jours avant requête en expertise et 328 jours après dépôt du rapport ; que la Sasu Gagneraud Construction n'a pas accompli un acte qui aurait été susceptible d'interrompre la prescription de son action, soit par conclusions notifiées le 10 janvier 2022'; que dès lors, ses demandes sont irrecevables pour cause de prescription.

Elle conteste dès lors l'analyse du premier juge qui a considéré que l'assignation délivrée le 19 février 2018 avait interrompu le délai pour agir, l'article 2241 du code civil qui en outre vise une demande en justice étant inapplicable contrairement à l'article 2239 du code civil visant l'hypothèse de la mesure d'instruction. De surcroît, elle indique que l'effet interruptif est limité au seul droit dont il est demandé application.

Elle ajoute s'agissant de l'irrecevabilité des demandes de la Sa Allianz Iard, assureur de la Sasu Gagneraud Construction, que d'une part, celle-ci n'était pas partie à l'instance initiale et que la commune d'[Localité 18] ne formulait aucune demande de condamnation à son encontre'; qu'elle n'a donc pas d'intérêt à agir en garantie'; qu'en outre, l'assureur ne produit pas de quittance subrogative alors que son action ne peut qu'être de nature subrogatoire'; qu'elle sera déclarée irrecevable, son assurée l'étant pareillement.

S'agissant de l'irrecevabilité de la Sarl H2O Architectes, elle rappelle qu'elle n'est liée par aucun contrat à cette société qui ne peut en conséquence agir contre elle que sur le fondement délictuel de droit commun. Elle soutient que la maîtrise d''uvre n'ayant pas donné suite à la mise en demeure de la commune d'[Localité 18] du 25 juin 2015, cette dernière était fondée à résilier le marché et à exiger le paiement de pénalités et d'indemnité'; que la Sarl H2O Architectes connaissait de manière certaine, à compter du 9 novembre 2015, son identité et son rôle dans l'opération de construction et que le délai pour agir n'a été interrompu que par son assignation signifiée le 19 janvier 2021 soit hors délai par un acte atteint par la prescription quinquennale.

Elle fait valoir que le premier juge ne pouvait considérer que le vice affectant la pierre utilisée n'était déterminé dans toute son ampleur qu'à l'issue de l'expertise'; que le visa de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du

14 décembre 2022 dans la décision critiquée pose des difficultés au regard de la portée et des conséquences de cette référence inadaptée en l'espèce, en ce qu'elle se prévaut du droit de la vente et non de celui des intervenants à l'opération de construction.

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée à la Maf, elle précise que le recours de l'assureur à son encontre est subrogatoire'; que la compagnie ne dispose que des seules actions dont est titulaire son assurée'; que dès lors qu'il est irrecevable pour cause de prescription, la Maf l'est également.

S'agissant de l'irrecevabilité des demandes de la Smabtp, elle relève que le recours de la société d'assurance ne pourrait être que subrogatoire puisque la commune d'[Localité 18] n'a exercé aucun recours contre la Smabtp'; que la Smabtp est l'assureur de la société Minéral Services'; que cette dernière avait connaissance, au plus tard le 21 octobre 2014, de tous les faits lui permettant d'agir contre la Sarl Baglan'; que faute pour elle d'avoir accompli un acte interruptif ou suspensif de son délai d'action avant le 22 octobre 2019, son assureur doit être déclaré irrecevable en toutes ses demandes.

Enfin, sur les demandes de la Sa Gan Assurances, elle fait valoir que la société France Aires dont la Sa Gan Assurances est l'assureur n'a interrompu son délai d'action que le 20 janvier 2023, date de notification de ses conclusions portant pour la première fois demande de condamnation à l'encontre de la Sarl Baglan, alors que tous les membres du groupement de maîtrise d''uvre connaissaient les faits susceptibles de leur permettre d'exercer leur recours en 2013'; que l'assureur est prescrit en ses demandes.

Par conclusions notifiées le 9 décembre 2024, la Sarl Baglan, intimée dans la procédure RG n°24/03176, demande au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, 224 et 2239 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte s'agissant de l'appel interjeté par la Sas De Filippis.

Par conclusions notifiées le 15 octobre 2024, la Sas De Filippis, appelante dans la procédure RG n°24/03176 demande à la cour, au visa des articles 70 et 789 du code de procédure civile, L. 110-4 du code de commerce, 2224 du code civil de':

- juger que l'action des sociétés H2O Architectes et Maf est prescrite et dès lors irrecevable,

- juger que l'instance est éteinte à son égard,

- juger que les appels en garantie formés au fond devant le tribunal judiciaire de Rouen contre elle sont irrecevables,

- condamner in solidum les sociétés Smabtp, H2O Architectes et la Maf, Gagneraud Construction, Allianz Iard, Gan Assurances ou à défaut tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2025, la Sas De Filippis, intimée dans la procédure RG n°24/02852, demande à la cour, au visa des articles 789 et

70 du code de procédure civile, 2224 du code civil, et L. 110-4 du code de commerce, de':

- la recevoir en son appel incident et l'en déclarer bien fondée,

- statuer ce que de droit sur l'appel principal interjeté par la Sarl Baglan,

et sur l'appel incident interjeté par elle,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir opposées par la Sas De Filippis,

et statuant à nouveau,

- juger que l'action des sociétés H2O Architectes et Maf est prescrite et dès lors irrecevable,

- juger que l'instance est éteinte à son égard,

- juger que les appels en garantie formés au fond devant le tribunal judiciaire de Rouen contre elle sont irrecevables,

- condamner in solidum les sociétés Smabtp, H2O Architectes, Maf, Gagneraud Construction, Allianz Iard et Gan Assurances ou, à défaut, tout succombant à lui verser la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de l'incident et de l'appel.

Elle se réfère à l'article L. 110-4 du code de commerce qui pose le principe de la prescription quinquennale entre commerçants et donc en matière de vente. Elle expose ainsi que l'action de la Sarl H2O Architectes et de la Maf à son encontre est de nature délictuelle'; que ces dernières se bornent à viser la fourniture des pierres sans caractériser un manquement et qu'en toute hypothèse, elles avaient connaissance de l'existence de désordres dès septembre-octobre 2013'; que la Sarl H2O Architectes avait d'ailleurs fait inscrire une réserve expresse à la réception portant sur la glissance des pierres dès le 31 janvier 2014'soit avant les opérations d'expertise'; que l'assignation délivrée le 15 janvier 2021 est intervenue hors délai utile au regard de la prescription quinquennale. Elle ajoute que la pierre ne comporte aucun vice de sorte que l'expert judiciaire n'a fait que rappeler ce que les professionnels savaient, soit une glissance naturelle de la pierre.

Elle conteste la fin de non-recevoir soulevé par ces sociétés contre son appel principal en soulignant que l'ordonnance a été signifiée en juillet sans avertissement à l'avocat plaidant de sorte qu'après fermeture de l'entreprise en août, l'avocat de la Sas De Filippis n'a pu saisir la cour d'appel qu'une fois avisé le 5 septembre 2024. Elle soutient que cet appel est recevable.

S'agissant de l'irrecevabilité des actions des sociétés Gagneraud et Allianz Iard, elle explique que l'appel en garantie est irrecevable en ce qu'il comporte un appel en garantie contre elle du chef d'une instance tierce'; qu'il ne leur ait pas permis de former une demande tendant à les garantir des condamnations qui interviendraient au profit d'une personne tierce à l'instance'; que le premier juge n'a pas répondu à ce moyen soulevé par ses soins. Elle ajoute qu'en tout état de cause, cet appel en garantie, comme celui des sociétés H2O Architectes et Maf, se heurte à la prescription quinquennale dès lors que la requête du 19 février 2018 en extension de la mission de l'expert, qui ne visait que la Sarl Baglan, n'a pas interrompu ce même délai à l'égard de la Sas De Filippis. En outre, d'une part, aucune quittance subrogative n'est produite et d'autre part, le renvoi des dispositions du code des assurances est inopérant puisque cet assureur ne bénéficie pas des droits de l'assureur dommages-ouvrage.

S'agissant de l'irrecevabilité de l'action de la Sa Gan Assurances, elle expose qu'elle n'est pas un intervenant à l'opération de construction et qu'en conséquence l'arrêt susvisé rendu le 14 décembre 2022 par la Cour de cassation relatif au point de départ du délai d'action des intervenants à une opération de construction, à l'encontre des autres intervenants, ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce. Elle souligne également que le Gan Assurances ne peut invoquer des dispositions applicables en matière de garantie de vices cachés et que de surcroît, le produit vendu n'est affecté d'aucun vice caché dès lors que sa glissance constitue une propriété intrinsèque de la chose vendue'; que la tentative consistant à se prévaloir de cette garantie est vaine.

Sur la demande de confirmation de l'ordonnance entreprise de la Smabtp, elle relève que l'assureur n'a pas formé de demande au fond à son égard de sorte que ses conclusions en réponse à l'incident de première instance étaient sans objet'; qu'il n'a pas davantage initié de demande en cause d'appel'; qu'en tout état de cause, les demandes de la Smabtp seraient atteintes par la prescription et donc irrecevables.

Sur la demande de confirmation de l'ordonnance entreprise de la Sa Axa France Iard, elle explique que la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle soulève vaut bien entendu erga omnes mais d'autant plus à l'encontre d'une partie qui n'a formé aucune demande contre elle.

Par conclusions d'intimée notifiées le 17 octobre 2024 sur l'appel principal de la Sas De Filippis (RG n°24/03176) puis par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2025 sur les procédures jointes, la Sarl H2O Architectes et son assureur, la Maf, demandent à la cour, au visa des articles 795 du code de procédure civile,

1382 ancien du code civil, 1240 et 2224 du même code, et L. 124-3 du code des assurances, de':

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- juger irrecevable l'appel régularisé par la Sas De Filippis à l'encontre de la Maf et de la Sarl H2O Architectes le 5 septembre 2024,

- débouter la Sas De Filippis de son appel incident,

- débouter la Sas De Filippis et la Sarl Baglan de toutes leurs demandes à leur égard,

y ajoutant,

- condamner la Sarl Baglan et la Sas De Filippis, chacune, à leur régler la somme de 5'000 euros, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis aux dépens qui comprendront les dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de Me Florence Delaporte Janna, avocat.

Sur la procédure d'appel et les demandes régularisées par la Sarl Baglan, elles soutiennent que par assignations des 20 et 21 janvier 2021, elles ont attrait les assureurs et les intervenants à l'acte de construire, le tribunal judiciaire étant exclusivement compétent pour connaître des recours à leur encontre mais également, sur un fondement extracontractuel des demandes à l'encontre de la Sarl Baglan, de la Sas De Filippis, le tribunal administratif n'étant pas compétent à leur égard, de sorte que la prescription a donc été régulièrement interrompue.

Sur la procédure d'appel initiée par la Sas De Filippis, indiquant qu'elle disposait d'un délai de 15 jours à compter de la signification pour introduire sa propre procédure d'appel en application de l'article 795 du code de procédure civile, elles exposent que la déclaration d'appel régularisée le 5 septembre 2024 est tardive et l'appel régularisé par la Sas De Filippis à l'encontre de l'ordonnance entreprise est irrecevable.

Par conclusions notifiées le 17 octobre 2024, la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard demandent à la cour, au visa des articles 329 et 789 du code de procédure civile, L. 121-12, L. 124-3 et L. 241-1 du code des assurances,

1382 ancien, 1147 ancien, 2230, 2231, 2239, 2241 et 2242 du code civil, de':

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à leur régler chacune la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis aux entiers dépens.

Pour soutenir l'absence de prescription de son action, elles exposent que même en retenant comme point de départ la date du 3 avril 2014, elles ont interrompu la prescription par la requête aux fins d'extension des opérations d'expertise dirigées contre la Sarl Baglan et la Sas De Filippis le 19 février 2018'; que cependant, la cour ne peut retenir la date du 3 avril 2014, à savoir le courrier de l'architecte dénonçant le phénomène de glissance, comme point de départ du délai de prescription'; qu' en effet, la prescription quinquennale ne peut avoir commencé à courir qu'à compter de la requête en référé-provision du maître de l'ouvrage du 13 octobre 2020'; que le délai de prescription de l'article 2224 du code civil opposable au recours de la Sasu Gagneraud Construction contre la Sarl Baglan, qu'il ait débuté le 3 avril 2014 ou au jour de la requête en référé-provision, a été interrompu par la demande aux fins d'extension de mission des opérations d'expertise présentée par la Sasu Gagneraud Construction à l'encontre de la Sarl Baglan le 19 février 2018'; que les demandes notifiées par conclusions du 10 janvier 2022 sont dès lors recevables.

Quant à l'intérêt à agir de la Sa Allianz Iard, dans la mesure où son assurée, la Sasu Gagneraud Construction a été poursuivie par la commune d'Évreux devant le tribunal administratif, elle estime qu'elle justifie d'un intérêt à agir dans le cadre d'un recours en garantie à l'encontre de la Sarl Baglan puisqu'elle a vocation à couvrir la Sasu Gagneraud Construction de toutes condamnations prononcées à son encontre au titre de la garantie décennale, de sorte qu'elle n'a pas besoin de justifier d'une quittance subrogative à la suite de ces règlements puisque l'assureur bénéficie d'une subrogation légale en application de l'article L. 121-12 du code des assurances.

S'agissant de l'appel incident de la Sas De Filippis, pour estimer que ces recours en garantie ou subrogatoires étaient parfaitement recevables, elles expliquent que les assureurs ne peuvent pas être attraits devant la juridiction administrative qui est incompétente pour connaître de l'action directe à l'encontre de l'assureur et ne peuvent donc faire l'objet d'un recours en garantie que dans le cadre d'une procédure devant le tribunal judiciaire en l'absence de la personne au bénéfice de laquelle la condamnation a été prononcée, à savoir la personne publique qui était demanderesse à l'instance devant la juridiction administrative.

Sur l'absence de prescription de l'action, elles soutiennent que l'assignation en référé-provision constitue le point de départ du délai de prescription quinquennale de leur recours à l'égard de la Sas De Filippis soit le 13 octobre 2020, et qu'en conséquence, lorsqu'elles ont conclu le 10 mai 2022 en garantie à l'encontre de cette société la prescription n'était pas acquise'; que le juge de la mise en état a fait une juste application de l'arrêt de la cour suprême du 14 décembre 2022.

Par dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2025, la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Minéral Services, demande à la cour de':

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- rejeter toutes prétentions émises à son encontre,

y ajoutant,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à lui payer en sa qualité d'assureur de la société Minéral Services la somme de 3'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis au paiement des dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Gray Scolan pour ceux la concernant.

Elle rappelle que le constructeur ne peut agir contre un autre constructeur ou contre un fabricant ou fournisseur avant d'avoir été lui-même assigné par le maître de l'ouvrage et conclut que ce n'est qu'à la date de dépôt de la requête en référé- provision devant le président du tribunal administratif de Rouen par la commune d'Évreux qu'elle a été en mesure d'agir contre les sociétés appelantes.

Elle précise que l'action engagée avant l'expiration du délai de forclusion décennale par un assureur contre les responsables des dommages dont il doit garantie est recevable bien qu'au moment de la délivrance de l'assignation, il n'ait pas la qualité de subrogé de son assuré faute de l'avoir indemnisé'; que dans ses conclusions au fond notifiées le 23 février 2022 en première instance, elle sollicite la condamnation de l'ensemble des parties y compris la Sas De Filippis à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre dans le cadre des demandes présentées par la commune d'[Localité 18]'; qu'ainsi, elle a qualité et intérêt à agir contre la Sarl Baglan et la Sas De Filippis.

Par conclusions notifiées le 24 octobre 2024, la Sa Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Michel Desvigne Paysagiste, demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

y ajoutant,

- condamner la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à lui payer la somme de 2'000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle soutient que le principe d'une prescription est vainement recherché par les sociétés appelantes'; que le point de départ du délai de prescription pour exercer un recours à l'encontre d'un coobligé se situe à la date à laquelle une assignation lui a été délivrée aux fins de voir engager sa responsabilité, l'assignation en référé aux fins d'expertise n'étant pas suffisante sur ce point'; que le rapport d'expertise a été déposé le 8 juin 2020'; qu'en l'absence de réception, l'action de la commune d'[Localité 18] n'était pas soumise au délai de la garantie décennale mais au délai de la prescription quinquennale de droit commun.

Par conclusions notifiées le 21 octobre 2024, la Sa Gan Assurances, en sa qualité d'assureur de la société France Aires, demande à la cour, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, de':

- confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

statuant de nouveau,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à lui payer la somme de 2'000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à lui payer la somme de 4'000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Vermont & associés en application de l'article

699 du code de procédure civile.

Elle soutient que dans le cadre d'un recours récursoire, elle peut invoquer tout manquement d'un tiers à l'origine du préjudice pour lequel la garantie de l'assureur est recherchée'; que la responsabilité de son sociétaire a été retenue par la juridiction administrative dans sa décision du 20 septembre 2022'; que la jurisprudence de la Cour de cassation n'exclut pas le fournisseur ou le fabricant en retenant un vocable large de constructeur ; que le premier juge a estimé à juste titre que son action était recevable tant au titre de l'intérêt et la qualité à agir qu'au titre du délai pour agir.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 février 2025.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel principal de la Sas De Filippis

L'article 795 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, dispose notamment que les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :

1° elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;

2° elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l'appel peut porter sur cette question de fond.

L'article 678 du même code précise que lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement porté à la connaissance des représentants des parties dans la forme des notifications entre avocats dans les autres cas, à peine de nullité de la notification à partie ; mention de l'accomplissement de cette formalité doit être portée dans l'acte de notification destiné à la partie. Le délai pour exercer le recours part de la notification à la partie elle-même.

En l'espèce, la Sarl H20 Architectes et la Maf justifient avoir fait signifier à la Sas De Filippis l'ordonnance de mise en état critiquée à personne habilitée par acte d'huissier de justice du 26 juillet 2024. La Sas De Filippis a formé appel par déclaration au greffe le 5 septembre 2024 soit plus de quinze jours après la signification de la décision.

Contrairement à ce qu'affirme la Sas De Filippis en page 9 de ses dernières conclusions, son avocat a été avisé de la décision avant signification à partie puisque l'acte de l'huissier instrumentaire du 26 juillet 2024 porte la mention expresse de la signification «'d'avocat à avocat le 09 juillet 2024'» de l'ordonnance de sorte que le délai a régulièrement couru dès la signification faite à partie le 26 juillet 2024.

En conséquence, l'appel qu'elle a interjeté le 5 septembre 2024 par déclaration enregistrée sous le RG n°24/03176 est tardif et donc irrecevable.

Cette irrecevabilité est toutefois sans incidence sur la procédure enregistrée sous le RG n°24/02852 chacune des parties ayant conclu sur les fins de non-recevoir examinées par le premier juge.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée contre la Sarl Baglan et la Sas De Filippis

. Sur les dispositions en matière de prescription

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription.

L'article 2224 du code civil pose le principe selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2239 du même code précise que la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

L'article 2241 indique que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

L'article L. 110-4 du code de commerce dispose également que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

. Sur les dispositions en droit de la construction

L'article 1792-1 du code civil définit comme constructeur de l'ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.

Par arrêt du 14 décembre 2022 dont l'application est discutée par les parties, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation statuant sur le pourvoi n°21-21.305 a décidé':

Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I, du code de commerce :

12. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

13. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'

17. Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales.

18. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

19. La jurisprudence nouvelle s'applique à l'instance en cours, dès lors qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique de la société L'Auxiliaire tout en préservant le droit d'accès au juge de la société ATE et de la MAF.

- Sur la recevabilité de l'action en garantie engagée par la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard

L'action entreprise par le membre du groupement des locateurs d'ouvrage, la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard contre le fournisseur des matériaux, la Sarl De Filippis et son revendeur la Sarl Baglan est fondée sur une relation contractuelle fondée sur la vente successive des matériaux. En ce sens, effectivement mêmes dans ce cadre les vendeur et revendeur ne peuvent être considérés comme des constructeurs puisqu'ils n'ont pas procédé à la fabrication de partie de l'ouvrage litigieux, se bornant à livrer de la pierre de Kanfanar.

Pour soutenir la fin de non-recevoir, la Sarl Baglan et la Sas De Filippis se fondent sur la connaissance acquise du vice dès l'arrêté du maire de la commune réduisant la vitesse de circulation sur la chaussée glissante le 18 décembre 2013 et au plus tard le 3 avril 2014, date à laquelle une mise en demeure d'avoir à remédier au problème de glissance a été adressée par un membre du groupement de maîtrise d''uvre à la Sasu Gagneraud Construction. Elles visent encore la réception de l'ouvrage par procès-verbal du 21 octobre 2014 avec réserve sur ce défaut.

Toutefois, en application de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu de l'article 1792 du même code n'est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle en application de ce texte que dix ans après la réception des travaux. Les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en 'uvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité.

Le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en 'uvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. Il s'ensuit que, l'entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur avant d'avoir été lui-même assigné par le maître de l'ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti en application de l'article 1648 du code civil est constitué par la date de sa propre assignation, le délai de l'article L. 110-4 I du code de commerce, courant à compter de la vente, étant suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage.

En conséquence, le délai pour agir dont dispose la Sasu Gagneraud Construction court à compter de la requête en référé-provision enregistrée le 13 octobre 2020 par laquelle le maître de l'ouvrage, la commune d'[Localité 18] a sollicité la condamnation à provision des constructeurs, les membres du groupement de maîtrise d''uvre et les membres du groupement des locateurs d'ouvrage.

La Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard ont formé une demande de condamnation à les garantir par conclusions notifiées le 10 janvier 2022 soit dans le délai imparti pour agir en garantie.

L'action conduite est dès lors recevable.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir.

- Sur la recevabilité de l'action en garantie engagée par la Sarl H2O Architectes et la Maf

L'action entreprise par le membre du groupement de maîtrise d''uvre, la Sarl H2O Architectes et la Maf contre le vendeur des matériaux la Sas De Filippis et le revendeur la Sarl Baglan à la Sasu Gagneraud Construction en l'absence de relations contractuelles, directes ou indirectes est de nature extracontractuelle au sens de l'article 1240 du code civil comme le précise les deux parties appelées en garantie.

Sont effectivement exclues dans ce cadre, comme le soutiennent les sociétés Baglan et De Filippis, les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil relatives aux obligations des constructeurs. Il n'en reste pas moins que même non-constructeurs, les fournisseurs de matériaux peuvent voir leur responsabilité engagée en raison d'un vice de la chose ou d'un manquement fautif.

Les sociétés Baglan et De Filippis invoquent dès lors comme fait générateur de l'action en responsabilité et point de départ du délai de prescription quinquennale la date à laquelle la Sarl H2O Architectes et son assureur ont eu connaissance des défauts des matériaux soit fin 2013 et au plus tard le 31 janvier 2014, date de la réception des travaux portant une réserve au titre de la glissance des pierres, le délai pour agir expirant en conséquence le 31 janvier 2019.

En réalité, le droit d'agir en garantie contre les tiers au contrat n'est ouvert qu'au jour où le constructeur voit sa responsabilité engagée et est lui-même assigné en paiement, point de départ du délai de la prescription quinquennale.

En l'espèce, la Sarl H2O Architectes et la Maf n'ont été attraites devant le juge administratif par la commune d'[Localité 18], maître de l'ouvrage, que par requête en référé-provision enregistrée le 13 octobre 2020, point de départ du délai pour agir en responsabilité extracontractuelle contre les tiers. Elles ont fait assigner les sociétés De Filippis et Baglan respectivement les 15 et 19 janvier 2021': leur action à l'encontre des vendeur et revendeur de pierres est en conséquence recevable. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

- Sur la recevabilité de l'action en garantie engagée par la Smabtp et la Sa Gan Assurances

La Smabtp, assureur de la société Minéral Services, membre du groupement des locateurs d'ouvrage, a notifié ses conclusions le 23 février 2022 à l'ensemble des parties en demandant à titre principal le débouté des prétentions dirigées contre elles et à titre subsidiaire la condamnation notamment des sociétés Baglan et De Filippis à la garantir des condamnations prononcées.

Le point de départ du délai pour agir, dans le cadre d'une action contractuelle ou extracontractuelle, étant la date de la requête en référé-provision de la commune d'[Localité 18] du 13 octobre 2020, les demandes formulées sont recevables.

La Sa Gan Assurances, assureur de la société France Aires, membre du groupement de la maîtrise d''uvre, a notifié ses conclusions à l'ensemble des parties le 20 janvier 2023 en demandant également à titre principal le débouté des prétentions dirigées contre elles et à titre subsidiaire la condamnation notamment des sociétés Baglan et De Filippis à la garantir des condamnations prononcées.

En application des principes ci-dessus énoncés, et à défaut d'obtenir gain de cause sur sa demande de non-garantie, ses prétentions fondées sur la responsabilité extracontractuelle relevant du délai quinquennal sont recevables.

L'ordonnance ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée au titre de la prescription sera confirmée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des assureurs contre la Sarl Baglan et la Sas De Filippis

La Sas De Filippis reproche au premier juge de ne pas avoir statué sur le moyen soulevé à l'encontre des sociétés Gagneraud Construction et Allianz Iard formulé comme suit': retenant que par ses conclusions au fond notifiées le 10 janvier 2022, ces sociétés demandaient la garantie des condamnations qui seraient prononcées tant par le tribunal administratif que par le tribunal judiciaire, elle soutient que cet appel en garantie est irrecevable'en ce qu'il s'agit d'une demande relative':

- à «'une instance tierce'»';'

- «'au profit d'une personne tierce à l'instance'».

La Sas De Filippis s'abstient de viser un texte interdisant une telle demande en garantie alors qu'il s'agit pour les demanderesses de respecter les règles de compétence des ordres judiciaire et administratif comme le souligne à juste titre la Sa Allianz Iard.

S'agissant de la Sa Allianz Iard, si comme les autres assureurs, elle n'a pas été appelée à l'instance administrative, la couverture de la condamnation prononcée par le juge des référés administratif du 20 septembre 2022, et ce en application du contrat d'assurance souscrite par la Sasu Gagneraud Construction constitue un intérêt'légitime à agir contre les coobligés.

Les moyens soulevés qui ne sont pas autrement développés sont vains.

Est contestée, par les sociétés Baglan et/ou De Filippis sur les mêmes fondements, en tout ou partie, la recevabilité des demandes en garantie formée pour défaut d'intérêt à agir, en raison du défaut de production de quittance subrogative, par les assureurs suivants':

- la Sa Allianz Iard, assureur de la Sasu Gagneraud Construction

Le paiement effectué et justifié par l'assureur en exécution de la condamnation prononcée par la juridiction administrative constitue comme indiqué ci-dessus un intérêt légitime, sans qu'une quittance subrogative ne soit nécessaire alors qu'il agit conjointement avec son assuré.

- la Maf, assureur de la Sarl H2O Architectes

La Maf a pris l'initiative de l'action au fond devant le tribunal judiciaire avec son assuré au regard des garanties, souscrites ou non, qu'elle doit défendre selon les termes du litige engagé. Elle a un intérêt à agir au regard de la condamnation prononcée contre son assurée par le juge administratif des référés qu'elle est susceptible de supporter, ce avant tout paiement effectif de la condamnation et donc sans production nécessaire d'une quittance.

- la Smabtp, assureur de la société Minéral Services et la Sa Gan Assurances, assureur de la société France aires

Si en l'état aucun paiement n'a été effectué de leur part, en exécution des contrats d'assurance signés par leurs assurés, les assureurs ont été attraits à l'instance par un coobligé et son assureur et ont qualité à se défendre contre les demandes de condamnations sollicitées, les responsabilités étant discutées et les polices d'assurance opérantes ou non selon les fondements retenus et les couvertures assurantielles.

La fin de non-recevoir n'étant pas pertinente, elle sera rejetée et l'ordonnance confirmée.

Sur les frais de procédure

L'instance engagée devant le tribunal judiciaire n'étant pas achevée, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a pu réserver les dépens et rejeter en conséquence la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, les sociétés Baglan et De Filippis, parties perdantes, supporteront les dépens in solidum dont distraction au profit de Me Florence Delaporte-Janna, la Selarl Gray Scolan et la Selarl Vermont & associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles seront condamnées à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile':

- la somme de 2 500 euros chacune à la Sarl H2O Architectes et la Maf,

- la somme de 2 500 euros chacune à la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard,

- in solidum la somme de 2 500 euros à la Smabtp,

- in solidum la somme de 2 500 euros à la Sa Gan Assurances,

- la somme de 1 000 euros chacune à la Sa Axa France Iard.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Déclare irrecevable comme étant hors délai l'appel principal interjeté par la Sas De Filippis par déclaration du 5 septembre 2024 enregistré sous le RG n°24/03176 à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen du 20 juin 2024';

Et statuant sur la procédure engagée par la Sarl Baglan par déclaration d'appel enregistrée le 7 août 2024 sous le RG n°24/02852,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à payer, en application de l'article

700 du code de procédure civile':

- la somme de 2 500 euros chacune à la Sarl H2O Architectes et la Maf,

- la somme de 2 500 euros chacune à la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard,

- in solidum la somme de 2 500 euros à la Smabtp,

- in solidum la somme de 2 500 euros à la Sa Gan Assurances,

- la somme de 1 000 euros chacune à la Sa Axa France Iard,

Condamne in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis aux dépens dont distraction au profit de Me Florence Delaporte-Janna, la Selarl Vermont & associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis à payer à la Sarl H2O Architectes et la Maf, la Smabtp, la Sa Axa France Iard, la Sa Gan Assurances, la Sasu Gagneraud Construction et la Sa Allianz Iard, chacune, la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la Sarl Baglan et la Sas De Filippis aux dépens de l'instance, dont distraction est accordée au profit de Me Delaporte Janna, la Selarl Gray Scolan, et la Selarl Vermont & associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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