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Décisions

CA Metz, 6e ch., 24 avril 2025, n° 23/02143

METZ

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseillers :

Mme Devignot, Mme Dussaud

Avocats :

Me Bettenfeld, Me Biver-Pate

TJ Metz, du 5 sept. 2023, n° 23/00067

5 septembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par acte d'huissier signifié en date du 31 janvier 2023, M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] ont fait assigner Mme [B] [O] épouse [H] devant le Président du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé, sur le fondement de l'article L. 145-41 du Code de commerce pour le voir :

Donner acte à la bailleresse de ce qu'elle a levé un état faisant apparaître aucun privilège de nantissement.

Constater que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail régularisé entre les parties est acquise depuis 16 décembre 2022.

Dire et juger que le bail commercial est résilié à compter de cette date.

Constater que Mme [B] [O] épouse [H] est occupante sans droit ni titre

Ordonner l'expulsion dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir de Mme [B] [O] épouse [H] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 5] à [Localité 3] et de toutes leurs dépendances.

Accorder le concours de la force publique et d'un serrurier.

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 12 037,23 euros à titre de provision sur les loyers impayés jusqu'à janvier 2023, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2022 sur la somme de 10 717,23 euros et sur le solde de la créance soit l 320 euros à compter de la présente assignation.

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 1 000 euros par mois à titre de provision d'indemnité d'occupation pour la période courant à compter du 1°' février 2023 et jusqu'à libération effective des lieux, tout mois commencé étant dû en totalité et chaque indemnité étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé.

Rappeler le caractère exécutoire par provision de la décision à intervenir.

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, y compris les frais de commandement de payer.

Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 05 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz a :

Renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales de M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] ;

Condamné M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] à payer à Mme [B] [O] épouse [H] la somme de l 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] aux frais et dépens ;

Débouté les parties de toute autre demande ;

Rappelé que cette ordonnance de référé est immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d'appel.

Par déclaration du 13 novembre 2023, M. et Mme [T] ont a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation, de cette ordonnance en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales de M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T], qui tendaient notamment à :

condamné M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] à payer à Mme [B] [O] épouse [H] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

condamné M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] aux dépens

Par courrier adressé par RPVA le 04 avril 2024, le greffier de la cour d'appel de Metz a rappelé à Mme [O] les dispositions de l'article 963 du code de procédure civile relatives à l'obligation de justifier, à peine d'irrecevabilité des défenses, de l'acquittement du timbre fiscal de 225 euros prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts et l'a informé que le magistrat, en application de l'article 62-5 du code de procédure civile, avant de prononcer l'irrecevabilité, l'invitait à formuler ses observations sur les raisons de ce non-paiement. Le greffier a également indiqué à Mme [O] la possibilité pour elle de régulariser sa situation au plus tard pour le 04 juillet 2024 à défaut de quoi l'irrecevabilité des demandes pourra être constatée d'office.

L'avocat de Mme [O], a déposé son mandat le 03 juillet 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 11 avril 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. et Mme [T] demandent à la cour d'appel de :

« Recevoir l'appel de M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T].

Infirmer l'ordonnance de référé du 5 septembre 2023 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a :

- 1/ dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales de M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T], qui tendaient notamment à :

- Donner acte à la bailleresse de ce qu'elle a levé un état faisant apparaître aucun privilège de nantissement.

- Constater que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail régularisé entre les parties est acquise depuis 16 décembre 2022.

- Dire et juger que le bail commercial est résilié à compter de cette date.

- Constater que Mme [B] [O] épouse [H] est occupante sans droit ni titre.

- Ordonner l'expulsion dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir de Mme [B] [O] épouse [H] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 5] à [Localité 3] et de toutes leurs dépendances.

- Accorder le concours de la force publique et d'un serrurier.

- Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 12 037,23 euros à titre de provision sur les loyers impayés jusqu'à janvier 2023, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2022 sur la somme de 10717,23 euros et sur le solde de la créance soit 1 320 euros à compter de la présente assignation.

- Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 1 000 euros par mois à titre de provision d'indemnité d'occupation pour la période courant à compter du 1" février 2023 et jusqu'à libération effective des lieux, tout mois commencé étant dû en totalité et chaque indemnité étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé.

- Rappeler le caractère exécutoire par provision de la décision à intervenir.

- Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à verser à M. [I] [T] et Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, y compris les frais de commandement de payer.

- 2/ condamné M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] à payer à Mme [B] [O] épouse [H] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- 3/ condamné M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] aux dépens

Et statuant à nouveau.

Juger que les demandes de M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] ne se heurte à aucune contestation sérieuse,

Donner acte à la bailleresse de ce qu'elle a levé un état faisant apparaître aucun privilège de nantissement.

Constater que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail régularisé entre les parties est acquise depuis 16 décembre 2022.

Juger que le bail commercial est résilié à compter de cette date.

Juger que Mme [B] [O] épouse [H] est occupante sans droit ni titre.

Ordonner l'expulsion dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir de Mme [B] [O] épouse [H] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 5] à [Localité 3] et de toutes leurs dépendances.

Accorder le concours de la force publique et d'un serrurier.

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à payer à M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] une somme de 11.377,23 euros à titre provisionnel et à valoir sur les loyers et charges impayés au 16 décembre 2022.

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à payer à M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T], toujours à titre provisionnel, une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation de 1.000 euros à compter du 16 décembre 2022, et ce jusqu'à libération effective des locaux, tout mois commencé étant dû en totalité et chaque indemnité étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé.

Ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière.

Sur la demande reconventionnelle :

Rejeter la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Très subsidiairement et s'il y était fait droit,

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à régler la dette en 24 mensualités égales, au plus tard le 5 de chaque mois en sus des autres obligations pécuniaires mises à sa charges (loyer et charges),

Juger qu'en cas de manquement même partiel ou de retard s'agissant d'une seule échéance, que ce soit en terme de loyers, charges ou délais de paiement, les délais de paiement accordés seront caducs et M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] en droit de poursuivre l'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.

En tout état de cause,

Déclarer Mme [B] [O] épouse [H] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses demandes fins moyens conclusions et prétentions et les rejeter,

Déclarer M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] recevables et bien fondés en l'ensemble de leur demandes fins moyens conclusions et prétentions et les accueillir,

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] à payer solidairement à M. [I] [T] et de Mme [Y] [K] épouse [T] la somme de 1 500 euros par instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [B] [O] épouse [H] aux entiers frais et dépens de première instance en ce compris les frais afférents au commandement de payer. »

Au soutien de leurs prétentions, M. et Mme [T] exposent qu'il est incontesté et incontestable qu'ils sont liés à Mme [O] par un contrat de bail dérogatoire et soumis aux articles L. 145-41 du code de commerce. Ils soutiennent ensuite que s'il appartient au créancier d'apporter la preuve de l'obligation qu'il invoque, c'est au débiteur de prouver qu'il s'est libéré de son obligation. Ils estiment ainsi, par la production du contrat de bail, établir la preuve de l'obligation de paiement des loyers pesant sur Mme [O] de même que l'existence de la clause résolutoire présente dans le contrat de bail à l'article 2.8. Selon eux, le premier juge a inversé la charge de la preuve.

Affirmant que Mme [O] n'a jamais démontré s'être acquittée de ses obligations contractuelles, M. et Mme [T] soutiennent qu'il n'y a eu aucune régularisation de l'arriéré de loyer dans le mois suivant le commandement de payer et qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur la question de l'acquisition de la clause résolutoire au 16 décembre 2022.

M. et Mme [T] précisent avoir réédité un extrait de compte clair, cette fois sans doublon, reprenant les sommes dues au titre des loyers et appels de provision sur charge depuis le 12 juin 2020, le montant des sommes payées par la locataire ainsi que le solde progressif. Ils estiment démontrer, au 1er décembre 2023, un arriéré de loyer s'élevant à la somme de 19 148,06 euros. Ils ajoutent que la franchise de loyer pour travaux figure à la fois dans la colonne débit et dans la colonne crédit, alléguant qu'il s'agit de la bonne représentation comptable.

Les appelants sollicitent, du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, une indemnité provisionnelle de 1 000 euros par mois à compter du 16 décembre 2022 jusqu'à la libération effective des lieux, tout mois commencé étant dû en totalité et chaque indemnité étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé.

M. et Mme [T] exposent ensuite que les délais de paiement sont réservés aux débiteurs de bonne foi justifiant être en mesure de faire face à leur dette en 24 mois tandis que Mme [O], selon eux, n'aurait pratiquement pas fait de règlement depuis deux ans et n'est donc pas un débiteur de bonne foi. Les appelants ajoutent que Mme [O] ne justifie pas être en mesure de s'acquitter de sa dette dans un délai de 24 mois et allègue au contraire avoir des difficultés financières la contraignant à cumuler plusieurs emplois.

A titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande de délai, les appelants demandent à ce que Mme [O] soit condamnée au règlement de sa dette par virement de 24 mensualités égales, au plus tard le 5 de chaque mois en sus des autres obligations pécuniaires mises à sa charge. Ils sollicitent également que soit précisé qu'en cas de manquement ou de retard pour le règlement d'une seule échéance, les délais de paiement seront caducs les laissant en droit de poursuivre l'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.

Par conclusions du 12 mars 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [O] demande à la cour d'appel de :

« Débouter M. et Mme [T] de leur appel,

Confirmer l'ordonnance,

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article L. 145-41 2nd alinéa du Code de Commerce,

Accorder à Mme [B] [H] née [O] un délai de deux ans pour satisfaire aux causes du commandement délivré en date du 16 novembre 2022,

Suspendre, pendant ledit délai, les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial, et visée dans le commandement en cause,

En tout état de cause,

Condamner M. et Mme [T] à payer à Mme [B] [O] épouse [H] une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »

Au soutien de ses prétentions, Mme [O] affirme que les décomptes produits par M. et Mme [T] comportent des inexactitudes et sont incompréhensibles. Mme [O] expose également qu'elle a fait plusieurs chèques au bailleur qui n'ont pas été encaissés. L'intimé en déduit que les demandes de M. et Mme [T] souffrent donc bien d'une contestation sérieuse et que l'ordonnance mérite par conséquent d'être confirmée.

A titre infiniment subsidiaire, Mme [O] s'estime fondée à solliciter des délais de paiement et une suspension des effets de la clause résolutoire en application de l'article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce. Elle expose pour le démontrer avoir eu des difficultés à l'ouverture de son commerce, questionne la conformité des locaux eu égard à leur destination, qu'elle est contrainte de cumuler plusieurs emplois mais qu'elle a désormais repris son activité plus fortement.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il est observé que M. et Mme [T] sollicitent de voir déclarer leur appel irrecevable. Rien ne s'y oppose et il y sera donc fait droit.

De même une demande de « donner acte » ne constitue pas une prétention et il n'y a pas lieu d'y répondre.

Sur la recevabilité des conclusions de Mme [O]

Selon l'article 963 du code de procédure civile, lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. Sauf en cas de demande d'aide juridictionnelle, l'auteur de l'appel principal en justifie lors de la remise de sa déclaration d'appel et les autres parties lors de la remise de leur acte de constitution par l'apposition de timbres mobiles ou par la remise d'un justificatif lorsque le droit pour l'indemnisation de la profession d'avoué a été acquitté par voie électronique. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents.

En l'espèce, Mme [O] n'a pas justifié de l'acquittement du timbre fiscal tel qu'imposé par la loi malgré le rappel adressé par le greffe le 04 avril 2024 lui demandant de régulariser la procédure ou de faire valoir ses observations sur la recevabilité de l'appel, au plus tard pour le 04 juillet 2024. La situation n'a pas été régularisée au jour fixé et Mme [O] n'a fait valoir aucune observation ni justifié être dispensée du paiement du timbre fiscal.

En conséquence, il y a lieu de constater l'irrecevabilité des conclusions déposées par Mme [O] le 12 mars 2024.

Ses conclusions étant irrecevables, Mme [O] est réputée ne pas avoir conclue et ainsi, en application de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, il convient de s'approprier les motifs de l'ordonnance dont appel.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la constatation de la résiliation du bail

En vertu de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'article L145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai ».

Il est constant que la clause résolutoire ne peut jouer que si elle est invoquée de bonne foi par le bailleur.

En l'espèce, M. et Mme [T] sont liés avec Mme [O] par un contrat de bail conclu le 09 juin 2020, pour prendre effet le 15 juin suivant, portant sur des locaux sis [Adresse 5]. Il est convenu un loyer mensuel hors taxe de 600 euros et une provision sur charges de 60 euros par mois. S'il apparait dans le contrat une clause de révision du loyer, il ressort des décomptes fournis par M. et Mme [T] que le loyer n'a pas été modifié.

Figure également dans le bail une clause résolutoire, à l'article 2.8, libellée ainsi : « Il est expressément convenu, qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou à défaut de remboursement à leur échéance exacte de toutes sommes accessoires audit loyer, notamment provisions, frais, taxes, impositions charges ou en cas d'inexécution de l'une quelconque des clauses et conditions du présent bail, celui-ci sera résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou d'exécuter demeuré infructueux, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice.

Dans le cas où le PRENEUR se refuserait à quitter les biens loués, son expulsion pourrait avoir lieu sur simple ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent et exécutoire par provisions, nonobstant appel. »

Selon acte d'huissier du 16 novembre 2022, M. et Mme [T] ont signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire suscitée, mentionnant le délai d'un mois pour exécuter et réclament un arriéré de loyer de 10 717,23 euros.

M. et Mme [T], en produisant notamment le contrat de bail, apportent la preuve de l'obligation pesant sur Mme [O] de régler un loyer en contrepartie de la mise à disposition d'un local commercial. C'est en revanche à Mme [O] d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation.

M. et Mme [T] produisent en outre des décomptes datés 02 janvier 2023 et 21 avril 2023 sur lesquels figurent les sommes appelées, comprenant notamment le loyer et les charges, mais également les règlements effectués par Mme [O]. Il est exact que le montant de la dette de Mme [O] inscrit sur ce document souffre d'une contestation sérieuse car, comme relevé par le juge des référés, le décompte comprend des doublons de loyers.

Toutefois, il n'a pas été remis en cause que Mme [O] a eu jouissance du local commercial en application du bail à compter du 15 juin 2020 et que c'était encore le cas au jour du commandement de payer, soit au 16 novembre 2022. Le loyer dû sur cette période, correspondant à 29 mois et 1 jour, dépend donc du loyer contractuellement convenu dont il est rappelé qu'il a été fixé à 660 euros, en ce compris les provisions sur charge, et qu'il ne ressort pas de l'ordonnance dont que Mme [O] ait contesté le montant du loyer et des provisions sur charge.

Ainsi, le montant du loyer du par Mme [O] sur cette période s'élève à un total de 19 778 euros [29 x 660 + (660/30)].

M. et Mme [T], au travers de leurs décomptes datés des 02 janvier 2023 et 21 avril 2023, reconnaissent avoir perçu de Mme [O] la somme totale de 15 332,30 euros. Aucun autre document ni élément tiré de l'ordonnance permet d'établir l'existence de paiements autres que ceux reconnus par M. et Mme [T].

S'il est observé que M. et Mme [T] produisent également un décompte daté du 07 décembre 2023 reconnaissant un règlement total de Mme [O] non pas de 15 332,30 euros mais de 12 332,30 euros, aucune explication n'est apportée quant à cette différence. Seul le montant le plus élevé doit être retenu afin de déterminer la part de l'arriéré de loyer qui ne souffre d'aucune contestation sérieuse.

De plus, sur les décomptes du 02 janvier 2023 et 21 avril 2023, un paiement de 1 200 euros est affecté au paiement du dépôt de garantie, coïncidant avec la clause 1.10 du contrat de bail. Il convient donc de déduire cette somme, dont l'affectation au règlement du dépôt de garantie n'a pas été contestée par Mme [O], des 15 332,30 euros sus-évoqués. La somme est ainsi ramenée à 14 132,30 euros (15 332,30 ' 1 200).

Il est en outre observé que M. et Mme [T] ont affecté certains paiements de Mme [O] à des factures d'électricité produites par les bailleurs.

Toutefois, les circonstances de la souscription du contrat d'électricité et du paiement de ces factures nécessitent un examen plus approfondi échappant au pouvoir du juge des référés.

N'ayant lieu à référé sur ce point, il n'y a pas lieu de suivre l'affectation des règlements retenue par les bailleurs ni de déduire cette somme du montant total réglé par Mme [O].

De plus, s'il apparait dans le contrat une clause 1.16. « Autres informations ou conditions particulières » par laquelle le bailleur consent une franchise de loyer de six mois, correspondant à 3 600 euros, en contrepartie des travaux effectués dans le local par le preneur, cette franchise apparait pourtant en ligne de compte débit et en crédit comme payée par Mme [O]. L'appréciation de cette affectation nécessite un examen plus approfondi échappant au juge des référés.

Là encore, pour reconstituer la part de l'arriéré de loyer ne souffrant d'aucune contestation sérieuse, il n'y a pas lieu de déduire cette somme de 3 600 euros des montants reconnus réglés par Mme [O] suivant l'affectation faite par M. et Mme [T].

En définitive, la part de l'arriéré de loyer ne souffrant d'aucune contestation sérieuse s'élève à la somme de 5 645,70 euros (19 778 - 14 132,30).

Dans le mois suivant la réception du commandement de payer, aucun paiement de Mme [O] n'est justifié.

Le commandement de payer est donc resté sans effet et la clause résolutoire invoquée par M. et Mme [T] a joué de plein droit le 16 décembre 2022.

Le maintien dans les lieux de Mme [O] constituant depuis cette date une occupation sans droit ni titre et donc un trouble manifestement illicite, il y a lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de bail.

Suivant les mêmes motifs, il y a lieu d'ordonner, à défaut de libération volontaire des lieux à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, l'expulsion de Mme [O] et de tout occupant de son chef du local commercial sis [Adresse 5], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle à dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales de M. et Mme [T] et il y sera statué à nouveau.

Sur les demandes de provisions

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Au titre de l'arriéré de loyer

En l'espèce, il a été établi que l'arriéré de loyer à la date du commandement de payer et donc au 16 novembre 2022, ne souffrait d'aucune contestation sérieuse sur la somme de 5 645,70 euros.

Aucun paiement de Mme [O] n'est démontré ni reconnu par M. et Mme [T] dans le mois suivant le commandement de payer de sorte qu'il convient de rajouter à la somme précitée le montant d'un loyer mensuel supplémentaire.

Il y a donc lieu de condamner Mme [O] à payer à M. et Mme [T] la somme provisionnelle de 6 305,70 euros (5 645,70 + 660 euros) au titre de l'arriéré de loyer.

Au titre de l'indemnité d'occupation

Mme [O] étant occupante sans droit ni titre depuis le 16 décembre 2022, il y a lieu d'octroyer à M. et Mme [T], à titre provisionnel, une indemnité d'occupation en réparation du dommage causé par le maintien dans les lieux de Mme [O].

M. et Mme [T] sollicitent une indemnité mensuelle de 1 000 euros, mais ne justifient pas le montant demandé. Le montant de l'indemnité sera ramené à la somme de 660 euros.

Dès lors, Mme [O] sera condamnée à payer, à titre provisionnel, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 660 euros à compter du 16 décembre 2022, jusqu'à libération effective des lieux.

L'ordonnance ayant été infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes principales de M. et Mme [T], et les demandes au titre de l'indemnité d'occupation et de l'arriéré de loyer ayant été formulées à titre principale en première instance par les appelants, il convient de préciser que la cour n'ajoutera pas à la décision mais statuera à nouveau sur ces points.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour infirme l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Metz le 05 septembre 2023 en ce qu'il a condamné M. et Mme [T] aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [O] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, Mme [O], qui succombe, sera condamnée, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à M. et Mme [T] la somme de 1 500 pour la procédure de première instance et 1 500 euros pour la procédure d'appel.

Mme [O] sera également condamnée au paiement des dépens d'instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'appel principal de M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K] ;

Déclare irrecevables les conclusions déposées par Mme [O] le 12 mars 2024 ;

Infirme l'ordonnance rendue le 05 septembre 2023 par juge des référés du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Statuant à nouveau,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail conclu entre M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K], d'une part, et Mme [B] [H] née [O], d'autre part, portant sur un local à usage commercial sis [Adresse 5] ;

Constate la résiliation du bail conclu entre M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K], d'une part, et Mme [B] [H] née [O], d'autre part, portant sur un local à usage commercial sis [Adresse 5] ;

Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, l'expulsion de Mme [B] [H] née [O] et de tout occupant de son chef du local commercial sis [Adresse 5], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Condamne Mme [B] [H] née [O] à payer à M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K] la somme provisionnelle de 6 305,70 euros au titre de l'arriéré de loyer ;

Condamne Mme [B] [H] née [O] à payer à M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K] la somme provisionnelle de 660 euros par mois à compter du 16 décembre 2022 et jusqu'à libération effective des lieux ;

Condamne Mme [B] [H] née [O] aux dépens d'instance ;

Condamne Mme [B] [H] née [O] à payer à M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [H] née [O] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [B] [H] née [O] à payer à M. [I] [T] et Mme [Y] [T] née [K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

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