CA Basse-Terre, 1re ch., 24 avril 2025, n° 22/01198
BASSE-TERRE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
S.C.I. Etche Guadeloupe (Sté), Mutuelle des Architectes Français (MAF)
Défendeur :
Etche Guadeloupe (SCI), D'architecture (EURL), K Architectures (EURL), Mutuelle des Architectes Français (MAF)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Deltour
Conseillers :
Mme Marie-Gabrielle, Mme Le Goff
Avocats :
Me Makdissi, Me Bourachot, Me Malarde
Procédure
La SCI Etche Guadeloupe, maître d'ouvrage, a entrepris la construction et la réhabilitation d'un immeuble résidence [Adresse 12] à Saint-François. Elle a souscrit une assurance dommage ouvrage auprès de la société de droit britannique Elite Insurance Company Limited qui a fait l'objet d'une procédure collective. L'EURL [N] [Y] et l'EURL [P] [K] Architectures, assurées par la Mutuelle des Architectes Français sont intervenues comme maîtres d'oeuvre. Par acte authentique du 31 juillet 2017, M. [F] [D] et Mme [J] [D] ont acquis de la SCI Etche les lots N°4 et N°9 dans l'ensemble immobilier constitués d'un garage en rez-de-chaussée et d'un appartement en duplex aux deuxième et troisième étages outre les parties communes y afférentes.
Alléguant des désordres, suivant déclaration de sinistre du 1er août 2017, les expertises amiables du 8 décembre 2017 et du 29 décembre 2017 et une expertise suivant ordonnance de référé du 27 juillet 2018 désignant M. [X] déposée le 18 décembre 2018, par acte d'huissier de justice des 11, 12 et 15 juillet 2019, M. [D] et Mme [D] ont fait assigner la SCI Etche Guadeloupe, l'EURL [N] [Y] et l'EURL [P] [K] Architectures, le [Adresse 14] représenté par son syndic, la Mutuelle des architectes Français et la société Elite Insurance Company Limited devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre pour obtenir, avec l'exécution provisoire, leur condamnation in solidum au paiement, outre des dépens, de
- 17 617,44 euros au titre des désordres liés aux infiltrations en provenance de la terrasse affectant la cuisine,
- 640,15 euros au titre de l'absence de disjoncteur et du non repérage des différentiels,
- 100 euros au titre de la menuiserie alu donnant sur la loggia de la mezzanine fermée par une simple poignée installée sur la face externe de la menuiserie,
- 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et la condamnation de la SCI Etche au paiement de 1 845,80 euros au titre de l'absence de sonnerie, d'interphone, de boîtes aux lettres et à produire une attestation de l'assurance dommage ouvrage.
Par jugement rendu le 5 mai 2022, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a, en substance,
- mis hors de cause le [Adresse 14] représenté par son syndic en exercice ;
- rejeté la demande de mise hors de cause de l'EURL [N] [Y], de l'EURL [P] [K] Architectures et de la Mutuelle des architectes Français ;
- débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de leur demande de condamnation de la SCI Etche Guadeloupe à leur payer la somme de 1 845,80 euros au titre de l'absence de sonnerie, interphone et boîte aux lettres ;
- débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de leur demande de condamnation in solidum de la SCI Etche Guadeloupe, de l'EURL [N] [Y], de l'EURL [P] [K] Architectures, de la Mutuelle des architectes Français et de la société Elite Insurance Company Limited à leur payer la somme de 17 617,44 euros au titre des infiltrations d'eau affectant la cuisine, 640,15 euros au titre de l'absence de disjoncteur et de repérage des différentiels et 100 euros au titre de la poignée extérieure de la menuiserie de la loggia de la mezzanine ;
- débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de l'intégralité de leurs autres demandes,
- condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] à payer à l'EURL [N] [Y], à l'EURL [P] [K] Architectures, à la Mutuelle des architectes Français ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] à payer au [Adresse 14] pris en la personne de son syndic en exercice la société Agence immo conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] au paiement des entiers dépens avec distraction au profit de Me Agnès Bourachot, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 27 novembre 2022, M. [D] et Mme [D] ont interjeté appel de la décision et déféré l'ensemble des chefs du jugement qui les ont déboutés de leurs demandes et les ont condamnés au paiement des dépens et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel a été signifiée le 23 janvier 2023, en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, à la SCI Etche Guadeloupe. Les appelants n'ont pas intimé la société Elite Insurance Company Limited.
Par conclusions communiquées le 24 février 2023 et signifiées le 27 février 2023 en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, M. [D] et Mme [D] ont demandé au visa des articles 1792 et 1104 du Code civil,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
> débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de leur demande de condamnation de la SCI Etche Guadeloupe à leur payer la somme de 1 845,80 euros au titre de l'absence de sonnerie, interphone et boîte aux lettres ;
> débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de leur demande de condamnation in solidum de la SCI Etche Guadeloupe, de l'EURL [N] [Y], de l'EURL [P] [K] Architectures, de la Mutuelle des architectes Français et de la société Elite Insurance Company Limited à leur payer la somme de 17 617,44 euros au titre des infiltrations d'eau affectant la cuisine, 640,15 euros au titre de l'absence de disjoncteur et de repérage des différentiels et 100 euros au titre de la poignée extérieure de la menuiserie de la loggia de la mezzanine ;
> débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de l'intégralité de leurs autres demandes,
> condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] à payer à l'EURL [N] [Y], à l'EURL [P] [K] Architectures, à la Mutuelle des architectes Français ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
> condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] à payer au [Adresse 14] pris en la personne de son syndic en exercice la société Agence immo conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
> condamné M. [F] [D] et Mme [J] [D] au paiement des entiers dépens avec distraction au profit de Me Agnès Bourachot, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- les recevoir en leur action,
Statuant de nouveau de
- condamner in solidum la société SCI Etche Guadeloupe, les sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures, la Mutuelle des architectes Français, ès qualités de d'assureur des sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures à leur payer les sommes suivantes :
> 17 617,44 euros TTC au titre des désordres liés aux infiltrations en provenance de la terrasse affectant la cuisine,
> 640,15 euros TTC au titre de l'absence de disjoncteur et du non repérage des différentiels,
> 100 euros TTC au titre de la menuiserie alu donnant sur la loggia de la mezzanine fermée par une simple poignée installée sur la face externe de la menuiserie,
- condamner la SCI Etche à leur payer la somme de 1 845,80 euros TTC au titre de l'absence de sonnerie, d'interphone, de boites aux lettres ;
- condamner in solidum la société SCI Etche Guadeloupe, les sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures, la Mutuelle des architectes Français, ès qualités de d'assureur des sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures à leur payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens, comprenant les frais d'expertise de M. [X].
Ils ont fait valoir que le premier juge n'avait opéré aucune distinction entre les demandes formées contre la SCI Etche et celles fondées sur la responsabilité décennale, qu'il n'avait pas analysé suffisamment le rapport d'expertise, que le plan dont l'absence avait été déplorée figurait au rapport d'expertise, que le premier juge n'avait pas pris en compte les éléments techniques se fondant sur des hypothèses et conclusions plus qu'hasardeuses, que le logement qui n'était pas étanche à l'eau et à l'air était impropre à sa destination. Ils ont soutenu l'existence de désordres décennaux et que les désordres affectant les éléments d'équipement dissociables ou non, d'origine ou installés sur l'existant, relevaient de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendaient l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination et estimé que les désordres avaient pour cause des erreurs grossières de conception et d'exécution et un manquement au devoir de conseil.
Par conclusions communiquées le 22 mai 2023, les sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures et la Mutuelle des architectes Français ont demandé,
Sur les responsabilités, au visa des articles 1792 et suivants du Code civil, de
- juger que les conditions de nature à engager la responsabilité de la société d'architecture [N] [H] et de la société [P] [K] Architectures ne sont pas rapportées ;
- débouter les époux [D] de leurs demandes formulées à l'encontre de la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architectures et de la Mutuelle des architectes Français ;
- débouter les époux [D] de leur demande d'infirmation du jugement;
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
Subsidiairement, si la cour infirmait le jugement en ce qu'il a débouté les époux [D] de leur demande à l'encontre des concluantes et statuant à nouveau les condamnait pour tout ou partie des demandes des époux [D],
- rejeter les demandes de condamnations in solidum formulées à l'encontre de la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architectures et de la Mutuelle des architectes Français ;
- débouter les époux [D] de leur demande au titre de l'absence de disjoncteur et du non-repérage des différentiels en ce qu'elle excède la somme de 449,85 euros ;
- leur donner acte de ce qu'elles s'en rapportent à l'appréciation du tribunal sur le quantum des demandes au titre des infiltrations à hauteur de 17 617,44 euros TTC et du remplacement de la poignée de la menuiserie extérieure de 100 euros TTC ;
- juger la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architecture et la Mutuelle des architectes Français recevables et bien fondées à être relevées et garanties indemnes des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre sur le fondement combiné des articles 1382 anciens et suivants du code civil par la SCI Etche Guadeloupe ;
- condamner la SCI Etche Guadeloupe à relever et garantir la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architecture et la Mutuelle des architectes Français indemnes des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre, tant en principal, accessoires, frais et intérêts sur le fondement des articles 1382 anciens / 1240 nouveaux et suivants du code civil ;
- dire et juger la MAF recevable et bien fondée à opposer le cadre et les limites de sa police d'assurance dont sa franchise contractuelle au tiers lésé ;
- rejeter toutes demandes de condamnations susceptibles d'être formulées à l'encontre de la MAF en ce qu'elle excéderait le cadre et les limites de sa police d'assurance ;
Pour le surplus,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architecture et la Mutuelle des architectes Français ;
- condamner les époux [D] au paiement d'une somme de 3 000 euros à la société d'architecture [N] [H], la société [P] [K] Architecture et la Mutuelle des architectes Français en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction sera faite au profit de Me Agnès Bourachot, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils ont fait valoir que M. [D] était architecte, que l'absence de sonnerie, d'interphone et de boîte aux lettres n'était pas de nature à rendre le bien impropre à sa destination, que l'absence de disjoncteur et le repérage de différentiel était contredite par l'attestation de conformité de l'installation électrique délivrée pour chacun des lots le 29 décembre 2015, que l'emplacement de la poignée côté extérieur de la menuiserie ne constituait ni un désordre ni une impropriété à destination ni atteinte à la solidité, qu'aucune infiltration n'avait été constatée. Ils ont rappelé la loi applicable, l'absence de communication de l'acte de vente, la visite du bien et la profession de M. [D], que le changement de destination après la réception n'était pas opposable à l'architecte, que les problèmes de boîtes aux lettres et d'interphone concernaient le vendeur et non l'architecte, la présence de la poignée à l'extérieur résultant d'un choix du maître d'ouvrage, que les appelants ne communiquaient pas le diagnostic électrique. S'agissant des infiltrations dénoncées, ils ont fait valoir que la configuration des lieux était connue et visible, qu'elle avait été modifiée en cours de construction, qu'un seuil et un relevé d'étanchéité étaient présents, que la vocation touristique du projet ne rendait pas une baie vitrée nécessaire, que ce mode de construction est fréquent et que le siphon ne dérange pas le bon usage de la pièce. Subsidiairement, ils ont soutenu leurs appels en garantie.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 décembre 2023. Le dépôt des dossiers a été autorisé le 18 mars 2024. Suivant demande des appelants, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 septembre 2024.
Par arrêt rendu par défaut le 14 novembre 2024, la cour a
avant-dire droit,
- ordonné la réouverture des débats le 17 février 2025 à 10 heures pour communication par M. [F] [D] et Mme [J] [D] de l'acte de vente par lequel ils sont devenus propriétaires et du rapport [I] expertises qui était annexé au courrier d'accompagnement du 8 décembre 2017 et le cas échéant pour observations sur leur absence,
- réservé les dépens.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendu le 24 avril 2025.
Motifs de la décision
L'arrêt est rendu par défaut en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Les sociétés d'architecture sont identifiées indifféremment et sans contestation sur ce point, société d'architecture [N] [H] ou [N] [Y] et société [P] [K] Architecture ou Architectures.
A titre liminaire, la cour a seulement ordonné la réouverture des débats, elle n'a pas révoqué la clôture, de sorte qu'elle statuera sur les conclusions antérieures à cette clôture. L'acte de vente produit ne comporte pas les annexes. Les dispositions du jugement concernant le syndicat des copropriétaires qui n'ont pas été déférées à la cour sont définitives.
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré qu'aucune demande n'était formée contre le syndicat des copropriétaires de sorte qu'il pouvait être mis hors de cause, que les demandes étaient exclusivement fondées sur l'article 1792 du Code civil, que les désordres n'étaient pas de nature décennale en ce qu'il n'affectaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, que l'attestation de conformité relativement à l'installation électrique avait été délivrée avant la prise de possession et qu'il n'était pas démontré qu'il s'agissait d'un désordre de nature décennale en présence d'un disjoncteur au rez-de chaussée, que l'emplacement de la poignée ne caractérisait pas non plus un désordre décennal, que l'expert n'avait pas relevé la présence d'infiltrations, que les plans initiaux avaient été modifiés pour déplacer la cuisine sur la terrasse couverte, munie de rideaux de protection sur la façade, qu'une pente avait été prévue avec une barbacane pour permettre l'écoulement des eaux de la terrasse, qu'aucun des experts n'avait constaté la présence d'eau.
La SCI Etche dont les associés sont la SAS Etche France dont le siège social est [Adresse 11] et la SCI LB Brand dont le siège social est à Baie-Mahault ou à Sainte-Rose selon les mentions figurant dans l'acte de vente, a acquis le terrain par acte du 22 décembre 2011, a obtenu des permis de construire les 16 et 17 février 2012 et 1er février 2016. La déclaration d'achèvement date des 28 janvier 2016 et 23 février 2016 selon les permis de construire. La SCI Etche a la qualité de vendeur constructeur pour avoir vendu un immeuble qu'elle a fait construire après son achèvement. L'acte de vente du 31 juillet 2017 mentionne l'existence d'une assurance dommage ouvrage et rappelle les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil ; l'immeuble a fait l'objet d'une mise en copropriété le 7 décembre 2016 et M. Et Mme [D] ont acquis un garage en rez-de-chaussée et un appartement en duplex (deuxième et troisième étage). L'acte fait état d'un avant contrat signé le 4 mai 2017 et rappelle que l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur en raison notamment des vices cachés ou apparents, étant précisé que cette exonération ne joue pas en faveur du vendeur professionnel de la construction ou qui s'est comporté comme tel, du vendeur non professionnel qui a réalisé les travaux lui-même, s'il est prouvé par l'acquéreur que les vices cachés étaient connus du vendeur. L'acte contient subrogation du vendeur au profit de l'acheteur de ses droits et actions. Il ne mentionne pas de visite des lieux préalable à l'achat et ne constitue pas une vente en état futur d'achèvement.
Sur les désordres
L'expertise de M. [X] suivant ordonnance de référé du 27 juillet 2018 -non produite- déposée le 18 décembre 2018, relate que les acquéreurs se sont plaints de l'absence d'état des lieux, de l'absence de boîtes aux lettres individuelles, de l'absence d'interphone et de sonnerie et de l'existence de fuites sur les fenêtres aluminium, de pénétrations d'eau par temps de pluie sous le volet roulant séparant la cuisine de la terrasse extérieure, d'inondations par fortes pluies de la salle de bain et des WC de l'étage, de l'absence de disjoncteur dans le coffret électrique, de l'absence de repérage des différentiels, de l'inachèvement du raccordement des WC au niveau 2, de l'emplacement de la poignée de fermeture de la menuiserie alu donnant sur la loggia de la mezzanine sur la face externe, du déclenchement intempestif de l'alarme, de l'absence de notices relatives aux équipements livrés avec l'appartement.
Il a relevé :
- des infiltrations en provenance de la terrasse affectant la cuisine, qui est séparée de la terrasse par un simple volet roulant, la présence d'un siphon dans la cuisine et une forme de pente sur sol. Il a expliqué le désordre par la modification de l'emplacement de la cuisine non prise en compte lors de la conception, l'insuffisance du clos, l'étanchéité n'étant pas assurée par le volet roulant, les occupants se trouvant dans l'obscurité en cas de pluie, le volet n'étant pas conforme aux normes anti-cycloniques. Le désordre trouve son origine dans une modification de l'affectation des surfaces, une absence d'ouvrage (baie vitrée), une insuffisance du volet mis en place. Il a préconisé la rectification du sol de la cuisine actuelle au niveau du salon en éliminant le syphon de sol, en créant un seuil entre la cuisine et la terrasse, permettant l'écoulement des eaux de la terrasse par la barbacane déjà présente, la mise en place d'un ensemble menuisé tel qu'initialement prévu sur le permis de construire modificatif, le renforcement du volet roulant le tout évalué
21 604,58 euros y compris la modification des meubles de la cuisine compte tenu de la rehausse du sol ;
- l'absence de disjoncteur et le non repérage des différentiels, qui n'ont pas empêché la délivrance de l'attestation de conformité par le consuel proviennent d'un non respect de la norme, ils peuvent faire l'objet d'une reprise moyennant 449,85 euros suivant devis d'entreprise ;
- absence de sonnerie, d'interphone, de boîtes aux lettres, s'agissant d'équipements collectifs occultés par le maître d'ouvrage qui selon l'expert incombent à la copropriété et ont fait l'objet de devis de 7 942,08 euros ;
- la fermeture sur la menuiserie alu donnant sur la loggia de la mezzanine par une simple poignée installée sur la face externe de la menuiserie, caractérisant une erreur de conception ou de réalisation qui peut être rectifiée pour 100 euros.
Toute personne qui vend, après achèvement un ouvrage qu'elle a construit est réputé constructeur, comme tel, tenu à la garantie décennale. En application des dispositions de l'article 1792-4-1 du Code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3 à l'expiration du délai visé à cet article.
En application des dispositions de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Ayant la qualité de vendeur constructeur, la SCI Etche est tenue de la garantie des désordres même apparents dont elle est réputée avoir eu connaissance. En effet, le vendeur qui a construit lui-même est assimilé à un vendeur professionnel et présumé avoir eu connaissance des vices de la chose vendue et ne peut se prévaloir d'aucune clause limitative ou exclusive de garantie notamment des vices cachés.
L'expert indique que tous les désordres étaient apparents à la réception, pour autant les époux [D] n'ont pas réceptionné l'ouvrage. En effet, sont produits au débat des procès-verbaux des opérations préalables à la réception qui a eu lieu par lot, émanant des maîtres d'oeuvre datés du 19 janvier 2016 qui ne mentionnent pas les «désordres» dénoncés, pour les lots démolition, menuiserie alu, étanchéité et des procès-verbaux de réception des lots gros oeuvre, menuiserie alu, revêtement sols et murs, datés du 15 décembre 2015 ainsi que le rapport final de contrôle technique du 28 janvier 2016. La date de la réception par le maître d'ouvrage n'est pas mentionnée dans l'acte de vente qui indique cependant que les travaux ont été achevés le 31 décembre 2015 et rappelle l'existence de deux déclarations d'achèvement des 28 janvier et 23 février 2016. Les acquéreurs ont pris possession le 1er août 2017.
Compte tenu d'une date d'achèvement du 31 décembre 2015 et d'une prise de possession le 1er août 2017, les appelants peuvent seulement agir au titre des désordres de nature décennale.
S'agissant des désordres :
- l'absence de disjoncteur et le non repérage des différentiels, dans l'appartement alors qu'un disjoncteur existe au rez-de-chaussée ( expertise [C] pièce N°1) n'est pas un désordre de nature décennale, elle ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne porte pas atteinte à sa solidité ;
- l'absence de sonnerie, d'interphone, de boîtes aux lettres, ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne porte pas atteinte à sa solidité, il ne s'agit pas d'un désordre décennal ;
- la fermeture sur la menuiserie alu donnant sur la loggia de la mezzanine par une simple poignée installée sur la face externe de la menuiserie, n'est pas un désordre de nature décennale, elle ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne porte pas atteinte à sa solidité ;
- les infiltrations en provenance de la terrasse affectant la cuisine, séparée de la terrasse par un simple volet roulant caractérisent un désordre de nature décennale, qui rend l'ouvrage impropre à sa destination en ce que l'étanchéité n'est pas assurée par le volet roulant et que la pente ramène les eaux de la terrasse vers la cuisine. L'acte de vente ne mentionne pas une cuisine ouverte, l'existence d'une visite préalable à l'acquisition n'est pas démontrée par les mentions de l'acte de vente et elle est confirmée par la circonstance que M. [D] se plaignait d'une absence d'état des lieux avant la remise des clefs (pièce N°3). Si l'absence de baie vitrée était apparente à la prise de possession, l'existence d'inondations en période de pluie dans une région tropicale, en provenance de la terrasse ne l'était pas, y compris d'ailleurs pour un immeuble destiné à la location saisonnière.
En présence d'un désordre de nature décennale, les constructeurs sont responsables de plein droit et in solidum, de sorte qu'il y a lieu de condamner in solidum la société SCI Etche Guadeloupe, les sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures et la Mutuelle des architectes Français, assureur des architectes à payer aux époux [D] la somme de 17 617,44 euros TTC qui correspond au coût des travaux réalisés préconisés par l'expert. Les constructeurs sont condamnés solidairement avec leur assureur et déboutés de leurs demandes contraires. Les appelants sont déboutés du surplus de leurs demandes au titre des autres désordres.
Sur l'appel en garantie
Les architectes qui n'ont pas fait valoir l'existence d'une cause étrangère à l'origine des désordres de nature à les exonérer, démontrent cependant qu'à l'origine de la construction telle que prévue par les plans, la cuisine n'était pas située sur la terrasse, ce qui confirme les considérations de l'expert relativement à une modification de l'affectation des surfaces. Cette modification est imputable à la SCI Etche qui par cette manoeuvre a étendu la surface habitable de l'appartement.
En effet, les intimés prouvent par des photographies au cours des travaux que la cuisine était installée conformément aux plans initiaux, avec un relevé d'étanchéité, ce qui démontre qu'elle a été déplacée après la pose des revêtements de sol, la création des pentes et la position du siphon.
Il en résulte que la société Etche doit relever et garantir les architectes et leur assureur des condamnations mise à leur charge.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile entre les parties actuellement au litige. La société SCI Etche Guadeloupe, les sociétés EURL d'architecture [N] [Y] et EURL [P] [K] Architectures et la Mutuelle des architectes Français, assureur sont condamnées in solidum au paiement des dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, elles sont déboutées de leurs demandes et condamnées à payer aux époux [D] la somme de 3 000 euros. La SCI Etche est condamnée à relever et garantir les sociétés EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et la Mutuelle des architectes Français, du montant de ces condamnations.
PAR CES MOTIFS
La cour
- infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] [D] et Mme [J] [D] de leur demande de condamnation in solidum de la SCI Etche Guadeloupe, de l'EURL [N] [Y], de l'EURL [P] [K] Architectures, de la Mutuelle des architectes Français et de la société Elite Insurance Company Limited à leur payer la somme de 17 617,44 euros au titre des infiltrations d'eau affectant la cuisine, et statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile entre les parties présentes en appel,
Statuant de nouveau de ces seuls chefs,
- condamne in solidum les sociétés SCI Etche Guadeloupe, EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français à payer à M. [F] [D] et Mme [J] [D] la somme de 17 617,44 euros TTC en réparation du désordre décennal ;
- condamne la société SCI Etche Guadeloupe à relever et garantir les sociétés EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français de cette condamnation ;
- déboute M. [F] [D] et Mme [J] [D] du surplus de leurs demandes et les sociétés EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français de leurs demandes contraires ;
- condamne in solidum les sociétés SCI Etche Guadeloupe, EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français au paiement des dépens de première instance et d'appel,
- condamne in solidum les sociétés SCI Etche Guadeloupe, EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français à payer à M. [F] [D] et Mme [J] [D] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société SCI Etche Guadeloupe à relever et garantir les sociétés EURL d'architecture [N] [Y], EURL [P] [K] Architectures et Mutuelle des architectes Français des condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles.