CA Nancy, ch. soc.-sect. 2, 24 avril 2025, n° 24/00355
NANCY
Arrêt
Autre
ARRÊT N° /2025
PH
DU 24 AVRIL 2025
N° RG 24/00355 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKEJ
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
F 23/00109
31 janvier 2024
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. GTC 88 immatriculée au registre de commerce et des sociétés de EPINAL sous le numéro D 43864630900049 agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florian HARQUET, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
Madame [O] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu DULUCQ de l'AARPI ARCAD AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : BRUNEAU Dominique
Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 16 Janvier 2025 tenue par BRUNEAU Dominique, conseiller, président d'audience, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 03 Avril 2025 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 24 Avril 2025 ;
Le 24 Avril 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [O] [U] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SELARL GTC 88 (ci-après société GTC 88) à compter du 05 septembre 1988, en qualité d'employée affectée au service de greffe du tribunal de commerce d'Epinal.
Par courrier du 09 juin 2022, Madame [O] [U] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 juin 2022, reporté au 30 juin 2022 en raison de l'arrêt de travail de la salariée du 11 au 25 juin 2022.
Par courrier du 25 juillet 2022, Madame [O] [U] a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 17 janvier 2023, Madame [O] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins:
- de requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société GTC 88 à lui payer les sommes suivantes :
- 1 075,94 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et de congés payés afférents sur la période du 10 juin 2019 au 10 juin 2022,
- 14 396,10 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 8 000,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 31 janvier 2024, lequel a :
- requalifié le licenciement pour faute grave de Madame [O] [U] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société GTC 88 à payer à Madame [O] [U] les sommes suivantes :
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société GTC 88 de ses demandes,
- condamné la société GTC 88 aux entiers frais et dépens.
Vu l'appel formé par la société GTC 88 le 22 février 2024,
Vu l'appel incident formé par Madame [O] [U] le 03 juin 2024,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société GTC 88 déposées sur le RPVA le 08 novembre 2024, et celles de Madame [O] [U] déposées sur le RPVA le 14 novembre 2024,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 décembre 2024,
La société GTC 88 demande:
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement notifié le 25 juillet 2022 par la société à Madame [O] [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, de débouter Madame [O] [U] de ses demandes, fins et conclusions,
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société de sa demande de rappel de salaire,
* Statuant à nouveau:
- de débouter Madame [O] [U] de toutes ses demandes,
- de condamner Madame [O] [U] à rembourser à la société GTC 88 la somme de 741,77 euros brut au titre de l'indu correspondant à l'acompte sur 13ème mois versé en juin 2022,
**A titre subsidiaire, vu les dispositions des articles L.1233-1, L.1233-3 et L.1235-2 du code du travail :
- de dire que la notification hors délai du licenciement constitue une irrégularité de procédure,
- en conséquence, de fixer à une somme maximale égale à un mois de salaire le montant de l'indemnité qui pourrait être allouée à Madame [O] [U] pour irrégularité de procédure,
**A titre infiniment subsidiaire:
- de fixer à la somme de 25 413,63 euros le montant de l'indemnité légale de licenciement et à
la somme de 7299,66 euros le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués à Madame [O] [U] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de la société et la somme de 741,77 euros brut au titre de l'indu correspondant au versement de l'acompte sur 13ème mois,
- de condamner Madame [O] [U] à payer à la société la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Madame [O] [U] aux éventuels dépens de la procédure.
Madame [O] [U] demande:
- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 31 janvier 2024 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités pour travail dissimulé,
Statuant à nouveau:
- de condamner la société GTC 88 à lui verser les sommes suivantes:
- 1 075,94 euros à titre d'heures supplémentaires et de congés payés sur heures supplémentaires du 10 juin 2019 au 10 juin 2022,
- 14 396,10 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société GTC 88 à lui verser les sommes suivantes :
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'assortir cette condamnation des intérêts légaux à compter du jugement dont appel,
- de condamner la société GTC 88 au entiers frais et dépens de l'instance,
- de condamner la société GTC 88 à lui verser une somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 08 novembre 2024, et en ce qui concerne la salariée le 14 novembre 2024.
Sur le licenciement
- sur la notification
La société GTC 88 fait valoir que le report de la date de l'entretien préalable a été fait après réception de l'avis d'arrêt de travail de Mme [O] [U], et ce pour lui permettre d'y assister; il s'agissait d'un report dans le seul intérêt de la salariée.
Elle estime que le délai de notification du licenciement courrait à compter de la date de report, soit le 30 juin 2022.
Elle considère que si l'on estime que le délai de notification du licenciement courrait à partir de la date initiale de l'entretien préalable, alors elle ne serait redevable que d'une indemnité égale au plus à 1 mois de salaire, en application des dispositions de l'article L1235-2 du code du travail.
Mme [O] [U] fait valoir que l'entretien préalable a été reporté par l'employeur, alors qu'il n'y avait pas pour elle d'impossibilité de se présenter, des sorties étant autorisées dès le 11 juin dans le cadre de son arrêt de travail.
Elle indique que n'est pas irrégulier le licenciement d'un salarié qui n'a pu se rendre à l'entretien préalable pour cause de maladie, l'employeur n'étant pas tenu de faire droit à sa demande d'une nouvelle convocation.
L'intimée considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ayant été notifié après l'expiration du délai de notification, dont le point de départ était le 22 juin.
Motivation
Aux termes de l'article L. 1332-2 du code du travail, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
En l'espèce, il résulte des conclusions et pièces des parties que Mme [O] [U] a été convoquée par lettre recommandée du 09 juin 2022 (pièce 2 de l'appelante) à un entretien préalable dont la date était fixée au 22 juin.
Mme [O] [U] a ensuite transmis à son employeur un avis d'arrêt de travail du 11 juin au 25 juin 2022 (pièce 3 de l'appelante).
La société GTC 88 a adressé à la salariée, par lettre du 15 juin 2022, une nouvelle convocation au 30 juin 2022 (pièce 4 de la société GTC 88), motivant le report par la transmission de l'avis d'arrêt de travail, et le fait de pouvoir recueillir ses observations sur les faits reprochés.
L'avis d'arrêt travail matérialisant l'impossibilité pour Mme [O] [U] de se rendre à l'entretien préalable prévu le 22 juin, soit pendant le cours de l'arrêt, nonobstant l'indication de sorties autorisées, le délai de l'article L1332-2 in fine précité a commencé à courir le 30 juin 2022, date reportée de l'entretien.
Le licenciement ayant été notifié dans le délai d'un mois après cette date, Mme [O] [U] sera déboutée de sa demande de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour ce motif.
Le jugement sera réformé sur ce point.
- sur les motifs du licenciement
La lettre de licenciement du 25 juillet 2022 (pièce 5 de la société GTC 88) indique :
« A la suite de notre entretien du 30 juin 2022, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
Nous vous rappelons que depuis 2012 vous êtes principalement chargée de l'inscription des nantissements et de l'enregistrement et de la publication des dépôts de compte depuis 2012.
Depuis plusieurs semaines, nous avons constaté que vous arriviez régulièrement en retard à votre poste de travail.
Les différents rappels verbaux que nous vous avons formulés sont restés sans effets ce qui marque une certaine désinvolture et une défiance à l'égard de notre autorité ce que nous ne pouvons accepter.
Nous vous rappelons que les horaires d'ouverture au public sont 8h30-12h00 et 13h30-16h00 et vos heures d'arrivée au greffe doivent être à 8h30 le matin et 13h30 l'après-midi. Nous nous devons d'être à notre poste de travail et ce dès l'ouverture au public du greffe.
Or, malgré de nombreux rappels à l'ordre verbaux, nous avons constaté des retards récurrents variant de cinq à huit minutes qui nuisent à la qualité de service que nous devons rendre aux usagers (19/04 : 8h35, le 21/04 :8h36, le 29/04 :13h38, le 06/05 : 08h35, le 09/05 : 8h37, le 13/05 :8h35, le 23/05 : 13h34, 31/05 : 13h36, 08/06 : 8h38).
Le 28 avril 2022, vous êtes arrivée à 08h37 soit avec 7 minutes de retard alors que ce jour-là, vous étiez affectée au bureau d'accueil du greffe et aviez pour mission, entre autres, d'ouvrir les portes du palais à 08h30.
Votre retard n'a pas permis aux justiciables et aux auxiliaires de justice de se rendre aux heures prescrites dans les salles d'audience et au greffe de la juridiction. Les Avocats du barreau n'ont pas manqué de me faire part de ce dysfonctionnement.
Vos retards récurrents sont d'autant plus pénalisants que vous êtes l'unique collaboratrice du greffe, à l'exception de Madame [C], greffière salariée cadre, à délivrer et renseigner les justiciables sur les dépôts des comptes et les nantissements.
Dès lors, vos retards ont pour conséquence une désorganisation du service et donnent une mauvaise image de l'exécution du service que nous devons assurer.
Nous vous rappelons que vous assurons une mission de service public et nous devons être irréprochables dans son accomplissement. Ce manquement aux devoirs de notre charge de greffier peut constituer une faute disciplinaire pouvant aller du rappel à l'ordre à la destitution (L.743-2 et L.743-3 du code de commerce).
Par ailleurs nous avons constaté des erreurs grossières dans l'exécution des tâches qui vous sont dévolues et le non-traitement des dossiers qui vous sont confiés.
Par mail en date 09/05/2022, nous avons été informés par l'INPI d'une anomalie dans le dépôt des comptes de la société PHARMACIE DE LA CHAUME RCS 831 250 121 que vous aviez traité le 30 mars 2022. En effet, des pages du bilan d'une autre société se trouvaient numérisées avec le bilan de la société précitée.
Nous avons alors découvert en vérifiant les archives que le dépôt des comptes de la société CHAUDRONNERIE ATILGAN se trouvait dans le dossier de la PHARMACIE DE LA CHAUME et n'avait pas été traité dans le délai d'un jour franc suivant la réception suite à sa réception (29/03/2022) auquel nous sommes tenus selon les dispositions de l'article R.123-97 du code de commerce.
Nous vous rappelons que le Greffier du Tribunal de Commerce doit adresser au président du Tribunal de commerce, au Procureur de la République et au Préfet la liste des sociétés n'ayant pas déposé leurs comptes sociaux dans le délai légal lequel devait intervenir pour cette société au plus tard le 1° mai 2022.
Vous n'ignorez pas que, lorsqu'une société ne dépose pas ses comptes dans les délais légaux, le ministère public peut engager l'action publique pour la voir condamner, conformément aux dispositions de l'article R.247-3 du code de commerce, à une contravention de 5eme classe et ce dans préjudice du pouvoir accordé au Président du tribunal de commerce de faire déposer les documents comptables sous astreinte.
Il est inenvisageable et inacceptable qu'une société puisse, à tort, faire l'objet de poursuites pénales, en raison d'une faute commise par le Greffe du Tribunal de Commerce.
Nous avons également constaté que de nombreux comptes ont été déposés au registre du commerce et des sociétés sans que vous ne procédiez à aucun contrôle juridique (R.123-95 du code de commerce) :
- INTERSUM (RCS EPINAL 444 874 883) enregistrement des comptes sociaux au 31/08/2021 en lieu et place des comptes du 31/08/2020.
- SECONDE NATURE (RCS EPINAL 837 510 049) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- E.B.V (RCS EPINAL 852 860 139) enregistrement des comptes sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- EBS IMMOBILIER (RCS EPINAL 808 887 632) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- HAPPY JOUET (RCS EPINAL 532 335 973) enregistrement des comptes sociaux au 31/01/2022 en lieu et place des comptes du 31/01/2021.
- MEURANT SAS (RCS EPINAL 322 707 910) absence de l'attestation prévue aux articles L.232-25 alinéa 2 et L.232-26 alinéa 2 du code de commerce (pour les comptes clos au 30/09/2020) malgré la demande de confidentialité du compte de résultat et de l'existence d'un rapport du commissaire aux comptes
- ALLIANCE PRODUCTIONS (RCS EPINAL 490 746 922) la résolution d'affectation pour l'exercice clos au 31/12/2019 est sans rapport avec le bilan comptable déposé ce qui démontre que vous n'avez effectué aucun contrôle.
- GROUPE CARROSSERIE 88 SARL (RCS EPINAL 533 524 674) le dépôt des comptes pour l'exercice clos au 31/12/2020 a été effectué sans les comptes annuels, là encore, cela démontre que nous n'avez procédé à aucune vérification.
- DES TERRES NOIRES (RCS EPINAL 852 547 777) dépôt de la déclaration de confidentialité des comptes annuels pour l'exercice clos au 31/12/2020 et ce sans que soit précisé l'identité du représentant légal dans la déclaration de confidentialité jointe aux comptes (Cf. A.123-61-1 du code de commerce).
- SARL DU VAL D'AGNE (RCS EPINAL 520 158 148) dépôt des comptes sociaux pour l'exercice clos au 31/12/2020 avec une résolution d'affectation pour un exercice clos en 2018, incohérence dans les chiffres et une absence au dossier de justificatif d'adoption de la résolution d'affection des résultats par l'assemblée générale. Là encore cela établi l'absence de contrôle et de vérification que vous étiez tenue d'effectuer avant de procéder à la publication.
- VERTICALE M (RCS EPINAL 844 654 574) enregistrement des comptes sociaux au 30/09/2021 en lieu et place des comptes du 30/09/2020.
- WONDERKUBE (RCS EPINAL 878 353 648) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2021.
- erreur d'adressage pour le renvoi des factures dans les dossiers WILLMANN INGENIERIE 2.0, SARL TRANSPORT FRANCIS BEH et AISLE OF TRUST.
Ces erreurs répétées dans la saisie des éléments comptables au-delà des faits exposés plus haut sont incompatibles avec la rigueur exigée du greffier du Tribunal de Commerce et peuvent s'avérer préjudiciables aux entreprises compte tenu de la publicité qui en est faite INFOGREFFE, NPI), certains clients pouvant consulter ou non, la réalité du dépôt des comptes au greffe, avant de contracter avec ces sociétés.
Lors du contrôle du dossier de prise de nantissement pour la banque IKB DEUSTCHE INDUSTRIEBANK AG, contre la société MEA GROUPE GMBH HRB 3300 AUGSBURG sur les parts qu'elle détient dans la société MEA FRANCE SARL RCS EPINAL 320 818 584 pour un montant de 66.150.000 ', nous avons constaté que vous aviez commis une erreur sur la désignation des biens gagés en précisant que ce dernier portait sur 360 000 parts sociales de cette société du numéro 1 à 360 000 d'une valeur de 25.00 euros alors que le bordereau précise que le nantissement porte sur 1000 parts numérotés de 1 à 1000 pour une valeur nominale de 200.00 euros.
Si nous n'avions pas corrigé cette erreur le nantissement aurait été entaché de nullité ce qui aurait pu avoir comme conséquence l'engagement notre responsabilité civile professionnelle et, compte tenu de son montant très important dépassant le plafond de l'assurance de responsabilité civile professionnelle du greffe, et placer la société GTC 88 et son gérant en faillite.
Nous avons pu également constater que vous aviez pris une inscription de nantissement sur fonds de commerce contre la société ABC MONTE-ESCALIER RCS EPINAL 501 396 642 (2021 NFO 00217) alors que le bordereau d'inscription et les différentes pièces précisaient que cette sûreté portait sur le fonds de commerce de la société ABC MONTE-ESCALIER RCS EPINAL 828 486 279. Cette erreur de débiteur aurait pu voir la responsabilité professionnelle du Greffe du Tribunal de Commerce engagée par le créancier (BNP PARIBAS), si ce dernier n'avait pas été intégralement payé lors de la cession du fonds de commerce, objet de la prise de garantie.
Une inscription de nantissement judiciaire de parts sociales 2021 NJP 00003 a été enregistrée par vos soins contre Monsieur [S] [I] sur les parts sociales de la société « SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENACE INDUSTRIELLE » RCS EPINAL 443 555 685 en date du 03 mars 2021.
Or, nous venons de constater que cette garantie ne peut être prise en effet, la société SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE est une société par actions simplifiée, son capital est composé d'actions et non de parts sociales. Cette inscription n'aurait pas dû être inscrite au greffe du tribunal de commerce, les dispositions des articles R.531-1 et suivants du code de procédures civiles d'exécution ne prévoyant aucune publicité sur les registres que nous tenons. Notre responsabilité pourrait être engagée si les actions venaient à être cédées.
Compte tenu de l'expérience qui est la vôtre dans les tâches relatives à la publication des comptes et l'inscription des sûretés, ces erreurs grossières sont intolérables et traduisent la désinvolture dont vous faite preuve dans votre l'exécution de votre travail.
Nous vous rappelons qu'en notre qualité de greffier du Tribunal de Commerce, nous sommes délégataire de la puissance publique, et qu'à ce titre nous devons assurer l'authenticité des actes de la juridiction dont nous sommes le conservateur. A ce titre, nous devons exécuter avec sérieux et rigueur les différentes missions dont nous avons la charge.
Les faits qui vous sont reprochés caractérisent des manquements délibérés, un désinvestissement inacceptable dans l'exécution des tâches qui vous sont confiées et constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter du 28 juillet 2022.»
La société GTC 88 expose que les retards récurrents de Mme [O] [U] ont eu pour conséquence de désorganiser le service et de donner une mauvaise image de l'exécution du service dont l'appelante était en charge.
Elle indique qu'au cours des mois de mai et juin 2022, Mme [O] [U] a enregistré 6 retards; elle estime donc établi le fait que, malgré les remarques qui lui ont été faites, elle n'a pas modifié son comportement et a cumulé les retards au risque de désorganiser les services du greffe.
En ce qui concerne les erreurs qui sont reprochées à la salariée, la société GTC 88 indique notamment que l'INPI l'a averti d'une anomalie dans le dépôt le 09 mai 2022, les pages du bilan d'une autre société se trouvant numérisées avec celles de la société PHARMACIE DE LA CHAUME.
Elle précise que les contrôles juridiques auxquels il doit être procédé consistent en un contrôle formel (vérification de la présence des pièces nécessaires au dépôt, contrôle de cohérence entre la date de clôture des comptes et celle du dépôt desdits comptes qui doit intervenir au plus tard dans les six mois de la date de clôture de l'exercice comptable, etc.).
La société GTC 88 fait valoir avoir constaté que les dossiers traités par Mme [O] [U] comportaient des anomalies flagrantes qui démontraient qu'elle avait enregistré les comptes de différentes sociétés sans procéder au moindre contrôle.
Elle renvoie à ses pièces 10 à 23.
L'appelante souligne que Mme [O] [U] justifiait au moment des faits qui lui sont reprochés d'une ancienneté de près de 34 ans et qu'elle était affectée depuis 2012 à l'enregistrement et à la publication des comptes.
Elle indique que le 10 mars 2020 elle a notifié à Mme [O] [U] un avertissement après avoir constaté qu'elle ne respectait pas le délai d'un jour franc suivant la réception des documents comptables pour procéder à la publication des comptes.
Elle estime que la salariée n'a pas tenu compte de cet avertissement.
Elle ajoute qu'à la réception de cet avertissement, la salariée ne lui a pas fait part qu'elle se trouvait en difficulté dans l'exécution de son travail.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 25 à 27 en ce qui concerne les autres erreurs reprochées à sa salariée.
Elle estime que, compte tenu de l'expérience de Mme [O] [U], les fautes qui lui sont reprochées ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle.
La société GTC invoque des « erreurs grossières » et « des nombreuses erreurs commises par Madame [U] qui était une salariée expérimentée » (page 11 de ses écritures).
Mme [O] [U] fait valoir que l'ouverture et la fermeture de l'entreprise ne relevaient pas de ses attributions, et qu'il est fait état de retards compris entre 4 et 8 minutes pour fonder un licenciement pour faute grave alors qu'elle est présente dans l'entreprise depuis 34 ans.
Elle indique être en mesure de fournir des explications pour chaque dossier dans lequel une erreur lui est reprochée, et renvoie à ses pièces 15 à 28.
L'intimée expose que l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle ne sont pas en soi fautives.
Pour le dossier Pharmacie de la Chaume, Mme [O] [U] indique qu'elle a «sans doute fait une erreur» (pièce 15), et explique qu'une modification de numéro de scan des pièces a pu rendre sa vérification plus compliquée.
Elle renvoie à sa pièce 16 pour ses explications sur le dossier INTERSUM. Elle y indique avoir commis une erreur car elle était «sous pression».
Elle renvoie à sa pièce 17 pour ses explications quant au dossier SECONDE NATURE. Elle indique qu'il s'agit d'une erreur de sa part.
Pour ses explications sur le dossier EBV, elle renvoie à sa pièce 18. Elle indique qu'il y a eu erreur de sa part par enregistrement des comptes annuels sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
Elle ajoute qu'il y a erreur de la part des greffiers qui n'ont pas effectué de rectification au BODACC.
Elle renvoie à sa pièce 19 pour le dossier EBS IMMOBILIER. Elle indique que les comptes annuels ont été enregistrés à la bonne date de clôture soit au 31/12/2020.
Pour le dossier HAPPY JOUET, elle précise en pièce 20 qu'il y a eu une erreur de sa part.
En pièce 21, pour le dossier MEURANT, elle précise que «en ce qui concerne l'absence de l'attestation citée, si l'erreur est avérée, il s'agit d'une erreur matérielle dont la gravité est moindre car les comptes annuels sont confidentiels».
En ce qui concerne le dossier ALLIANCE, elle indique (pièce 22) que l'assemblée générale ordinaire du 29 mai 2020 de la société ALLIANCE PRODUCTIONS montre un bénéfice de 4 934 euros, et les comptes annuels joints montre un bénéfice de 4 492 euros.
Elle ajoute: «En ce qui concerne le contrôle, et suivant les directives de Mr [F], il ne m'appartenait pas de vérifier la comptabilité ni les chiffres indiqués que les documents comptables. En effet, selon Mr [F], ces documents comptables sont déclaratifs et il n'appartient pas au Greffe de les vérifier les chiffres et leur correspondance».
Sur le dossier GROUPE CARROSSERIE 88, elle explique (pièce 23) qu'il n'y a pas d'erreur: les comptes annuels apparaissent bien et sont dans le rapport du commissaire au compte.
Sur le dossier LES TERRES NOIRES, elle fait valoir (sa pièce 24) que «la déclaration de confidentialité ne peut pas être transmise au public. De ce fait, il m'est impossible de savoir si sur cette déclaration il n'est pas mentionné l'identité du représentant légal».
S'agissant du dossier SARL DU VAL D'AGNE, Mme [O] [U] expose (sa pièce 25) qu'il y a eu une erreur mais que «Dans le document contenant l'assemblée générale ordinaire, il est indiqué partout qu'il s'agit des comptes au 31/12/2020 sauf au niveau de l'affectation du résultat où il est mis que l'exercice concerné est celui de 2018. C'est effectivement une erreur de frappe qui est d'ordre matériel et sans gravité à mon sens car dans le reste du document, il est indiqué partout la bonne date de clôture».
Pour le dossier VERTICALEM, Mme [O] [U] explique (sa pièce 26) qu'il y a eu une erreur de sa part; elle fait valoir que cela est intervenu quelques jours avant son arrêt maladie débutant le 22 octobre, et qu'elle était en souffrance au travail.
Pour le dossier WONDERKUBE, elle précise (sa pièce 27) qu'il y a eu une erreur, avec un mélange des exercices 2020 et 2021, mais que les greffiers qui avaient connaissance de ce dossier n'ont pas effectué de rectification.
S'agissant du dossier IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK, elle explique en pièce 28 avoir rencontré des problèmes informatiques pour la saisie des données du nantissement, les caractères à saisir étant trop longs pour les rubriques; elle a attendu le retour de M. [F] à 17h00, et lui a fait part de ces difficultés; il est intervenu et lui a transmis les données contenues dans les bordereaux grâce à un logiciel que lui seul détient; elle a effectué cette tâche puis lui a transmis les inscriptions pour qu'il les vérifie et les signent, ce qu'il n'a pas fait le jour-même; elle précise qu'il y avait effectivement des erreurs mais que c'est M. [F] qui signe les inscriptions de nantissement et c'est à lui qu'appartient la vérification de son travail.
Sur le dossier ABC MONTE ESCALIERS, Mme [O] [U] indique (sa pièce 28) qu'il y a peut être une erreur de sa part, mais que les inscriptions de nantissement sont vérifiées par les greffiers qui ont la signature.
Sur le dossier SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE, Mme [O] [U] fait valoir que cette erreur est possible, mais que cette inscription a été signée probablement par M. [F], greffier qui a la signature.
Motivation
I - :
- S'agissant des comptes de la société CHAUDRONNERIE ALTIGAN, la salariée explique que la société devait déposer ses comptes au plus tard le 1er avril 2022; or elle ne les a déposés que le 09 mai 2022; ce dépôt a été traité le 10 mai 2022 donc le délai d'un jour franc a été respecté.
Elle ajoute que M. [F] (gérant de la société GTC 88) ou Mme [C] (greffière salariée) oublient souvent d'apposer la date de réception du dépôt ; ils ont pu pour lui nuire apposer une date antérieure à celle du 09 mai.
La société GTC 88 ne renvoie à aucune pièce relative à ce dossier, permettant d'établir le grief.
Le grief n'est donc pas établi.
- Mme [O] [U] renvoie à sa pièce 19 pour le dossier EBS IMMOBILIER. Elle indique que les comptes annuels ont été enregistrés à la bonne date de clôture soit au 31/12/2020.
La société GTC 88 produit, au soutien du grief, sa pièce 13, un mail de Mme [T], du cabinet comptable ECLOR, du 07 janvier 2022 adressé à Maître [F], lui demandant de rectifier la facture émise par le greffe du tribunal de commerce le 06 janvier 2022, mentionnant comme formalité facturée « dépôt de comptes annuels EBS immobilier (') Ex.2021 (') ».
Mme [O] [U] produit en pièces 19 une annonce au BODACC des 10 et 11 janvier 2022 du dépôt des comptes annuels d'EBS au 31 décembre 2020, et une annonce au BODACC du 07 juillet 2022 sur le dépôt des comptes annuels d'EBS au 31 décembre 2021.
Il découle de ces pièces que le dépôt des comptes 2021 a été publié en juillet 2022 ; la facture antérieure du 06 janvier 2022 mentionne donc par erreur un dépôt des comptes 2021.
La société GTC 88 ne justifie donc pas d'une publication hors délai des comptes 2021, sa pièce démontrant simplement que la facture contient une erreur.
Le grief n'est donc pas établi.
- En ce qui concerne le dossier ALLIANCE, la salariée indique (pièce 22) que l'assemblée générale ordinaire du 29 mai 2020 de la société ALLIANCE PRODUCTIONS montre un bénéfice de 4 934 euros, et les comptes annuels joints montrent un bénéfice de 4 492 euros.
Elle ajoute: « En ce qui concerne le contrôle, et suivant les directives de Mr [F], il ne m'appartenait pas de vérifier la comptabilité ni les chiffres indiqués que les documents comptables. En effet, selon Mr [F], ces documents comptables sont déclaratifs et il n'appartient pas au Greffe de les vérifier les chiffres et leur correspondance ».
La société GTC 88 ne répond pas aux arguments de l'intimée, alors que, comme le souligne la salariée, l'élaboration de ces deux documents, procès-verbal d'assemblée générale et comptes annuels de la société, est de la responsabilité de cette dernière.
La société GTC 88 n'indique pas s'il incombait à Mme [O] [U] de contrôler la cohérence des comptes de la société entre ces deux pièces, et quelle aurait dû être éventuellement la conduite à tenir par la salariée devant cette différence de montant.
Le grief n'est donc pas établi.
- Sur le dossier GROUPE CARROSSERIE 88, la salariée explique (pièce 23) qu'il n'y a pas d'erreur : les comptes annuels apparaissent bien et sont dans le rapport du commissaire au compte.
La société GTC 88 renvoie, à l'appui de ce grief, à sa pièce 17. Il s'agit du récépissé de dépôt des comptes de la SARL GROUPE CARROSSERIES 88.
Y figurent le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice clos le 31 décembre 2020, le bilan de la société, son compte de résultat, et ses états financiers.
Les propres pièces de l'employeur démontrent que le grief n'est pas établi.
- Sur le dossier ABC MONTE ESCALIERS, Mme [O] [U] indique (sa pièce 28) qu'il y a peut être une erreur de sa part, mais que les inscriptions de nantissement sont vérifiées par les greffiers qui ont la signature.
La société GTC 88 renvoie à sa pièce 27.
L'employeur ne répond pas à l'argument de la salariée.
La pièce 27 est un certificat d'inscription de nantissement de fonds, établi au nom du greffier du tribunal de commerce d'Epinal, et signé par lui.
La société GTC 88 ne démontre pas que l'établissement de ce certificat incombait à la seule salariée, sans qu'il n'intervienne pour le vérifier.
Dans ces conditions, le grief n'est pas établi.
- Sur le dossier SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE, Mme [O] [U] fait valoir que cette erreur est possible, mais que cette inscription a été signée probablement par M. [F], greffier qui a la signature.
La société GTC 88 ne renvoie à aucune pièce; le grief n'est donc pas établi.
II - : Mme [O] [U] reconnaît certains griefs:
- PHARMACIE DE LA CHAUME: «anomalie dans le dépôt des comptes de la société PHARMACIE DE LA CHAUME RCS 831 250 121 que vous aviez traité le 30 mars 2022. En effet, des pages du bilan d'une autre société se trouvaient numérisées avec le bilan de la société précitée» (lettre de licenciement)
- INTERSUM: «enregistrement des comptes sociaux au 31/08/2021 en lieu et place des comptes du 31/08/2020» (lettre de licenciement)
- SECONDE NATURE: «enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020» (lettre de licenciement)
- EBV: «enregistrement des comptes sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020» (lettre de licenciement)
- HAPPY JOUET: «enregistrement des comptes sociaux au 31/01/2022 en lieu et place des comptes du 31/01/2021» (lettre de licenciement)
- MEURANT: «absence de l'attestation prévue aux articles L.232-25 alinéa 2 et L.232-26 alinéa 2 du code de commerce (pour les comptes clos au 30/09/2020) malgré la demande de confidentialité du compte de résultat et de l'existence d'un rapport du commissaire aux comptes» (lettre de licenciement)
- SARL DU VAL D'AGNE en minimisant les faits: «dépôt des comptes sociaux pour l'exercice clos au 31/12/2020 avec une résolution d'affectation pour un exercice clos en 2018, incohérence dans les chiffres et une absence au dossier de justificatif d'adoption de la résolution d'affection des résultats par l'assemblée générale. Là encore cela établi l'absence de contrôle et de vérification que vous étiez tenue d'effectuer avant de procéder à la publication» (lettre de licenciement)
- WONDERKUBE: «enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2021 » (lettre de licenciement).
Sur le grief d'erreur d'adressage pour le renvoi des factures dans les dossiers WILLMANN INGENIERIE 2.0, SARL TRANSPORT FRANCIS BEH et AISLE OF TRUST, Mme [O] [U] ne répond pas.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 22 et 23.
La pièce 22 est l'extrait Kbis de la société WILLMANN INGENIERIE 2.0; elle n'établit pas d'erreur d'adressage.
La pièce 23 établit l'erreur d'adressage de la facture du greffe du tribunal de commerce à la société TRANSPORT FRANCIS BEH (retour courrier et justificatif de l'adresse correcte).
Le grief d'erreur d'adressage à la société TRANSPORT FRANCIS BEH est établi, mais non l'autre grief d'erreur d'adressage.
Aucune de ces pièces ne se rapporte au dossier AISLE OF TRUST.
En conséquence les griefs d'erreurs de dépôt des comptes sociaux, d'absence de dépôt de l'attestation de confidentialité dans le dossier MEURANT, et d'erreur d'adressage postal dans le dossier précité FRANCIS BEH, sont établis.
III- :
- Sur le dossier LES TERRES NOIRES, la salariée fait valoir (sa pièce 24) que « la déclaration de confidentialité ne peut pas être transmise au public. De ce fait, il m'est impossible de savoir si sur cette déclaration il n'est pas mentionné l'identité du représentant légal».
La pièce 18 de la société GTC 88 établit le grief : déclaration de confidentialité des comptes annuels de la société DES TERRES NOIRES, sans mention de l'identité du représentant légal, imposée par l'annexe 1-5 à l'article A.123-61-1 du code de commerce.
Le grief est établi.
- Pour le dossier VERTICALEM, Mme [O] [U] explique (sa pièce 26) qu'il y a eu une erreur de sa part ; elle fait valoir que cela est intervenu quelques jours avant son arrêt maladie débutant le 22 octobre, et qu'elle était en souffrance au travail.
Mme [O] [U] ne renvoie à aucune pièce pour justifier de son état au jour de la commission de cette erreur, expliquant cette dernière.
Le grief est donc justifié.
- S'agissant du dossier IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK, elle explique en pièce 28 avoir rencontré des problèmes informatiques pour la saisie des données du nantissement, les caractères à saisir étant trop longs pour les rubriques; elle a attendu le retour de M. [F] à 17h00, et lui a fait part de ces difficultés ; il est intervenu et lui a transmis les données contenues dans les bordereaux grâce à un logiciel que lui seul détient; elle a effectué cette tâche puis lui a transmis les inscriptions pour qu'il les vérifie et les signent, ce qu'il n'a pas fait le jour-même; elle précise qu'il y avait effectivement des erreurs mais que c'est M. [F] qui signe les inscriptions de nantissement et c'est à lui qu'appartient la vérification de son travail.
Mme [O] [U] ne produit aucun élément sur les difficultés informatiques qu'elle allègue.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 25 « certificat d'inscription de gage sans dépossession préparé par Madame [U] » et 26 « bordereau d'inscription de nantissement de parts sociales IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK ».
Mme [O] [U] ne conteste pas que la pièce 25 est le certificat d'inscription qu'elle a préparé au vu de la pièce 26.
Il ressort de ces deux pièces que le nantissement a été demandé par la société IKB sur les parts de la société MEA numérotées de 1 à 1000, d'une valeur de 200 euros par part, alors que le certificat préparé mentionne le nantissement au profit de la société IKB de parts de la société MEA de parts sociales de cette dernière numérotées de 1 à 360 000, d'une valeur de 25 euros.
Le grief est donc établi.
En ce qui concerne le grief de retards, la société GTC 88 ne produit aucune pièce relative aux tâches alléguées d'ouverture du palais de justice.
Elle renvoie à sa pièce 8 « tableaux des horaires de travail établis par Madame [U] », en rappelant des retards en 2021 et un retard en février 2022, et en soulignant 6 retards en mai et juin 2022 : 03 mai 2022 : 08h40 ; 12 mai 2022 : 08h35 ; 24 mai 2022 : 08h35; 03 juin 2022 : 08h35 ; 10 juin 2022 : 08h35.
Les retards sont objectivés et ne sont ni contestés, ni expliqués par l'intimée.
La société GTC 88 se prévaut d'un avertissement du 10 mars 2020, produit en pièce 24. L'avertissement fait grief à Mme [O] [U] de ne pas avoir traités dans le délai légal d'un jour franc ouvrable les dépôts de documents comptables, dans 14 dossiers listés dans la lettre d'avertissement.
Il ressort de ce qui précède que de nombreux manquements de la part de Mme [O] [U] sont établis.
Mme [O] [U] indique en page 19 de ses écritures que la classification professionnelle dont elle relève « se limite selon la convention collective à la saisie d'opérations simples et à l'assistance à la formalité d'opérations simples ».
Donnant les références d'un arrêt de la Cour de cassation, elle précise que « l'employeur ne peut se prévaloir de l'insuffisance professionnelle ou des erreurs commises par un salarié s'il lui demande d'effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification et étrangère à l'activité pour laquelle elle a été embauchée ».
La classification à laquelle renvoie Mme [O] [U] est mentionnée en page 9 de ses conclusions, renvoyant à sa pièce 9 (extrait de la convention collective applicable ; définition de l'employé niveau II, figurant sur ses fiches de paie en pièces 8) : « Travaux d'exécution avec responsabilité. Est classé dans cette catégorie le collaborateur assurant l'exécution de travaux nécessitant une pratique professionnelle confirmée ou un diplôme spécifique nécessaire à la réalisation des tâches demandées, ajoutée à une part de responsabilité et d'initiative. Il est sous contrôle régulier ».
Mme [O] [U] ne précise pas quelles tâches, parmi celles énumérées dans la lettre de licenciement, ne lui incomberaient pas.
Compte tenu du nombre et de la nature des manquements commis par Mme [O] [U], de son ancienneté (33 ans), et de l'avertissement du 10 mars 2020 pour des manquements de même nature qu'une partie de ceux visés dans la lettre de licenciement, les faits reprochés constituent des fautes, qui, en raison de leur accumulation, justifient le licenciement.
L'employeur ne démontrant pas en quoi les fautes commises justifieraient le départ immédiat de la salariée de l'entreprise, le licenciement sera requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
La société GTC 88 explique que c'est la convention collective nationale du personnel des greffes dans sa version en vigueur au jour de la rupture qui doit être appliquée, et non la nouvelle convention collective des professions réglementées auprès des juridictions entrée en vigueur le 1er novembre 2023, soit après le licenciement de l'intimée.
Elle demande également de ne pas intégrer dans le calcul du salaire de référence la prime de 13ème mois, versée uniquement si le contrat de travail est toujours en vigueur en décembre.
La société GTC 88 estime que le salaire de référence de Mme [O] [U] sur les trois derniers mois est de 2 432,22 euros, et demande que l'indemnité légale de licenciement soit ramenée à 25 413,63 euros, et de réduire les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 7 299,66 euros, soit l'équivalent de 3 mois de salaire.
Mme [O] [U] demande la confirmation du jugement s'agissant de l'indemnité de licenciement; elle détaille ses calculs en pages 20 et 21 de ses écritures, sur la base des articles L1234-9 et R 1234-4 du code du travail.
Elle demande l'intégration de la prime de 13ème mois, au prorata temporis, sur le fondement de l'article R1234-4 précité.
- sur l'indemnité de préavis
La société GTC 88 ne conclut pas à la réformation du jugement sur ce point; Mme [O] [U] demande la confirmation du jugement.
Le jugement sera donc confirmé s'agissant de l'indemnité de préavis.
- sur l'indemnité de licenciement
L'article 28 bis de la convention collective des personnels des greffes des tribunaux de commerce dans sa version applicable au litige (pièce 30 de la société GTC 88) dispose que la prime de 13ème mois est versée en décembre, et que pour la percevoir le salarié doit être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment de la date de versement.
Les dispositions de l'article R1234-4 du code du travail disposent simplement que lorsque l'on prend comme base de calcul du salaire de référence les trois derniers mois de salaire, et que pendant ces trois mois une prime annuelle est versée, alors il y a lieu de l'intégrer au prorata temporis.
Mme [O] [U] prenant pour base de calcul ses salaires de mars à mai 2022, et la prime de 13ème mois étant versée en décembre, il n'y a pas lieu de l'intégrer, ni en totalité ni au prorata temporis, le contrat de travail n'étant plus en vigueur en décembre 2022.
Il résulte des conclusions des parties un accord sur le salaire de référence de 2433,22 euros, lorsque la prime de 13ème mois n'est pas intégrée.
La formule de calcul présenté en page 13 de ses conclusions par la société GTC 88 n'étant pas discutée par Mme [O] [U], l'indemnité de licenciement sera fixée à 25 413,63 euros, et le jugement sera réformé sur le quantum de cette indemnité.
- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le licenciement pour faute grave étant requalifié en licenciement pour faute, il est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Mme [O] [U] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la demande de remboursement d'acompte de 13ème mois
La société GTC 88 explique que la prime n'est due qu'au salarié titulaire d'un contrat de travail en vigueur au mois de décembre, et que Mme [O] [U] a perçu un acompte au mois de juin 2022.
Mme [O] [U] fait valoir qu'il était d'usage que cette prime soit versée en deux fois, l'une au mois de juin et l'autre au mois de décembre.
Motivation
Aux termes des dispositions de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
En application de l'article 28 bis de la convention collective applicable, la prime de 13éme mois n'était pas due à Mme [O] [U], son contrat de travail n'étant plus en vigueur en décembre 2022.
Il sera donc fait droit à la demande de remboursement formée par la société GTC 88, le jugement étant réformé sur ce point.
Sur la demande de compensation
En application des dispositions de l'article 1347-1 du code civil, il sera fait droit à la demande de compensation.
Sur la demande de rappel pour heures supplémentaires
Mme [O] [U] indique produire le décompte de journalier de ses heures de travail du 10 juin 2019 au 10 juin 2022.
Elle explique ne jamais avoir eu connaissance de l'existence de fiches individuelles pour heures supplémentaires.
L'intimée détaille le cumul de ses heures et le calcul du rappel en pages 26 et 27 de ses écritures.
La société GTC 88 fait valoir que les demandes antérieures à janvier 2020 sont prescrites, et que les tableaux produits par la salariée ne sont corroborés par aucune pièce.
Elle ajoute avoir mis en place une procédure spécifique pour ce qui concerne les heures supplémentaires en, 2018, avec une demande d'autorisation préalable et remise d'une fiche individuelle chaque vendredi soir.
Motivation
- sur la prescription
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La requête saisissant le conseil des prud'hommes étant en date du 17 janvier 2023, la demande est prescrite pour la période antérieure au 17 janvier 2020.
- sur les heures supplémentaires
Mme [O] [U] produit en pièces 31 à 33 des tableaux d'indication journalière de ses horaires de travail sur les périodes suivantes: 10/06/2019-09/06/2020, 10/06/2020-09/06/2021, 10/06/2021-12/06/2022.
Ces pièces sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre avec ses propres pièces.
La société GTC 88 ne produit aucun décompte des heures travaillées de Mme [O] [U]. Il renvoie à sa pièce 34, « fiche individuelle de suivi des heures supplémentaires » renseignée, concernant « [Z] » pour justifier de l'existence de ces fiches, et à sa pièce 35, mail de Mme [C], greffière, à M. [P] [F], greffier en chef, se plaignant de l'attitude de Mme [O] [U] pendant quelques jours où il a été absent, lui expliquant qu'elle n'a pas exécuté toutes les tâches qu'elle lui avait confiées.
Les pièces de l'employeur ne sont pas de nature à contredire les pièces de la salariée.
Compte tenu de ces éléments, de la période pour laquelle la demande est prescrite, qu'il convient donc de ne pas prendre en compte, et du détail des calculs de Mme [O] [U], non discutés à titre subsidiaire par la société GTC 88, il sera fait droit à la demande de Mme [O] [U] à hauteur de 804 euros, outre 80,40 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Mme [O] [U] expose que le greffier en chef du tribunal de commerce dont le bureau jouxtait son espace de travail ne pouvait ignorer qu'elle effectuait des heures de travail au-delà de la durée légale.
La société GTC 88 sollicite le débouté de Mme [O] [U] au motif qu'elle n'a pas effectué d'heures supplémentaires.
Motivation
A défaut de démonstration d'un élément intentionnel au défaut d'indication d'heures supplémentaires sur les feuilles de paie, la proximité de l'espace de travail du gérant de la société GTC 88 avec l'espace de travail de la salariée ne pouvant en tenir lieu, Mme [O] [U] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande d'intérêts
En application des dispositions de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil, les sommes dues par la société GTC 88 porteront intérêts aux taux légal à compter du 31 janvier 2024, date du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant partiellement à l'instance, la société GTC 88 sera condamnée à payer à Mme [O] [U] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 31 janvier 2024 en ce qu'il a condamné la SELARL GTC 88 à payer à Madame [O] [U] 7 917,85 euros au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents;
L'infirme pour le surplus et dans les limites de l'appel;
Statuant à nouveau dans ces limites,
Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute;
Condamne la société GTC 88 à payer à Mme [O] [U]:
- 25 413,63 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 804 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 80,40 euros au titre des congés payés afférents;
Dit que les sommes qui précèdent portent intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2024 ;
Condamne Mme [O] [U] à payer à la société GTC 88 la somme de 741,77 euros à titre de remboursement de la prime de 13ème mois;
Ordonne la compensation entre ces condamnations réciproques;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Y ajoutant,
Condamne la société GTC 88 à payer à Mme [O] [U] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société GTC 88 aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en vingt et une pages
PH
DU 24 AVRIL 2025
N° RG 24/00355 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FKEJ
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
F 23/00109
31 janvier 2024
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. GTC 88 immatriculée au registre de commerce et des sociétés de EPINAL sous le numéro D 43864630900049 agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florian HARQUET, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
Madame [O] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Matthieu DULUCQ de l'AARPI ARCAD AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : BRUNEAU Dominique
Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 16 Janvier 2025 tenue par BRUNEAU Dominique, conseiller, président d'audience, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 03 Avril 2025 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 24 Avril 2025 ;
Le 24 Avril 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [O] [U] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SELARL GTC 88 (ci-après société GTC 88) à compter du 05 septembre 1988, en qualité d'employée affectée au service de greffe du tribunal de commerce d'Epinal.
Par courrier du 09 juin 2022, Madame [O] [U] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 juin 2022, reporté au 30 juin 2022 en raison de l'arrêt de travail de la salariée du 11 au 25 juin 2022.
Par courrier du 25 juillet 2022, Madame [O] [U] a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 17 janvier 2023, Madame [O] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins:
- de requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société GTC 88 à lui payer les sommes suivantes :
- 1 075,94 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et de congés payés afférents sur la période du 10 juin 2019 au 10 juin 2022,
- 14 396,10 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 8 000,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 31 janvier 2024, lequel a :
- requalifié le licenciement pour faute grave de Madame [O] [U] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société GTC 88 à payer à Madame [O] [U] les sommes suivantes :
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société GTC 88 de ses demandes,
- condamné la société GTC 88 aux entiers frais et dépens.
Vu l'appel formé par la société GTC 88 le 22 février 2024,
Vu l'appel incident formé par Madame [O] [U] le 03 juin 2024,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société GTC 88 déposées sur le RPVA le 08 novembre 2024, et celles de Madame [O] [U] déposées sur le RPVA le 14 novembre 2024,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 décembre 2024,
La société GTC 88 demande:
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement notifié le 25 juillet 2022 par la société à Madame [O] [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, de débouter Madame [O] [U] de ses demandes, fins et conclusions,
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société de sa demande de rappel de salaire,
* Statuant à nouveau:
- de débouter Madame [O] [U] de toutes ses demandes,
- de condamner Madame [O] [U] à rembourser à la société GTC 88 la somme de 741,77 euros brut au titre de l'indu correspondant à l'acompte sur 13ème mois versé en juin 2022,
**A titre subsidiaire, vu les dispositions des articles L.1233-1, L.1233-3 et L.1235-2 du code du travail :
- de dire que la notification hors délai du licenciement constitue une irrégularité de procédure,
- en conséquence, de fixer à une somme maximale égale à un mois de salaire le montant de l'indemnité qui pourrait être allouée à Madame [O] [U] pour irrégularité de procédure,
**A titre infiniment subsidiaire:
- de fixer à la somme de 25 413,63 euros le montant de l'indemnité légale de licenciement et à
la somme de 7299,66 euros le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués à Madame [O] [U] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de la société et la somme de 741,77 euros brut au titre de l'indu correspondant au versement de l'acompte sur 13ème mois,
- de condamner Madame [O] [U] à payer à la société la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Madame [O] [U] aux éventuels dépens de la procédure.
Madame [O] [U] demande:
- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 31 janvier 2024 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités pour travail dissimulé,
Statuant à nouveau:
- de condamner la société GTC 88 à lui verser les sommes suivantes:
- 1 075,94 euros à titre d'heures supplémentaires et de congés payés sur heures supplémentaires du 10 juin 2019 au 10 juin 2022,
- 14 396,10 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société GTC 88 à lui verser les sommes suivantes :
- 7 917,85 euros au titre du préavis et des congés payés afférents,
- 27 508,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 52 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'assortir cette condamnation des intérêts légaux à compter du jugement dont appel,
- de condamner la société GTC 88 au entiers frais et dépens de l'instance,
- de condamner la société GTC 88 à lui verser une somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 08 novembre 2024, et en ce qui concerne la salariée le 14 novembre 2024.
Sur le licenciement
- sur la notification
La société GTC 88 fait valoir que le report de la date de l'entretien préalable a été fait après réception de l'avis d'arrêt de travail de Mme [O] [U], et ce pour lui permettre d'y assister; il s'agissait d'un report dans le seul intérêt de la salariée.
Elle estime que le délai de notification du licenciement courrait à compter de la date de report, soit le 30 juin 2022.
Elle considère que si l'on estime que le délai de notification du licenciement courrait à partir de la date initiale de l'entretien préalable, alors elle ne serait redevable que d'une indemnité égale au plus à 1 mois de salaire, en application des dispositions de l'article L1235-2 du code du travail.
Mme [O] [U] fait valoir que l'entretien préalable a été reporté par l'employeur, alors qu'il n'y avait pas pour elle d'impossibilité de se présenter, des sorties étant autorisées dès le 11 juin dans le cadre de son arrêt de travail.
Elle indique que n'est pas irrégulier le licenciement d'un salarié qui n'a pu se rendre à l'entretien préalable pour cause de maladie, l'employeur n'étant pas tenu de faire droit à sa demande d'une nouvelle convocation.
L'intimée considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ayant été notifié après l'expiration du délai de notification, dont le point de départ était le 22 juin.
Motivation
Aux termes de l'article L. 1332-2 du code du travail, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
En l'espèce, il résulte des conclusions et pièces des parties que Mme [O] [U] a été convoquée par lettre recommandée du 09 juin 2022 (pièce 2 de l'appelante) à un entretien préalable dont la date était fixée au 22 juin.
Mme [O] [U] a ensuite transmis à son employeur un avis d'arrêt de travail du 11 juin au 25 juin 2022 (pièce 3 de l'appelante).
La société GTC 88 a adressé à la salariée, par lettre du 15 juin 2022, une nouvelle convocation au 30 juin 2022 (pièce 4 de la société GTC 88), motivant le report par la transmission de l'avis d'arrêt de travail, et le fait de pouvoir recueillir ses observations sur les faits reprochés.
L'avis d'arrêt travail matérialisant l'impossibilité pour Mme [O] [U] de se rendre à l'entretien préalable prévu le 22 juin, soit pendant le cours de l'arrêt, nonobstant l'indication de sorties autorisées, le délai de l'article L1332-2 in fine précité a commencé à courir le 30 juin 2022, date reportée de l'entretien.
Le licenciement ayant été notifié dans le délai d'un mois après cette date, Mme [O] [U] sera déboutée de sa demande de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour ce motif.
Le jugement sera réformé sur ce point.
- sur les motifs du licenciement
La lettre de licenciement du 25 juillet 2022 (pièce 5 de la société GTC 88) indique :
« A la suite de notre entretien du 30 juin 2022, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.
Nous vous rappelons que depuis 2012 vous êtes principalement chargée de l'inscription des nantissements et de l'enregistrement et de la publication des dépôts de compte depuis 2012.
Depuis plusieurs semaines, nous avons constaté que vous arriviez régulièrement en retard à votre poste de travail.
Les différents rappels verbaux que nous vous avons formulés sont restés sans effets ce qui marque une certaine désinvolture et une défiance à l'égard de notre autorité ce que nous ne pouvons accepter.
Nous vous rappelons que les horaires d'ouverture au public sont 8h30-12h00 et 13h30-16h00 et vos heures d'arrivée au greffe doivent être à 8h30 le matin et 13h30 l'après-midi. Nous nous devons d'être à notre poste de travail et ce dès l'ouverture au public du greffe.
Or, malgré de nombreux rappels à l'ordre verbaux, nous avons constaté des retards récurrents variant de cinq à huit minutes qui nuisent à la qualité de service que nous devons rendre aux usagers (19/04 : 8h35, le 21/04 :8h36, le 29/04 :13h38, le 06/05 : 08h35, le 09/05 : 8h37, le 13/05 :8h35, le 23/05 : 13h34, 31/05 : 13h36, 08/06 : 8h38).
Le 28 avril 2022, vous êtes arrivée à 08h37 soit avec 7 minutes de retard alors que ce jour-là, vous étiez affectée au bureau d'accueil du greffe et aviez pour mission, entre autres, d'ouvrir les portes du palais à 08h30.
Votre retard n'a pas permis aux justiciables et aux auxiliaires de justice de se rendre aux heures prescrites dans les salles d'audience et au greffe de la juridiction. Les Avocats du barreau n'ont pas manqué de me faire part de ce dysfonctionnement.
Vos retards récurrents sont d'autant plus pénalisants que vous êtes l'unique collaboratrice du greffe, à l'exception de Madame [C], greffière salariée cadre, à délivrer et renseigner les justiciables sur les dépôts des comptes et les nantissements.
Dès lors, vos retards ont pour conséquence une désorganisation du service et donnent une mauvaise image de l'exécution du service que nous devons assurer.
Nous vous rappelons que vous assurons une mission de service public et nous devons être irréprochables dans son accomplissement. Ce manquement aux devoirs de notre charge de greffier peut constituer une faute disciplinaire pouvant aller du rappel à l'ordre à la destitution (L.743-2 et L.743-3 du code de commerce).
Par ailleurs nous avons constaté des erreurs grossières dans l'exécution des tâches qui vous sont dévolues et le non-traitement des dossiers qui vous sont confiés.
Par mail en date 09/05/2022, nous avons été informés par l'INPI d'une anomalie dans le dépôt des comptes de la société PHARMACIE DE LA CHAUME RCS 831 250 121 que vous aviez traité le 30 mars 2022. En effet, des pages du bilan d'une autre société se trouvaient numérisées avec le bilan de la société précitée.
Nous avons alors découvert en vérifiant les archives que le dépôt des comptes de la société CHAUDRONNERIE ATILGAN se trouvait dans le dossier de la PHARMACIE DE LA CHAUME et n'avait pas été traité dans le délai d'un jour franc suivant la réception suite à sa réception (29/03/2022) auquel nous sommes tenus selon les dispositions de l'article R.123-97 du code de commerce.
Nous vous rappelons que le Greffier du Tribunal de Commerce doit adresser au président du Tribunal de commerce, au Procureur de la République et au Préfet la liste des sociétés n'ayant pas déposé leurs comptes sociaux dans le délai légal lequel devait intervenir pour cette société au plus tard le 1° mai 2022.
Vous n'ignorez pas que, lorsqu'une société ne dépose pas ses comptes dans les délais légaux, le ministère public peut engager l'action publique pour la voir condamner, conformément aux dispositions de l'article R.247-3 du code de commerce, à une contravention de 5eme classe et ce dans préjudice du pouvoir accordé au Président du tribunal de commerce de faire déposer les documents comptables sous astreinte.
Il est inenvisageable et inacceptable qu'une société puisse, à tort, faire l'objet de poursuites pénales, en raison d'une faute commise par le Greffe du Tribunal de Commerce.
Nous avons également constaté que de nombreux comptes ont été déposés au registre du commerce et des sociétés sans que vous ne procédiez à aucun contrôle juridique (R.123-95 du code de commerce) :
- INTERSUM (RCS EPINAL 444 874 883) enregistrement des comptes sociaux au 31/08/2021 en lieu et place des comptes du 31/08/2020.
- SECONDE NATURE (RCS EPINAL 837 510 049) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- E.B.V (RCS EPINAL 852 860 139) enregistrement des comptes sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- EBS IMMOBILIER (RCS EPINAL 808 887 632) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
- HAPPY JOUET (RCS EPINAL 532 335 973) enregistrement des comptes sociaux au 31/01/2022 en lieu et place des comptes du 31/01/2021.
- MEURANT SAS (RCS EPINAL 322 707 910) absence de l'attestation prévue aux articles L.232-25 alinéa 2 et L.232-26 alinéa 2 du code de commerce (pour les comptes clos au 30/09/2020) malgré la demande de confidentialité du compte de résultat et de l'existence d'un rapport du commissaire aux comptes
- ALLIANCE PRODUCTIONS (RCS EPINAL 490 746 922) la résolution d'affectation pour l'exercice clos au 31/12/2019 est sans rapport avec le bilan comptable déposé ce qui démontre que vous n'avez effectué aucun contrôle.
- GROUPE CARROSSERIE 88 SARL (RCS EPINAL 533 524 674) le dépôt des comptes pour l'exercice clos au 31/12/2020 a été effectué sans les comptes annuels, là encore, cela démontre que nous n'avez procédé à aucune vérification.
- DES TERRES NOIRES (RCS EPINAL 852 547 777) dépôt de la déclaration de confidentialité des comptes annuels pour l'exercice clos au 31/12/2020 et ce sans que soit précisé l'identité du représentant légal dans la déclaration de confidentialité jointe aux comptes (Cf. A.123-61-1 du code de commerce).
- SARL DU VAL D'AGNE (RCS EPINAL 520 158 148) dépôt des comptes sociaux pour l'exercice clos au 31/12/2020 avec une résolution d'affectation pour un exercice clos en 2018, incohérence dans les chiffres et une absence au dossier de justificatif d'adoption de la résolution d'affection des résultats par l'assemblée générale. Là encore cela établi l'absence de contrôle et de vérification que vous étiez tenue d'effectuer avant de procéder à la publication.
- VERTICALE M (RCS EPINAL 844 654 574) enregistrement des comptes sociaux au 30/09/2021 en lieu et place des comptes du 30/09/2020.
- WONDERKUBE (RCS EPINAL 878 353 648) enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2021.
- erreur d'adressage pour le renvoi des factures dans les dossiers WILLMANN INGENIERIE 2.0, SARL TRANSPORT FRANCIS BEH et AISLE OF TRUST.
Ces erreurs répétées dans la saisie des éléments comptables au-delà des faits exposés plus haut sont incompatibles avec la rigueur exigée du greffier du Tribunal de Commerce et peuvent s'avérer préjudiciables aux entreprises compte tenu de la publicité qui en est faite INFOGREFFE, NPI), certains clients pouvant consulter ou non, la réalité du dépôt des comptes au greffe, avant de contracter avec ces sociétés.
Lors du contrôle du dossier de prise de nantissement pour la banque IKB DEUSTCHE INDUSTRIEBANK AG, contre la société MEA GROUPE GMBH HRB 3300 AUGSBURG sur les parts qu'elle détient dans la société MEA FRANCE SARL RCS EPINAL 320 818 584 pour un montant de 66.150.000 ', nous avons constaté que vous aviez commis une erreur sur la désignation des biens gagés en précisant que ce dernier portait sur 360 000 parts sociales de cette société du numéro 1 à 360 000 d'une valeur de 25.00 euros alors que le bordereau précise que le nantissement porte sur 1000 parts numérotés de 1 à 1000 pour une valeur nominale de 200.00 euros.
Si nous n'avions pas corrigé cette erreur le nantissement aurait été entaché de nullité ce qui aurait pu avoir comme conséquence l'engagement notre responsabilité civile professionnelle et, compte tenu de son montant très important dépassant le plafond de l'assurance de responsabilité civile professionnelle du greffe, et placer la société GTC 88 et son gérant en faillite.
Nous avons pu également constater que vous aviez pris une inscription de nantissement sur fonds de commerce contre la société ABC MONTE-ESCALIER RCS EPINAL 501 396 642 (2021 NFO 00217) alors que le bordereau d'inscription et les différentes pièces précisaient que cette sûreté portait sur le fonds de commerce de la société ABC MONTE-ESCALIER RCS EPINAL 828 486 279. Cette erreur de débiteur aurait pu voir la responsabilité professionnelle du Greffe du Tribunal de Commerce engagée par le créancier (BNP PARIBAS), si ce dernier n'avait pas été intégralement payé lors de la cession du fonds de commerce, objet de la prise de garantie.
Une inscription de nantissement judiciaire de parts sociales 2021 NJP 00003 a été enregistrée par vos soins contre Monsieur [S] [I] sur les parts sociales de la société « SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENACE INDUSTRIELLE » RCS EPINAL 443 555 685 en date du 03 mars 2021.
Or, nous venons de constater que cette garantie ne peut être prise en effet, la société SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE est une société par actions simplifiée, son capital est composé d'actions et non de parts sociales. Cette inscription n'aurait pas dû être inscrite au greffe du tribunal de commerce, les dispositions des articles R.531-1 et suivants du code de procédures civiles d'exécution ne prévoyant aucune publicité sur les registres que nous tenons. Notre responsabilité pourrait être engagée si les actions venaient à être cédées.
Compte tenu de l'expérience qui est la vôtre dans les tâches relatives à la publication des comptes et l'inscription des sûretés, ces erreurs grossières sont intolérables et traduisent la désinvolture dont vous faite preuve dans votre l'exécution de votre travail.
Nous vous rappelons qu'en notre qualité de greffier du Tribunal de Commerce, nous sommes délégataire de la puissance publique, et qu'à ce titre nous devons assurer l'authenticité des actes de la juridiction dont nous sommes le conservateur. A ce titre, nous devons exécuter avec sérieux et rigueur les différentes missions dont nous avons la charge.
Les faits qui vous sont reprochés caractérisent des manquements délibérés, un désinvestissement inacceptable dans l'exécution des tâches qui vous sont confiées et constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter du 28 juillet 2022.»
La société GTC 88 expose que les retards récurrents de Mme [O] [U] ont eu pour conséquence de désorganiser le service et de donner une mauvaise image de l'exécution du service dont l'appelante était en charge.
Elle indique qu'au cours des mois de mai et juin 2022, Mme [O] [U] a enregistré 6 retards; elle estime donc établi le fait que, malgré les remarques qui lui ont été faites, elle n'a pas modifié son comportement et a cumulé les retards au risque de désorganiser les services du greffe.
En ce qui concerne les erreurs qui sont reprochées à la salariée, la société GTC 88 indique notamment que l'INPI l'a averti d'une anomalie dans le dépôt le 09 mai 2022, les pages du bilan d'une autre société se trouvant numérisées avec celles de la société PHARMACIE DE LA CHAUME.
Elle précise que les contrôles juridiques auxquels il doit être procédé consistent en un contrôle formel (vérification de la présence des pièces nécessaires au dépôt, contrôle de cohérence entre la date de clôture des comptes et celle du dépôt desdits comptes qui doit intervenir au plus tard dans les six mois de la date de clôture de l'exercice comptable, etc.).
La société GTC 88 fait valoir avoir constaté que les dossiers traités par Mme [O] [U] comportaient des anomalies flagrantes qui démontraient qu'elle avait enregistré les comptes de différentes sociétés sans procéder au moindre contrôle.
Elle renvoie à ses pièces 10 à 23.
L'appelante souligne que Mme [O] [U] justifiait au moment des faits qui lui sont reprochés d'une ancienneté de près de 34 ans et qu'elle était affectée depuis 2012 à l'enregistrement et à la publication des comptes.
Elle indique que le 10 mars 2020 elle a notifié à Mme [O] [U] un avertissement après avoir constaté qu'elle ne respectait pas le délai d'un jour franc suivant la réception des documents comptables pour procéder à la publication des comptes.
Elle estime que la salariée n'a pas tenu compte de cet avertissement.
Elle ajoute qu'à la réception de cet avertissement, la salariée ne lui a pas fait part qu'elle se trouvait en difficulté dans l'exécution de son travail.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 25 à 27 en ce qui concerne les autres erreurs reprochées à sa salariée.
Elle estime que, compte tenu de l'expérience de Mme [O] [U], les fautes qui lui sont reprochées ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle.
La société GTC invoque des « erreurs grossières » et « des nombreuses erreurs commises par Madame [U] qui était une salariée expérimentée » (page 11 de ses écritures).
Mme [O] [U] fait valoir que l'ouverture et la fermeture de l'entreprise ne relevaient pas de ses attributions, et qu'il est fait état de retards compris entre 4 et 8 minutes pour fonder un licenciement pour faute grave alors qu'elle est présente dans l'entreprise depuis 34 ans.
Elle indique être en mesure de fournir des explications pour chaque dossier dans lequel une erreur lui est reprochée, et renvoie à ses pièces 15 à 28.
L'intimée expose que l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle ne sont pas en soi fautives.
Pour le dossier Pharmacie de la Chaume, Mme [O] [U] indique qu'elle a «sans doute fait une erreur» (pièce 15), et explique qu'une modification de numéro de scan des pièces a pu rendre sa vérification plus compliquée.
Elle renvoie à sa pièce 16 pour ses explications sur le dossier INTERSUM. Elle y indique avoir commis une erreur car elle était «sous pression».
Elle renvoie à sa pièce 17 pour ses explications quant au dossier SECONDE NATURE. Elle indique qu'il s'agit d'une erreur de sa part.
Pour ses explications sur le dossier EBV, elle renvoie à sa pièce 18. Elle indique qu'il y a eu erreur de sa part par enregistrement des comptes annuels sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020.
Elle ajoute qu'il y a erreur de la part des greffiers qui n'ont pas effectué de rectification au BODACC.
Elle renvoie à sa pièce 19 pour le dossier EBS IMMOBILIER. Elle indique que les comptes annuels ont été enregistrés à la bonne date de clôture soit au 31/12/2020.
Pour le dossier HAPPY JOUET, elle précise en pièce 20 qu'il y a eu une erreur de sa part.
En pièce 21, pour le dossier MEURANT, elle précise que «en ce qui concerne l'absence de l'attestation citée, si l'erreur est avérée, il s'agit d'une erreur matérielle dont la gravité est moindre car les comptes annuels sont confidentiels».
En ce qui concerne le dossier ALLIANCE, elle indique (pièce 22) que l'assemblée générale ordinaire du 29 mai 2020 de la société ALLIANCE PRODUCTIONS montre un bénéfice de 4 934 euros, et les comptes annuels joints montre un bénéfice de 4 492 euros.
Elle ajoute: «En ce qui concerne le contrôle, et suivant les directives de Mr [F], il ne m'appartenait pas de vérifier la comptabilité ni les chiffres indiqués que les documents comptables. En effet, selon Mr [F], ces documents comptables sont déclaratifs et il n'appartient pas au Greffe de les vérifier les chiffres et leur correspondance».
Sur le dossier GROUPE CARROSSERIE 88, elle explique (pièce 23) qu'il n'y a pas d'erreur: les comptes annuels apparaissent bien et sont dans le rapport du commissaire au compte.
Sur le dossier LES TERRES NOIRES, elle fait valoir (sa pièce 24) que «la déclaration de confidentialité ne peut pas être transmise au public. De ce fait, il m'est impossible de savoir si sur cette déclaration il n'est pas mentionné l'identité du représentant légal».
S'agissant du dossier SARL DU VAL D'AGNE, Mme [O] [U] expose (sa pièce 25) qu'il y a eu une erreur mais que «Dans le document contenant l'assemblée générale ordinaire, il est indiqué partout qu'il s'agit des comptes au 31/12/2020 sauf au niveau de l'affectation du résultat où il est mis que l'exercice concerné est celui de 2018. C'est effectivement une erreur de frappe qui est d'ordre matériel et sans gravité à mon sens car dans le reste du document, il est indiqué partout la bonne date de clôture».
Pour le dossier VERTICALEM, Mme [O] [U] explique (sa pièce 26) qu'il y a eu une erreur de sa part; elle fait valoir que cela est intervenu quelques jours avant son arrêt maladie débutant le 22 octobre, et qu'elle était en souffrance au travail.
Pour le dossier WONDERKUBE, elle précise (sa pièce 27) qu'il y a eu une erreur, avec un mélange des exercices 2020 et 2021, mais que les greffiers qui avaient connaissance de ce dossier n'ont pas effectué de rectification.
S'agissant du dossier IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK, elle explique en pièce 28 avoir rencontré des problèmes informatiques pour la saisie des données du nantissement, les caractères à saisir étant trop longs pour les rubriques; elle a attendu le retour de M. [F] à 17h00, et lui a fait part de ces difficultés; il est intervenu et lui a transmis les données contenues dans les bordereaux grâce à un logiciel que lui seul détient; elle a effectué cette tâche puis lui a transmis les inscriptions pour qu'il les vérifie et les signent, ce qu'il n'a pas fait le jour-même; elle précise qu'il y avait effectivement des erreurs mais que c'est M. [F] qui signe les inscriptions de nantissement et c'est à lui qu'appartient la vérification de son travail.
Sur le dossier ABC MONTE ESCALIERS, Mme [O] [U] indique (sa pièce 28) qu'il y a peut être une erreur de sa part, mais que les inscriptions de nantissement sont vérifiées par les greffiers qui ont la signature.
Sur le dossier SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE, Mme [O] [U] fait valoir que cette erreur est possible, mais que cette inscription a été signée probablement par M. [F], greffier qui a la signature.
Motivation
I - :
- S'agissant des comptes de la société CHAUDRONNERIE ALTIGAN, la salariée explique que la société devait déposer ses comptes au plus tard le 1er avril 2022; or elle ne les a déposés que le 09 mai 2022; ce dépôt a été traité le 10 mai 2022 donc le délai d'un jour franc a été respecté.
Elle ajoute que M. [F] (gérant de la société GTC 88) ou Mme [C] (greffière salariée) oublient souvent d'apposer la date de réception du dépôt ; ils ont pu pour lui nuire apposer une date antérieure à celle du 09 mai.
La société GTC 88 ne renvoie à aucune pièce relative à ce dossier, permettant d'établir le grief.
Le grief n'est donc pas établi.
- Mme [O] [U] renvoie à sa pièce 19 pour le dossier EBS IMMOBILIER. Elle indique que les comptes annuels ont été enregistrés à la bonne date de clôture soit au 31/12/2020.
La société GTC 88 produit, au soutien du grief, sa pièce 13, un mail de Mme [T], du cabinet comptable ECLOR, du 07 janvier 2022 adressé à Maître [F], lui demandant de rectifier la facture émise par le greffe du tribunal de commerce le 06 janvier 2022, mentionnant comme formalité facturée « dépôt de comptes annuels EBS immobilier (') Ex.2021 (') ».
Mme [O] [U] produit en pièces 19 une annonce au BODACC des 10 et 11 janvier 2022 du dépôt des comptes annuels d'EBS au 31 décembre 2020, et une annonce au BODACC du 07 juillet 2022 sur le dépôt des comptes annuels d'EBS au 31 décembre 2021.
Il découle de ces pièces que le dépôt des comptes 2021 a été publié en juillet 2022 ; la facture antérieure du 06 janvier 2022 mentionne donc par erreur un dépôt des comptes 2021.
La société GTC 88 ne justifie donc pas d'une publication hors délai des comptes 2021, sa pièce démontrant simplement que la facture contient une erreur.
Le grief n'est donc pas établi.
- En ce qui concerne le dossier ALLIANCE, la salariée indique (pièce 22) que l'assemblée générale ordinaire du 29 mai 2020 de la société ALLIANCE PRODUCTIONS montre un bénéfice de 4 934 euros, et les comptes annuels joints montrent un bénéfice de 4 492 euros.
Elle ajoute: « En ce qui concerne le contrôle, et suivant les directives de Mr [F], il ne m'appartenait pas de vérifier la comptabilité ni les chiffres indiqués que les documents comptables. En effet, selon Mr [F], ces documents comptables sont déclaratifs et il n'appartient pas au Greffe de les vérifier les chiffres et leur correspondance ».
La société GTC 88 ne répond pas aux arguments de l'intimée, alors que, comme le souligne la salariée, l'élaboration de ces deux documents, procès-verbal d'assemblée générale et comptes annuels de la société, est de la responsabilité de cette dernière.
La société GTC 88 n'indique pas s'il incombait à Mme [O] [U] de contrôler la cohérence des comptes de la société entre ces deux pièces, et quelle aurait dû être éventuellement la conduite à tenir par la salariée devant cette différence de montant.
Le grief n'est donc pas établi.
- Sur le dossier GROUPE CARROSSERIE 88, la salariée explique (pièce 23) qu'il n'y a pas d'erreur : les comptes annuels apparaissent bien et sont dans le rapport du commissaire au compte.
La société GTC 88 renvoie, à l'appui de ce grief, à sa pièce 17. Il s'agit du récépissé de dépôt des comptes de la SARL GROUPE CARROSSERIES 88.
Y figurent le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice clos le 31 décembre 2020, le bilan de la société, son compte de résultat, et ses états financiers.
Les propres pièces de l'employeur démontrent que le grief n'est pas établi.
- Sur le dossier ABC MONTE ESCALIERS, Mme [O] [U] indique (sa pièce 28) qu'il y a peut être une erreur de sa part, mais que les inscriptions de nantissement sont vérifiées par les greffiers qui ont la signature.
La société GTC 88 renvoie à sa pièce 27.
L'employeur ne répond pas à l'argument de la salariée.
La pièce 27 est un certificat d'inscription de nantissement de fonds, établi au nom du greffier du tribunal de commerce d'Epinal, et signé par lui.
La société GTC 88 ne démontre pas que l'établissement de ce certificat incombait à la seule salariée, sans qu'il n'intervienne pour le vérifier.
Dans ces conditions, le grief n'est pas établi.
- Sur le dossier SOCIETE DE DECONTAMINATION ET DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE, Mme [O] [U] fait valoir que cette erreur est possible, mais que cette inscription a été signée probablement par M. [F], greffier qui a la signature.
La société GTC 88 ne renvoie à aucune pièce; le grief n'est donc pas établi.
II - : Mme [O] [U] reconnaît certains griefs:
- PHARMACIE DE LA CHAUME: «anomalie dans le dépôt des comptes de la société PHARMACIE DE LA CHAUME RCS 831 250 121 que vous aviez traité le 30 mars 2022. En effet, des pages du bilan d'une autre société se trouvaient numérisées avec le bilan de la société précitée» (lettre de licenciement)
- INTERSUM: «enregistrement des comptes sociaux au 31/08/2021 en lieu et place des comptes du 31/08/2020» (lettre de licenciement)
- SECONDE NATURE: «enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2021 en lieu et place des comptes du 31/12/2020» (lettre de licenciement)
- EBV: «enregistrement des comptes sociaux au 30/06/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2020» (lettre de licenciement)
- HAPPY JOUET: «enregistrement des comptes sociaux au 31/01/2022 en lieu et place des comptes du 31/01/2021» (lettre de licenciement)
- MEURANT: «absence de l'attestation prévue aux articles L.232-25 alinéa 2 et L.232-26 alinéa 2 du code de commerce (pour les comptes clos au 30/09/2020) malgré la demande de confidentialité du compte de résultat et de l'existence d'un rapport du commissaire aux comptes» (lettre de licenciement)
- SARL DU VAL D'AGNE en minimisant les faits: «dépôt des comptes sociaux pour l'exercice clos au 31/12/2020 avec une résolution d'affectation pour un exercice clos en 2018, incohérence dans les chiffres et une absence au dossier de justificatif d'adoption de la résolution d'affection des résultats par l'assemblée générale. Là encore cela établi l'absence de contrôle et de vérification que vous étiez tenue d'effectuer avant de procéder à la publication» (lettre de licenciement)
- WONDERKUBE: «enregistrement des comptes sociaux au 31/12/2020 en lieu et place des comptes du 31/12/2021 » (lettre de licenciement).
Sur le grief d'erreur d'adressage pour le renvoi des factures dans les dossiers WILLMANN INGENIERIE 2.0, SARL TRANSPORT FRANCIS BEH et AISLE OF TRUST, Mme [O] [U] ne répond pas.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 22 et 23.
La pièce 22 est l'extrait Kbis de la société WILLMANN INGENIERIE 2.0; elle n'établit pas d'erreur d'adressage.
La pièce 23 établit l'erreur d'adressage de la facture du greffe du tribunal de commerce à la société TRANSPORT FRANCIS BEH (retour courrier et justificatif de l'adresse correcte).
Le grief d'erreur d'adressage à la société TRANSPORT FRANCIS BEH est établi, mais non l'autre grief d'erreur d'adressage.
Aucune de ces pièces ne se rapporte au dossier AISLE OF TRUST.
En conséquence les griefs d'erreurs de dépôt des comptes sociaux, d'absence de dépôt de l'attestation de confidentialité dans le dossier MEURANT, et d'erreur d'adressage postal dans le dossier précité FRANCIS BEH, sont établis.
III- :
- Sur le dossier LES TERRES NOIRES, la salariée fait valoir (sa pièce 24) que « la déclaration de confidentialité ne peut pas être transmise au public. De ce fait, il m'est impossible de savoir si sur cette déclaration il n'est pas mentionné l'identité du représentant légal».
La pièce 18 de la société GTC 88 établit le grief : déclaration de confidentialité des comptes annuels de la société DES TERRES NOIRES, sans mention de l'identité du représentant légal, imposée par l'annexe 1-5 à l'article A.123-61-1 du code de commerce.
Le grief est établi.
- Pour le dossier VERTICALEM, Mme [O] [U] explique (sa pièce 26) qu'il y a eu une erreur de sa part ; elle fait valoir que cela est intervenu quelques jours avant son arrêt maladie débutant le 22 octobre, et qu'elle était en souffrance au travail.
Mme [O] [U] ne renvoie à aucune pièce pour justifier de son état au jour de la commission de cette erreur, expliquant cette dernière.
Le grief est donc justifié.
- S'agissant du dossier IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK, elle explique en pièce 28 avoir rencontré des problèmes informatiques pour la saisie des données du nantissement, les caractères à saisir étant trop longs pour les rubriques; elle a attendu le retour de M. [F] à 17h00, et lui a fait part de ces difficultés ; il est intervenu et lui a transmis les données contenues dans les bordereaux grâce à un logiciel que lui seul détient; elle a effectué cette tâche puis lui a transmis les inscriptions pour qu'il les vérifie et les signent, ce qu'il n'a pas fait le jour-même; elle précise qu'il y avait effectivement des erreurs mais que c'est M. [F] qui signe les inscriptions de nantissement et c'est à lui qu'appartient la vérification de son travail.
Mme [O] [U] ne produit aucun élément sur les difficultés informatiques qu'elle allègue.
La société GTC 88 renvoie à ses pièces 25 « certificat d'inscription de gage sans dépossession préparé par Madame [U] » et 26 « bordereau d'inscription de nantissement de parts sociales IKB DEUTSCHE INDUSTRIEBANK ».
Mme [O] [U] ne conteste pas que la pièce 25 est le certificat d'inscription qu'elle a préparé au vu de la pièce 26.
Il ressort de ces deux pièces que le nantissement a été demandé par la société IKB sur les parts de la société MEA numérotées de 1 à 1000, d'une valeur de 200 euros par part, alors que le certificat préparé mentionne le nantissement au profit de la société IKB de parts de la société MEA de parts sociales de cette dernière numérotées de 1 à 360 000, d'une valeur de 25 euros.
Le grief est donc établi.
En ce qui concerne le grief de retards, la société GTC 88 ne produit aucune pièce relative aux tâches alléguées d'ouverture du palais de justice.
Elle renvoie à sa pièce 8 « tableaux des horaires de travail établis par Madame [U] », en rappelant des retards en 2021 et un retard en février 2022, et en soulignant 6 retards en mai et juin 2022 : 03 mai 2022 : 08h40 ; 12 mai 2022 : 08h35 ; 24 mai 2022 : 08h35; 03 juin 2022 : 08h35 ; 10 juin 2022 : 08h35.
Les retards sont objectivés et ne sont ni contestés, ni expliqués par l'intimée.
La société GTC 88 se prévaut d'un avertissement du 10 mars 2020, produit en pièce 24. L'avertissement fait grief à Mme [O] [U] de ne pas avoir traités dans le délai légal d'un jour franc ouvrable les dépôts de documents comptables, dans 14 dossiers listés dans la lettre d'avertissement.
Il ressort de ce qui précède que de nombreux manquements de la part de Mme [O] [U] sont établis.
Mme [O] [U] indique en page 19 de ses écritures que la classification professionnelle dont elle relève « se limite selon la convention collective à la saisie d'opérations simples et à l'assistance à la formalité d'opérations simples ».
Donnant les références d'un arrêt de la Cour de cassation, elle précise que « l'employeur ne peut se prévaloir de l'insuffisance professionnelle ou des erreurs commises par un salarié s'il lui demande d'effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification et étrangère à l'activité pour laquelle elle a été embauchée ».
La classification à laquelle renvoie Mme [O] [U] est mentionnée en page 9 de ses conclusions, renvoyant à sa pièce 9 (extrait de la convention collective applicable ; définition de l'employé niveau II, figurant sur ses fiches de paie en pièces 8) : « Travaux d'exécution avec responsabilité. Est classé dans cette catégorie le collaborateur assurant l'exécution de travaux nécessitant une pratique professionnelle confirmée ou un diplôme spécifique nécessaire à la réalisation des tâches demandées, ajoutée à une part de responsabilité et d'initiative. Il est sous contrôle régulier ».
Mme [O] [U] ne précise pas quelles tâches, parmi celles énumérées dans la lettre de licenciement, ne lui incomberaient pas.
Compte tenu du nombre et de la nature des manquements commis par Mme [O] [U], de son ancienneté (33 ans), et de l'avertissement du 10 mars 2020 pour des manquements de même nature qu'une partie de ceux visés dans la lettre de licenciement, les faits reprochés constituent des fautes, qui, en raison de leur accumulation, justifient le licenciement.
L'employeur ne démontrant pas en quoi les fautes commises justifieraient le départ immédiat de la salariée de l'entreprise, le licenciement sera requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
La société GTC 88 explique que c'est la convention collective nationale du personnel des greffes dans sa version en vigueur au jour de la rupture qui doit être appliquée, et non la nouvelle convention collective des professions réglementées auprès des juridictions entrée en vigueur le 1er novembre 2023, soit après le licenciement de l'intimée.
Elle demande également de ne pas intégrer dans le calcul du salaire de référence la prime de 13ème mois, versée uniquement si le contrat de travail est toujours en vigueur en décembre.
La société GTC 88 estime que le salaire de référence de Mme [O] [U] sur les trois derniers mois est de 2 432,22 euros, et demande que l'indemnité légale de licenciement soit ramenée à 25 413,63 euros, et de réduire les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 7 299,66 euros, soit l'équivalent de 3 mois de salaire.
Mme [O] [U] demande la confirmation du jugement s'agissant de l'indemnité de licenciement; elle détaille ses calculs en pages 20 et 21 de ses écritures, sur la base des articles L1234-9 et R 1234-4 du code du travail.
Elle demande l'intégration de la prime de 13ème mois, au prorata temporis, sur le fondement de l'article R1234-4 précité.
- sur l'indemnité de préavis
La société GTC 88 ne conclut pas à la réformation du jugement sur ce point; Mme [O] [U] demande la confirmation du jugement.
Le jugement sera donc confirmé s'agissant de l'indemnité de préavis.
- sur l'indemnité de licenciement
L'article 28 bis de la convention collective des personnels des greffes des tribunaux de commerce dans sa version applicable au litige (pièce 30 de la société GTC 88) dispose que la prime de 13ème mois est versée en décembre, et que pour la percevoir le salarié doit être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment de la date de versement.
Les dispositions de l'article R1234-4 du code du travail disposent simplement que lorsque l'on prend comme base de calcul du salaire de référence les trois derniers mois de salaire, et que pendant ces trois mois une prime annuelle est versée, alors il y a lieu de l'intégrer au prorata temporis.
Mme [O] [U] prenant pour base de calcul ses salaires de mars à mai 2022, et la prime de 13ème mois étant versée en décembre, il n'y a pas lieu de l'intégrer, ni en totalité ni au prorata temporis, le contrat de travail n'étant plus en vigueur en décembre 2022.
Il résulte des conclusions des parties un accord sur le salaire de référence de 2433,22 euros, lorsque la prime de 13ème mois n'est pas intégrée.
La formule de calcul présenté en page 13 de ses conclusions par la société GTC 88 n'étant pas discutée par Mme [O] [U], l'indemnité de licenciement sera fixée à 25 413,63 euros, et le jugement sera réformé sur le quantum de cette indemnité.
- sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le licenciement pour faute grave étant requalifié en licenciement pour faute, il est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Mme [O] [U] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la demande de remboursement d'acompte de 13ème mois
La société GTC 88 explique que la prime n'est due qu'au salarié titulaire d'un contrat de travail en vigueur au mois de décembre, et que Mme [O] [U] a perçu un acompte au mois de juin 2022.
Mme [O] [U] fait valoir qu'il était d'usage que cette prime soit versée en deux fois, l'une au mois de juin et l'autre au mois de décembre.
Motivation
Aux termes des dispositions de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
En application de l'article 28 bis de la convention collective applicable, la prime de 13éme mois n'était pas due à Mme [O] [U], son contrat de travail n'étant plus en vigueur en décembre 2022.
Il sera donc fait droit à la demande de remboursement formée par la société GTC 88, le jugement étant réformé sur ce point.
Sur la demande de compensation
En application des dispositions de l'article 1347-1 du code civil, il sera fait droit à la demande de compensation.
Sur la demande de rappel pour heures supplémentaires
Mme [O] [U] indique produire le décompte de journalier de ses heures de travail du 10 juin 2019 au 10 juin 2022.
Elle explique ne jamais avoir eu connaissance de l'existence de fiches individuelles pour heures supplémentaires.
L'intimée détaille le cumul de ses heures et le calcul du rappel en pages 26 et 27 de ses écritures.
La société GTC 88 fait valoir que les demandes antérieures à janvier 2020 sont prescrites, et que les tableaux produits par la salariée ne sont corroborés par aucune pièce.
Elle ajoute avoir mis en place une procédure spécifique pour ce qui concerne les heures supplémentaires en, 2018, avec une demande d'autorisation préalable et remise d'une fiche individuelle chaque vendredi soir.
Motivation
- sur la prescription
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La requête saisissant le conseil des prud'hommes étant en date du 17 janvier 2023, la demande est prescrite pour la période antérieure au 17 janvier 2020.
- sur les heures supplémentaires
Mme [O] [U] produit en pièces 31 à 33 des tableaux d'indication journalière de ses horaires de travail sur les périodes suivantes: 10/06/2019-09/06/2020, 10/06/2020-09/06/2021, 10/06/2021-12/06/2022.
Ces pièces sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre avec ses propres pièces.
La société GTC 88 ne produit aucun décompte des heures travaillées de Mme [O] [U]. Il renvoie à sa pièce 34, « fiche individuelle de suivi des heures supplémentaires » renseignée, concernant « [Z] » pour justifier de l'existence de ces fiches, et à sa pièce 35, mail de Mme [C], greffière, à M. [P] [F], greffier en chef, se plaignant de l'attitude de Mme [O] [U] pendant quelques jours où il a été absent, lui expliquant qu'elle n'a pas exécuté toutes les tâches qu'elle lui avait confiées.
Les pièces de l'employeur ne sont pas de nature à contredire les pièces de la salariée.
Compte tenu de ces éléments, de la période pour laquelle la demande est prescrite, qu'il convient donc de ne pas prendre en compte, et du détail des calculs de Mme [O] [U], non discutés à titre subsidiaire par la société GTC 88, il sera fait droit à la demande de Mme [O] [U] à hauteur de 804 euros, outre 80,40 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Mme [O] [U] expose que le greffier en chef du tribunal de commerce dont le bureau jouxtait son espace de travail ne pouvait ignorer qu'elle effectuait des heures de travail au-delà de la durée légale.
La société GTC 88 sollicite le débouté de Mme [O] [U] au motif qu'elle n'a pas effectué d'heures supplémentaires.
Motivation
A défaut de démonstration d'un élément intentionnel au défaut d'indication d'heures supplémentaires sur les feuilles de paie, la proximité de l'espace de travail du gérant de la société GTC 88 avec l'espace de travail de la salariée ne pouvant en tenir lieu, Mme [O] [U] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande d'intérêts
En application des dispositions de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil, les sommes dues par la société GTC 88 porteront intérêts aux taux légal à compter du 31 janvier 2024, date du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant partiellement à l'instance, la société GTC 88 sera condamnée à payer à Mme [O] [U] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 31 janvier 2024 en ce qu'il a condamné la SELARL GTC 88 à payer à Madame [O] [U] 7 917,85 euros au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents;
L'infirme pour le surplus et dans les limites de l'appel;
Statuant à nouveau dans ces limites,
Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute;
Condamne la société GTC 88 à payer à Mme [O] [U]:
- 25 413,63 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 804 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 80,40 euros au titre des congés payés afférents;
Dit que les sommes qui précèdent portent intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2024 ;
Condamne Mme [O] [U] à payer à la société GTC 88 la somme de 741,77 euros à titre de remboursement de la prime de 13ème mois;
Ordonne la compensation entre ces condamnations réciproques;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Y ajoutant,
Condamne la société GTC 88 à payer à Mme [O] [U] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société GTC 88 aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en vingt et une pages