CA Rennes, 7e ch prud'homale, 24 avril 2025, n° 21/06796
RENNES
Arrêt
Autre
7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N° 128/2025
N° RG 21/06796 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SFC5
M. [H] [B]
C/
S.A.S. POINT DAMIGNY
S.A.S. SADEF
RG CPH : 20/00041
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-MALO
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 AVRIL 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Février 2025
En présence de Madmae [G], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Avril 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [H] [B]
né le 29 Juillet 1967 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Géraldine GARDILLOU de la SAS MERMET & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
substituée par Me LUCE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMÉES :
S.A.S. POINT DAMIGNY Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me DREZET, Plaidant, avocat au barreau du HAVRE
S.A.S. SADEF
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas NARDIS de la SELARL LCE AVOCATS NOTAIRES,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me LE GLEAU, Plaidant, Cabinet Actance, avocat au barreau de PARIS
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 14 avril 2003, M. [H] [B] était embauché par la société DSA exploitant des magasins sous l'enseigne 'Monsieur Bricolage' en qualité de directeur du magasin de [Localité 3] (Ille et Vilaine), catégorie cadre dirigeant - niveau 5 - degré L - coefficient 400 de la convention collective nationale du bricolage, selon un contrat de travail à durée indéterminée.
A compter du 1er septembre 2005, son contrat de travail était transféré à la SAS Sadef.
Par avenant du 14 novembre 2012 avec effet au 1er octobre 2012, il était convenu d'un forfait annuel de 225 jours de travail au visa des articles L3121-43 et L3121-45 du code du travail.
En dernier lieu, au sein de la SAS Sadef, le salarié occupait la fonction de directeur de magasin, bénéficiait d'une convention de forfait jours de 225 jours et percevait une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 5 386 euros.
Le 1er mars 2020, la SAS Point Damigny reprenait le magasin de [Localité 3]. Le contrat de travail de M. [B] était transféré au repreneur.
Par courrier en date du 17 avril 2020, M. [B] mettait en demeure la SAS Point Damigny de régler des heures supplémentaires relatives à sa période d'emploi au service de la SAS Sadef, invoquant l'illégalité de la convention de forfait en jours.
Le 20 avril 2020, M. [B] et son nouvel employeur concluaient un nouveau contrat de travail prévoyant une convention de forfait jours de 215 jours par an.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 décembre 2020, M. [B] était convoqué à un entretien préalable à son licenciement.
Le 22 janvier 2021, il se voyait notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Entre-temps et suivant requête en date du 9 juin 2020, il saisissait le conseil de prud'hommes de Saint-Malo de différentes demandes dirigées contre la S.A. Sadef afin de contester la convention de forfait en jours appliquée par depuis le 1er octobre 2012 et d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires de 2017 à 2020, indemnités pour contreparties obligatoires en repos et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour travail dissimulé.(Instance N°RG 21/6796).
Par une requête distincte en date du 23 mars 2021, M. [B] saisissait le conseil de prud'hommes de Saint-Malo de différentes demandes dirigées contre la société Point Damigny, afin de contester la convention de forfait en jours appliquée par la société Point Damigny depuis le 1er mars 2020 et d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires depuis le 1er mars 2020, indemnités pour contreparties obligatoires en repos et dommages-intérêts pour travail dissimulé et sollicitant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.(Instance N°RG 22/1107).
***
Au dernier état de ses demandes dans l'instance n°21/6796, M. [B] demandait au conseil de prud'hommes de Saint-Malo de:
- Dire et juger nulle ou encore inopposable au salarié et de ce fait sans effet, la convention de forfait jours appliquée par la SAS Sadef à M. [B] depuis le 1er octobre 2012.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B]:
- Heures supplémentaires de 2017 : 15 826,35 euros brut, outre 1 582,63 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2018 : 20 220,05 euros brut, outre 2 022 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2019 : 22 547,89 euros brut, outre 2 254,78 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2020 : 3 958,78 euros brut, outre 395,87 euros brut de congés payés,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2017 : 14 645,40 euros net,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2018 : 14 645,40 euros net,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2019 : 16 939,84 euros net,
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros net,
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 32 316 euros net,
- Indemnité de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros net,
- Les dépens.
- Débouter la SAS Sadef et la SAS Point Damigny de l'ensemble de leurs demandes.
- Dire et juger qu'en application de l'article L.1224-2 du code du travail, la SAS Sadef remboursera à la SAS Point Damigny les sommes qu'elle aura versées à M. [B], en exécution du jugement à intervenir.
- Dire et juger que toutes les condamnations à des salaires porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête au conseil de prud'hommes.
- Ordonner la capitalisation des intérêts.
- Fixer à 5 386 euros brut la moyenne des salaires des trois derniers mois.
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
La SAS Point Damigny a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Dire et juger que la SAS Sadef est seule redevable des sommes sollicitées par M. [B].
- Dès lors, rejeter toutes les demandes formulées par M. [B] à l'encontre de la SAS Point Damigny.
- Dire et juger que toutes les demandes formulées par M. [B] ne sont nullement fondées.
- Dès lors, les rejeter purement et simplement,
- Condamner M. [B] à payer à la SAS Point Damigny la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner le même aux entiers dépens,
La SAS Sadef a demandé au conseil de prud'hommes de :
A titre principal
- Constater que le contrat de travail de M. [B] a été transféré le 1er mars 2020 à la SAS Point Damigny :
En conséquence :
- Mettre hors de cause la SAS Sadef :
- Dire irrecevables les demandes formulées par M. [B] à l'encontre de la SAS Sadef :
A titre subsidiaire :
- Constater l'existence d'un accord collectif préalable relatif à la convention de forfait jours respectant les dispositions légales et conventionnelles :
- Constater la validité de la convention de forfait jours de M. [B].
- Constater que M. [B] disposait d'une délégation de pouvoirs en matière de durée du travail
- Constater que la demande d'heures supplémentaires formulée par M. [B] ne repose pas sur des éléments précis et probants :
- Constater que M. [B] ne justifie pas des horaires prétendument réalisés :
- Constater que le décompte produit par M. [B] est dénué de toute force probante :
- Constater l'absence de preuve de M. [B] pour fonder ses demandes indemnitaires :
En conséquence :
- Dire et juger la convention de forfait-jours de M. [B] valide :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes :
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le conseil prononçait la nullité de la convention de forfait de M. [B] ou déclarait cette dernière privée d'effet
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes :
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros correspondant aux jours de RTT pour la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
A titre infiniment plus subsidiaire, si par extraordinaire le conseil venait à faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [B]
- Constater que M. [B] avait perçu une rémunération mensuelle supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre en application des dispositions conventionnelles en la matière ;
- Constater que le contingent annuel d'heures supplémentaires n'avait pas été atteint
En conséquence :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
En tout état de cause,
- Limiter les intérêts au taux légal à la date du jugement à intervenir ;
- Débouter M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens:
- Condamner M. [B] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamner M. [B] aux entiers dépens
Par jugement en date du 24 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :
- Fixé la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [B] à 5 386 euros.
- Mis hors de cause la SAS Sadef.
- Dit et jugé que la convention individuelle de forfait jours de M. [B] signée le 1er octobre 2012 est privée d'effet.
En conséquence,
- Condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- 28 000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020 et 2 800 euros d'indemnité de congés payés afférents ;
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail ;
- Dit que les condamnations salariales porteront au taux légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience de tentative de conciliation, soit le 26 juin 2020 ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Débouté les parties de leurs autres demandes.
- Condamné la SAS Point Damigny aux entiers dépens.
***
M. [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 28 octobre 2021.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 10 janvier 2025, M. [B] demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Saint-Malo le 24 septembre 2021 en ce qu'il a :
- Mis hors de cause la SAS Sadef ;
- Condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- 28 000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020 et 2 800 euros d'indemnité de congés payés afférents.
- Débouté les parties de leurs autres demandes.
Et statuant à nouveau,
- Subsidiairement, annuler la convention de forfait jours appliquée par la SAS Sadef à M. [B] depuis le 1er octobre 2012.
- En tout état de cause, que la convention de forfait jours soit nulle et/ou privée d'effet,
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- Heures supplémentaires de 2017 : 15 826,35 euros brut, outre 1 582,63 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2018 : 20 220,05 euros brut, outre 2 022 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2019 : 22 547,89 euros brut, outre 2 254,78 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2020 : 3 958,78 euros brut, outre 395,87 euros brut de congés payés,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2017 : 14 645,40 euros net ou subsidiairement 14 645,40 euros brut congés payés inclus ;
- Contrepartie obligatoire en repos de 2018 : 14 645,40 euros net ou subsidiairement 14 645,40 euros brut congés payés inclus ;
- Contrepartie obligatoire en repos de 2019 : 16 939,84 euros net ou subsidiairement 16 939,84 euros brut congés payés inclus ;
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros net,
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 32 316 euros net.
- Débouter la SAS Sadef et la SAS Point Damigny de l'ensemble de leurs demandes.
- Condamner la SAS Sadef , en application de l'article L.1224-2 du code du travail, à rembourser à la SAS Point Damigny les sommes qu'elle aura versées à M. [B] en exécution de l'arrêt à intervenir.
- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Saint-Malo du 24 septembre 2021 pour le surplus.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny aux dépens à hauteur d'appel.
M. [B] fait valoir en substance que:
- Des directeurs de magasins de la société Sadef ont déjà obtenu l'annulation de leurs forfaits en jours et des rappels d'heures supplémentaires (Jugement définitif Caminade rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en formation de départage le 21 février 2018) ; également dans un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 19 septembre 2024 ;
- La cour de cassation a invalidé les conventions de forfait en jours telles que prévues par la convention collective nationale du Bricolage dans un arrêt du 24 mars 2021 ; les forfaits de 225 jours sont nuls car ils excèdent tant le seuil de 215 jours fixé par l'accord du 3 juin 2000 que les dispositions d'ordre public des articles L3121-58 et L3121-64 qui limitent à 218 jours le forfait annuel ; en outre, aucune disposition n'assure le respect de durées de travail raisonnables ainsi que de repos journaliers et hebdomadaires suffisants ; aucun entretien n'a jamais été organisé avec le salarié portant spécifiquement sur le forfait en jours, au mépris de l'accord d'entreprise Sadef du 11 mai 2012 ; aucun avenant contractuel actant un accord du salarié pour renoncer à ses jours de repos n'a été signé, de telle sorte que l'employeur ne peut invoquer la possibilité de dépasser la limite de 218 jours par an ;
- Il arrivait le matin avant 8 heures, prenait une pause de 2h de 12h à 14h et quittait le magasin le soir entre 19h et 19h45 ; il produit des décomptes du temps de travail effectués à partir des fiches de roulement des ouvertures et fermetures du magasin et les relevés d'alarme qui mentionnent le nom, la date et l'heure d'activation et désactivation de l'alarme ; la société Sadef dispose de tous les relevés d'activation d'alarme qu'il lui appartient de produire ; des collègues de travail témoignent de la réalité des horaires de M. [B];le rappel de salaire doit être calculé sur la base non pas du salaire minimum prévu par la convention collective, comme le soutient la société Sadef, mais sur la base du salaire effectivement perçu par le salarié (Soc. 17/11/2021 - n°19-16.756).
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 27 janvier 2025, la SAS Sadef demande à la cour d'appel de :
- Confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Sadef.
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Rennes infirmait le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Sadef :
- Dire et juger la convention de forfait-jours de M. [B] valide ;
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Rennes prononçait la nullité de la convention de forfait de M. [B] ou déclarait cette dernière privée d'effet :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
A titre infiniment plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Rennes venait à faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [B] :
- Dire et juger que M. [B] avait perçu une rémunération mensuelle supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre en application des dispositions conventionnelles en la matière ;
- Dire et juger que le contingent annuel d'heures supplémentaires n'avait pas été atteint ;
En conséquence :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
En tout état de cause,
- Limiter les intérêts au taux légal à la date du jugement à intervenir ;
- Débouter M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- Condamner M. [B] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [B] aux entiers dépens.
La société Sadef fait valoir en substance que:
- Elle doit être mise hors de cause en raison du transfert à la société Point Damigny le 1er mars 2020 du contrat de travail de M. [B] et des créances salariales ; les demandes formées à son encontre sont irrecevables;
- Le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris dans une affaire Caminade et l'arrêt rendu par la cour de cassation le 24 mars 2021 n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; en effet, le contrôle opéré a porté exclusivement sur l'accord de branche du 23 juin 2000 ; or, depuis l'ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017, la convention d'entreprise prime sur l'accord de branche (article L2253-3 du code du travail); en l'espèce, les conventions de forfait en jours sont prévues par l'accord d'aménagement du temps de travail du 11 mai 2012 ;
- L'accord de 2012 répond aux exigences légales et jurisprudentielles en matière de convention de forfait en jours ; il existait un suivi régulier de la charge de travail ;
- Le nombre de jours prévu dans le forfait peut dépasser 218 jours en application de l'article L3121-59 du code du travail qui prévoit une faculté de renonciation du salarié à une partie de ses jours de repos ;
- M. [B] était personnellement en charge du respect des dispositions applicables en matière de durée du travail au sein du magasin dont il avait la responsabilité ; il n'a jamais contesté sa délégation de pouvoirs ; au cours de ses entretiens 2016 et 2017 il a indiqué que l'organisation du travail lui permettait de concilier vie professionnelle et personnelle ;
- M. [B] ne justifie pas des horaires effectivement réalisés ; son décompte fondé sur les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin n'est pas crédible ; les témoins sollicités n'ont fait aucune constatation personnelle ; il n'était en charge de l'ouverture et de la fermeture que deux à trois jours par semaine ; en outre, il lui appartenait de limiter ses temps de travail et d'alerter la société en cas de difficulté dans l'organisation de son temps de travail ; le décompte est erroné ; il comporte des périodes supérieures à la semaine ;
- Si un rappel de salaire devait être alloué, il devrait être calculé sur la base du salaire conventionnel minimal pour un travail de 35 heures hebdomadaires ; la cour de cassation a considéré (Soc 16 juin 2021 - n°20-13.137) que la cour d'appel doit vérifier en cas de forfait irrégulier, s'il n'en est pas résulté le paiement même partiel d'heures de travail accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires ;
- Si la convention de forfait en jours est annulée, M. [B] serait redevable de la somme de 9.852,68 euros correspondant aux jours de repos indûment perçus.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 18 mars 2022, la SAS Point Damigny demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Malo le 24 septembre 2021 en ce qu'il a :
- prononcé la mise hors de cause de la société Sadef
- condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B]
- 28000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020
- 2800 euros d'indemnité de congés payés afférents
- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que les condamnations salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience de tentative de conciliation soit le 26 juin 2020
- ordonné la capitalisation des intérêts
- condamné la SAS Point Damigny aux dépens
Statuant à nouveau
- Juger que la convention de forfait jours conclue entre M. [B] et la société Sadef le 1er octobre 2012 est valable ;
- Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Subsidiairement
- Juger que toutes les demandes formées par M. [B] concernent exclusivement sa période d'emploi au service de la SAS Sadef
- Juger que la SAS Point Damigny doit être mise hors de cause ;
- Condamner la SAS Sadef à relever et garantir intégralement la SAS Sadef de toute condamnation qui serait mise à sa charge
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
Subsidiairement
- Condamner la SAS Sadef à relever et garantir intégralement la SAS Sadef de toute condamnation qui serait mise à sa charge
En tout état de cause :
- Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- Condamner M. [B] à payer à la SAS Point Damigny la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Point Damigny fait valoir en substance que:
- Elle s'associe aux conclusions de la société Sadef sur la validité de la convention de forfait en jours ; la rémunération perçue par M. [B] est quasiment du double de celle prévue pour un directeur de magasin par la convention collective nationale du Bricolage ;
- Les demandes de M. [B] concernent exclusivement une période d'emploi au sein de la société Sadef ; l'article L1224-2 du code du travail n'interdit pas au salarié d'agir directement contre son premier employeur.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 janvier 2025 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 10 février 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur les demandes de mise hors de cause:
Aux termes de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Ce texte d'ordre public s'applique, quelque soit la volonté des parties, en cas de transfert d'une entité économique, notion définie comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
L'article L1224-2 du même code dispose: 'Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux'.
Il est constant que si ce dernier texte fait bénéficier le salarié d'une action à l'encontre du nouvel employeur en paiement des obligations incombant à l'ancien employeur à la date de la modification, il ne fait pas obstacle à ce qu'il exerce directement l'action à l'égard de l'ancien employeur, s'agissant de créances dont l'origine est antérieure à la cession de l'entreprise.
En l'espèce, la cession du fonds de commerce de magasin à l'enseigne 'Monsieur Bricolage' de [Localité 3] auquel était affecté M. [B], résulte d'un acte de cession conclu entre la société Sadef, cédante et la société Point Damigny, cessionnaire, reçu le 2 mars 2020 par Maître [J], notaire à [Localité 10], avec une date d'entrée en jouissance fixée au 1er mars 2020.
Outre le fait qu'en vertu du principe susvisé dégagé de longue date par la jurisprudence, M. [B] est fondé à actionner conjointement l'ancien et le nouvel employeur au titre des créances salariales et de dommages-intérêts dont il sollicite le paiement, force est de constater que la société Point Damigny, nouvel employeur de M. [B], sollicite à titre subsidiaire la condamnation de la société Sadef à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
Dans ces conditions et par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter les demandes respectives de mise hors de cause présentées par la société Sadef et par la société Point Damigny.
2- Sur la question de la validité de la convention de forfait en jours:
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de I'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de I'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
L'article L3121-43 dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat de travail litigieux, prévoyait la possibilité de recourir à la conclusion d'une telle convention de forfait, pour les catégories de travailleurs suivants:
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
L'article L 3121-39 disposait que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
En vertu de l'article L3121-40 du même code dans sa version applicable au litige, la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
L'article L3121-44 disposait: 'Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours'.
L'article L 3121-46 disposait qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l'amplitude du temps de travail.
Les mesures de contrôle prévues par l'accord collectif ne doivent pas se présenter comme une pétition de principe, mais être de nature à assurer un suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié afin de mettre l'employeur l'employeur d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avère finalement incompatible avec une durée de travail raisonnable (Rapport de M. Florès, conseiller à la cour de cassation, sous Soc. 24 mars 2021 - n°19-12.208).
Un accord écrit du salarié précisant le nombre de jours travaillés dans l'année est nécessaire.
Les dispositions d'ordre public de l'article L3121-58 du code du travail dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 exigent que la convention de forfait en jours soit conclue 'dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64".
L'article L 3121-64-I-3° dispose que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine (...) le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours.
Le II de ce même texte dispose que l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise (...).
En l'espèce, l'avenant conclu le 14 novembre 2012 entre la société Sadef et M. [B] a prévu que '(...) La durée du travail du salarié est déterminée sur la base d'un forfait annuel en jours.
La durée maximale du travail du salarié est ainsi de 225 jours travaillés par an, ce nombre étant fixé par année civile complète d'activité et tenant compte du nombre maximum de jours de congés définis à l'article L3141-3 du code du travail;
Le salarié organise son temps de travail à l'intérieur de ce forfait annuel, sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire (...).
Il est convenu également que le salarié remplira un décompte mensuel des jours travaillés qu'il transmettra tous les mois au président de la société avant le 10 du mois suivant.
Enfin le salarié participera à un entretien annuel individuel qui portera notamment sur la charge de travail du salarié et l'organisation du travail dans l'entreprise'.
Le même avenant prévoit expressément qu'il 'se réfère au contrat de travail à durée indéterminée conclu le 14 avril 2003 dont les dispositions autres que celles visées ci-après restent en vigueur (...)', étant ici observé que le contrat de travail du 3 avril 2003 à effet du 14 avril 2003 stipulait en sont article 12: 'Le présent contrat de travail est régi par les dispositions de la convention collective nationale du Bricolage du 30 septembre 1991 et de ses avenants successifs, dans le champ d'application desquels entre la société'.
La convention individuelle de forfait objet du litige a été conclue le 14 novembre 2012, sur le fondement des dispositions de la convention collective nationale du bricolage dont l'accord annexé du 23 juin 2000 'relatif à l'application de la RTT' prévoit les conditions de recours à la convention de forfait en jours pour les salariés cadres.
Elle est donc soumise aux dispositions issues de la loi n 2008-789 du 20 août 2008.
Par un arrêt publié rendu le 24 mars 2021 (n°19-12.208), pour considérer qu'une convention de forfait en jours conclue dans une entreprise relevant le convention collective nationale du bricolage était nulle, la chambre sociale de la cour de cassation a jugé que 'l'article 3 II de l'accord du 23 juin 2000 relatif à l'application de la RTT dans le secteur du bricolage, qui se borne à prévoir, d'une part, que le chef d'établissement veille à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci , d'autre part, que les cadres bénéficient d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives et ne peuvent être occupés plus de
six jours par semaine et qu'ils bénéficient d'un repos hebdomadaire d'une durée de 35 heures consécutives, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé (...)'.
En l'espèce, force est de constater que la convention de forfait litigieuse a été conclue en application de la convention collective nationale du Bricolage et non d'un accord d'entreprise postérieur du 11 mai 2012 dont se prévaut la société Sadef sans d'ailleurs soutenir qu'un nouvel avenant contractuel mettant en conformité le contrat de travail et singulièrement la convention de forfait avec le dit accord ait été conclu, et que dans ces conditions, faute pour l'accord collectif de référence d'instituer un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la dite convention de forfait ne respecte pas les exigences susvisées.
Il doit en outre être observé qu'à l'exception d'un entretien annuel ayant pour objet 'la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération', il n'est prévu aucun suivi effectif et régulier, exigence qu'un unique entretien annuel ne saurait satisfaire.
L'article L3121-65-I du code du travail dispose 'qu'à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes:
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
A défaut de pouvoir valablement invoquer tant les dispositions de la convention collective nationale du Bricolage que celles de l'accord du 11 mai 2012 comme assurant une protection suffisante du droit à la santé et au repos du salarié, la société Sadef n'établit nullement avoir respecté l'ensemble des dispositions supplétives prévues par la loi et singulièrement, s'être assurée de ce que la charge de travail de M. [B] était compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.
Dans ces conditions, dès lors que les dispositions conventionnelles sur la base desquelles la convention de forfait a été conclue ne garantissent pas que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et ne permettent pas d'assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, la convention de forfait en jours conclue le 14 novembre 2012 doit être jugée nulle et de nul effet.
Le jugement entrepris, qui a considéré que la convention de forfait n'était pas nulle mais privée d'effet, sera infirmé de ce chef.
3- Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires:
Dès lors que la convention de forfait est jugée nulle, le salarié est fondé à revendiquer l'application des règles de droit commun afférentes au décompte et à la rémunération du temps de travail.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies.
En l'espèce, M. [B] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires durant la période allant du 1er mai 2017 au 29 février 2020, la période postérieure courant à compter du 1er mars 2020 correspondant à la cession de l'entreprise au profit de la société Point Damigny.
Au soutien de sa demande, M. [B] affirme qu'il arrivait le matin à l'entreprise à 8 heures, qu'il prenait une pause méridienne de 2 heures entre 12h et 14h et qu'il quittait le magasin le soir entre 19 heures et 19 heures 45. Il ajoute qu'il travaillait le samedi et disposait d'un jour de repos le mercredi.
Il ajoute encore qu'un roulement avait été institué pour qu'un salarié assure chaque matin l'ouverture du magasin à 7h30 et chaque soir la fermeture entre 19h30 et 19h45.
M. [B] se prévaut des éléments suivants:
- Des fiches de roulement couvrant la période 2017 - 2020, mentionnant chaque jour le prénom du salarié assurant l'ouverture du magasin et celui du salarié assurant la fermeture.
- Des relevés historiques des alarmes du magasin (CTCAM) sur lesquels il a surligné les dates et horaires correspondant à une mise en service des alarmes avec son code. Ces relevés font apparaître une mise en service le soir généralement comprise entre 19h30 et 20h ;
- Des tableaux de type 'Excel' sur lesquels ont été indiqués les heures de début et de fin de journée de travail, le total des heures pour chaque séquence hebdomadaire et le total pour chaque période mensuelle. Les périodes chômées et les congés ont été mis en évidence par un code de couleurs.
- Un tableau de type 'Excel' récapitulant les heures supplémentaires revendiquées pour chaque semaine civile considérée et leur valorisation selon qu'il s'agisse des 8 premières heures à compter de la 36ème heure hebdomadaire ou des heures suivantes. Figurent pour chaque année le total des heures supplémentaires et le total de leur valorisation en terme de rappel de salaire sollicité.
- Une attestation de M. [P], ancien chef de secteur logistique du magasin, qui indique que M. [B] 'était présent à l'ouverture du magasin à 8h. Il quittait le magasin entre 19h et 19h45 selon les saisons et selon un planning de permanence'.
- Une attestation de Mme [L], ancienne chef de secteur administratif du magasin, qui indique que M. [B] 'était présent au magasin de 8h à 12h et de 14h à 19h. Il fermait à 19h15 ou 19h45 quand il était de fermeture du magasin selon les saisons et selon un planning de permanence préétabli. Il ne quittait pas le magasin à 17 heures. Il effectuait également des déplacements sur d'autres sites Mr Bricolage ([Localité 8], [Localité 12], [Localité 7], [Localité 9]) pour des inventaires ou aides au remodeling'.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
La société Sadef soutient que le salarié n'était pas tenu d'être présent à 8 heures chaque matin et d'y rester tous les soirs jusqu'à 19 heures, puisque l'ouverture et la fermeture étaient assurées par roulement, de telle sorte que M. [B] n'avait à assurer cette tâche que 'deux à trois jours par semaine uniquement'.
Outre le fait que la société intimée ne produit ni le moindre élément de preuve concernant les horaires d'ouverture du magasin, ni le moindre décompte des heures effectivement réalisées par M. [B], elle ne contredit pas utilement les attestations de M. [P] et de Mme [L], se bornant à soutenir que ces deux salariés 'travaillaient tous les deux à hauteur de 35 heures par semaine', de telle sorte qu'ils n'auraient pu constater la présence du directeur du magasin à 8 heures le matin et à 19 heures le soir.
Elle produit les relevés de badge des deux témoins pour le mois de mars 2020.
La cour observe, s'agissant de M. [P], sur 11 jours badgés, 7 entrées à 8 h et une entrée à 7h45, ainsi que trois sorties à 19h15.
S'agissant de Mme [L] épouse [N], la cour relève sur 16 jours badgés, une entrée à 8h10 et une entrée à 8h13, quatre entrées à 8h30, quatre entrées à 8h45. Les heures de sortie sont à quatre reprises comprises entre 19h et 20h30.
Si effectivement, les horaires des témoins sollicités par le salarié ne coïncident pas systématiquement avec la répartition revendiquée par M. [B] (8h - 12h / 14h - 19h), force est de constater que les témoins ont pu à différentes reprises être amenés à constater la présence du directeur du magasin soit à 8 h soit à 19h voire au-delà.
La société Sadef produit une attestation de M. [U], responsable régional, qui indique n'avoir jamais été alerté lors de ses visites au magasin, sur un 'non-respect du roulement managérial', pas plus que sur une présence de M. [B] sur l'intégralité de la journée, de l'ouverture à la fermeture du magasin.
Il ajoute que lors de ses visites il arrivait 'vers 9h' et repartait 'vers 17h', ajoutant encore: 'Sur ces visites, il est arrivé plusieurs fois que M. [B] quitte le magasin en même temps que moi. Sur ces journées, il ne fermait donc pas le magasin'.
M. [M], directeur exploitation, indique de façon générale et sans viser précisément le magasin auquel était affecté M. [B], que 'les directeurs de magasin n'ont jamais eu pour obligation de procéder à l'ouverture et à la fermeture du magasin ni même d'être présent sur la totalité de la période d'ouverture (...)'.
Ce même témoin indique que l'activité 'est considérée comme saisonnière et comprend de ce fait, des périodes d'activité hautes et des périodes d'activité basses. Ainsi la charge de travail et corrélativement les horaires de travail ne pouvaient être les mêmes à chaque période de l'année (...)'.
Il indique encore: '(...) J'ai pu constater par l'intermédiaire des remontées des responsables régionaux que les directeurs de magasin ne travaillaient jamais plus de 40 heures par semaine ! (...)'.
M. [S], directeur régional, atteste: '(...) Il arrivait également de m'entendre dire: 'M. [B] est parti' quand j'appelais à certaines heures proches de l'heure du repas ou après 18 h. Je précise que ce n'était pas systématique. Je n'ai pas été informé de la présence de M. [B] sur la totalité de la période ouverture/fermeture (...)'.
La société Sadef observe encore des erreurs dans le décompte produit par M. [B].
Ainsi, elle relève que l'intéressé mentionne dans le relevé des horaires de l'année 2017, 9 heures travaillées le 'samedi 31 juin 2017", jour inexistant sur le calendrier ; de même, en ce qui concerne le 'samedi 31 novembre 2018".
Ainsi, si la société Sadef pointe pertinemment certaines invraisemblances dans les relevés d'heures établis par M. [B] et s'il doit être considéré que la grande régularité des horaires notés par le salarié apparaît peu compatible d'une part avec le degré d'autonomie qui était le sien, qui ressort notamment des termes de l'attestation précitée de M. [U], d'autre part avec la saisonnalité de l'activité d'un magasin de bricolage évoquée par M. [M], force est de constater que ce dernier témoin évoque des horaires pour les directeurs de magasins qui ne font 'jamais plus de 40 heures par semaine', la réalisation des missions confiées à ce niveau de responsabilité étant manifestement incompatible avec une enveloppe hebdomadaire limitée à 35 heures hebdomadaires.
Au résultat de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [B] a effectué des heures supplémentaires entre le 1er mai 2017 au 29 février 2020, mais dans les proportions suivantes:
- 111,50 h en 2017 soit 5.275,45 euros brut et 527,54 euros brut au titre des congés payés afférents
- 143,17 h en 2018 soit 6.740,01 euros brut et 674 euros au titre des congés payés afférents
- 158,84 h en 2019 soit 7.515,96 euros brut outre 751,60 euros brut au titre des congés payés afférents
- 28,34 h en 2020 soit 1.319,59 euros brut et 131,96 euros brut au titre des congés payés afférents.
La société Sadef et la société Point Damigny seront condamnées in solidum à payer les dites sommes à M. [B].
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
4- Sur les contreparties obligatoires en repos:
En application de l'article L 3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
L'article D3121-23 alinéa 1er du même code dispose: 'Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis'.
L'indemnisation allouée comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
M. [B] soutient que le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures par la convention collective nationale du bricolage, tandis que la société Sadef revendique pour sa part l'application de l'accord d'aménagement du temps de travail du 11 mai 2012.
En vertu de l'article L2253-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2, les stipulations de la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la convention de branche ou de l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l'absence d'accord d'entreprise, la convention de branche ou l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large s'applique.
Conformément au IV de l'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, pour l'application de l'article L2253-3 du code du travail, les clauses des accords de branche, quelle que soit leur date de conclusion, cessent de produire leurs effets vis-à-vis des accords d'entreprise à compter du 1er janvier 2018.
L'accord d'aménagement du temps de travail de la société Sadef en date du 11 mai 2012 dispose en sa section6 'Heures supplémentaires':
'(...) Le contingent d'heures supplémentaires autorisées est de 220 heures par an et par salarié.
Dans ce contingent, le déclenchement du repos compensateur de 50% se fait à partir de la 41ème heure.
En compensation, le déclenchement du repos compensateur à 100. Se fera à partir de la 130ème heure (...)'.
Ainsi, que l'on se situe avant ou après le 1er janvier 2018, il doit être considéré que le droit à repos compensateur naît à compter de la 130ème heure, de telle sorte que pour les année s2018 et 2019, compte-tenu des quantum d'heures supplémentaires retenus par la cour (143,17 heures en 2018 et 158,84 heures en 2018), il est dû au salarié une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos.
Cette indemnité, sur une base horaire non discutée de 44,38 euros, s'élève à 642,93 euros pour 2018 et à 1.407,91 euros pour 2019, sommes que les sociétés Sadef et Point Damigny seront condamnées in solidum à payer à M. [B], par voie d'infirmation du jugement entrepris.
5- Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé:
En vertu des dispositions de l'article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.
En application de l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l'article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui naît lors de la rupture du contrat en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, est soumise à la prescription biennale.
En l'espèce, pour considérer que l'intention de dissimulation de l'employeur est établie, M. [B] indique que la société Sadef a persisté à appliquer une convention de forfait en jours nonobstant les termes d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui a considéré qu'une convention de forfait était inapplicable à un directeur de magasin employé par la même société.
Toutefois, outre le fait qu'une décision isolée de première instance qui concerne un salarié d'un établissement distinct est insusceptible de caractériser l'intention de dissimulation exigée par la loi, le seul fait d'avoir appliqué à tort une convention de forfait convenue par avenant du 14 novembre 2012 l'est tout autant, étant encore observé que l'arrêt susvisé rendu par la cour de cassation le 24 mars 2021 à propos de la nullité d'une convention de forfait en jours conclue dans une entreprise relevant le convention collective nationale du bricolage est postérieur à l'introduction de l'instance dont s'agit devant le conseil de prud'hommes de Saint Malo.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
6- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:
Pour solliciter le paiement de dommages-intérêts à hauteur de 10.000 euros de ce chef, M. [B] se fonde sur la connaissance par la société Sadef de ce que 'ses conventions de forfait sont nulles et qu'elle doit rémunérer toutes les heures supplémentaires effectuées par ses directeurs de magasin'.
Le fondement de la demande est ainsi rigoureusement identique à celui qui est invoqué au titre de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Or, pas plus que n'est caractérisée une intention de dissimuler une partie des heures de travail effectuées, il ne ressort d'aucun élément objectif que l'employeur, nonobstant le fait qu'il soit redevable d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, ait exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, étant ici observé que ni les comptes-rendus d'entretiens d'évaluation contenant les commentaires du salarié, ni le moindre écrit de l'intéressé contemporain de la relation de travail, ne font état d'une quelconque réclamation sur les conditions d'exécution du contrat qu'aurait délibérément ignorée l'employeur.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
7- Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours de RTT:
A titre liminaire et au visa des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, il sera observé que si M. [B] évoque dans ses écritures un argument tiré de la prescription de la demande pour la période antérieure au 2 avril 2018, aucune fin de non-recevoir n'est mentionnée au dispositif des conclusions, de telle sorte que la cour n'en est pas saisie.
Sur le fond et dès lors que la convention de forfait est jugée nulle et de nul effet, les jours de RTT payés en exécution de cette convention doivent être remboursés à l'employeur.
S'agissant du nombre de jours de RTT dont a effectivement bénéficié M. [B], le décompte théorique opéré dans les conclusions de l'employeur en regard d'un forfait de 225 jours par an, est contredit par les fiches mensuelles des jours travaillés des mois de décembre 2018 et décembre 2019 que produit le salarié, ces fiches co-signées de l'intéressé et de l'employeur, faisant ressortir en 2018 4 jours de RTT et en 2019, 8 jours de RTT, là où la société SADEF en décompte respectivement 12 et 11.
En outre, la fiche mensuelle des jours travaillés établie pour le mois de décembre 2017, que produit l'employeur, fait ressortir un cumul depuis le 1er janvier 2017 de 6 jours de RTT et non 11,3 jours comme indiqué dans les conclusions de l'intimée.
Au résultat de ces éléments, il est justifié sur l'ensemble de la période litigieuse, de 18 jours de RTT qui sur la base d'une rémunération journalière de 287,25 euros non remise en cause par le salarié, correspondent à un montant payé de 5.170,50 euros que M. [B] sera condamné à rembourser à la société Sadef, par voie d'infirmation du jugement entrepris.
8- Sur la demande en garantie formée à l'encontre de la société Sadef:
En application de l'article L.1224-2 précité du code du travail, la société Point Damigny, cessionnaire, dispose d'un recours en garantie contre la société Sadef, cédante, à laquelle incombe la charge de la dette née avant la cession de fonds de commerce intervenue avec effet au 1er mars 2020, aucune disposition contractuelle contraire entre les employeurs successifs n'étant invoquée.
En conséquence, la société Sadef sera condamnée à garantir la société Point Damigny des condamnations prononcées à son encontre, incluant les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.
9- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Sadef et Point Damigny, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Elle seront en conséquence déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il est en revanche justifié de condamner in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris mais uniquement en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ses dispositions concernant les intérêts au taux légal et la capitalisation ;
Infirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette les demandes respectives de mise hors de cause présentées par les sociétés Sadef et Point Damigny ;
Juge nulle la convention de forfait en jours conclue entre la société Sadef et M. [B] par avenant contractuel du 14 novembre 2012 ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] les sommes suivantes:
- 5.275,45 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre le 1er mai 2017 et le 31 décembre 2017
- 527,54 euros brut au titre des congés payés afférents
- 6.740,01 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2018
- 674 euros au titre des congés payés afférents
- 7.515,96 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2019
- 751,60 euros brut au titre des congés payés afférents
- 1.319,59 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er janvier au 29 février 2020
- 131,96 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 642,93 euros à titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2018
- 1.407,91 euros titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2019 ;
Condamne M. [B] à rembourser à la société Sadef la somme de 5.170,50 euros correspondant aux jours de RTT payés en exécution de la convention de forfait entachée de nullité ;
Condamne la société Sadef à garantir la société Point Damigny des condamnations prononcées à son encontre, incluant les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute les sociétés Sadef et Point Damigny de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière Le président
ARRÊT N° 128/2025
N° RG 21/06796 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SFC5
M. [H] [B]
C/
S.A.S. POINT DAMIGNY
S.A.S. SADEF
RG CPH : 20/00041
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-MALO
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 AVRIL 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Février 2025
En présence de Madmae [G], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Avril 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [H] [B]
né le 29 Juillet 1967 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Géraldine GARDILLOU de la SAS MERMET & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
substituée par Me LUCE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
INTIMÉES :
S.A.S. POINT DAMIGNY Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me DREZET, Plaidant, avocat au barreau du HAVRE
S.A.S. SADEF
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas NARDIS de la SELARL LCE AVOCATS NOTAIRES,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me LE GLEAU, Plaidant, Cabinet Actance, avocat au barreau de PARIS
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 14 avril 2003, M. [H] [B] était embauché par la société DSA exploitant des magasins sous l'enseigne 'Monsieur Bricolage' en qualité de directeur du magasin de [Localité 3] (Ille et Vilaine), catégorie cadre dirigeant - niveau 5 - degré L - coefficient 400 de la convention collective nationale du bricolage, selon un contrat de travail à durée indéterminée.
A compter du 1er septembre 2005, son contrat de travail était transféré à la SAS Sadef.
Par avenant du 14 novembre 2012 avec effet au 1er octobre 2012, il était convenu d'un forfait annuel de 225 jours de travail au visa des articles L3121-43 et L3121-45 du code du travail.
En dernier lieu, au sein de la SAS Sadef, le salarié occupait la fonction de directeur de magasin, bénéficiait d'une convention de forfait jours de 225 jours et percevait une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 5 386 euros.
Le 1er mars 2020, la SAS Point Damigny reprenait le magasin de [Localité 3]. Le contrat de travail de M. [B] était transféré au repreneur.
Par courrier en date du 17 avril 2020, M. [B] mettait en demeure la SAS Point Damigny de régler des heures supplémentaires relatives à sa période d'emploi au service de la SAS Sadef, invoquant l'illégalité de la convention de forfait en jours.
Le 20 avril 2020, M. [B] et son nouvel employeur concluaient un nouveau contrat de travail prévoyant une convention de forfait jours de 215 jours par an.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 décembre 2020, M. [B] était convoqué à un entretien préalable à son licenciement.
Le 22 janvier 2021, il se voyait notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Entre-temps et suivant requête en date du 9 juin 2020, il saisissait le conseil de prud'hommes de Saint-Malo de différentes demandes dirigées contre la S.A. Sadef afin de contester la convention de forfait en jours appliquée par depuis le 1er octobre 2012 et d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires de 2017 à 2020, indemnités pour contreparties obligatoires en repos et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour travail dissimulé.(Instance N°RG 21/6796).
Par une requête distincte en date du 23 mars 2021, M. [B] saisissait le conseil de prud'hommes de Saint-Malo de différentes demandes dirigées contre la société Point Damigny, afin de contester la convention de forfait en jours appliquée par la société Point Damigny depuis le 1er mars 2020 et d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires depuis le 1er mars 2020, indemnités pour contreparties obligatoires en repos et dommages-intérêts pour travail dissimulé et sollicitant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.(Instance N°RG 22/1107).
***
Au dernier état de ses demandes dans l'instance n°21/6796, M. [B] demandait au conseil de prud'hommes de Saint-Malo de:
- Dire et juger nulle ou encore inopposable au salarié et de ce fait sans effet, la convention de forfait jours appliquée par la SAS Sadef à M. [B] depuis le 1er octobre 2012.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B]:
- Heures supplémentaires de 2017 : 15 826,35 euros brut, outre 1 582,63 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2018 : 20 220,05 euros brut, outre 2 022 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2019 : 22 547,89 euros brut, outre 2 254,78 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2020 : 3 958,78 euros brut, outre 395,87 euros brut de congés payés,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2017 : 14 645,40 euros net,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2018 : 14 645,40 euros net,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2019 : 16 939,84 euros net,
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros net,
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 32 316 euros net,
- Indemnité de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros net,
- Les dépens.
- Débouter la SAS Sadef et la SAS Point Damigny de l'ensemble de leurs demandes.
- Dire et juger qu'en application de l'article L.1224-2 du code du travail, la SAS Sadef remboursera à la SAS Point Damigny les sommes qu'elle aura versées à M. [B], en exécution du jugement à intervenir.
- Dire et juger que toutes les condamnations à des salaires porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête au conseil de prud'hommes.
- Ordonner la capitalisation des intérêts.
- Fixer à 5 386 euros brut la moyenne des salaires des trois derniers mois.
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
La SAS Point Damigny a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Dire et juger que la SAS Sadef est seule redevable des sommes sollicitées par M. [B].
- Dès lors, rejeter toutes les demandes formulées par M. [B] à l'encontre de la SAS Point Damigny.
- Dire et juger que toutes les demandes formulées par M. [B] ne sont nullement fondées.
- Dès lors, les rejeter purement et simplement,
- Condamner M. [B] à payer à la SAS Point Damigny la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner le même aux entiers dépens,
La SAS Sadef a demandé au conseil de prud'hommes de :
A titre principal
- Constater que le contrat de travail de M. [B] a été transféré le 1er mars 2020 à la SAS Point Damigny :
En conséquence :
- Mettre hors de cause la SAS Sadef :
- Dire irrecevables les demandes formulées par M. [B] à l'encontre de la SAS Sadef :
A titre subsidiaire :
- Constater l'existence d'un accord collectif préalable relatif à la convention de forfait jours respectant les dispositions légales et conventionnelles :
- Constater la validité de la convention de forfait jours de M. [B].
- Constater que M. [B] disposait d'une délégation de pouvoirs en matière de durée du travail
- Constater que la demande d'heures supplémentaires formulée par M. [B] ne repose pas sur des éléments précis et probants :
- Constater que M. [B] ne justifie pas des horaires prétendument réalisés :
- Constater que le décompte produit par M. [B] est dénué de toute force probante :
- Constater l'absence de preuve de M. [B] pour fonder ses demandes indemnitaires :
En conséquence :
- Dire et juger la convention de forfait-jours de M. [B] valide :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes :
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le conseil prononçait la nullité de la convention de forfait de M. [B] ou déclarait cette dernière privée d'effet
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes :
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros correspondant aux jours de RTT pour la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
A titre infiniment plus subsidiaire, si par extraordinaire le conseil venait à faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [B]
- Constater que M. [B] avait perçu une rémunération mensuelle supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre en application des dispositions conventionnelles en la matière ;
- Constater que le contingent annuel d'heures supplémentaires n'avait pas été atteint
En conséquence :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
En tout état de cause,
- Limiter les intérêts au taux légal à la date du jugement à intervenir ;
- Débouter M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens:
- Condamner M. [B] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamner M. [B] aux entiers dépens
Par jugement en date du 24 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :
- Fixé la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [B] à 5 386 euros.
- Mis hors de cause la SAS Sadef.
- Dit et jugé que la convention individuelle de forfait jours de M. [B] signée le 1er octobre 2012 est privée d'effet.
En conséquence,
- Condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- 28 000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020 et 2 800 euros d'indemnité de congés payés afférents ;
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail ;
- Dit que les condamnations salariales porteront au taux légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience de tentative de conciliation, soit le 26 juin 2020 ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Débouté les parties de leurs autres demandes.
- Condamné la SAS Point Damigny aux entiers dépens.
***
M. [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 28 octobre 2021.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 10 janvier 2025, M. [B] demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Saint-Malo le 24 septembre 2021 en ce qu'il a :
- Mis hors de cause la SAS Sadef ;
- Condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- 28 000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020 et 2 800 euros d'indemnité de congés payés afférents.
- Débouté les parties de leurs autres demandes.
Et statuant à nouveau,
- Subsidiairement, annuler la convention de forfait jours appliquée par la SAS Sadef à M. [B] depuis le 1er octobre 2012.
- En tout état de cause, que la convention de forfait jours soit nulle et/ou privée d'effet,
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B] :
- Heures supplémentaires de 2017 : 15 826,35 euros brut, outre 1 582,63 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2018 : 20 220,05 euros brut, outre 2 022 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2019 : 22 547,89 euros brut, outre 2 254,78 euros brut de congés payés,
- Heures supplémentaires de 2020 : 3 958,78 euros brut, outre 395,87 euros brut de congés payés,
- Contrepartie obligatoire en repos de 2017 : 14 645,40 euros net ou subsidiairement 14 645,40 euros brut congés payés inclus ;
- Contrepartie obligatoire en repos de 2018 : 14 645,40 euros net ou subsidiairement 14 645,40 euros brut congés payés inclus ;
- Contrepartie obligatoire en repos de 2019 : 16 939,84 euros net ou subsidiairement 16 939,84 euros brut congés payés inclus ;
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros net,
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 32 316 euros net.
- Débouter la SAS Sadef et la SAS Point Damigny de l'ensemble de leurs demandes.
- Condamner la SAS Sadef , en application de l'article L.1224-2 du code du travail, à rembourser à la SAS Point Damigny les sommes qu'elle aura versées à M. [B] en exécution de l'arrêt à intervenir.
- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Saint-Malo du 24 septembre 2021 pour le surplus.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny à payer à M. [B] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.
- Condamner in solidum la SAS Sadef et la SAS Point Damigny aux dépens à hauteur d'appel.
M. [B] fait valoir en substance que:
- Des directeurs de magasins de la société Sadef ont déjà obtenu l'annulation de leurs forfaits en jours et des rappels d'heures supplémentaires (Jugement définitif Caminade rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en formation de départage le 21 février 2018) ; également dans un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 19 septembre 2024 ;
- La cour de cassation a invalidé les conventions de forfait en jours telles que prévues par la convention collective nationale du Bricolage dans un arrêt du 24 mars 2021 ; les forfaits de 225 jours sont nuls car ils excèdent tant le seuil de 215 jours fixé par l'accord du 3 juin 2000 que les dispositions d'ordre public des articles L3121-58 et L3121-64 qui limitent à 218 jours le forfait annuel ; en outre, aucune disposition n'assure le respect de durées de travail raisonnables ainsi que de repos journaliers et hebdomadaires suffisants ; aucun entretien n'a jamais été organisé avec le salarié portant spécifiquement sur le forfait en jours, au mépris de l'accord d'entreprise Sadef du 11 mai 2012 ; aucun avenant contractuel actant un accord du salarié pour renoncer à ses jours de repos n'a été signé, de telle sorte que l'employeur ne peut invoquer la possibilité de dépasser la limite de 218 jours par an ;
- Il arrivait le matin avant 8 heures, prenait une pause de 2h de 12h à 14h et quittait le magasin le soir entre 19h et 19h45 ; il produit des décomptes du temps de travail effectués à partir des fiches de roulement des ouvertures et fermetures du magasin et les relevés d'alarme qui mentionnent le nom, la date et l'heure d'activation et désactivation de l'alarme ; la société Sadef dispose de tous les relevés d'activation d'alarme qu'il lui appartient de produire ; des collègues de travail témoignent de la réalité des horaires de M. [B];le rappel de salaire doit être calculé sur la base non pas du salaire minimum prévu par la convention collective, comme le soutient la société Sadef, mais sur la base du salaire effectivement perçu par le salarié (Soc. 17/11/2021 - n°19-16.756).
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 27 janvier 2025, la SAS Sadef demande à la cour d'appel de :
- Confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Sadef.
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Rennes infirmait le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Sadef :
- Dire et juger la convention de forfait-jours de M. [B] valide ;
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Rennes prononçait la nullité de la convention de forfait de M. [B] ou déclarait cette dernière privée d'effet :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
A titre infiniment plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Rennes venait à faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [B] :
- Dire et juger que M. [B] avait perçu une rémunération mensuelle supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre en application des dispositions conventionnelles en la matière ;
- Dire et juger que le contingent annuel d'heures supplémentaires n'avait pas été atteint ;
En conséquence :
- Débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et, à titre reconventionnel :
- Condamner M. [B] au remboursement de la somme de 9 852,68 euros à titre de remboursement de jours de RTT au titre de la période comprise entre le 12 mars 2017 et le 29 février 2020
En tout état de cause,
- Limiter les intérêts au taux légal à la date du jugement à intervenir ;
- Débouter M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- Condamner M. [B] au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [B] aux entiers dépens.
La société Sadef fait valoir en substance que:
- Elle doit être mise hors de cause en raison du transfert à la société Point Damigny le 1er mars 2020 du contrat de travail de M. [B] et des créances salariales ; les demandes formées à son encontre sont irrecevables;
- Le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris dans une affaire Caminade et l'arrêt rendu par la cour de cassation le 24 mars 2021 n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; en effet, le contrôle opéré a porté exclusivement sur l'accord de branche du 23 juin 2000 ; or, depuis l'ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017, la convention d'entreprise prime sur l'accord de branche (article L2253-3 du code du travail); en l'espèce, les conventions de forfait en jours sont prévues par l'accord d'aménagement du temps de travail du 11 mai 2012 ;
- L'accord de 2012 répond aux exigences légales et jurisprudentielles en matière de convention de forfait en jours ; il existait un suivi régulier de la charge de travail ;
- Le nombre de jours prévu dans le forfait peut dépasser 218 jours en application de l'article L3121-59 du code du travail qui prévoit une faculté de renonciation du salarié à une partie de ses jours de repos ;
- M. [B] était personnellement en charge du respect des dispositions applicables en matière de durée du travail au sein du magasin dont il avait la responsabilité ; il n'a jamais contesté sa délégation de pouvoirs ; au cours de ses entretiens 2016 et 2017 il a indiqué que l'organisation du travail lui permettait de concilier vie professionnelle et personnelle ;
- M. [B] ne justifie pas des horaires effectivement réalisés ; son décompte fondé sur les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin n'est pas crédible ; les témoins sollicités n'ont fait aucune constatation personnelle ; il n'était en charge de l'ouverture et de la fermeture que deux à trois jours par semaine ; en outre, il lui appartenait de limiter ses temps de travail et d'alerter la société en cas de difficulté dans l'organisation de son temps de travail ; le décompte est erroné ; il comporte des périodes supérieures à la semaine ;
- Si un rappel de salaire devait être alloué, il devrait être calculé sur la base du salaire conventionnel minimal pour un travail de 35 heures hebdomadaires ; la cour de cassation a considéré (Soc 16 juin 2021 - n°20-13.137) que la cour d'appel doit vérifier en cas de forfait irrégulier, s'il n'en est pas résulté le paiement même partiel d'heures de travail accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires ;
- Si la convention de forfait en jours est annulée, M. [B] serait redevable de la somme de 9.852,68 euros correspondant aux jours de repos indûment perçus.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 18 mars 2022, la SAS Point Damigny demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Malo le 24 septembre 2021 en ce qu'il a :
- prononcé la mise hors de cause de la société Sadef
- condamné la SAS Point Damigny à payer à M. [B]
- 28000 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires du 12 mars 2017 au 29 février 2020
- 2800 euros d'indemnité de congés payés afférents
- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que les condamnations salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience de tentative de conciliation soit le 26 juin 2020
- ordonné la capitalisation des intérêts
- condamné la SAS Point Damigny aux dépens
Statuant à nouveau
- Juger que la convention de forfait jours conclue entre M. [B] et la société Sadef le 1er octobre 2012 est valable ;
- Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Subsidiairement
- Juger que toutes les demandes formées par M. [B] concernent exclusivement sa période d'emploi au service de la SAS Sadef
- Juger que la SAS Point Damigny doit être mise hors de cause ;
- Condamner la SAS Sadef à relever et garantir intégralement la SAS Sadef de toute condamnation qui serait mise à sa charge
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
Subsidiairement
- Condamner la SAS Sadef à relever et garantir intégralement la SAS Sadef de toute condamnation qui serait mise à sa charge
En tout état de cause :
- Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- Condamner M. [B] à payer à la SAS Point Damigny la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Point Damigny fait valoir en substance que:
- Elle s'associe aux conclusions de la société Sadef sur la validité de la convention de forfait en jours ; la rémunération perçue par M. [B] est quasiment du double de celle prévue pour un directeur de magasin par la convention collective nationale du Bricolage ;
- Les demandes de M. [B] concernent exclusivement une période d'emploi au sein de la société Sadef ; l'article L1224-2 du code du travail n'interdit pas au salarié d'agir directement contre son premier employeur.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 janvier 2025 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 10 février 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur les demandes de mise hors de cause:
Aux termes de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Ce texte d'ordre public s'applique, quelque soit la volonté des parties, en cas de transfert d'une entité économique, notion définie comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
L'article L1224-2 du même code dispose: 'Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux'.
Il est constant que si ce dernier texte fait bénéficier le salarié d'une action à l'encontre du nouvel employeur en paiement des obligations incombant à l'ancien employeur à la date de la modification, il ne fait pas obstacle à ce qu'il exerce directement l'action à l'égard de l'ancien employeur, s'agissant de créances dont l'origine est antérieure à la cession de l'entreprise.
En l'espèce, la cession du fonds de commerce de magasin à l'enseigne 'Monsieur Bricolage' de [Localité 3] auquel était affecté M. [B], résulte d'un acte de cession conclu entre la société Sadef, cédante et la société Point Damigny, cessionnaire, reçu le 2 mars 2020 par Maître [J], notaire à [Localité 10], avec une date d'entrée en jouissance fixée au 1er mars 2020.
Outre le fait qu'en vertu du principe susvisé dégagé de longue date par la jurisprudence, M. [B] est fondé à actionner conjointement l'ancien et le nouvel employeur au titre des créances salariales et de dommages-intérêts dont il sollicite le paiement, force est de constater que la société Point Damigny, nouvel employeur de M. [B], sollicite à titre subsidiaire la condamnation de la société Sadef à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
Dans ces conditions et par voie d'infirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter les demandes respectives de mise hors de cause présentées par la société Sadef et par la société Point Damigny.
2- Sur la question de la validité de la convention de forfait en jours:
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de I'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de I'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
L'article L3121-43 dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat de travail litigieux, prévoyait la possibilité de recourir à la conclusion d'une telle convention de forfait, pour les catégories de travailleurs suivants:
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
L'article L 3121-39 disposait que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
En vertu de l'article L3121-40 du même code dans sa version applicable au litige, la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
L'article L3121-44 disposait: 'Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours'.
L'article L 3121-46 disposait qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l'amplitude du temps de travail.
Les mesures de contrôle prévues par l'accord collectif ne doivent pas se présenter comme une pétition de principe, mais être de nature à assurer un suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié afin de mettre l'employeur l'employeur d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avère finalement incompatible avec une durée de travail raisonnable (Rapport de M. Florès, conseiller à la cour de cassation, sous Soc. 24 mars 2021 - n°19-12.208).
Un accord écrit du salarié précisant le nombre de jours travaillés dans l'année est nécessaire.
Les dispositions d'ordre public de l'article L3121-58 du code du travail dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 exigent que la convention de forfait en jours soit conclue 'dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64".
L'article L 3121-64-I-3° dispose que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine (...) le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours.
Le II de ce même texte dispose que l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise (...).
En l'espèce, l'avenant conclu le 14 novembre 2012 entre la société Sadef et M. [B] a prévu que '(...) La durée du travail du salarié est déterminée sur la base d'un forfait annuel en jours.
La durée maximale du travail du salarié est ainsi de 225 jours travaillés par an, ce nombre étant fixé par année civile complète d'activité et tenant compte du nombre maximum de jours de congés définis à l'article L3141-3 du code du travail;
Le salarié organise son temps de travail à l'intérieur de ce forfait annuel, sous réserve de respecter les règles légales relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire (...).
Il est convenu également que le salarié remplira un décompte mensuel des jours travaillés qu'il transmettra tous les mois au président de la société avant le 10 du mois suivant.
Enfin le salarié participera à un entretien annuel individuel qui portera notamment sur la charge de travail du salarié et l'organisation du travail dans l'entreprise'.
Le même avenant prévoit expressément qu'il 'se réfère au contrat de travail à durée indéterminée conclu le 14 avril 2003 dont les dispositions autres que celles visées ci-après restent en vigueur (...)', étant ici observé que le contrat de travail du 3 avril 2003 à effet du 14 avril 2003 stipulait en sont article 12: 'Le présent contrat de travail est régi par les dispositions de la convention collective nationale du Bricolage du 30 septembre 1991 et de ses avenants successifs, dans le champ d'application desquels entre la société'.
La convention individuelle de forfait objet du litige a été conclue le 14 novembre 2012, sur le fondement des dispositions de la convention collective nationale du bricolage dont l'accord annexé du 23 juin 2000 'relatif à l'application de la RTT' prévoit les conditions de recours à la convention de forfait en jours pour les salariés cadres.
Elle est donc soumise aux dispositions issues de la loi n 2008-789 du 20 août 2008.
Par un arrêt publié rendu le 24 mars 2021 (n°19-12.208), pour considérer qu'une convention de forfait en jours conclue dans une entreprise relevant le convention collective nationale du bricolage était nulle, la chambre sociale de la cour de cassation a jugé que 'l'article 3 II de l'accord du 23 juin 2000 relatif à l'application de la RTT dans le secteur du bricolage, qui se borne à prévoir, d'une part, que le chef d'établissement veille à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci , d'autre part, que les cadres bénéficient d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives et ne peuvent être occupés plus de
six jours par semaine et qu'ils bénéficient d'un repos hebdomadaire d'une durée de 35 heures consécutives, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé (...)'.
En l'espèce, force est de constater que la convention de forfait litigieuse a été conclue en application de la convention collective nationale du Bricolage et non d'un accord d'entreprise postérieur du 11 mai 2012 dont se prévaut la société Sadef sans d'ailleurs soutenir qu'un nouvel avenant contractuel mettant en conformité le contrat de travail et singulièrement la convention de forfait avec le dit accord ait été conclu, et que dans ces conditions, faute pour l'accord collectif de référence d'instituer un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la dite convention de forfait ne respecte pas les exigences susvisées.
Il doit en outre être observé qu'à l'exception d'un entretien annuel ayant pour objet 'la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération', il n'est prévu aucun suivi effectif et régulier, exigence qu'un unique entretien annuel ne saurait satisfaire.
L'article L3121-65-I du code du travail dispose 'qu'à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes:
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
A défaut de pouvoir valablement invoquer tant les dispositions de la convention collective nationale du Bricolage que celles de l'accord du 11 mai 2012 comme assurant une protection suffisante du droit à la santé et au repos du salarié, la société Sadef n'établit nullement avoir respecté l'ensemble des dispositions supplétives prévues par la loi et singulièrement, s'être assurée de ce que la charge de travail de M. [B] était compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.
Dans ces conditions, dès lors que les dispositions conventionnelles sur la base desquelles la convention de forfait a été conclue ne garantissent pas que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et ne permettent pas d'assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, la convention de forfait en jours conclue le 14 novembre 2012 doit être jugée nulle et de nul effet.
Le jugement entrepris, qui a considéré que la convention de forfait n'était pas nulle mais privée d'effet, sera infirmé de ce chef.
3- Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires:
Dès lors que la convention de forfait est jugée nulle, le salarié est fondé à revendiquer l'application des règles de droit commun afférentes au décompte et à la rémunération du temps de travail.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies.
En l'espèce, M. [B] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires durant la période allant du 1er mai 2017 au 29 février 2020, la période postérieure courant à compter du 1er mars 2020 correspondant à la cession de l'entreprise au profit de la société Point Damigny.
Au soutien de sa demande, M. [B] affirme qu'il arrivait le matin à l'entreprise à 8 heures, qu'il prenait une pause méridienne de 2 heures entre 12h et 14h et qu'il quittait le magasin le soir entre 19 heures et 19 heures 45. Il ajoute qu'il travaillait le samedi et disposait d'un jour de repos le mercredi.
Il ajoute encore qu'un roulement avait été institué pour qu'un salarié assure chaque matin l'ouverture du magasin à 7h30 et chaque soir la fermeture entre 19h30 et 19h45.
M. [B] se prévaut des éléments suivants:
- Des fiches de roulement couvrant la période 2017 - 2020, mentionnant chaque jour le prénom du salarié assurant l'ouverture du magasin et celui du salarié assurant la fermeture.
- Des relevés historiques des alarmes du magasin (CTCAM) sur lesquels il a surligné les dates et horaires correspondant à une mise en service des alarmes avec son code. Ces relevés font apparaître une mise en service le soir généralement comprise entre 19h30 et 20h ;
- Des tableaux de type 'Excel' sur lesquels ont été indiqués les heures de début et de fin de journée de travail, le total des heures pour chaque séquence hebdomadaire et le total pour chaque période mensuelle. Les périodes chômées et les congés ont été mis en évidence par un code de couleurs.
- Un tableau de type 'Excel' récapitulant les heures supplémentaires revendiquées pour chaque semaine civile considérée et leur valorisation selon qu'il s'agisse des 8 premières heures à compter de la 36ème heure hebdomadaire ou des heures suivantes. Figurent pour chaque année le total des heures supplémentaires et le total de leur valorisation en terme de rappel de salaire sollicité.
- Une attestation de M. [P], ancien chef de secteur logistique du magasin, qui indique que M. [B] 'était présent à l'ouverture du magasin à 8h. Il quittait le magasin entre 19h et 19h45 selon les saisons et selon un planning de permanence'.
- Une attestation de Mme [L], ancienne chef de secteur administratif du magasin, qui indique que M. [B] 'était présent au magasin de 8h à 12h et de 14h à 19h. Il fermait à 19h15 ou 19h45 quand il était de fermeture du magasin selon les saisons et selon un planning de permanence préétabli. Il ne quittait pas le magasin à 17 heures. Il effectuait également des déplacements sur d'autres sites Mr Bricolage ([Localité 8], [Localité 12], [Localité 7], [Localité 9]) pour des inventaires ou aides au remodeling'.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
La société Sadef soutient que le salarié n'était pas tenu d'être présent à 8 heures chaque matin et d'y rester tous les soirs jusqu'à 19 heures, puisque l'ouverture et la fermeture étaient assurées par roulement, de telle sorte que M. [B] n'avait à assurer cette tâche que 'deux à trois jours par semaine uniquement'.
Outre le fait que la société intimée ne produit ni le moindre élément de preuve concernant les horaires d'ouverture du magasin, ni le moindre décompte des heures effectivement réalisées par M. [B], elle ne contredit pas utilement les attestations de M. [P] et de Mme [L], se bornant à soutenir que ces deux salariés 'travaillaient tous les deux à hauteur de 35 heures par semaine', de telle sorte qu'ils n'auraient pu constater la présence du directeur du magasin à 8 heures le matin et à 19 heures le soir.
Elle produit les relevés de badge des deux témoins pour le mois de mars 2020.
La cour observe, s'agissant de M. [P], sur 11 jours badgés, 7 entrées à 8 h et une entrée à 7h45, ainsi que trois sorties à 19h15.
S'agissant de Mme [L] épouse [N], la cour relève sur 16 jours badgés, une entrée à 8h10 et une entrée à 8h13, quatre entrées à 8h30, quatre entrées à 8h45. Les heures de sortie sont à quatre reprises comprises entre 19h et 20h30.
Si effectivement, les horaires des témoins sollicités par le salarié ne coïncident pas systématiquement avec la répartition revendiquée par M. [B] (8h - 12h / 14h - 19h), force est de constater que les témoins ont pu à différentes reprises être amenés à constater la présence du directeur du magasin soit à 8 h soit à 19h voire au-delà.
La société Sadef produit une attestation de M. [U], responsable régional, qui indique n'avoir jamais été alerté lors de ses visites au magasin, sur un 'non-respect du roulement managérial', pas plus que sur une présence de M. [B] sur l'intégralité de la journée, de l'ouverture à la fermeture du magasin.
Il ajoute que lors de ses visites il arrivait 'vers 9h' et repartait 'vers 17h', ajoutant encore: 'Sur ces visites, il est arrivé plusieurs fois que M. [B] quitte le magasin en même temps que moi. Sur ces journées, il ne fermait donc pas le magasin'.
M. [M], directeur exploitation, indique de façon générale et sans viser précisément le magasin auquel était affecté M. [B], que 'les directeurs de magasin n'ont jamais eu pour obligation de procéder à l'ouverture et à la fermeture du magasin ni même d'être présent sur la totalité de la période d'ouverture (...)'.
Ce même témoin indique que l'activité 'est considérée comme saisonnière et comprend de ce fait, des périodes d'activité hautes et des périodes d'activité basses. Ainsi la charge de travail et corrélativement les horaires de travail ne pouvaient être les mêmes à chaque période de l'année (...)'.
Il indique encore: '(...) J'ai pu constater par l'intermédiaire des remontées des responsables régionaux que les directeurs de magasin ne travaillaient jamais plus de 40 heures par semaine ! (...)'.
M. [S], directeur régional, atteste: '(...) Il arrivait également de m'entendre dire: 'M. [B] est parti' quand j'appelais à certaines heures proches de l'heure du repas ou après 18 h. Je précise que ce n'était pas systématique. Je n'ai pas été informé de la présence de M. [B] sur la totalité de la période ouverture/fermeture (...)'.
La société Sadef observe encore des erreurs dans le décompte produit par M. [B].
Ainsi, elle relève que l'intéressé mentionne dans le relevé des horaires de l'année 2017, 9 heures travaillées le 'samedi 31 juin 2017", jour inexistant sur le calendrier ; de même, en ce qui concerne le 'samedi 31 novembre 2018".
Ainsi, si la société Sadef pointe pertinemment certaines invraisemblances dans les relevés d'heures établis par M. [B] et s'il doit être considéré que la grande régularité des horaires notés par le salarié apparaît peu compatible d'une part avec le degré d'autonomie qui était le sien, qui ressort notamment des termes de l'attestation précitée de M. [U], d'autre part avec la saisonnalité de l'activité d'un magasin de bricolage évoquée par M. [M], force est de constater que ce dernier témoin évoque des horaires pour les directeurs de magasins qui ne font 'jamais plus de 40 heures par semaine', la réalisation des missions confiées à ce niveau de responsabilité étant manifestement incompatible avec une enveloppe hebdomadaire limitée à 35 heures hebdomadaires.
Au résultat de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [B] a effectué des heures supplémentaires entre le 1er mai 2017 au 29 février 2020, mais dans les proportions suivantes:
- 111,50 h en 2017 soit 5.275,45 euros brut et 527,54 euros brut au titre des congés payés afférents
- 143,17 h en 2018 soit 6.740,01 euros brut et 674 euros au titre des congés payés afférents
- 158,84 h en 2019 soit 7.515,96 euros brut outre 751,60 euros brut au titre des congés payés afférents
- 28,34 h en 2020 soit 1.319,59 euros brut et 131,96 euros brut au titre des congés payés afférents.
La société Sadef et la société Point Damigny seront condamnées in solidum à payer les dites sommes à M. [B].
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
4- Sur les contreparties obligatoires en repos:
En application de l'article L 3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
L'article D3121-23 alinéa 1er du même code dispose: 'Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis'.
L'indemnisation allouée comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
M. [B] soutient que le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures par la convention collective nationale du bricolage, tandis que la société Sadef revendique pour sa part l'application de l'accord d'aménagement du temps de travail du 11 mai 2012.
En vertu de l'article L2253-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2, les stipulations de la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la convention de branche ou de l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l'absence d'accord d'entreprise, la convention de branche ou l'accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large s'applique.
Conformément au IV de l'article 16 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, pour l'application de l'article L2253-3 du code du travail, les clauses des accords de branche, quelle que soit leur date de conclusion, cessent de produire leurs effets vis-à-vis des accords d'entreprise à compter du 1er janvier 2018.
L'accord d'aménagement du temps de travail de la société Sadef en date du 11 mai 2012 dispose en sa section6 'Heures supplémentaires':
'(...) Le contingent d'heures supplémentaires autorisées est de 220 heures par an et par salarié.
Dans ce contingent, le déclenchement du repos compensateur de 50% se fait à partir de la 41ème heure.
En compensation, le déclenchement du repos compensateur à 100. Se fera à partir de la 130ème heure (...)'.
Ainsi, que l'on se situe avant ou après le 1er janvier 2018, il doit être considéré que le droit à repos compensateur naît à compter de la 130ème heure, de telle sorte que pour les année s2018 et 2019, compte-tenu des quantum d'heures supplémentaires retenus par la cour (143,17 heures en 2018 et 158,84 heures en 2018), il est dû au salarié une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos.
Cette indemnité, sur une base horaire non discutée de 44,38 euros, s'élève à 642,93 euros pour 2018 et à 1.407,91 euros pour 2019, sommes que les sociétés Sadef et Point Damigny seront condamnées in solidum à payer à M. [B], par voie d'infirmation du jugement entrepris.
5- Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé:
En vertu des dispositions de l'article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.
En application de l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l'article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui naît lors de la rupture du contrat en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, est soumise à la prescription biennale.
En l'espèce, pour considérer que l'intention de dissimulation de l'employeur est établie, M. [B] indique que la société Sadef a persisté à appliquer une convention de forfait en jours nonobstant les termes d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui a considéré qu'une convention de forfait était inapplicable à un directeur de magasin employé par la même société.
Toutefois, outre le fait qu'une décision isolée de première instance qui concerne un salarié d'un établissement distinct est insusceptible de caractériser l'intention de dissimulation exigée par la loi, le seul fait d'avoir appliqué à tort une convention de forfait convenue par avenant du 14 novembre 2012 l'est tout autant, étant encore observé que l'arrêt susvisé rendu par la cour de cassation le 24 mars 2021 à propos de la nullité d'une convention de forfait en jours conclue dans une entreprise relevant le convention collective nationale du bricolage est postérieur à l'introduction de l'instance dont s'agit devant le conseil de prud'hommes de Saint Malo.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
6- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:
Pour solliciter le paiement de dommages-intérêts à hauteur de 10.000 euros de ce chef, M. [B] se fonde sur la connaissance par la société Sadef de ce que 'ses conventions de forfait sont nulles et qu'elle doit rémunérer toutes les heures supplémentaires effectuées par ses directeurs de magasin'.
Le fondement de la demande est ainsi rigoureusement identique à celui qui est invoqué au titre de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Or, pas plus que n'est caractérisée une intention de dissimuler une partie des heures de travail effectuées, il ne ressort d'aucun élément objectif que l'employeur, nonobstant le fait qu'il soit redevable d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, ait exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, étant ici observé que ni les comptes-rendus d'entretiens d'évaluation contenant les commentaires du salarié, ni le moindre écrit de l'intéressé contemporain de la relation de travail, ne font état d'une quelconque réclamation sur les conditions d'exécution du contrat qu'aurait délibérément ignorée l'employeur.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
7- Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours de RTT:
A titre liminaire et au visa des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, il sera observé que si M. [B] évoque dans ses écritures un argument tiré de la prescription de la demande pour la période antérieure au 2 avril 2018, aucune fin de non-recevoir n'est mentionnée au dispositif des conclusions, de telle sorte que la cour n'en est pas saisie.
Sur le fond et dès lors que la convention de forfait est jugée nulle et de nul effet, les jours de RTT payés en exécution de cette convention doivent être remboursés à l'employeur.
S'agissant du nombre de jours de RTT dont a effectivement bénéficié M. [B], le décompte théorique opéré dans les conclusions de l'employeur en regard d'un forfait de 225 jours par an, est contredit par les fiches mensuelles des jours travaillés des mois de décembre 2018 et décembre 2019 que produit le salarié, ces fiches co-signées de l'intéressé et de l'employeur, faisant ressortir en 2018 4 jours de RTT et en 2019, 8 jours de RTT, là où la société SADEF en décompte respectivement 12 et 11.
En outre, la fiche mensuelle des jours travaillés établie pour le mois de décembre 2017, que produit l'employeur, fait ressortir un cumul depuis le 1er janvier 2017 de 6 jours de RTT et non 11,3 jours comme indiqué dans les conclusions de l'intimée.
Au résultat de ces éléments, il est justifié sur l'ensemble de la période litigieuse, de 18 jours de RTT qui sur la base d'une rémunération journalière de 287,25 euros non remise en cause par le salarié, correspondent à un montant payé de 5.170,50 euros que M. [B] sera condamné à rembourser à la société Sadef, par voie d'infirmation du jugement entrepris.
8- Sur la demande en garantie formée à l'encontre de la société Sadef:
En application de l'article L.1224-2 précité du code du travail, la société Point Damigny, cessionnaire, dispose d'un recours en garantie contre la société Sadef, cédante, à laquelle incombe la charge de la dette née avant la cession de fonds de commerce intervenue avec effet au 1er mars 2020, aucune disposition contractuelle contraire entre les employeurs successifs n'étant invoquée.
En conséquence, la société Sadef sera condamnée à garantir la société Point Damigny des condamnations prononcées à son encontre, incluant les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.
9- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Sadef et Point Damigny, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Elle seront en conséquence déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il est en revanche justifié de condamner in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris mais uniquement en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ses dispositions concernant les intérêts au taux légal et la capitalisation ;
Infirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette les demandes respectives de mise hors de cause présentées par les sociétés Sadef et Point Damigny ;
Juge nulle la convention de forfait en jours conclue entre la société Sadef et M. [B] par avenant contractuel du 14 novembre 2012 ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] les sommes suivantes:
- 5.275,45 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre le 1er mai 2017 et le 31 décembre 2017
- 527,54 euros brut au titre des congés payés afférents
- 6.740,01 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2018
- 674 euros au titre des congés payés afférents
- 7.515,96 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2019
- 751,60 euros brut au titre des congés payés afférents
- 1.319,59 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er janvier au 29 février 2020
- 131,96 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 642,93 euros à titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2018
- 1.407,91 euros titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2019 ;
Condamne M. [B] à rembourser à la société Sadef la somme de 5.170,50 euros correspondant aux jours de RTT payés en exécution de la convention de forfait entachée de nullité ;
Condamne la société Sadef à garantir la société Point Damigny des condamnations prononcées à son encontre, incluant les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute les sociétés Sadef et Point Damigny de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny à payer à M. [B] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société Sadef et la société Point Damigny aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière Le président