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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 24 avril 2025, n° 24/00235

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Energy Green (Sté), BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Bnp Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Berger, Mme Gentilini

Avocats :

Me Darnoux, Me Reinhard

Juge des contentieux de la protection Pr…

7 décembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 18 juin 2020, M. [R] [E] a commandé à la société Energy Green Europe la livraison et l'installation d'un ballon thermodynamique et d'une pompe à chaleur pour un montant total de 23 900 euros, entièrement financé par la souscription le même jour auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF) d'un contrat de crédit affecté du même montant remboursable en 120 mensualités au TAEG fixe de 3,28 %.

Par acte des 16 et 21 septembre 2022, M. [R] [E] a assigné les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Energy Green Europe, cette dernière représentée par son liquidateur amiable M. [X] [M], devant le tribunal judiciaire de Privas que par ordonnance du 16 mars 2023, le juge de la mise en état a déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection de la juridiction qui, par jugement réputé contradictoire du 7 décembre 2023 :

- a prononcé l'annulation du contrat conclu entre M. [E] et la société Energy Green Europe le 18 juin 2020,

- a prononcé en conséquence l'annulation du contrat de prêt du 18 juin 2020,

- a condamné M. [E] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 23 900 euros sous déduction des échéances de remboursement déjà versées, soit la somme de 5 740, 81 euros arrêtée au 7 octobre 2022,

- a déclaré irrecevable la demande de la société BNP Paribas Personal Finance tendant à la condamnation de la société Energy Green Europe à lui payer la somme de 23 900 euros outre la somme de 4 477,60 euros,

- a dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de sa décision,

- a condamné M. [E] et la BNP Paribas Personal Finance aux dépens, chacun pour moitié,

- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. [R] [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 janvier 2024.

Par ordonnance du 19 novembre 2024, la procédure a été clôturée le 27 février 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 13 mars 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 18 novembre 2024, M. [R] [E] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à restituer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 23 900 euros,

Statuant à nouveau

- de condamner cette société

- à lui rembourser les échéances du prêt qu'il aura assumées,

- à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Darnoux sur son affirmation de droit.

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 21 novembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

- de débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [R] [E] à lui restituer à la somme de 23 900 euros sous déduction des échéances de remboursement déjà versées, soit la somme de 5 740, 81 euros arrêtée au 7 octobre 2022,

A tout le moins

- d'ordonner à M. [E] de tenir le matériel posé en exécution du contrat de vente à disposition de la société Energy Green Europe, prise en la personne de son liquidateur amiable pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision afin que celui-ci procède à sa dépose et à la remise en l'état antérieur en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par courrier recommandé avec accusé de réception et qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, il pourra disposer comme bon lui semble dudit matériel et le conserver,

- de fixer le préjudice de M. [E] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 23 900 euros si le liquidateur amiable vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et qu'à défaut il ne subit aucun préjudice en lien avec cette faute,

- d'accueillir son appel incident,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- a déclaré irrecevable sa demande tendant à la condamnation de la société Energy Green Europe à lui payer la somme de 23 900 euros outre la somme de 4 477, 60 euros,

- a condamné M. [E] et elle-même aux dépens, chacun pour moitié,

Statuant à nouveau

- de déclarer recevable sa demande à l'égard de la société Engie Green Europe,

- de condamner la société Energy Green Europe, prise en la personne de son liquidateur amiable, à lui payer la somme de 23 900 euros, correspondant au montant du capital prêté, à titre de garantie outre 4 477,60 euros, à titre de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire

- de condamner la société Energy Green Europe, prise en la personne de son liquidateur amiable, à lui payer la somme totale de 28 377,60 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause

- de condamner M. [E] à lui payer une indemnité à hauteur de 2 400 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre M. [R] [E] et la société Energy Green Europe et l'annulation en conséquence du contrat de prêt souscrit le 18 juin 2020 par celui-ci auprès de la société BNP Paribas Personal Finance.

* demande de restitution du capital emprunté

Pour condamner M. [R] [E] à restituer à la banque le capital emprunté, sous déduction des échéances d'ores et déjà remboursées, le premier juge a retenu d'une part l'absence de preuve d'une faute de la banque dans la délivrance des fonds, d'autre part l'absence de preuve du fait que l'installation ne fonctionnait pas correctement.

L'appelant soutient que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute la privant de son droit à restitution des fonds en procédant au déblocage de ces fonds entre les mains du vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires, dès lors qu'il n'a pas signé l'attestation de livraison, qu'elle aurait dû voir que le contrat de vente et d'installation était nul, et qu'elle n'a pas non plus vérifié sa capacité d'emprunt.

L'intimée réplique que les man'uvres dolosives du vendeur ne lui sont pas opposables, dès lors qu'elle n'est tenue que d'un devoir de mise en garde sur les risques de l'opération de crédit et non d'une obligation d'information sur l'opportunité de souscrire un engagement ; que l'appelant a bien signé l'attestation de livraison, lui donnant ainsi l'autorisation de libérer les fonds, et qu'elle n'avait pas à vérifier la signature apposée sur cette attestation.

Elle ajoute que même si une faute était retenue à son encontre, l'appelant ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité justifiant qu'elle soit déchue de son droit à restitution dès lors que les travaux ont bien été réalisés, que les matériels fonctionnent parfaitement, et qu'il dispose d'un recours contre le liquidateur amiable.

Selon l'article L.312-55 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il en résulte que l'annulation ou la résolution du contrat de vente ou de prestation de service emporte celle du contrat de crédit accessoire et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf s'il établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice en lien de causalité direct avec cette faute.

Le premier juge a annulé pour dol le contrat conclu entre l'appelant et la société Engie Green Europe au motif que celle-ci lui avait remis des documents comportant des mentions trompeuses, relatives d'une part à ses qualifications et d'autre part aux primes dont il pourrait bénéficier.

Le prêteur commet une faute en versant les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d'installation était affecté d'une cause de nullité.

L'appelant ne rapporte pas la preuve que le prêteur s'est ici rendu complice des man'uvres frauduleuses commises par la société Engie Green Europe, et il ne lui incombait pas de vérifier les qualifications dont s'est prévalu le vendeur ni ses allégations relatives aux aides pouvant être versées au titre de l'opération réalisée.

Est également privée de sa créance de restitution la banque qui délivre les fonds sans s'assurer que le contrat principal a été exécuté. Mais aucune faute ne peut être reprochée au prêteur qui délivre les fonds au vu d'une attestation signée par l'emprunteur certifiant la livraison du bien et/ou l'exécution de la prestation de service, dès lors qu'une telle attestation comporte toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée.

En l'espèce, la banque a délivré les fonds au vendeur au vu d'une attestation de livraison datée du 3 juillet 2020 sur laquelle figure une signature dans la case « l'emprunteur », attestant sans réserve que la livraison du bien a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu, qu'elle est intervenue le 3 juillet 2020, que ses obligations au titre du contrat de crédit accessoire à une vente prennent effet à compter de cette date et qu'il demande au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds au titre dudit contrat.

La signature figurant sur cette attestation, que M. [R] [E] conteste, correspond pourtant aux signatures apposées sur l'offre de contrat de crédit acceptée, la fiche de renseignements, la fiche explicative et la FIPEN, ainsi qu'à celle qui figure sur sa carte d'identité.

Il ne rapporte pas la preuve que sa signature a été imitée, et quand bien même serait-ce le cas, ne pourrait être imputé à faute à la banque d'avoir délivré les fonds au vu une attestation de livraison sur laquelle figurait une signature ayant l'apparence de la sienne.

M. [R] [E] a en outre déclaré lors de son audition par les services de gendarmerie « les travaux ont été faits dans les règles de l'art » et « tout fonctionne ».

Il s'en évince que les travaux commandés ont bien été réalisés, que ce soit le 3 ou le 13 juillet 2020.

Dans ces conditions, aucune faute ne peut être imputée au prêteur pour avoir délivré les fonds.

Aux termes de l'article L.312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, et consulte le fichier prévu à l'article L.751-1.

Les pièces produites démontrent que la banque a consulté le fichier des incidents de paiement le 6 juillet 2020, et a fait remplir à l'emprunteur une fiche de renseignements dans laquelle il a déclaré percevoir un revenu de 1 300 euros et son épouse un revenu de 1 000 euros.

Ces déclarations sont corroborées par leur avis d'imposition sur les revenus 2018, qui fait état de bénéfices agricoles imposables de 5 930 euros, de bénéfices industriels et commerciaux non professionnels de 13 595 euros et de revenus salariaux de 8 714 euros, soit un revenu mensuel moyen de 2 353 euros.

Il n'est fait état d'aucune charge dans la fiche de renseignements.

La mensualité du crédit souscrit pour le financement de l'installation acquise, d'un montant de 260,85 euros, représente environ 11% des revenus du couple.

Il en résulte que le prêteur a vérifié la solvabilité de l'emprunteur, et qu'aucune faute ne peut lui imputée à ce titre.

En tout état de cause, le manquement du prêteur à cette obligation n'est pas sanctionné par l'absence de remboursement mais par l'éventuelle déchéance de son droit aux intérêts, en application de l'article L.341-2 du code de la consommation.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution à l'emprunteur du capital prêté, soit la somme de 23 900 euros, sous déduction des échéances déjà versées pour un montant de 5 740,81 euros arrêté au 7 octobre 2022.

* appel en garantie du vendeur par le prêteur

Le tribunal a déclaré cette demande irrecevable au visa de l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la liquidation de la société Energy Green étant antérieur à la demande en paiement formée par la banque.

L'intimée, appelante à titre incident de ce chef, soutient que les dispositions susvisées ne s'appliquent pas à la procédure de liquidation amiable dont fait l'objet la société Energy Green.

**recevabilité de la demande

En application de l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L.622-22, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

L'action engagée postérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective ne constitue pas une instance en cours. Si l'instance n'a pas encore été déclenchée au moment du jugement d'ouverture, le juge de droit commun ne peut pas fixer la créance et doit déclarer la demande irrecevable.

En l'espèce, la société Energy Green a cessé son activité le 16 octobre 2020 date de sa dissolution anticipée. Elle a ensuite été radiée du RCS le 7 janvier 2021 par suite de la clôture des opérations de liquidation. M. [X] [M], son ancien gérant, en est le liquidateur.

Elle n'a pas fait l'objet d'une procédure collective, et les dispositions invoquées sont inapplicables à la liquidation amiable.

Par conséquent, le jugement est infirmé et la demande de la BNP Paribas Personal Finance déclarée recevable.

**bien-fondé de la demande

Aux termes de l'article L.312-56 du code de la consommation, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.

En l'espèce, le contrat ayant été annulé du fait du dol commis par le vendeur, celui-ci doit garantir l'emprunteur du remboursement du prêt.

Le montant total du prêt s'élevait à 28 377,60 euros et le prêteur justifie ainsi que, du fait des agissements du vendeur, il perd le bénéfice des intérêts qu'il aurait dû percevoir dans le cadre de l'exécution du contrat.

La société Energy Green, représentée par son liquidateur amiable M. [M], est par conséquent condamnée à lui verser la somme de 4 477,60 euros à titre de dommages et intérêts.

* autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [R] [E] et la société Energy Green, qui succombent en appel, sont condamnés aux dépens de la présente instance pour moitié chacun.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 7 décembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Privas en toutes les dispositions qui lui sont soumises, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société BNP Paribas Personal Finance tendant à la condamnation de la société Energy Green à garantir M. [R] [E] du remboursement du prêt et à lui verser des dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevable la demande de garantie et de dommages et intérêts formée par la société BNP Paribas Personal Finance à l'encontre de la société Energy Green, représentée par son liquidateur amiable M. [X] [M],

Condamne la société Energy Green, représentée par son liquidateur amiable M. [X] [M], à garantir M. [R] [E] du remboursement du prêt souscrit auprès de la BNP Paribas Personal Finance à hauteur de 23 900 euros,

Condamne la société Energy Green, représentée par son liquidateur amiable M. [X] [M], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 4 477,60 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] [E] et la société Energy Green, représentée par son liquidateur amiable M. [X] [M] aux dépens de la procédure d'appel, pour moitié chacun,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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