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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 24 avril 2025, n° 23/03092

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ama 76 (SARL)

Défendeur :

JCH (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vannier

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Enault, Me Debliquis

TJ Rouen, du 11 juill. 2023, n° 23/00576

11 juillet 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Liées par un bail commercial du 15 novembre 2006 portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4], la SCI JCH a fait délivrer à la SARL AMA 76, spécialisée dans le secteur d'activité de la fabrication de structures métalliques et de parties de structures, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail le 5 décembre 2022 pour défaut de paiement des loyers, dus mensuellement et d'avance, ainsi que des taxes foncières et des frais à hauteur de 16 194,71 euros.

Par acte de commissaire de justice du 1er février 2023, la SCI JCH a fait assigner la SARL AMA 76 devant le tribunal judiciaire de Rouen afin que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et en paiement de la somme de 18 521,97 euros à titre principal outre une indemnité d'occupation.

Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- constaté que les conditions l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial conclu entre la société SCI JCH et la société SARL AMA 76, sur un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4], sont réunies au 5 janvier 2023,

- prononcé la résiliation du bail commercial à la date du 5 janvier 2023,

- ordonné la libération immédiate des lieux,

- dit qu'à défaut de libération des lieux par la société SARL AMA 76 il sera procédé à son expulsion et à celle de tous c coupants de son chef, avec le concours de la force publique si nécessaire,

- condamné la société SARL AMA 76 à payer à la société SCI JCH une indemnité d'occupation égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges, qui aurait été payé en cas de non résiliation du bail et Ile jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la société SARL AMA 76 à payer à la société SCI JCH la somme de

18 521 ,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, arrêtés au 1er février 2023, échéance du mois de février 2023 incluse,

- condamné la société SARL AMA 76 aux dépens,

- condamné SARL AMA 76 à payer à la société SCI JCH la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

La SARL AMA 76 a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 septembre 2023.

L'expulsion de la SARL AMA 76 a été opérée le 6 octobre 2023 et un procès-verbal d'expulsion a été dressé le 17 octobre 2023, le commissaire de justice instrumentaire ayant constaté la présence de nombreuses machines outils appartenant à la SARL AMA 76 dans les lieux.

Par ordonnance du 13 décembre 2023, le magistrat délégué par la première présidente de cette cour a déclaré irrecevable la demande d'arrêt d'exécution provisoire formée par la SARL AMA 76.

Par ordonnance du 10 octobre 2024, la demande de radiation de l'affaire a été rejetée après que le conseiller de la mise en état a constaté que l'essentiel des sommes dues par la SARL AMA 76 à la SCI JCH avait été réglées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 13 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société AMA 76 qui demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée la société AMA76 en son appel du jugement rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal judicaire de Rouen,

- annuler à défaut réformer, infirmer le jugement rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal Judicaire de Rouen en ce qu'il :

« ' Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial conclu entre la S.C.I JCH et la S.A.R.L AMA T6, portant sur un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4] sont réunies au 5 janvier 2023

Prononce la résiliation du bail commercial à la date du 5 janvier 2023

Ordonne la libération immédiate des lieux

Dit qu'à défaut de libération des lieux par la société AMA 76 il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si nécessaire

Condamne la SARL AMA 76 à payer à la SCI JCH une indemnité d'occupation égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges, qui aurait été payé en cas de non résiliation du bail et ce jusqu'à libération effective des lieux

Condamne la SARL AMA 76 à payer à la SCI JCH la somme de 18.521,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, arrêtés au 1er février 2023, échéance du mois de février incluse

Condamne la SARL AMA 76 à payer à la SCI JCH la somme de 1.500 euros au titre de I'article700 du code de procédure civile outre aux dépens

Rappelle que I 'exécution provisoire est de droit ».

En conséquence,

Statuant à nouveau,

Accorder à la société AMA 76 les plus larges délais de paiements, soit 24 mois,

Constater que la société AMA 76 s'est acquittée de l'intégralité de ses obligations financières dans les délais

En conséquence

Déclarer n'y avoir lieu d'appliquer la clause résolutoire et réformer le jugement en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail,

Ordonner la poursuite du bail conclu le 15 novembre 2006 conclu le 15 novembre 2006, portant sur un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4],

Prononcer l'annulation rétroactive des effets de la clause résolutoire du bail commercial

Ordonner la réintégration du preneur, la société AMA 76, dans son local sous astreinte de 100 ' par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

A titre reconventionnel

Condamner la SCI JCH à régler à la société AMA76 la somme de 1.364.000 ' au titre du préjudice d'exploitation,

Condamner la SCI JCH à rembourser à la société AMA76 la somme de 18.000 ' au titre des

factures d'eau réglées en lieu et place du bailleur,

Condamner la SCI JCH a à régler à la société AMA76 les entiers dépens de première instance et d'appel

La condamner à régler 10.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 13 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SCI JCH qui demande à la cour de :

- déclarer recevables mais mal fondées l'appel interjeté par la SARL AMA 76 à l'encontre du jugement rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement susvisé,

- débouter la société AMA 76 de l'intégralité de ses demandes, fins ou conclusions,

- condamner la société AMA 76 à régler à la SCI JCH la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AMA 76 aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Exposé des moyens :

La SARL AMA 76 soutient que :

- quelques semaines après son entrée en jouissance, la SARL AMA 76 a subi d'importants désordres provoqués par des infiltrations d'eau alors que de nombreux matériels informatiques et des matériaux nécessaires à son activité de menuiserie y étaient entreposés et sont devenus inutilisables par la suite; ne pouvant réaliser les chantiers promis, elle a été contrainte de régler des pénalités de retard ;

- elle a alerté à de nombreuses reprises son bailleur qui est demeuré inerte et elle a fait dresser un procès-verbal le 28 avril 2020 constatant les infiltrations subies;

- la SCI JCH a fait peser sur la SARL AMA 76 une taxe foncière portant sur des locaux dont elle n'avait pas la jouissance et le bailleur n'a jamais rectifié cette anomalie;

- la SARL AMA 76 a constaté que son bailleur et un autre locataire bénéficiaient d'un droit de passage sur la cour qu'elle avait pris à bail et qu'elle n'en avait dès lors pas la jouissance exclusive alors qu'elle réglait une taxe foncière intégrale sur ce point ; la SCI JCH n'a jamais réévalué le montant de la taxe foncière pesant sur la SARL AMA 76 jusqu'à ce qu'un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 21 décembre 2018 donne gain de cause au preneur;

- la SARL AMA 76 a découvert qu'elle réglait les consommations d'eau des autres immeubles du bailleur situés sur la même parcelle ainsi que celles d'un voisin faute de compteur propre et la SCI JCH a mis un an et demi à réagir lorsque la SARL AMA 76 a dû subir une fuite sur le réseau d'eau le 26 avril 2020 ; elle n'a jamais réglé le surcroit de consommations ;

- la SARL AMA 76 a bien réglé les loyers de novembre et décembre 2022 par chèques mais la SCI JCH ne les a pas présentés à l'encaissement, ce que le preneur n'a su qu'en mars 2023 ;

- le commandement de payer qui a été délivré au preneur le 5 décembre 2022 était erroné et a été remis dans la boîte aux lettres du voisin de sorte qu'elle n'a pu régulariser la situation ; le même problème s'est présenté lors de la délivrance de l'assignation devant le tribunal judiciaire de Rouen puis du commandement de quitter les lieux;

- elle a quitté les lieux le 21 septembre 2023 en y laissant ses marchandises et matériels ;

- elle a réglé toutes les sommes mises à sa charge en cours de procédure ; des délais rétroactifs doivent lui être accordés de sorte que la clause résolutoire ne peut plus s'appliquer ;

- le bailleur a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire du bail de mauvaise foi alors qu'il avait manqué à ses propres obligations telles que rappelées plus haut;

- la SARL AMA 76 a subi un préjudice économique du fait qu'elle n'a pu poursuivre son activité ;

- la SCI JCH doit rembourser les factures d'eau réglées indûment par le preneur.

La SCI JCH fait valoir que :

- le commandement délivré à la SARL AMA 76 n'est pas imprécis et est valable à concurrence de la somme effectivement due par le preneur ;

- dès lors que le locataire n'a réglé que postérieurement au délai d'un mois suivant la délivrance du commandement, celui-ci doit recevoir plein effet ;

- la SARL AMA 76 n'a jamais contesté les sommes réclamées avant la présente instance ;

- la preuve de l'envoi des chèques de loyer n'est pas rapportée par la SARL AMA 76 ;

- le preneur ayant été défaillant, le bailleur était en droit de lui faire délivrer un commandement ;

- les actes ont été laissés dans la boîte au lettres de la SARL AMA 76 et non dans celle du voisin ; l'acte d'huissier mentionnant cette formalité vaut jusqu'à inscription de faux ;

- la SCI JCH n'a jamais donné son accord pour une quelconque compensation entre les loyers dus par le preneur et les factures d'eau qu'il aurait indument réglées ;

- la SARL AMA 76 ayant quitté les lieux le 6 octobre 2023 à la suite de son expulsion, aucun délai ne peut lui être accordé ;

- il appartient à la SARL AMA 76 de récupérer les objets laissés dans les lieux sans qu'un délai doive lui être accordé pour ce faire ; depuis le 26 octobre 2023, la SARL AMA 76 ne s'est pas manifestée pour récupérer les divers biens entreposés dans les lieux objet du bail ;

- la SARL AMA 76 demeure débitrice d'indemnités d'occupation et de taxes foncières ;

- les prétendus troubles de jouissance ne sont pas de nature à remettre en cause la clause résolutoire et ses effets.

Réponse de la cour :

1°) Sur les délais rétroactifs sollicités par la SARL AMA 76 :

l'article L145-41 du code de commerce dispose que : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Par acte du 15 novembre 2006, la SCI JCH a donné à bail à la SAS Les Ateliers de Métallerie et d'Aluminium un immeuble à usage commercial situé [Adresse 2] à [Localité 4] pour un loyer annuel de 13 040,04 euros (hors taxes) la première année et 16 200 euros (hors taxes) à compter du 1er novembre 2007, l'article IV du contrat prévoyant que le loyer est payable mensuellement et d'avance.

Par jugement du 30 avril 2013, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé le redressement judiciaire du preneur et par jugement du 22 mars 2016, sa liquidation judiciaire a été prononcée. Dans ce cadre, la SARL AMA 76 a acquis le fonds de commerce de la SAS Les Ateliers de Métallerie et d'Aluminium par acte du 27 juillet 2016.

La SCI JCH a fait délivrer à la SARL AMA 76 un commandement visant la clause résolutoire du bail les liant le 7 janvier 2017 puis le 16 mars 2020.

Le 5 décembre 2022, la société JCH a fait délivrer un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 5 784,87 euros au titre des loyers impayés de mai, novembre et décembre 2022 et pour 10 198,01 euros au titre de la taxe foncière pour l'année 2022.

Il est constant que les causes de ce dernier commandement n'ont pas été apurées dans le mois de sa délivrance.

Le jugement entrepris a été signifié le 5 septembre 2023 en même temps qu'un commandement de payer aux fins de saisie vente ainsi qu'un commandement de quitter les lieux.

Le 18 septembre 2023, la SCI JCH a fait diligenter une saisie-attribution des comptes bancaires de la société AMA 76, qui a permis d'appréhender la somme de 667,56 euros.

Le 20 septembre 2023, la société AMA 76 a fait délivrer à la SCI JCH une assignation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Rouen aux fins d'obtenir la nullité des commandements de payer aux fins de saisie-vente et de quitter les lieux et à défaut, des délais pour quitter les lieux.

Le 6 octobre 2023, l'expulsion de la société AMA 76 a été réalisée et un procès-verbal d'expulsion a été dressé le 17 octobre 2023, le commissaire de justice instrumentaire ayant constaté la présence de nombreuses machines outils appartenant à la SARL AMA 76 dans les lieux.

Le 26 octobre 2023, la SARL AMA 76 a sollicité du commissaire de justice instrumentaire un rendez-vous afin de récupérer son véhicule, son outillage et des clés appartenant à un tiers et l'officier ministériel lui a donné rendez-vous le mardi suivant en l'invitant à enlever tous les biens encore présents dans les lieux ou, à défaut, à les déclarer abandonner par écrit.

La cour constate que l'allégation de la SCI JCH selon laquelle, depuis le 26 octobre 2023, la SARL AMA 76 ne s'est pas manifestée pour récupérer les divers biens entreposés dans les lieux objet du bail n'a pas été contestée par la SARL AMA 76.

Le 13 décembre 2023, le juge de l'exécution a déclaré que la demande de délais pour quitter les lieux présentée par la SARL AMA 76 était devenue sans objet et a rejeté l'ensemble de ses autres demandes.

L'argumentation développée par la SARL AMA 76 qui porte sur le fait qu'elle a payé l'arriéré locatif, qu'elle a fait face à des charges qui auraient dû être assumées par la SCI JCH, qu'elle est de bonne foi tandis que le bailleur est de mauvaise et que la SCI JCH a méconnu son obligation de délivrance ce qui a entraîné un trouble de jouissance pour le preneur, tend essentiellement à obtenir l'octroi de délais rétroactifs, à ce qu'il soit constaté que ces délais ont été respectés et que, dès lors, la clause résolutoire du bail n'ayant pas joué, la réintégration dans les lieux de la SARL AMA 76 s'impose.

Cependant, la cour constate également que :

- la SCI JCH a fait délivrer à la SARL AMA 76 un commandement visant la clause résolutoire du bail les liant le 7 juillet 2017 pour des loyers impayés à hauteur de 5557,32 euros (3 mois) et pour 3168 euros de taxes foncières ;

- la SCI JCH a fait délivrer à la SARL AMA 76 un commandement visant la clause résolutoire du bail les liant le 16 mars 2020 pour des loyers impayés à hauteur de

14 819,52 euros (8 mois) et pour 3298,20 euros de taxes foncières ;

- la question relative à la répartition des taxes foncières avait été réglée définitivement par jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 21 décembre 2018 qui avait fixé à 7,2% le montant pouvant être récupéré sur la SARL AMA 76 au titre de la taxe foncière et l'avait condamnée à ce titre à

6 027,50 ' 734,40 = 5 293,10 euros en lui accordant des délais de paiement ;

- la SCI JCH a fait délivrer à la SARL AMA 76 un dernier commandement visant la clause résolutoire du bail les liant le 5 décembre 2022 pour 3 mois de loyers impayés et des taxes foncières ;

- la SARL AMA 76 n'a jamais justifié d'un quelconque accord de la SCI JCH portant sur la compensation entre les sommes dues au titre des taxes foncières à cette dernière et d'éventuelles factures d'eau qui auraient été dues par la SCI JCH à la SARL AMA 76, cette argumentation, soutenue devant le juge de l'exécution, ayant été rejetée par cette juridiction dans son jugement du 13 décembre 2023 ;

- la contestation élevée par la SARL AMA 76 quant à la sincérité des mentions figurant dans divers actes qui ont été délivrés par le commissaire de justice instrumentaire, mentions selon lesquelles ces actes ont été remis au voisin de la SARL AMA 76 faute par elle d'avoir été présente le jour de leur délivrance, se heurte au fait que ces mentions valent jusqu'à inscription de faux.

Dès lors que, depuis des années, et abstraction faite de la question des charges, la SCI JCH se heurte aux défaillances réitérées de la SARL AMA 76 quant au paiement des loyers, c'est légitimement que le bailleur a procédé à la délivrance des trois commandements considérés et c'est également légitimement qu'il s'oppose à ce que des délais rétroactifs soient accordés à la SARL AMA 76 qui ne justifie pas, au surplus, des raisons qui l'ont conduit à cesser de régler ses loyers alors qu'elle occupait les lieux et qu'elle a ainsi méconnu l'obligation essentielle du preneur.

La SCI JCH sera déboutée de sa demande de délais de paiement et de celle relative à sa réintégration dans les lieux.

2°) Sur les demandes reconventionnelles en paiement formées par la SARL AMA 76 :

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

La SARL AMA 76 sollicite « 1 364 000 euros à titre de dommages et intérêts pour ses pertes d'exploitation, réparti comme suit : Perte de couverture de frais généraux liés aux frais de location du matériel resté dans les locaux de [Localité 4]: 30 000 euros ; perte de chiffre d'affaires pour 2023-2024 (privé de locaux pour exercer l'activité) : 684 000 euros, perte de chance évaluée à 90 % du chiffre d'affaires (760.000 euros) ; perte du matériels informatiques, de manutention, de matériaux clients : 650 000 euros.

La décision de procéder à l'expulsion étant abusive, la société AMA 76 est fondée à se prévaloir du préjudice entraîné par la cessation brutale de son exploitation. »

La décision de la SCI JCH de faire exécuter la décision d'expulsion rendue contre la SARL AMA 76 a été fondée sur le fait, exact, que le preneur était défaillant quant au paiement des loyers, ce que la Cour vient de constater. Il n'existe dès lors aucune faute pouvant être imputée à la SCI JCH sur ce point.

Par ailleurs, la SARL AMA 76, pour calculer son prétendu préjudice, s'est bornée à verser aux débats un tableau reprenant les éléments ci-dessus qui ne sont corroborés par aucune autre pièce notamment comptable.

La SARL AMA 76 sera dès lors déboutée de sa demande en paiement sur ce point.

Elle sollicite par ailleurs la somme de 18 000 euros au titre de factures d'eau qu'elle déclare avoir réglées indûment alors que la SCI JCH aurait dû les assumer.

A cet égard, la SARL AMA 76 verse aux débats :

- des courriers électroniques des 28 octobre 2022 et 15 mars 2023 adressés par la SARL AMA 76 à la SCI JCH lui indiquant que, malgré les travaux effectués, des infiltrations perduraient et lui réclamant le remboursement de factures d'eau antérieures ;

- une facture d'eau de 18 126,03 euros établie par le service public de l'eau à l'attention de la SARL AMA 76 à échéance du 22 avril 2021 ;

- un procès-verbal de constat du 28 avril 2020 établi à la requête de la SARL AMA 76 faisant état d'infiltrations d'eaux pluviales dans les lieux et d'une fuite d'eau chez le voisin ;

- une facture d'eau émanant de la SARL AMA 76 à l'attention de la SCI JCH du 27 mars 2023 pour une somme de 19 304,82 euros (hors taxes) ;

- un courrier électronique relatif à une facture d'eau adressé par la SARL AMA 76 à la SCI JCH le 22 février 2021;

- un courrier du 8 avril 2021 adressé par la SCI JCH à la SARL AMA 76 attestant de la réalisation de travaux de plomberie.

Ces éléments sont insuffisants pour justifier du bien fondé de la demande formée par la SARL AMA 76 qui doit démontrer que :

- elle a réglé des factures d'eau pour un total de 18 000 euros, ce qu'elle ne démontre pas ;

- ces factures n'étaient pas dues par elle comme résultant de fuites ou d'évènements extérieurs devant être assumés par la SCI JCH, ce qu'elle ne fait pas alors qu'elle ne produit aucun document émanant du service gestionnaire de l'eau de nature à démontrer que sa consommation a été anormalement élevée sur certaines périodes.

La SARL AMA 76 sera dès lors déboutée de sa demande en paiement sur ce point.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions sauf à constater que la SCI JCH indique expressément dans ses écritures (page 4) que « A la veille de l'audience d'incident [sollicitant la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution], la société AMA 76 a finalement réglé les causes du jugement dont appel. »

La SARL AMA 76, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI JCH.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 11 juillet 2023 ;

Y ajoutant :

Constate que la SCI JCH a indiqué que la société AMA 76 avait réglé les causes du jugement dont appel ;

Déboute la SARL AMA 76 de ses demandes de délais et de réintégration dans les lieux ;

Déboute la SARL AMA 76 de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et en remboursement de factures d'eau formées contre la SCI JCH ;

Condamne la SARL AMA 76 aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne la SARL AMA 76 à payer à la SCI JCH la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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