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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 24 avril 2025, n° 24/00902

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Afibel (SAS)

Défendeur :

Afibel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Vilnat

Avocats :

Me Congos, Me Ktorza, Me Olivier, Me Muselet, Me Barbaz

T. com. Lille Metropole, du 14 déc. 2023

14 décembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

La société Afibel est une société de vente à distance qui organise régulièrement des opérations commerciales, et notamment des opérations de loteries soumises à tirage au sort à destination de ses clients.

A la suite d'une de ces opérations, Mme [C] a demandé, le 30 septembre 2021, à la société Afibel de s'exécuter, puis l'a assignée le 7 octobre 2021.

Par jugement du 14 décembre 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté Mme [C] de sa demande de condamnation de la société Afibel à lui verser somme de 13 520 euros au titre des montants qui lui ont été promis, avec intérêts légaux capitalisés à compter du 30 septembre 2021 ;

- condamné Mme [C] à verser la somme de 1 500 euros à la société Afibel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné Mme [C] aux entiers dépens.

Par déclaration du 26 février 2024, Mme [C] a interjeté appel de la décision précitée.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions notifiées le 20 mars 2024, Mme [C] demande à la cour, de :

- constater que la société Afibel lui a promis d'importants gains ;

- par conséquent,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 14 décembre 2023 ;

- par voie de réformation :

- condamner la société Afibel à lui verser la somme de 13 520 euros au titre des montants qui lui ont été promis, avec intérêts légaux à compter du 30 septembre 2021, la capitalisation des intérêts devant également être ordonnée ;

- condamner la société Afibel à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Afibel aux entiers dépens de l'instance.

Elle précise qu'il importe peu qu'elle n'ait pas été tirée au sort ou était consciente de ne pas avoir gagné, dès lors que, de manière unilatérale, la société Afibel s'est engagée à lui verser les sommes annoncées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, la société Afibel demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;

- y ajoutant,

- condamner Mme [C] au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel.

Elle rappelle les règles générales régissant les opérations de loterie et souligne que :

- il appartient au consommateur qui prétend engager la responsabilité de l'organisateur au titre d'une loterie publicitaire de démontrer qu'il a fait l'objet d'une annonce nominative et qu'un gain lui a été annoncé sans qu'il puisse percevoir de manière suffisante l'existence d'un aléa, ce que ne fait aucunement Mme [C] ;

- « les critiques formulées [par Mme [C]] sont dépourvues de précision et procèdent effectivement de généralités et de jurisprudences inadéquates » ;

- des procédures multiples ont été engagées par Mme [C] contre d'autres sociétés, cette dernière ayant même eu la « candeur de diviser ces procédures devant différentes juridictions ».

MOTIVATION

A titre liminaire, si la société Afibel se réfère à des notions ayant cours en matière de responsabilité, il convient de noter, d'une part, que cette dernière société expose essentiellement les principes dégagés par la jurisprudence en matière de quasi-contrat, d'autre part, que Mme [C] envisage l'engagement unilatéral de la société ayant promis des gains, les sommes réclamées correspondant au montant total des lots annoncés.

Les demandes de Mme [C] se fondant ainsi exclusivement sur les quasi-contrats, seul ce fondement juridique sera examiné ci-après.

Statuant au visa de l'article 1371 ancien du code civil, devenu l'article 1300 de ce code, en vertu duquel « les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers », la Cour de cassation a énoncé que « l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire, à le délivrer » (Cass., ch. mixte, 6 sept. 2002, no 98-22.981, Bull. ch. mixte, no 4).

La jurisprudence, constante, exige que, dans un courrier annonçant un gain, l'existence d'un aléa affectant l'attribution du prix doive « être mise en évidence, à première lecture, dès l'annonce du gain » (Civ. 1re, 6 févr. 2013, no 12-10.251), les envois postérieurs étant sans incidence (Civ. 1ère, 18 mars 2003, n° 00-19.934 ; Civ. 1ère, 10 mai 2005 (2 arrêts), n° 00-20.494 et n° 01-01.697 ;Civ. 1ère, 13 juin 2006, n° 05-18.469 ; Civ. 1ère, 1er juillet 2010, n° 09-12.585).

L'annonce d'un gain constitue un fait juridique duquel résulte un engagement, celui de payer le gain annoncé, de sorte que le gain est dû sans que le bénéficiaire ait à l'accepter (Civ. 1ère, 19 mars 2015, n° 13-27.414).

L'appréciation de l'aléa doit donc être réalisée au jour où le destinataire est informé de l'obtention du gain. L'évidence de l'aléa doit être manifeste, immédiatement perceptible, pour un destinataire moyen, à la lecture des documents qu'il reçoit, ce qui rend déterminante leur rédaction.

En premier lieu, aux termes des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

En l'espèce, la cour observe que Mme [C] ne se livre à aucune démonstration précise au soutien de sa prétention, que ce soit en fait comme en droit, son adversaire ne pouvant réellement s'expliquer au vu des développements généraux de Mme [C], constitués essentiellement de citations, soit des termes du courrier, soit des termes du jugement, sans aucune analyse et articulation précise en vue de caractériser l'absence d'aléa allégué.

En second lieu, la demande de Mme [C] concerne trois opérations distinctes de loterie organisées par la société Afibel, qui auraient été réalisées en 2017, étant précisé que la seule opération à laquelle aurait participé Mme [C], en renvoyant le bon de participation, est la seconde des opérations, affirmation de la société Afibel qu'elle ne critique pas.

S'agissant de la première opération, contrairement à ce que soutient Mme [C], il ne ressort pas des termes du seul courrier qu'elle produit, et portant la mention en gras et encadrée : « Mme [C] réclamez vite votre parure de Lit ' collection Fleurs de printemps' et le chèque que vous avez gagné ! », l'assurance d'un gain, d'autant moins un gain du montant maximal de 5 000 euros, quand bien même le montant du premier prix était évoqué à l'issue de ce courrier et figurait au niveau de l'image représentant un chèque de 5 000 euros à destination de « notre grande gagnante ».

Au contraire, l'ultime paragraphe du courrier mentionnait que « ceci est le dernier rappel que vous recevrez alors postez le tout sans plus tarder, d'autant plus qu'il peut s'agir de la plus belle des Parures de Lit « Collection Fleurs de Printemps » composée de 20 pièces et du chèque principal de 5 000 ' » (soulignement de la cour), ce qui atteste bien de l'aléa, ce que confirme également les autres documents, produits par la société Afibel, délivré dans le cadre de cette opération, et que Mme [C] ne critique pas et ne conteste pas avoir également reçus.

Cette demande au titre de l'opération litigieuse est infondée.

Au titre de l'opération intitulée « un séjour en Méditerranée ou un chèque de 2 520 euros », il ressort des deux pièces produites par Mme [C], d'une part, que la société Afibel a mis en exergue l'existence de deux lots distincts, dont l'un pouvait être attribué à Mme [C] ( « votre numéro est bel et bien sorti gagnant de l'un de ces prix »), d'autre part, et contrairement à ce que cette dernière sous-entend, qu' aucune option n'est offerte au consommateur entre les deux lots (« oui c'est sûr et certain, l'un d'eux vous revient de plein droit »).

Le courrier précité met suffisamment en lumière l'aléa, résidant dans ladite opération, sur la nature du lot pouvant être attribué et que permettait déceler toute lecture attentive du courrier par un lecteur moyen et normalement attentif, ce que confirment les autres document produits par la société Afibel composant les envois relatifs à cette opération, et que Mme [C] ne conteste pas avoir reçus, pas plus qu'elle ne critique avoir été destinataire du courrier lui annonçant les démarches à accomplir pour profiter du séjour, qu'elle n'a pas mises en 'uvre.

Sa demande de délivrance du gain à hauteur de 2 520 euros n'est donc pas fondée.

Concernant la dernière opération contestée, portant le tampon « exemplaire gagnant : grand prix final des 12 x 500 euros », le seul courrier produit par Mme [C] au titre de cette opération n'annonce, tout au plus, que le gain d'un chèque bancaire dans le cadre du premier tour, sans que le montant de ce chèque soit précisé ni qu'il soit possible, pour un lecteur attentif et normalement vigilant de prétendre avoir pu comprendre qu'il était d'ores et déjà bénéficiaire du montant global, que constituait les 12 chèques de 500 euros, mis en jeu pour le tirage final.

Le courrier précise en effet contenir la preuve formelle que « vous avez d'ores et déjà gagné un chèque bancaire au 1er tour du « grand prix final des 12 x 500euros ! » '. Vous êtes la seule en possession du numéro' dans le cadre de la somme à partager entre les gagnants du premier tour de ce grand prix final », et comporte la mention suivante, précédée du terme « Attention » en caractères gras et soulignés : « passé ce délai de 10 jours, votre chèque bancaire du 1er tour sera définitivement perdu et les 12 chèques bancaires de 500 euros du tirage final du grand prix final n'ont plus aucune chance de vous appartenir. »

Il s'ensuit que c'est de manière infondée que Mme [C] estime la société Afibel redevable de la somme de 6 000 euros au titre de cette opération.

En conséquence, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [C], quand bien même elle a, par des motifs erronés, estimé que lesdites opérations ne s'analysaient pas en des quasi-contrats.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [C] succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d'appel.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.

Mme [C] supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Afibel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de la débouter de sa propre demande.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 14 décembre 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [C] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE Mme [C] à payer à la société Afibel la somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [C] de sa demande d'indemnité procédurale.

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