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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 24 avril 2025, n° 21/07486

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Terideal Tarvel (SAS)

Défendeur :

Eurogal (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Gauthier, Mme Lemoîne

Avocats :

SAS TW & Associés, SCP Courteaud Pellissier, SELARL Juge Fialaire Avocats

TJ Lyon, 3e ch. cab. 03 D, du 16 sept. 2…

16 septembre 2021

Suivant bail commercial du 10 octobre 2013, la société Terideal Tarvel occupe des locaux situés à [Localité 4], propriété de la société Eurogal.

Une fuite d'eau repérée en juin 2017 sur une canalisation d'alimentation enfouie sous le parking a donné lieu au remplacement d'une conduite et à la mise en place d'un regard de contrôle aux frais du bailleur.

La société Véolia, distributeur de l'eau, a réclamé à la société Terideal Tarvel le paiement de la consommation de 21'665 m³ d'eau pour un prix total de 64'551,01 euros correspondant à près de 70 ans de consommation habituelle de la société preneuse. Après négociations, la société Veolia a accepté de réduire la somme réclamée. La preneuse a sollicité de sa bailleresse qu'elle prenne cette facture en charge, en vain, la société bailleresse faisant valoir que la fuite s'expliquerait par un défaut d'entretien et par la carence de la preneuse dans les obligations contractuelles mises à sa charge.

La société Terideal Tarvel a fait assigner la société Eurogal devant le tribunal judiciaire de Lyon par acte d'huissier de justice du 15 octobre 2020 afin d'obtenir le paiement de la somme de 31.876,31 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2017.

Par jugement du 16 septembre 2021, le tribunal l'a déboutée de ses demandes, aux motifs qu'aux termes du contrat de bail, elle s'était engagée à 'ne pas exiger du bailleur d'indemnité ou de diminution de loyer pour tous accidents ou tous dégâts qui pourraient survenir dans les lieux loués par suite de rupture de canalisation, de gaz, d'eau, d'électricité ou de chauffage central, renonçant dès à présent à exercer toutes actions de ce chef contre le bailleur, le bailleur s'engageant toutefois à faire le nécessaire pour remédier, dans la mesure où cela pourra dépendre de lui-même, aux causes de l'interruption', et que la société preneuse ne rapportait pas la preuve de la vétusté de la conduite d'eau.

La société Terideal Tarvel a relevé appel de la décision par déclaration du 11 octobre 2021.

Par conclusions déposées au greffe le 1er juillet 2022, la société Terideal Tarvel demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- condamner la société Eurogal au paiement de la somme de 31.876,31 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure initiale du 20 novembre 2017,

- ordonner l'anatocisme,

- condamner la société Eurogal au paiement d'une somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Eurogal aux entiers dépens de l'instance et dire que la SAS Tudela Werquin et associés pourra poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il n'est nullement établi que le changement de la canalisation en fonte d'origine relevait de l'obligation d'entretien et de réparation à laquelle elle était tenue, ni que son activité soit à l'origine de la dégradation de cette installation.

Elle soutient que les grosses réparations définies par l'article 606 du code civil sont à la charge du bailleur et que le changement de la canalisation en raison de sa vétusté entre dans les prévisions de ce texte et de l'article 1755 du code civil.

Elle s'appuie sur la facture de réparation et son croquis prévoyant le changement et non la réparation de la canalisation et sur la prise en charge du coût des travaux par la bailleresse pour affirmer qu'ils relevaient de la vétusté. Elle ajoute qu'en l'absence de regard elle ne pouvait pas assurer l'entretien auquel elle était tenue et conteste que des véhicules lourds fassent des déplacements sur les lieux loués et soient à l'origine du sinistre, le parking étant dévolu aux véhicules de tourisme et aux utilitaires légers. Elle fait observer que la clause de non-garantie sur laquelle s'est appuyé le tribunal pour rejeter sa demande n'exonère pas le bailleur de la garantie des vices cachés et que la clause 'responsablité recours assurance' doit s'apprécier strictement et ne mentionne ni la vétusté ni le vice de la chose.

Par conclusions déposées au greffe le 9 février 2022, la société Eurogal demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositons,

En conséquence,

- débouter la SAS Terideal Tarvel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Terideal Tarvel aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Elle fait essentiellement valoir que les clauses dérogeant de façon expresse et non équivoque à l'obligation du bailleur de garantir les vices de la chose louée sont valables, que la société preneuse était soumise à une obligation d'entretien des canalisations et qu'elle ne rapporte pas la preuve que la fuite serait la conséquence de la vétusté de la canalisation. Elle ajoute que la société qui a réalisé les travaux évoque une canalisation non entretenue et soutient qu'aucune norme ou disposition réglementaire n'impose la présence de regard. Enfin, elle fait valoir que l'appelante ne rapporte pas la preuve du paiement qu'elle invoque et que la première facture de la société Véolia équivalait au coût de dix piscines olympiques alors que la perte d'eau aurait eu lieu en trois jours, que les sommes facturées à la société preneuse se fondent sur l'estimation de sa consommation depuis 2016 et que contrairement aux recommandations de la société Véolia, l'appelante n'a pas introduit de procédure de vérification de son compteur, alors qu'une erreur de facturation était envisageable.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.

MOTIVATION

Vu l'article 1721 du code civil aux termes duquel il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui empêche l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ; s'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.

La société Terideal Tarvel ne conteste pas que ce texte n'est pas d'ordre public et que le bail liant les parties a été conclu avant le 5 novembre 2014, de sorte que la clause selon laquelle le preneur s'engage à exiger du bailleur aucune indemnité ni diminution de loyer pour toute interruption dans les services de l'immeuble ni pour tous accidents ou tous dégâts qui pourraient survenir dans les lieux loués par suite de ruptures de canalisation de gaz d'eau, d'électricité ou de chauffage central ne contrevient pas aux dispositions légales.

Elle ajoute que si, en sa qualité de preneuse, elle a pris l'engagement d'entretenir les lieux loués en parfait état de réparations locatives, les grosses réparations définies par l'article 606 du code civil sont à la charge du bailleur, ce qui a conduit la société Eurogal à prendre en charge le coût de la réfection de la canalisation à l'origine de la fuite.

Elle s'appuie comme en première instance sur l'attestation de la société SEEM qui a procédé à la réparation et sur le croquis qui figure au verso, ainsi que sur le fait que la bailleresse a financé le remplacement de la canalisation pour affirmer que celle-ci était affectée de vétusté, ce qu'elle considère comme d'autant plus plausible que l'absence de regard rendait impossible son entretien.

L'attestation du directeur général de la société DEEM en date du 12 juin 2017 est ainsi rédigée : je soussigné (...) atteste avoir procédé à la réparation d'une fuite d'eau dans le bâtiment [Adresse 1].

Il ne peut être déduit des termes de cette attestation que la canalisation fuyarde était atteinte de vétusté. D'autre part, dans une réponse adressée par la bailleresse à la société Tarvel qui lui demandait de prendre en charge la facture de la société Veolia, la société Eurogal a écrit que la fuite trouve son origine dans une 'canalisation en fonte non entretenue traversant le parking'. Or, si un défaut d'entretien peut aboutir à la vétusté d'une installation, il ne la révèle pas systématiquement, ainsi que le fait pertinemment valoir la société Eurogal qui évoque comme origines possibles de la fuite le gel, une fissure, une déboitement, la perméabilité des parois de la canalisation, un choc important notamment ; cette lettre de la société Eurogal ne confirme donc nullement les affirmations de la société Terideal Tarvel quant à la vétusté de la canalisation.

Enfin, le paiement de la réparation par la société Eurogal ne peut être interprété comme une reconnaissance par la bailleresse de la vétusté de cet équipement.

En conséquence, la société Terideal Tarvel ne démontre pas davantage qu'en première instance qu'il lui est dû garantie par son bailleur du coût de la surconsommation d'eau sur le fondement de l'article 1721 du code civil au titre du vice caché de la canalisation consistant dans sa vétusté, faute par elle de rapporter la preuve de la vétusté qu'elle allègue.

La société Terideal Tarvel soutient également qu'elle ne pouvait assurer l'entretien de la canalisation qui n'était pas équipée d'un regard. Cependant, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'aucune inspection de la canalisation par un professionnel n'était réalisable en l'absence d'un tel équipement, ni qu'elle était dans l'impossibilité de satisfaire à son obligation contractuelle,de sorte que ce moyen est sans emport.

Enfin, la société Terideal Tarvel fait valoir que la clause 'responsabilité recours assurance' du bail doit être interprétée strictement et ne mentionne ni la vétusté ni le vice de la chose.

Cette clause stipule que le preneur devra faire son affaire personnelle, sans recours contre le bailleur de tous dégâts causés aux lieux loués et aux objets s'y trouvant par suite de fuites, d'infiltrations, d'humidité ou d'intervention de tout service public ou de refoulement d'égout ou pour toute autre circonstance, le preneur devant s'assurer contre ces risques sans recours contre le bailleur.

En l'espèce, la société preneuse n'allègue aucun dégât causé aux lieux loués ou aux objets qui s'y trouvaient mais uniquement un préjudice financier découlant de la surconsommation d'eau qui n'entre donc pas dans les prévisions de la clause qu'elle cite.

En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé dans toutes ses dispositions, et la société Terideal Tarvel, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SAS Tudela Werquin et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement à la société Eurogal d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du même code, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 16 septembre 2021 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Terideal Tarvel aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SAS Tudela Werquin et associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au paiement à la société Eurogal d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du même code, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

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