CA Reims, ch. soc., 24 avril 2025, n° 24/00743
REIMS
Arrêt
Autre
Arrêt n° 218
du 24/04/2025
N° RG 24/00743 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPTX
OJ / ACH
Formule exécutoire le :
24 / 04 / 2025
à :
- [U]
- [L]
- [C]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 24 avril 2025
APPELANT :
d'une décision rendue le 15 avril 2024 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALONS EN CHAMPAGNE, section ENCADREMENT (n° F23/00091)
Monsieur [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Christophe GUYOT de la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS :
Maître [D] [A]
agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la Liquidation Judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP, fonctions auxquelles elle a été nommée selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CHALONS EN CHAMPAGNE le 1er/06/2023
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
Association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Mikaël MATHIEU de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau D'AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 février 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 03 avril 2025, prorogée au 24 avril 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Le 1er septembre 2019, un contrat de travail à durée indéterminée a été établi entre M. [F] [B] et la société HOTEL DE LA CLOCHE SP pour un emploi de responsable d'hôtel.
Par avenant du 1er mars 2022, M. [F] [B] a été promu au poste de directeur d'hôtel/restaurant avec un salaire brut mensuel de 3.055 euros.
Le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire le 1er juin 2023, en fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 1er janvier 2022 et en désignant Me [D] [A] en qualité de mandataire liquidateur.
Le 8 juin 2023, M. [F] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'une demande de rappel de salaires.
Un entretien préalable à un éventuel licenciement pour cause économique a été organisé le 12 juin 2023.
Le 16 juin 2023, M. [F] [B] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle prenant effet le 3 juillet 2023.
Par jugement en date du 15 avril 2024, le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne a :
donné acte à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] de son intervention ;
débouté M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
condamné M. [F] [B] aux entiers dépens de l'instance ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
M. [F] [B] a formé appel le 3 mai 2024.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 25 juillet 2024 par voie électronique, M. [F] [B] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en date du 15 avril 2024 ;
Statuant à nouveau,
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP à son bénéfice les sommes suivantes :
- 12.220,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 9.165 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 916,50 euros au titre des congés payés afférents ;
- 35.253,12 euros bruts au titre des arriérés de salaires ;
- 3.525,31 euros au titre des congés payés afférents ;
- juger que l'AGS CGEA D'[Localité 7] devra garantir le règlement du montant des sommes allouées, et au besoin l'y condamner ;
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP les entiers dépens ;
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP à son bénéfice la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir en l'ensemble de ses dispositions.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 30 juillet 2024 par voie électronique, Me [D] [A], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP, demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 15 avril 2024 en ce qu'il n'a pas statué explicitement sur sa compétence dans son dispositif ;
- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, seul compétent pour connaître de ce litige, dans la mesure où :
- il n'a jamais existé aucun lien de subordination réel entre M. [F] [B] et la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP ;
- M. [F] [B] ne produit aucune preuve d'un cumul entre sa fonction de président de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP et des fonctions techniques distinctes, pas plus que de l'existence d'un lien de subordination au cours de la période entre le 1er septembre 2019 et le 15 février 2022 où il a dirigé la société ;
- le contrat de travail invoqué est fictif compte tenu de la tentative de fraude de M. [B] qui a déjà été impliqué dans trois liquidations judiciaires, dont une ayant été clôturée pour insuffisance d'actif et une deuxième est en passe de l'être ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 15 avril 2024 en ce qu'il a débouté M. [F] [B] de ses demandes ;
- débouter M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes de rappels de salaires dans la mesure où elles sont fondées sur un avenant régularisé au cours de la période suspecte, cet avenant étant un contrat commutatif déséquilibré au regard de l'augmentation de 85 % de la rémunération qu'il permettait ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes financières en découlant (préavis, congés payés sur préavis et dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) dans la mesure où il échoue à rapporter la preuve de manquements suffisamment graves à même de justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, et compte tenu de la tardiveté de sa réaction ;
A titre subsidiaire,
- fixer la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 15 juin 2023, date de l'envoi du courrier de notification de licenciement ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis dans la mesure où il a adhéré au CSP ;
- réduire la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1.527,50 euros correspondant à 0,5 mois de salaires ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande de frais irrépétibles au regard de la situation respective des parties, la liquidation judiciaire étant impécunieuse ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande au titre des dépens de l'instance.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 25 octobre 2024 par voie élecronique, l'UNEDIC (Délégation AGS CGEA d'[Localité 7]) demande à la cour :
- à titre principal, confirmer le jugement rendu le 15 avril 2024 par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et l'a condamné aux entiers dépens ;
- à titre subsidiaire, dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles l'employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail ;
- dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s'appliquer sur les indemnités de rupture, l'article 700 du CPC.
Motifs de la décision:
1) Sur l'existence d'un contrat de travail:
Moyens des parties:
Me [D] [A], ès qualités, soutient que M. [F] [B] a été le président et l'unique associé de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP de sa création le 19 février 2018 au 15 février 2022, date de sa démission du mandat de président et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un cumul entre le contrat de travail et le mandat social au cours de cette période.
Le liquidateur estime que M. [F] [B] n'établit pas l'existence de fonctions techniques distinctes ni d'un lien de subordination, puisqu'il a signé le contrat de travail du 1er septembre 2019 en qualité d'employeur et de salarié, qu'il était l'interlocuteur de l'URSSAF pour la déclaration préalable à l'embauche, qu'il signe les contrats de travail des salariés et ceux avec la banque.
Il indique que M. [F] [B] a déjà été concerné par des procédures collectives, qu'il n'ignore pas que le seul créancier susceptible de recevoir un paiement dans une liquidation judiciaire impécunieuse est le salarié grâce à l'intervention de l'AGS et qu'il a bénéficié opportunément d'une forte augmentation de salaire après sa démission du mandat de président de la société.
Le liquidateur expose que le conseil de prud'hommes a constaté l'absence de lien de subordination mais n'a pas tiré les conséquences de sa décision en se déclarant incompétent au profit du tribunal judiciaire.
Quant à la période postérieure au 1er mars 2022, le liquidateur soutient qu'aucune directive n'a été fournie par le nouveau président, qui n'a jamais eu la signature bancaire, que M. [F] [B] ne rend compte de son activité à personne. Il soutient également que l'avenant est entaché de nullité, dès lors qu'il a été conclu au cours de la période suspecte, alors que la société connaissait des difficultés économiques et que la rémunération de M. [F] [B] est disproportionnée et excessive en raison de l'augmentation de 85 % du salaire brut pour des fonctions similaires.
M. [F] [B] conteste l'argumentation du mandataire liquidateur en indiquant qu'il inverserait la charge de la preuve, puisqu'il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'absence de lien de subordination.
Il soutient qu'il a travaillé pour la société et que l'avenant du 1er mars 2022 a été signé par M. [J].
Il ajoute qu'il n'est pas responsable du refus de ce dernier de répondre au liquidateur ou d'honorer ses convocations, d'autant qu'il ne retirait pas les lettres recommandées qui lui étaient adressées.
Il estime que M. [J] est présenté à tort par le liquidateur comme un 'gérant de paille', alors qu'il a déjà été dirigeant de sociétés avec lesquelles il n'avait aucun lien.
Quant aux relations avec la banque, M. [F] [B] estime qu'il n'est pas justifié que la société avait seulement un compte à la banque LCL laquelle n'a pas trouvé trace d'une prise de signature de M. [J] et il soutient que le liquidateur ne démontre pas qu'il a fait usage d'un mode de paiement de la société.
Il soutient qu'il a fait délivrer une sommation de communiquer les ordres de virement et les chèques émis par la société à laquelle le conseil du liquidateur a refusé de donner suite.
Il expose qu'en raison de ses fonctions et de sa présence régulière dans l'établissement, il était l'interlocuteur des fournisseurs et des créanciers de l'hôtel et que c'est à ce titre qu'il a été destinataire de la copie de la déclaration de créance de la société SKYSTOCK, qui avait reçu des chèques impayés signés par M. [J].
Quant à l'avenant du 1er mars 2022, M. [F] [B] affirme qu'à la suite de la cession de ses actions, le nouveau dirigeant a souhaité lui confier la direction de l'établissement en raison de sa connaissance de son fonctionnement et que le nouveau salaire est inférieur au taux horaire prévu par la convention collective. Il estime que le liquidateur ne démontre pas que sa rémunération est excessive par rapport à ses fonctions, ses compétences et son expérience.
L'UNEDIC - délégation AGS CGEA d'[Localité 7] estime que le lien de subordination est inexistant, dans la mesure où M. [F] [B] 'était le président de la société depuis sa prétendue embauche. Il s'est établi un contrat de travail à lui-même et n'avait de comptes à rendre qu'à lui-même'.
L'UNEDIC conclut à l'annulation de l'avenant établi au cours de la période suspecte et au rejet de la demande de rappel de salaires formée par M. [F] [B].
Règles applicables:
Il résulte de l'article L 1411-4 du code du travail que le juge prud'homal est compétent si le litige est en relation avec le travail ou s'il est né à l'occasion du contrat de travail.
L'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs et le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
Pour que le cumul d'un contrat de travail avec un mandat social soit admis, le contrat de travail doit correspondre à un travail effectif, avec des fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre du mandat social, et donner lieu à une rémunération spécifique. L'existence d'un lien de subordination est indispensable dans l'exercice de ces fonctions techniques et le contrat de travail ne doit pas avoir été conclu dans le but de frauder la loi.
Réponse de la cour:
Selon un extrait Kbis daté du 20 janvier 2022, la société HOTEL DE LA CLOCHE SP est une société par action simplifiée à associé unique, dont le président est M. [F] [B], avec une immatriculation le 22 février 2018 et un commencement d'activité fixé au 31 janvier 2019, un directeur général en la personne de M. [M] [B] étant également mentionné.
Selon le contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er septembre 2019, dont il n'est pas contesté qu'il a été signé par M. [F] [B] en sa double qualité de représentant de la société et de nouveau salarié, les attributions du responsable d'hôtel sont les suivantes :
- ouverture de l'établissement à 6 h et organisation du service de petits déjeuners;
- mise en place de la salle des petits déjeuners ;
- service en salle des petits déjeuners ;
- départs des clients avec facturations et encaissements correspondants ;
- planning des femmes de chambre et synchronisation de l'activité de l'équipe ;
- commandes, réceptions et rangements de tous les achats ;
- contrôle de la caisse ;
- dépôts en banque ;
- tenue du tableau de bord de l'exploitation de l'hôtel ;
- classement et archivage des documents ;
- réception clientèle de 18 h à 21 heures jusqu'à l'arrivée du veilleur de nuit.
Selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 15 février 2022, M. [F] [B] et M. [M] [B] ont démissionné de leurs fonctions de président et de directeur général, et M. [F] [B] a cédé l'ensemble de ses actions à M. [E] [J] [H], qui a été nommé président.
Cette cession d'actions est intervenue pour la somme d'un euro symbolique, selon les mentions d'une ordonnance de référé relative à l'acquisition d'une clause résolutoire insérée dans le bail commercial liant la SCI PARIS LA CLOCHE et la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP.
Les statuts de la société précisent que le président 'est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social', étant relevé que la version des statuts annexée au procès-verbal du 15 février 2022 établit que M. [F] [B] a accepté les fonctions de président lors de la création de la société le 19 février 2018.
Dans le cadre de l'avenant signé le 1er mars 2022, ne faisant apparaître que la signature attribuée à M. [J], alors que les fonctions de M. [F] [B] ne sont pas modifiées ni complétées, sa rémunération mensuelle brute est portée de 1.648,12 euros à 3.055 euros, l'avenant précisant 'toutes autres clauses du contrat de travail liant les parties demeurent inchangées, les parties entendant, en outre, que le présent avenant s'incorpore audit contrat et ne fasse qu'un avec lui'.
Il sera relevé que la copie intégrale du contrat de travail du 1er septembre 2019 n'est pas produite.
Ces éléments établissent un contrat de travail apparent, de sorte qu'il appartient au mandataire liquidateur de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail.
Il convient de relever que, depuis la création de la société jusqu'au 15 février 2022, M. [F] [B] a exercé la fonction de président de la société et qu'il était associé unique détenant la totalité des actions.
En effet, il ressort des pièces versées aux débats qu'il a établi un contrat d'extra avec Mme [X] [I] pour une durée de trois mois qui a été signé le 13 juillet 2019, un avenant renouvelant ce contrat le 10 octobre 2019 avec la mention 'pour l'entreprise, Mr [B] [F]', ainsi qu'un autre contrat d'extra daté du 1er juillet 2020 signé par M. [F] [B].
De plus, le liquidateur verse aux débats un échange en 2023 avec la banque LCL indiquant que la seule signature connue de l'organisme pour le fonctionnement du compte courant n° [XXXXXXXXXX01] est celle de M. [F] [B] telle qu'elle figure sur le document daté du 22 février 2019, aucune signature concernant M. [E] [J] [H] ne lui ayant été communiquée, malgré la modification intervenue en février 2022.
Cependant, compte tenu de la structure même de la société et de la détention par M. [F] [B] de la totalité des actions en sa qualité d'associé unique, il doit être considéré que, sur la période du 1er septembre 2019 au 15 février 2022, il n'existe pas de lien de subordination dès lors qu'il ne doit rendre compte de son activité présumée de salarié qu'à lui-même et qu'en raison du fonctionnement de la société depuis sa création, les fonctions évoquées dans le contrat de travail ne sont pas distinctes de son mandat social.
En conséquence, les demandes en paiement formées par M. [F] [B] au titre de la période antérieure au 15 février 2022 ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud'homale mais du tribunal judiciaire en l'absence de lien avec l'exercice du mandat social. Le jugement sera infirmé en ce qu'il n'a pas statué sur la compétence.
Il convient d'examiner la situation de M. [F] [B] pour la période postérieure au 1er mars 2022, dans la mesure où il n'était plus président de la société ni détenteur d'action.
Il ressort des termes de l'avenant du 1er mars 2022 que les fonctions de M. [F] [B] sont identiques à celles mentionnées dans le document du 1er septembre 2019, lesquelles ne relèvent pas des attributions d'un dirigeant de société.
Le liquidateur invoque la nullité du contrat en se fondant sur les dispositions de l'article L 632-1 du code de commerce qui prévoit que 'sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants (...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie'.
Cependant, une telle demande est née de la procédure collective et elle n'a pas été faite par le liquidateur en qualité de représentant de l'employeur mais dans l'intérêt collectif des créanciers, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive de la juridiction compétente en matière de procédure collective.
Il ressort des pièces produites par M. [F] [B] qu'il a reçu des bulletins de salaire pour la période concernée et que des virements ont été effectués sur son compte bancaire au titre de la rémunération, même s'il fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat sur des manquements à ce titre.
L'ensemble de ces éléments établissent le caractère apparent d'un contrat de travail sur la période postérieure au 1er mars 2022, de sorte qu'il appartient au liquidateur d'en rapporter le caractère fictif.
Or, en dehors des allégations relatives au déséquilibre financier de cet acte, il ne fournit aucun élément susceptible de combattre la présomption de salariat.
En conséquence, il appartient à la présente juridiction d'examiner la demande de résiliation judiciaire formée par M. [F] [B].
2) Sur la demande de résiliation judiciaire:
M. [F] [B] fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sur l'absence de bulletins de salaire pendant plusieurs mois, sur un défaut et un retard de paiement de salaires ainsi que sur une absence de paiement de 52 jours de congés payés, malgré les courriers qu'il a envoyés. Il soutient que sa situation financière a été rendue difficile, d'autant que ses moyens de paiement lui ont été retirés en raison des salaires impayés.
Le liquidateur fait valoir que M. [F] [B] a attendu l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire pour saisir la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire fondée sur un arriéré de salaire datant de près d'un an et demi. Il estime que M. [F] [B] n'établit pas suffisamment avoir sollicité le règlement des salaires ou la délivrance des bulletins de paie.
Sur ce,
Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée. La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La résiliation judiciaire produit ses effets au jour où le juge la prononce sauf si le contrat de travail a été rompu antérieurement. Si le salarié a été licencié avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire.
En l'espèce, M. [F] [B] verse aux débats des courriels qu'il a envoyés les 7 octobre 2022 et 26 novembre 2022 dans lesquels il se plaint de ne pas avoir reçu ses fiches de paye depuis le mois de mars 2022.
Il sera relevé que dans ces messages, il ne fait nullement référence à des défauts ou des retards de paiement de son salaire.
De plus, comme l'adresse électronique du destinataire est celle de l'hôtel, il n'est pas établi que ces messages ont été envoyés à son employeur, puisqu'à supposer réelles les fonctions mentionnées dans l'avenant du 1er mars 2022, la messagerie était nécessairement traitée par M. [F] [B] lui-même.
Enfin, M. [F] [B] produit les bulletins de salaire sur la période de février 2022 à janvier 2023, de sorte que le manquement reproché à son employeur a été régularisé.
Par ailleurs, M. [F] [B] verse aux débats les copies de trois courriers datés des 4, 12 et 16 janvier 2023, destinés à M. [E] [J], dans lesquels il invoque des retards de paiement du salaire ainsi que 52 jours de congés et il fait état de difficultés financières, sans fournir la moindre précision sur la période concernée par le défaut de paiement.
S'il produit la photocopie d'enveloppes retournées avec la mention 'pli avisé et non réclamé', comportant les cachets postaux à des dates pouvant correspondre à l'envoi desdits courriers, il y a lieu de relever que toutes ces lettres ont été envoyées à l'adresse de l'hôtel où M. [F] [B] était supposé assurer la réception.
Pour justifier des retards de paiement du salaire, M. [F] [B] verse aux débats seulement des relevés de compte sur la période d'avril 2022 à juillet 2022, sur lesquels apparaissent des virements émanant de l'hôtel de la cloche avec les mentions relatives à des acomptes ou des soldes de paie.
Si cela démontre une irrégularité dans la périodicité des paiements des salaires sur cette période, il sera constaté que ces éléments ne sont pas contemporains de la saisine de la juridiction prud'homale de la demande de résiliation judiciaire.
Enfin, en raison de l'imprécision des périodes de non paiement ou de retard de paiement de salaire, M. [F] [B] n'établit pas le manquement reproché à l'employeur.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [F] [B] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de confirmer le jugement de ce chef par substitution de motifs.
3) Sur la demande de rappel de salaires:
M. [F] [B] sollicite le paiement du salaire du mois de février 2022 ainsi que le paiement de onze mois de salaires sur la base du salaire mensuel brut de 3.055 euros, outre les congés payés afférents.
Le liquidateur conclut au débouté de cette demande en se fondant sur les moyens développés concernant la nullité de l'avenant du 1er mars 2022.
Il résulte de l'application combinée des articles 1315 du code civil et L 3243-3 du code du travail que c'est à l'employeur, débiteur du paiement du salaire, de prouver qu'il a effectivement payé le salaire, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne faisant pas présumer le paiement des sommes qui y figurent.
Sur la période de février 2022, dans la mesure où il n'y avait pas de lien de subordination, la demande de M. [F] [B] devra être examinée par la juridiction compétente à laquelle l'affaire est renvoyée de ce chef.
Quant aux autres périodes visées par l'intéressé, la cour ne peut que constater que la société HOTEL DE LA CLOCHE SP, prise en la personne de son liquidateur, ne justifie pas du paiement effectif des salaires dus à M. [F] [B].
Dès lors, la somme correspondant à onze mois de salaire et aux congés payés afférents sera fixée au passif de la liquidation.
4) Sur la novation de la créance et la garantie de l'AGS:
L'UNEDIC soutient que M. [F] [B] a attendu l'ouverture de la procédure collective pour saisir le conseil de prud'hommes et tenter d'obtenir la garantie de l'AGS, de sorte que la nature de la créance a été modifiée et qu'il ne s'agit pas d'une créance salariale.
Selon le liquidateur, la garantie de l'AGS ne saurait être due dans la mesure où M. [F] [B] n'avait pas formulé de réclamation pendant plus d'un an et sa créance est de nature civile.
La novation ne se présume pas, elle doit résulter d'un acte positif et non équivoque de la volonté de nover, même si le juge peut rechercher l'intention de nover dans les faits de la cause.
En l'espèce, il sera rappelé que M. [F] [B] ne détient plus d'action de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP et qu'il n'en est plus le président depuis le 15 février 2022.
Dès lors, il n'est pas établi que l'absence de réclamation du paiement du salaire pendant plusieurs mois, en tout état de cause avant d'avoir connaissance de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, démontre une volonté d'aider la société qui avait des difficultés économiques.
Aucun élément du dossier ne permet de considérer que M. [F] [B] a eu la volonté de modifier la nature de la créance salariale en créance civile ou commerciale.
Par suite, s'agissant d'une créance salariale, la garantie de l'Unedic AGS CGEA d'[Localité 7] est due dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail.
5) Sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire:
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [F] [B] aux dépens.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
L'équité ne commande pas d'allouer à M. [F] [B] une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu à exécution provisoire.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en ce qu'il :
- n'a pas statué sur sa compétence ;
- débouté M. [F] [B] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents ;
- condamné M. [F] [B] aux dépens ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [F] [B] ne bénéficie pas d'un contrat de travail avec la société HOTEL DE LA CLOCHE SP sur la période du 1er septembre 2019 au 15 février 2022 ;
Se déclare incompétente pour statuer sur la demande en paiement formée par M. [F] [B] pour la période antérieure au 15 février 2022 ;
Renvoie l'examen de la demande formée au titre du mois de février 2022 au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP la somme de 33.605 euros bruts à titre de rappel de salaires sur une période de 11 mois précédant l'ouverture de la liquidation judiciaire et celle de 3.360,50 euros au titre des congés payés afférents ;
Dit que l'AGS CGEA d'[Localité 7] devra garantie, dans les limites de son champ d'application de garanties, conformément aux dispositions législatives et plafonds réglementaires applicables ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire;
Déboute M. [F] [B] du surplus de ses demandes.
La Greffière Le Président
du 24/04/2025
N° RG 24/00743 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPTX
OJ / ACH
Formule exécutoire le :
24 / 04 / 2025
à :
- [U]
- [L]
- [C]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 24 avril 2025
APPELANT :
d'une décision rendue le 15 avril 2024 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALONS EN CHAMPAGNE, section ENCADREMENT (n° F23/00091)
Monsieur [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Christophe GUYOT de la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS :
Maître [D] [A]
agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la Liquidation Judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP, fonctions auxquelles elle a été nommée selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CHALONS EN CHAMPAGNE le 1er/06/2023
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
Association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Mikaël MATHIEU de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau D'AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 février 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 03 avril 2025, prorogée au 24 avril 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Le 1er septembre 2019, un contrat de travail à durée indéterminée a été établi entre M. [F] [B] et la société HOTEL DE LA CLOCHE SP pour un emploi de responsable d'hôtel.
Par avenant du 1er mars 2022, M. [F] [B] a été promu au poste de directeur d'hôtel/restaurant avec un salaire brut mensuel de 3.055 euros.
Le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire le 1er juin 2023, en fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 1er janvier 2022 et en désignant Me [D] [A] en qualité de mandataire liquidateur.
Le 8 juin 2023, M. [F] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'une demande de rappel de salaires.
Un entretien préalable à un éventuel licenciement pour cause économique a été organisé le 12 juin 2023.
Le 16 juin 2023, M. [F] [B] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle prenant effet le 3 juillet 2023.
Par jugement en date du 15 avril 2024, le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne a :
donné acte à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] de son intervention ;
débouté M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
condamné M. [F] [B] aux entiers dépens de l'instance ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
M. [F] [B] a formé appel le 3 mai 2024.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 25 juillet 2024 par voie électronique, M. [F] [B] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en date du 15 avril 2024 ;
Statuant à nouveau,
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP à son bénéfice les sommes suivantes :
- 12.220,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 9.165 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 916,50 euros au titre des congés payés afférents ;
- 35.253,12 euros bruts au titre des arriérés de salaires ;
- 3.525,31 euros au titre des congés payés afférents ;
- juger que l'AGS CGEA D'[Localité 7] devra garantir le règlement du montant des sommes allouées, et au besoin l'y condamner ;
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP les entiers dépens ;
- fixer à la procédure collective de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP à son bénéfice la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir en l'ensemble de ses dispositions.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 30 juillet 2024 par voie électronique, Me [D] [A], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP, demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 15 avril 2024 en ce qu'il n'a pas statué explicitement sur sa compétence dans son dispositif ;
- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, seul compétent pour connaître de ce litige, dans la mesure où :
- il n'a jamais existé aucun lien de subordination réel entre M. [F] [B] et la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP ;
- M. [F] [B] ne produit aucune preuve d'un cumul entre sa fonction de président de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP et des fonctions techniques distinctes, pas plus que de l'existence d'un lien de subordination au cours de la période entre le 1er septembre 2019 et le 15 février 2022 où il a dirigé la société ;
- le contrat de travail invoqué est fictif compte tenu de la tentative de fraude de M. [B] qui a déjà été impliqué dans trois liquidations judiciaires, dont une ayant été clôturée pour insuffisance d'actif et une deuxième est en passe de l'être ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 15 avril 2024 en ce qu'il a débouté M. [F] [B] de ses demandes ;
- débouter M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes de rappels de salaires dans la mesure où elles sont fondées sur un avenant régularisé au cours de la période suspecte, cet avenant étant un contrat commutatif déséquilibré au regard de l'augmentation de 85 % de la rémunération qu'il permettait ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes financières en découlant (préavis, congés payés sur préavis et dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) dans la mesure où il échoue à rapporter la preuve de manquements suffisamment graves à même de justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, et compte tenu de la tardiveté de sa réaction ;
A titre subsidiaire,
- fixer la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 15 juin 2023, date de l'envoi du courrier de notification de licenciement ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis dans la mesure où il a adhéré au CSP ;
- réduire la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1.527,50 euros correspondant à 0,5 mois de salaires ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande de frais irrépétibles au regard de la situation respective des parties, la liquidation judiciaire étant impécunieuse ;
- débouter M. [F] [B] de sa demande au titre des dépens de l'instance.
Au terme de ses conclusions, notifiées le 25 octobre 2024 par voie élecronique, l'UNEDIC (Délégation AGS CGEA d'[Localité 7]) demande à la cour :
- à titre principal, confirmer le jugement rendu le 15 avril 2024 par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et l'a condamné aux entiers dépens ;
- à titre subsidiaire, dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles l'employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail ;
- dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s'appliquer sur les indemnités de rupture, l'article 700 du CPC.
Motifs de la décision:
1) Sur l'existence d'un contrat de travail:
Moyens des parties:
Me [D] [A], ès qualités, soutient que M. [F] [B] a été le président et l'unique associé de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP de sa création le 19 février 2018 au 15 février 2022, date de sa démission du mandat de président et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un cumul entre le contrat de travail et le mandat social au cours de cette période.
Le liquidateur estime que M. [F] [B] n'établit pas l'existence de fonctions techniques distinctes ni d'un lien de subordination, puisqu'il a signé le contrat de travail du 1er septembre 2019 en qualité d'employeur et de salarié, qu'il était l'interlocuteur de l'URSSAF pour la déclaration préalable à l'embauche, qu'il signe les contrats de travail des salariés et ceux avec la banque.
Il indique que M. [F] [B] a déjà été concerné par des procédures collectives, qu'il n'ignore pas que le seul créancier susceptible de recevoir un paiement dans une liquidation judiciaire impécunieuse est le salarié grâce à l'intervention de l'AGS et qu'il a bénéficié opportunément d'une forte augmentation de salaire après sa démission du mandat de président de la société.
Le liquidateur expose que le conseil de prud'hommes a constaté l'absence de lien de subordination mais n'a pas tiré les conséquences de sa décision en se déclarant incompétent au profit du tribunal judiciaire.
Quant à la période postérieure au 1er mars 2022, le liquidateur soutient qu'aucune directive n'a été fournie par le nouveau président, qui n'a jamais eu la signature bancaire, que M. [F] [B] ne rend compte de son activité à personne. Il soutient également que l'avenant est entaché de nullité, dès lors qu'il a été conclu au cours de la période suspecte, alors que la société connaissait des difficultés économiques et que la rémunération de M. [F] [B] est disproportionnée et excessive en raison de l'augmentation de 85 % du salaire brut pour des fonctions similaires.
M. [F] [B] conteste l'argumentation du mandataire liquidateur en indiquant qu'il inverserait la charge de la preuve, puisqu'il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'absence de lien de subordination.
Il soutient qu'il a travaillé pour la société et que l'avenant du 1er mars 2022 a été signé par M. [J].
Il ajoute qu'il n'est pas responsable du refus de ce dernier de répondre au liquidateur ou d'honorer ses convocations, d'autant qu'il ne retirait pas les lettres recommandées qui lui étaient adressées.
Il estime que M. [J] est présenté à tort par le liquidateur comme un 'gérant de paille', alors qu'il a déjà été dirigeant de sociétés avec lesquelles il n'avait aucun lien.
Quant aux relations avec la banque, M. [F] [B] estime qu'il n'est pas justifié que la société avait seulement un compte à la banque LCL laquelle n'a pas trouvé trace d'une prise de signature de M. [J] et il soutient que le liquidateur ne démontre pas qu'il a fait usage d'un mode de paiement de la société.
Il soutient qu'il a fait délivrer une sommation de communiquer les ordres de virement et les chèques émis par la société à laquelle le conseil du liquidateur a refusé de donner suite.
Il expose qu'en raison de ses fonctions et de sa présence régulière dans l'établissement, il était l'interlocuteur des fournisseurs et des créanciers de l'hôtel et que c'est à ce titre qu'il a été destinataire de la copie de la déclaration de créance de la société SKYSTOCK, qui avait reçu des chèques impayés signés par M. [J].
Quant à l'avenant du 1er mars 2022, M. [F] [B] affirme qu'à la suite de la cession de ses actions, le nouveau dirigeant a souhaité lui confier la direction de l'établissement en raison de sa connaissance de son fonctionnement et que le nouveau salaire est inférieur au taux horaire prévu par la convention collective. Il estime que le liquidateur ne démontre pas que sa rémunération est excessive par rapport à ses fonctions, ses compétences et son expérience.
L'UNEDIC - délégation AGS CGEA d'[Localité 7] estime que le lien de subordination est inexistant, dans la mesure où M. [F] [B] 'était le président de la société depuis sa prétendue embauche. Il s'est établi un contrat de travail à lui-même et n'avait de comptes à rendre qu'à lui-même'.
L'UNEDIC conclut à l'annulation de l'avenant établi au cours de la période suspecte et au rejet de la demande de rappel de salaires formée par M. [F] [B].
Règles applicables:
Il résulte de l'article L 1411-4 du code du travail que le juge prud'homal est compétent si le litige est en relation avec le travail ou s'il est né à l'occasion du contrat de travail.
L'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs et le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
Pour que le cumul d'un contrat de travail avec un mandat social soit admis, le contrat de travail doit correspondre à un travail effectif, avec des fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre du mandat social, et donner lieu à une rémunération spécifique. L'existence d'un lien de subordination est indispensable dans l'exercice de ces fonctions techniques et le contrat de travail ne doit pas avoir été conclu dans le but de frauder la loi.
Réponse de la cour:
Selon un extrait Kbis daté du 20 janvier 2022, la société HOTEL DE LA CLOCHE SP est une société par action simplifiée à associé unique, dont le président est M. [F] [B], avec une immatriculation le 22 février 2018 et un commencement d'activité fixé au 31 janvier 2019, un directeur général en la personne de M. [M] [B] étant également mentionné.
Selon le contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er septembre 2019, dont il n'est pas contesté qu'il a été signé par M. [F] [B] en sa double qualité de représentant de la société et de nouveau salarié, les attributions du responsable d'hôtel sont les suivantes :
- ouverture de l'établissement à 6 h et organisation du service de petits déjeuners;
- mise en place de la salle des petits déjeuners ;
- service en salle des petits déjeuners ;
- départs des clients avec facturations et encaissements correspondants ;
- planning des femmes de chambre et synchronisation de l'activité de l'équipe ;
- commandes, réceptions et rangements de tous les achats ;
- contrôle de la caisse ;
- dépôts en banque ;
- tenue du tableau de bord de l'exploitation de l'hôtel ;
- classement et archivage des documents ;
- réception clientèle de 18 h à 21 heures jusqu'à l'arrivée du veilleur de nuit.
Selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 15 février 2022, M. [F] [B] et M. [M] [B] ont démissionné de leurs fonctions de président et de directeur général, et M. [F] [B] a cédé l'ensemble de ses actions à M. [E] [J] [H], qui a été nommé président.
Cette cession d'actions est intervenue pour la somme d'un euro symbolique, selon les mentions d'une ordonnance de référé relative à l'acquisition d'une clause résolutoire insérée dans le bail commercial liant la SCI PARIS LA CLOCHE et la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP.
Les statuts de la société précisent que le président 'est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social', étant relevé que la version des statuts annexée au procès-verbal du 15 février 2022 établit que M. [F] [B] a accepté les fonctions de président lors de la création de la société le 19 février 2018.
Dans le cadre de l'avenant signé le 1er mars 2022, ne faisant apparaître que la signature attribuée à M. [J], alors que les fonctions de M. [F] [B] ne sont pas modifiées ni complétées, sa rémunération mensuelle brute est portée de 1.648,12 euros à 3.055 euros, l'avenant précisant 'toutes autres clauses du contrat de travail liant les parties demeurent inchangées, les parties entendant, en outre, que le présent avenant s'incorpore audit contrat et ne fasse qu'un avec lui'.
Il sera relevé que la copie intégrale du contrat de travail du 1er septembre 2019 n'est pas produite.
Ces éléments établissent un contrat de travail apparent, de sorte qu'il appartient au mandataire liquidateur de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail.
Il convient de relever que, depuis la création de la société jusqu'au 15 février 2022, M. [F] [B] a exercé la fonction de président de la société et qu'il était associé unique détenant la totalité des actions.
En effet, il ressort des pièces versées aux débats qu'il a établi un contrat d'extra avec Mme [X] [I] pour une durée de trois mois qui a été signé le 13 juillet 2019, un avenant renouvelant ce contrat le 10 octobre 2019 avec la mention 'pour l'entreprise, Mr [B] [F]', ainsi qu'un autre contrat d'extra daté du 1er juillet 2020 signé par M. [F] [B].
De plus, le liquidateur verse aux débats un échange en 2023 avec la banque LCL indiquant que la seule signature connue de l'organisme pour le fonctionnement du compte courant n° [XXXXXXXXXX01] est celle de M. [F] [B] telle qu'elle figure sur le document daté du 22 février 2019, aucune signature concernant M. [E] [J] [H] ne lui ayant été communiquée, malgré la modification intervenue en février 2022.
Cependant, compte tenu de la structure même de la société et de la détention par M. [F] [B] de la totalité des actions en sa qualité d'associé unique, il doit être considéré que, sur la période du 1er septembre 2019 au 15 février 2022, il n'existe pas de lien de subordination dès lors qu'il ne doit rendre compte de son activité présumée de salarié qu'à lui-même et qu'en raison du fonctionnement de la société depuis sa création, les fonctions évoquées dans le contrat de travail ne sont pas distinctes de son mandat social.
En conséquence, les demandes en paiement formées par M. [F] [B] au titre de la période antérieure au 15 février 2022 ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud'homale mais du tribunal judiciaire en l'absence de lien avec l'exercice du mandat social. Le jugement sera infirmé en ce qu'il n'a pas statué sur la compétence.
Il convient d'examiner la situation de M. [F] [B] pour la période postérieure au 1er mars 2022, dans la mesure où il n'était plus président de la société ni détenteur d'action.
Il ressort des termes de l'avenant du 1er mars 2022 que les fonctions de M. [F] [B] sont identiques à celles mentionnées dans le document du 1er septembre 2019, lesquelles ne relèvent pas des attributions d'un dirigeant de société.
Le liquidateur invoque la nullité du contrat en se fondant sur les dispositions de l'article L 632-1 du code de commerce qui prévoit que 'sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants (...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie'.
Cependant, une telle demande est née de la procédure collective et elle n'a pas été faite par le liquidateur en qualité de représentant de l'employeur mais dans l'intérêt collectif des créanciers, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive de la juridiction compétente en matière de procédure collective.
Il ressort des pièces produites par M. [F] [B] qu'il a reçu des bulletins de salaire pour la période concernée et que des virements ont été effectués sur son compte bancaire au titre de la rémunération, même s'il fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat sur des manquements à ce titre.
L'ensemble de ces éléments établissent le caractère apparent d'un contrat de travail sur la période postérieure au 1er mars 2022, de sorte qu'il appartient au liquidateur d'en rapporter le caractère fictif.
Or, en dehors des allégations relatives au déséquilibre financier de cet acte, il ne fournit aucun élément susceptible de combattre la présomption de salariat.
En conséquence, il appartient à la présente juridiction d'examiner la demande de résiliation judiciaire formée par M. [F] [B].
2) Sur la demande de résiliation judiciaire:
M. [F] [B] fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sur l'absence de bulletins de salaire pendant plusieurs mois, sur un défaut et un retard de paiement de salaires ainsi que sur une absence de paiement de 52 jours de congés payés, malgré les courriers qu'il a envoyés. Il soutient que sa situation financière a été rendue difficile, d'autant que ses moyens de paiement lui ont été retirés en raison des salaires impayés.
Le liquidateur fait valoir que M. [F] [B] a attendu l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire pour saisir la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire fondée sur un arriéré de salaire datant de près d'un an et demi. Il estime que M. [F] [B] n'établit pas suffisamment avoir sollicité le règlement des salaires ou la délivrance des bulletins de paie.
Sur ce,
Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée. La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La résiliation judiciaire produit ses effets au jour où le juge la prononce sauf si le contrat de travail a été rompu antérieurement. Si le salarié a été licencié avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire.
En l'espèce, M. [F] [B] verse aux débats des courriels qu'il a envoyés les 7 octobre 2022 et 26 novembre 2022 dans lesquels il se plaint de ne pas avoir reçu ses fiches de paye depuis le mois de mars 2022.
Il sera relevé que dans ces messages, il ne fait nullement référence à des défauts ou des retards de paiement de son salaire.
De plus, comme l'adresse électronique du destinataire est celle de l'hôtel, il n'est pas établi que ces messages ont été envoyés à son employeur, puisqu'à supposer réelles les fonctions mentionnées dans l'avenant du 1er mars 2022, la messagerie était nécessairement traitée par M. [F] [B] lui-même.
Enfin, M. [F] [B] produit les bulletins de salaire sur la période de février 2022 à janvier 2023, de sorte que le manquement reproché à son employeur a été régularisé.
Par ailleurs, M. [F] [B] verse aux débats les copies de trois courriers datés des 4, 12 et 16 janvier 2023, destinés à M. [E] [J], dans lesquels il invoque des retards de paiement du salaire ainsi que 52 jours de congés et il fait état de difficultés financières, sans fournir la moindre précision sur la période concernée par le défaut de paiement.
S'il produit la photocopie d'enveloppes retournées avec la mention 'pli avisé et non réclamé', comportant les cachets postaux à des dates pouvant correspondre à l'envoi desdits courriers, il y a lieu de relever que toutes ces lettres ont été envoyées à l'adresse de l'hôtel où M. [F] [B] était supposé assurer la réception.
Pour justifier des retards de paiement du salaire, M. [F] [B] verse aux débats seulement des relevés de compte sur la période d'avril 2022 à juillet 2022, sur lesquels apparaissent des virements émanant de l'hôtel de la cloche avec les mentions relatives à des acomptes ou des soldes de paie.
Si cela démontre une irrégularité dans la périodicité des paiements des salaires sur cette période, il sera constaté que ces éléments ne sont pas contemporains de la saisine de la juridiction prud'homale de la demande de résiliation judiciaire.
Enfin, en raison de l'imprécision des périodes de non paiement ou de retard de paiement de salaire, M. [F] [B] n'établit pas le manquement reproché à l'employeur.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [F] [B] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de confirmer le jugement de ce chef par substitution de motifs.
3) Sur la demande de rappel de salaires:
M. [F] [B] sollicite le paiement du salaire du mois de février 2022 ainsi que le paiement de onze mois de salaires sur la base du salaire mensuel brut de 3.055 euros, outre les congés payés afférents.
Le liquidateur conclut au débouté de cette demande en se fondant sur les moyens développés concernant la nullité de l'avenant du 1er mars 2022.
Il résulte de l'application combinée des articles 1315 du code civil et L 3243-3 du code du travail que c'est à l'employeur, débiteur du paiement du salaire, de prouver qu'il a effectivement payé le salaire, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne faisant pas présumer le paiement des sommes qui y figurent.
Sur la période de février 2022, dans la mesure où il n'y avait pas de lien de subordination, la demande de M. [F] [B] devra être examinée par la juridiction compétente à laquelle l'affaire est renvoyée de ce chef.
Quant aux autres périodes visées par l'intéressé, la cour ne peut que constater que la société HOTEL DE LA CLOCHE SP, prise en la personne de son liquidateur, ne justifie pas du paiement effectif des salaires dus à M. [F] [B].
Dès lors, la somme correspondant à onze mois de salaire et aux congés payés afférents sera fixée au passif de la liquidation.
4) Sur la novation de la créance et la garantie de l'AGS:
L'UNEDIC soutient que M. [F] [B] a attendu l'ouverture de la procédure collective pour saisir le conseil de prud'hommes et tenter d'obtenir la garantie de l'AGS, de sorte que la nature de la créance a été modifiée et qu'il ne s'agit pas d'une créance salariale.
Selon le liquidateur, la garantie de l'AGS ne saurait être due dans la mesure où M. [F] [B] n'avait pas formulé de réclamation pendant plus d'un an et sa créance est de nature civile.
La novation ne se présume pas, elle doit résulter d'un acte positif et non équivoque de la volonté de nover, même si le juge peut rechercher l'intention de nover dans les faits de la cause.
En l'espèce, il sera rappelé que M. [F] [B] ne détient plus d'action de la société HOTEL DE LA CLOCHE SP et qu'il n'en est plus le président depuis le 15 février 2022.
Dès lors, il n'est pas établi que l'absence de réclamation du paiement du salaire pendant plusieurs mois, en tout état de cause avant d'avoir connaissance de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, démontre une volonté d'aider la société qui avait des difficultés économiques.
Aucun élément du dossier ne permet de considérer que M. [F] [B] a eu la volonté de modifier la nature de la créance salariale en créance civile ou commerciale.
Par suite, s'agissant d'une créance salariale, la garantie de l'Unedic AGS CGEA d'[Localité 7] est due dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail.
5) Sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire:
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [F] [B] aux dépens.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
L'équité ne commande pas d'allouer à M. [F] [B] une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu à exécution provisoire.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en ce qu'il :
- n'a pas statué sur sa compétence ;
- débouté M. [F] [B] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents ;
- condamné M. [F] [B] aux dépens ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [F] [B] ne bénéficie pas d'un contrat de travail avec la société HOTEL DE LA CLOCHE SP sur la période du 1er septembre 2019 au 15 février 2022 ;
Se déclare incompétente pour statuer sur la demande en paiement formée par M. [F] [B] pour la période antérieure au 15 février 2022 ;
Renvoie l'examen de la demande formée au titre du mois de février 2022 au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS HOTEL DE LA CLOCHE SP la somme de 33.605 euros bruts à titre de rappel de salaires sur une période de 11 mois précédant l'ouverture de la liquidation judiciaire et celle de 3.360,50 euros au titre des congés payés afférents ;
Dit que l'AGS CGEA d'[Localité 7] devra garantie, dans les limites de son champ d'application de garanties, conformément aux dispositions législatives et plafonds réglementaires applicables ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire;
Déboute M. [F] [B] du surplus de ses demandes.
La Greffière Le Président