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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 24 avril 2025, n° 23/00993

BASSE-TERRE

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robail

Conseillers :

Mme Cledat, Mme Bryl

Avocat :

Me Tissot

T. prox. Saint-Martin et Saint-Barthélém…

28 juillet 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte en la forme authentique de la S.C.P. notariale '[W] [M], [A] [E], [U] [J], [C] [D] & [I] [Z]', notaires associés à [Localité 1], en date du 30 mai 2001, dénommé 'RENOUVELLEMENT DE BAIL COMMERCIAL', M.[F] [R] a donné en bail à loyer à titre commercial à Mme [P] [X] épouse [L], en renouvellement de deux baux distincts en la forme authentique des 13 décembre 1990 (lot 13) et 15 octobre 1992 (lot 12), les lors 12 et 13 d'un ensemble immobilier dénommé '[Adresse 3], sis à [Localité 4], commune de [Localité 1], et ce pour une nouvelle durée de 9 années à effet rétroactivement du 1er janvier 2001 et moyennant un loyer mensuel de 3 143,66 francs pour le lot 12 et de 3 523 francs pour le lot 13, le franc étant alors la monnaie en vigueur en France ;

Par acte d'huissier de justice du 10 septembre 2020, M. [F] [R] a fait délivrer à Mme [P] [X] épouse [L] un congé avec offre de renouvellement et fixation du nouveau loyer mensuel, pour les 2 lots 12 et 13, de 4 890 euros par trimestre ;

Par acte d'huissier de justice du 7 décembre 2020, Mme [X], en réponse à ce congé, a notifié à M. [R], bailleur, son acceptation de son offre de renouvellement, mais également son refus du nouveau loyer exigé par ce dernier, lui proposant en revanche un nouveau loyer limité à 1 350 euros par mois, hors charges locatives, en lieu et place du loyer de 1 055 euros par mois alors en cours ;

Par acte d'huissier de justice du 2 mars 2021, M. [R] a fait signifier à Mme [X] un commandement de payer les loyers prétendument impayés à cette date, soit 34 396,58 euros, outre les frais d'acte, lui notifiant par ailleurs son intention de se prévaloir de la clause de résiliation de plein droit insérée au bail en cas de non paiement des causes de ce commandement dans le mois de sa délivrance ;

En suite de ce commandement, et par un acte d'huissier de justice non communiqué à la cour et dont la date n'est pas indiquée au jugement querellé, Mme [X] a fait assigner M. [R] devant le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY à l'effet de voir, aux termes de ses dernières conclusions telles que retranscrites au jugement querellé :

- annuler le susdit commandement de payer,

- dire que les causes de ce commandement sont injustifiées et infondées,

- débouter M. [R] 'de sa demande de condamnation à payer la somme de 33681,83 euros',

- donner acte à M. [R] de ce qu'il a expressément renoncé à la clause résolutoire insérée au commandement de payer,

- dire que M. [R] manque de bonne foi dans la mise en oeuvre de ce commandement visant la clause résolutoire,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 3 821,57 euros à titre de remboursement des charges de copropriété indues à compter du mois de novembre 2017,

- débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

A titre accessoire, fixer le montant du loyer à la somme de 1 050 euros par mois avec effet à compter du 1er janvier 2020, date du renouvellement,

A titre subsidiaire,

- désigner tel expert afin d'évaluer la valeur locative des locaux donnés à bail, chiffrer le préjudice par elle subi du fait du bailleur, chiffrer le montant réellement dû au titre des charges récupérables et des charges qui ont été réglées par elle, chiffrer le montant des travaux réalisés par elle et qui auraient dû être pris en charge par le propriétaire, décrire les travaux que le bailleur devra réaliser pour remédier à la vétusté du local et à son exploitation et les chiffrer, faire les comptes entre les parties après production de l'ensemble des justificatifs,

A titre infiniment subsidiaire, l'autoriser à apurer une dette éventuelle en 24 versements en sus du loyer courant en application de l'article 1244-1 du code de procédure civile,

En tout état de cause, condamner M. [R] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

En réplique, M. [R], comparant devant le premier juge, souhaitait voir quant à lui :

- déclarer régulier le commandement de payer les loyers commerciaux signifié le 2 mars 2021 à Mme [X],

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses moyens et demandes,

- condamner Mme [X] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel, condamner Mme [X] à lui payer la somme de 33 681,83 euros au titre de sa dette locative 'en vertu du bail en date du 30 mai 2001 prorogé au 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019",

A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal estimait devoir fixer le montant du loyer du nouveau bail issu de l'accord des parties sur le principe du renouvellement suite à l'offre de congé avec offre de renouvellement le 10 septembre 2020 : fixer à la somme mensuelle de 1 630 euros le montant des loyers des lots 12 et 13 dépendant de l'ensemble immobilier dénommé '[Adresse 3] sis à [Localité 4], commune de SAINT-MARTIN et lui appartenant, objet du bail commercial,

A titre très infiniment subsidiaire,

- lui donner acte de ce qu'il émettait toutes protestations et réserves sur la mesure d'instruction sollicitée,

- statuer ce que de droit sur la mesure d'expertise sollicitée, sauf à préciser qu'elle serait cantonnée à la fixation du loyer dans le cadre du renouvellement du bail commercial, que la valeur locative serait déterminée conformément aux dispositions de l'article L145-33 du code de commerce et que les frais d'expertise seraient exclusivement avancés par Mme [X], demanderesse à cette expertise,

- réserver les frais irrépétibles et dépens qui suivront le sort de l'éventuelle action au fond qui serait entreprise après le dépôt du rapport d'expertise ;

Par jugement en date du 28 juillet 2023, le tribunal de proximité :

- a prononcé la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 2 mars 2021 à Mme [X] à la demande de M. [R],

- a fixé le montant de l'arriéré locatif au titre des loyers dus du 1er juin 2017 au 31 mars 2018 à la somme de 10 000 euros,

- a déclaré irrecevable le surplus de la demande en paiement des loyers en raison de la prescription,

- a condamné Mme [X] à payer à M. [R] la somme de 10 000 euros au titre de l'arriéré de loyers,

- a fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] en application de la clause d'indexation contenue au bail à la somme de 621,83 euros,

- a débouté M. [R] du surplus de sa demande au titre de l'indexation des loyers,

- a condamné Mme [X] à verser à M. [R] la somme de 621,83 euros,

- a fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] à la somme de 1 463 euros au titre du remboursement de la taxe des ordures ménagères,

- a condamné Mme [X] à payer à M. [R] la somme de 1 463 euiros en remboursement de ladite taxe,

- a débouté M. [R] de sa demande en paiement au titre du droit au bail,

- a débouté Mme [X] de sa demande en répétition des sommes versées au titre des charges de copropriété,

- a rejeté la demande de délais de paiement de Mme [X],

Avant dire droit sur la fixation du montant du loyer renouvelé,

- a ordonné, aux frais avancés de Mme [X], une mesure d'expertise et commis pour y procéder l'expert judiciaire [K] [N], avec mission, en substance, de donner son avis :

** sur l'existence d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L143-33 du code de commerce,

** et sur la valeur locative des lieux donnés à bail après avoir utilisé, le cas échéant, à titre de renseignement non exclusif d'autres méthodes, les techniques d'évaluation qui sont en usage,

- a réservé les dépens et les frais irrépétibles ;

Par déclaration remise au greffe par la voie électronique (RPVA) le 18 octobre 2023, Mme [P] [X] a relevé appel de ce jugement, y intimant M. [R] et y limitant expressément les chefs de jugement critiqués à ceux par lesquels le tribunal :

- a fixé le montant de l'arriéré locatif au titre des loyers dus du 1er juin 2017 au 31 mars 2018 à la somme de 10 000 euros,

- a condamné Mme [X] à payer à M. [R] la somme de 10 000 euros au titre de l'arriéré de loyers,

- a fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] en application de la clause d'indexation contenue au bail à la somme de 621,83 euros,

- a condamné Mme [X] à verser à M. [R] la somme de 621,83 euros,

- a fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] à la somme de 1 463 euros au titre du remboursement de la taxe des ordures ménagères,

- a condamné Mme [X] à payer à M. [R] la somme de 1 463 euros en remboursement de ladite taxe,

- a débouté Mme [X] de sa demande en répétition des sommes versées au titre des charges de copropriété,

- a ordonné une mesure d'expertise avec pour mission définie au jugement et a désigné M. [N] pour y procéder ;

Cet appel a été orienté devant le conseiller de la mise en état ;

Sur avis du greffe en ce sens au conseil de l'appelante, celle-ci, par acte de commissaire de justice du 31 janvier 2024, a fait signifier sa déclaration d'appel à M. [R], lequel n'a pas constitué avocat ; cette signification n'ayant pu être faite qu'à l'étude du commissaire de justice instrumentaire, le présent arrêt sera rendu par défaut;

L'appelante a conclu au fond par acte remis au greffe, par RPVA, le 11 janvier 2024 et signifié à l'intimé par l'acte de commissaire de justice sus-visé ;

Par ordonnance du 2 septembre 2024, la mise en état a été clôturée et l'affaire fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 25 novembre suivant ; à l'issue de audience, le délibéré a été fixé au 14 février 2025 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats ;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses uniques conclusions au fond remises au greffe le 11 janvier 2024, Mme [X] souhaite voir, au visa des articles L145-41, L145-34 al 4 et R 145-35 al 3 du code de commerce :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

** fixé le montant de l'arriéré locatif au titre des loyers dus du 1er juin 2017 au 31 mars 2018 à la somme de 10 000 euros et condamné Mme [X] à payer à M. [R] ladite somme,

** fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] en application de la clause d'indexation contenue au bail à la somme de 621,83 euros et condamné Mme [X] à verser à M. [R] ladite somme,

** fixé la créance de M. [R] à l'égard de Mme [X] à la somme de 1463 euros au titre du remboursement de la taxe des ordures ménagères et a condamné Mme [X] à payer à M. [R] ladite somme,

** débouté Mme [X] de sa demande en répétition des sommes versées au titre des charges de copropriété,

** ordonné une mesure d'expertise avec pour mission définie au jugement et a désigné M. [N] pour y procéder,

- confirmer la décision pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à condamnation de Mme [X] à payer un arriéré locatif dès lors qu'elle justifie du règlement des loyers pour la période réclamée par M. [R],

- débouter M. [R] de sa demande de condamnation à payer la somme de 33 681,83 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 31 mars 2018,

- 'condamner M. [R] à payer à Mme [X] la somme de 3 821,57 euros à titre de remboursement des charges de copropriété indues à compter du mois de novembre 2017 et ordonner la compensation avec la dette de Mme [X] de 1 463 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; le condamner pour le surplus',

- débouter M. [R] de sa demande d'indexation des loyers pour la période 2019 et 2020,

- fixer le montant du loyer à la somme de 1 050 euros par mois avec effet à compter du 1er janvier 2020, date du renouvellement,

- dire n'y avoir lieu de procéder à une expertise judiciaire,

- condamner M. [R] à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Pour l'exposé des moyens proposés par l'appelante au soutien de ces fins, il est expressément référé à ses écritures ;

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité de l'appel

Attendu qu'en application des dispositions des articles 528 et 538, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse à compter de la signification de la décision attaquée ;

Attendu qu'en l'espèce, qui relève de la matière contentieuse, Mme [X] a relevé appel le 18 octobre 2023 d'un jugement rendu le 28 juillet 2023, sans qu'il soit prétendu et justifié aux débats qu'il lui ait été préalablement signifié ; qu'il y a donc lieu de l'y dire recevable au plan du délai pour agir ;

II- Sur le fond

Attendu qu'il échet de rappeler que lorsque l'intimé ne comparaît pas, comme en l'espèce, et qu'il est néanmoins statué sur le fond des demandes de l'appelant, l'article 472 du code de procédure civile impose au juge de n'y faire droit qu'autant qu'il les estime régulières, recevables et bien fondées ;

II-1- Sur l'arriéré locatif du 1er juin 2017 au 31 mars 2018

Attendu qu'il échet d'observer en tout premier lieu que Mme [X] demande tout à la fois qu'il soit jugé n'y avoir lieu à condamnation à son encontre au titre d'un arriéré locatif et le rejet de la demande de M. [R] de condamnation à lui payer la somme de 33 681,83 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 31 Mars 2018, alors même que le tribunal, en son jugement déféré, n'a pas fait droit à cette dernière demande, qui a limité cet arriéré à 10 000 euros, et qu'en ne comparaissant pas en appel M. [R] ne l'a pas soumise à la cour ; qu'il en résulte que le rejet de ladite demande ainsi sollicité par l'appelante devant cette cour n'a pas d'objet et qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Attendu qu'en revanche, les premiers juges ont bel et bien condamné Mme [X] à payer à M. [R], bailleur, un arriéré de loyer de 10 000 euros pour la période du 1er juin 2017 au 31 mars 2018, et ce sur la base d'un loyer mensuel non indexé de 1000 euros ; que la cour doit donc statuer sur la contestation par la locataire de ce montant d'arriéré ;

Attendu qu'à cet égard, force est de constater qu'en ne comparaissant pas en appel, M. [R] s'interdit de proposer à la cour le moindre décompte des loyers prétendument impayés, alors même que s'il appartient à tout débiteur de faire la preuve du paiement des sommes qui lui sont réclamées sur la base d'un contrat et de prestations non contestés, il incombe d'abord à celui qui sollicite l'exécution d'une obligation de payer une somme d'argent d'en dresser et d'en produire un décompte, lequel fait ici défaut ;

Attendu que, surtout, Mme [X] prétend avoir déjà payé les loyers au titre desquels elle a été condamnée pour la période du 1er juin 2017 au 31 mars 2018 ; que si elle reconnaît ne pouvoir en justifier par des quittances qu'elle prétend n'avoir jamais reçues de M. [R], elle propose désormais en cause d'appel, pour en justifier, divers relevés de son compte courant ouvert dans les livres de la banque LCL, en pièces 27-1 à 27-7 et 28-1 à 28-3 ; qu'il s'agit plus précisément des relevés ayant trait aux périodes :

- du 29 avril au 1er juin 2017,

- du 2 juin au 30 juin 2017,

- du 1er juillet au 1er août 2017,

- du 2 août au 1er septembre 2017,

- du 2 septembre au 29 septembre 2017,

- du 30 septembre au 31 octobre 2017,

- du 1er novembre au 1er décembre 2017,

- du 2 décembre au 29 décembre 2017,

- du 30 décembre 2017 au 1er février 2018,

- du 2 février au 1er mars 2018,

- du 2 mars au 30 mars 2018,

- du 31 mars au 30 avril 2018 ;

Attendu que chacun de ces relevés figure le débit d'une somme de 1 000 euros au titre d'un virement permanent intitulé 'virement permanent Longuet [F]' et 'loyer' ; que ces relevés font ainsi la preuve du paiement des loyers des 10 mois écoulés entre le 1er juin 2017 et le 31 mars 2018 au titre de laquelle Mme [X] a été condamnée ; qu'en ne comparaissant pas en appel, M. [R] s'interdit de contester que chacun de ces virements ait bien eu trait à chacun des loyers dus au titre de ladite période ; qu'il y a donc lieu de considérer que Mme [X] fait à suffisance ici la preuve du paiement de ces loyers et, sur infirmation du jugement déféré de ce chef, de débouter M. [R] de sa demande à ce titre ;

II-2- Sur l'arriéré au titre de la clause d'indexation

Attendu que pour condamner Mme [X] au paiement de la somme de 621,83 euros au titre de la clause d'indexation du bail renouvelé pour l'année 2019, les premiers juges ont considéré que celle-ci, qui soutenait avoir déjà réglé un loyer indexé sur cette période, n'en rapportait pas la preuve ; que devant cette cour, l'appelante estime faire la preuve du paiement d'un loyer indexé par ses pièces 18, 19 et 8 ;

Or, attendu que la pièce 18 consiste en un courrier de la société de gestion des locaux de M. [R], la société IMAGE IMMOBILIER, en date du 24 décembre 2020 qui n'a pas trait à l'indexation du loyer pour l'année 2019, mais à celle des loyers dus pour la 'prochaine échéance', laquelle, compte tenu de la date de ce courrier, est celle de janvier 2021; que la pièce 19, consistant en une lettre de M. [R] à Mme [X] du 28 septembre 2021, par laquelle il l'informe de la fin du mandat de gestion confié à l'agence IMAGE IMMOBILIER, est totalement étrangère à l'indexation du loyer 2019, la copie qui y est jointe d'un chèque de Mme [X] de 505,81 euros ayant trait, de l'aveu même de cette dernière, à un rappel d'indexation au titre des années 2016 à 2018 ; et que si la pièce 8 est un courrier de M. [R] à Mme [X] du 20 janvier 2021 dans lequel il écrit que l'agence IMAGE à laquelle il avait confié la gestion de son bien avait procédé à la révision des loyers de 2019 à 2020, il y précise que cette révision était erronée comme non fondée sur l'indice national du coût de la construction; qu'il ne peut donc en être inféré la preuve de l'indexation 2019 que Mme [X] prétend avoir réglée, si bien que le jugement querellé sera confirmé en ce que le tribunal l'y a condamnée au paiement au bailleur, à ce titre, de la somme de 621,83 euros ;

II-3- Sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la demande de Me [X] au titre des charges de copropriété indûment payées

Attendu que Mme [X] ne conteste finalement pas devoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle les premiers juges l'ont condamnée à hauteur de 1 463 euros pour les années 2016 à 2020, mais estime que sa condamnation de ce chef est infondée, et ce au moyen qu'elle souhaite voir cette dette compensée avec une prétendue sienne créance de remboursement de charges de copropriété qu'elle aurait indûment payées entre 2009 et 2019 ;

Attendu qu'elle prétend en effet avoir versé, au titre des charges de copropriété depuis 2008, une somme de 3 821,57 euros alors que depuis 2014 elle ne les devait plus, et ce en application de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et, plus précisément, de l'article L145-40-2 du code de commerce issu de cette loi, dont elle estime que le tribunal a refusé de faire application ;

Attendu qu'aux termes de l'article 10 du 'contrat de renouvellement de bail commercial' conclu entre les parties le 30 mai 2001, le preneur a l'obligation de payer directement au syndic de copropriété toutes les charges afférentes aux lots objets de ce bail, 'y compris celles dues par le propriétaire desdits lots', savoir les charges dites non -récupérables ;

Mais attendu que si, aux termes de l'article L145-40-2 issu de la loi sus-rappelée, toute clause d'un bail commercial imputant au preneur l'ensemble des charges du local objet de ce bail, y compris les charges incombant au propriétaire, est réputée non-écrite, il ressort de l'article 21 II de cette loi que cette disposition n'est applicable qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant sa promulgation, soit à compter du 1er septembre 2014 ;

Or, attendu que Mme [X] est titulaire d'un contrat de bail commercial qui a été renouvelé pour la dernière fois expressément par acte du 30 mai 2001, et ce pour une durée de 9 ans expirant au 31 décembre 2010 ; que, depuis l'expiration de ce bail à cette date, et jusqu'au congé avec offre de renouvellement délivré par le bailleur le 10 septembre 2020 à effet du 31 mars 2021, aucune des parties ne s'étant manifestée pour, soit donner congé soit formaliser une demande de renouvellement, ce bail s'est prolongé tacitement sans renouvellement et sans tacite reconduction équipollente à un nouveau bail, puisque le contrat du 30 mai 2001 ne contient aucune clause de reconduction tacite ; et qu'ainsi, en l'absence de contrat conclu ou renouvelé à compter du 1er septembre 2014, l'article 10 du bail ainsi prolongé demeurait opposable au preneur sur toute la période au titre de laquelle les charges de copropriété litigieuses ont été payées par Mme [X] ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté cette dernière de sa demande en répétition desdites charges et le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

II-4- Sur la fixation du montant du loyer commercial à compter du 1er janvier 2020, date du renouvellement du bail

Attendu que les premiers juges ont estimé à bon droit qu'ils avaient compétence pour statuer sur la demande de Mme [X] en fixation du loyer du bail renouvelé à effet du 1er avril 2021 en suite du congé avec offre de renouvellement du 10 septembre 2020;

Attendu qu'en application de l'article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et, à défaut d'accord entre bailleur et preneur sur ce point, cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; et que l'article L145-34 qui suit précise que :

- à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques,

- à défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié,

- en cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif,

- les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans,

- et, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ;

Attendu que les premiers juges ont fait application de ces dispositions pour ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise destinée à recueillir les éléments nécessaires à la détermination de la valeur locative des lots loués à Mme [X] par M. [R], ainsi d'ailleurs que demandé par la première à titre subsidiaire s'il n'était pas fait droit à sa demande principale tendant à la fixation du nouveau loyer à 1 050 euros par mois à compter du 1er janvier 2020 ;

Attendu qu'en cause d'appel, Mme [X] demande à nouveau la fixation du loyer à effet du 1er janvier 2020 à la somme de 1 050 euros par mois pour les deux lots donnés à bail, mais plus aucune expertise, pas même à titre subsidiaire, estimant :

- que l'augmentation du loyer que souhaitait lui imposer M. [R] n'était pas légale comme ne correspondant ni à la valeur locative des locaux ni au respect des dispositions de l'article L145-34, en son alinéa 4 sus-rappelé, du code de commerce,

- qu'elle a dû quitter les lieux de guerre lasse, dès lors qu'elle ne pouvait s'acquitter d'un loyer supérieur,

- qu'elle ne peut financer les frais d'expertise mis à sa charge ;

Mais attendu que dès lors qu'il est demandé au tribunal, d'abord, puis à la cour, de fixer le loyer du bail renouvelé en regard des critères des articles L145-33 et L145-34 sus-rappelé et que les parties divergent sur cette fixation, celles-ci ne peuvent échapper à une mesure d'expertise qui seule sera à même de permettre à la juridiction de trancher leurs désaccords et de fixer le loyer du bail renouvelé sur la base des critères de l'alinéa premier de l'article L145-34, étant constaté qu'à la date du congé avec offre de renouvellement acceptée par le preneur, la durée bail en cause n'avait pas excédé 12 années en suite d'une tacite prolongation et que, dès lors, il ne peut être fait application des dispositions de l'alinéa 3 de ce même article ;

Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné un telle mesure d'instruction et en a fixé la mission confiée l'expert et les modalités d'exécution; qu'en revanche, dès lors que le congé avec offre de renouvellement a été donné par le bailleur et que celui-ci y a imposé un nouveau loyer très supérieur au loyer originel que Mme [X] était en droit de contester, c'est audit bailleur et non pas au preneur qu'il appartiendra de faire l'avance des frais et honoraires de l'expert, si bien que le susdit jugement sera infirmé en ce qu'il a les a mis à la charge de Mme [X] ;

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les dépens de première instance ont été réservés en fin de cause, à juste titre d'ailleurs puisque le jugement querellé n'a pas dessaisi le tribunal, et n'ont pas été soumis à la cour ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;

Attendu qu'en revanche, Mme [X] succombe en partie en ses prétentions devant la cour, si bien qu'il sera fait masse des dépens d'appel et que chacune des parties en devra supporter une moitié ;

Attendu que des considérations tenant à l'équité justifient de débouter Mme [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit Mme [P] [X] recevable en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY en date du 28 juillet 2023,

- Confirme ce jugement en toutes ses dispositions expressément déférées, hors celles par lesquelles le tribunal :

** a fixé le montant de l'arriéré locatif au titre des loyers dus du 1er juin 2017 au 31 mars 2018 à la somme de 10 000 euros,

** a condamné Mme [X] à verser à M. [R], au titre de l'arriéré de loyers, une somme de 10 000 euros,

** a dit que Mme [X] devrait consigner la somme de 3 000 euros à valoir sur les frais de l'expert, au régisseur d'avances et de recettes du tribunal avant le 29 septembre 2023,

- L'infirme de ces trois chefs, et, y statuant à nouveau,

- Déboute M. [F] [R] de sa demande au titre des loyers échus du 1er juin 2017 au 31 mars 2018,

- Dit que M. [F] [R] devra consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY, la somme de 3 000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l'expert désigné au jugement querellé, et ce dans le mois suivant signification du présent arrêt,

Y ajoutant,

- Déboute Mme [P] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Fait masse des dépens d'appel, les partage par moitié et condamne chacune des parties à une motié de ces dépens.