TUE, 1re ch., 30 avril 2025, n° T-263/23
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Symrise AG
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mastroianni
Avocat général :
Tóth
Juge :
Gâlea
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, la requérante, Symrise AG, demande l'annulation de la décision C(2023) 1103 final de la Commission, du 10 février 2023, lui ordonnant, ainsi qu'à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, de se soumettre à une inspection conformément à l'article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (affaire AT.40826 – Rose) (ci‑après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 La requérante est active, notamment, dans la fabrication ainsi que dans la vente de parfums et d'ingrédients de parfumerie dans 1'Espace économique européen (EEE) et dans le monde entier.
3 Selon le considérant 5 de la décision attaquée, la Commission européenne disposait d'informations suggérant que certains fabricants de parfums se seraient engagés dans des accords ou des pratiques concertées visant à échanger des informations commercialement sensibles et à coordonner leurs comportements et stratégies commerciaux en ce qui concerne la fourniture de fragrances pour produits de soins personnels et ménagers et d'ingrédients de parfumerie aux clients et concurrents au moins dans 1'EEE.
4 Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, la requérante ainsi que les sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement sont tenues de se soumettre à une inspection concernant une éventuelle participation à des accords anticoncurrentiels ou à des pratiques concertées contraires à l'article 101 TFUE et à l'article 53 de l'accord sur l'EEE. Certains desdits comportements pourraient avoir été facilités par l'association internationale de parfum (International Fragrance Association, ci‑après l'« IFRA »). Il est précisé que cette inspection peut intervenir dans tous les locaux de la requérante, et en particulier dans ceux situés à Holzminden (Allemagne).
5 Aux termes de l'article 2 de la décision attaquée, la requérante ainsi que lesdites sociétés autorisent les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à 1'inspection, ainsi que les agents et les personnes mandatés ou nommés par l'autorité de concurrence de l'État membre concerné pour les assister, à accéder à tous leurs locaux, terrains et moyens de transport pendant les heures normales de bureau. Elles soumettent à leur inspection les livres ainsi que tout autre document professionnel, les autorisent à apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pour la durée de l'inspection, donnent immédiatement des explications orales sur les faits ou les documents liés à l'objet et au but de l'inspection et autorisent l'enregistrement de ces explications sous quelque forme que ce soit.
6 Aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, l'inspection peut débuter le 7 mars 2023 ou peu de temps après.
7 L'article 4 de la décision attaquée dispose que ladite décision est adressée à la requérante, sise à Holzminden, ainsi qu'à toutes les sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement.
8 À la même date que celle de l'adoption de la décision attaquée, la Commission a adopté la décision C(2023) 1092 final, dont le titre et le dispositif sont identiques à ceux de la décision attaquée, excepté, d'une part, que Symrise SAS est nommée spécifiquement comme faisant partie des sociétés directement ou indirectement contrôlées par la requérante et, d'autre part, qu'il est indiqué spécifiquement que l'inspection pouvait avoir lieu, en particulier, dans ses locaux à Clichy (France).
9 L'inspection s'est tenue à Holzminden du 7 au 9 mars 2023. Sur le site de Clichy, elle a commencé le 8 mars 2023, à 16 h, et s'est terminée le même jour, vers 20 h.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
11 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l'objet du litige et sur la recevabilité
12 Dans la réplique, la requérante renvoie, à l'appui de son argumentation, tant à la décision C(2023) 1103 final qu'à la décision C(2023) 1092 final.
13 Or, il convient de rappeler qu'il résulte des dispositions combinées des articles 76 et 84 du règlement de procédure du Tribunal que l'objet de la demande doit être déterminé dans la requête. Une demande formulée pour la première fois dans la réplique modifie l'objet initial de la requête et doit, dès lors, être considérée comme une nouvelle demande et être rejetée comme irrecevable (voir arrêt du 16 décembre 2020, Balti Gaas/Commission et INEA, T‑236/17 et T‑596/17, non publié, EU:T:2020:612, point 71 et jurisprudence citée).
14 À cet égard, il convient de constater que le présent recours a pour objet une demande d'annulation de la décision C(2023) 1103 final de la Commission (voir point 1 ci-dessus).
15 Dès lors, ainsi que le soutient la Commission, la demande de la requérante, formulée pour la première fois au stade de la réplique, visant, en substance, à étendre ses conclusions à la décision C(2023) 1092 final de la Commission doit être rejetée comme irrecevable.
Sur le fond
16 La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d'une méconnaissance du droit à l'inviolabilité des lieux privés et de la vie privée et, le second, d'une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2022, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et de l'obligation de motivation.
17 Le Tribunal estime opportun d'examiner d'abord le second moyen.
Sur le second moyen, tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement n o 1/2003 et de l'obligation de motivation
18 Selon la requérante, la Commission n'a pas satisfait à l'obligation de motivation énoncée à l'article 296, paragraphe 2, TFUE et aurait, par conséquent, méconnu ses droits de la défense.
Observations liminaires
19 Il convient de rappeler que la motivation des actes des institutions de l'Union européenne exigée à l'article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son auteur, de manière à permettre à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 31 et jurisprudence citée).
20 L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que son destinataire peut avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la motivation d'un acte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 32 et jurisprudence citée).
21 Il convient de tenir compte du cadre juridique dans lequel se déroulent les inspections de la Commission. L'article 4 et l'article 20, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 confèrent en effet des pouvoirs d'inspection à la Commission dans le but de lui permettre d'accomplir sa mission de protéger le marché intérieur des distorsions de concurrence et de sanctionner d'éventuelles infractions aux règles de concurrence dans ce marché (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 33 et jurisprudence citée).
22 Ainsi, en ce qui concerne plus particulièrement les décisions d'inspection de la Commission, il ressort de l'article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 que celles-ci doivent indiquer, notamment, l'objet et le but de l'inspection. Cette obligation de motivation spécifique constitue, ainsi que la Cour l'a précisé, une exigence fondamentale en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de l'intervention envisagée à l'intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant leurs droits de la défense (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 34 et jurisprudence citée).
23 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission n'est pas tenue de communiquer au destinataire d'une décision d'inspection toutes les informations dont elle dispose relatives à des infractions présumées ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, pour autant qu'elle indique clairement les présomptions qu'elle entend vérifier (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 35 et jurisprudence citée).
24 S'il incombe, certes, à la Commission d'indiquer avec autant de précision que possible ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter la vérification, il n'est en revanche pas indispensable de faire apparaître dans une décision d'inspection une délimitation précise du marché en cause, ni la qualification juridique exacte des infractions présumées ou l'indication de la période au cours de laquelle ces infractions auraient été commises, à condition que cette décision d'inspection contienne les éléments essentiels exposés ci-dessus (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 36 et jurisprudence citée).
25 En effet, compte tenu du fait que les inspections interviennent au début de l'enquête, la Commission ne dispose généralement pas encore d'informations précises pour émettre un avis juridique spécifique et doit d'abord vérifier le bien-fondé de ses soupçons ainsi que la portée des faits survenus, le but de l'inspection étant précisément de recueillir des preuves relatives à une infraction soupçonnée (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 37 et jurisprudence citée).
26 Le second moyen, tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 et de l'obligation de motivation, se subdivise en deux branches, tirées, la première, d'un défaut de précision de l'objet et du but de l'inspection dans la décision attaquée et, la seconde, de l'absence d'une motivation claire et non équivoque.
Sur la première branche, tirée d'un défaut de précision de l'objet et du but de l'inspection
27 La requérante soutient, d'une part, que la Commission n'a pas précisé l'objet et le but de l'inspection, violant ainsi l'article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003. Or, aux termes de la jurisprudence, la Commission serait tenue de faire apparaître une description des caractéristiques essentielles de l'infraction suspectée. D'autre part, alors qu'il serait indiqué au considérant 9 de la décision attaquée que « le comportement semble persister depuis au moins 2016 », la première des dates mentionnées dans les documents produits par la Commission serait « le second semestre 2018 ». La Commission n'aurait donc pas été fondée à la soumettre à une inspection avec accès à des données remontant à l'année 2016.
28 La Commission conteste les arguments de la requérante.
29 En premier lieu, comme le souligne la requérante, il résulte de la jurisprudence que la Commission doit indiquer, avec autant de précision que possible, les présomptions qu'elle entend vérifier, à savoir ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter l'inspection. À cette fin, elle est également tenue de faire apparaître, dans une décision ordonnant une inspection, une description des caractéristiques essentielles de l'infraction suspectée, en indiquant le marché présumé en cause et la nature des restrictions de concurrence suspectées, des explications quant à la manière dont l'entreprise visée par l'inspection est présumée être impliquée dans l'infraction ainsi que les pouvoirs conférés aux enquêteurs de l'Union (voir arrêt du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑325/16, EU:T:2018:368, point 39 et jurisprudence citée).
30 En l'espèce, s'agissant, premièrement, du marché en cause, il ressort clairement de l'article 1er de la décision attaquée qu'il s'agit de celui de « la fourniture de fragrances pour produits de soins personnels et ménagers [“consumer fragrances”] et d'ingrédients de parfumerie aux clients et aux concurrents ».
31 S'agissant, deuxièmement, de la nature des restrictions de concurrence suspectées, l'article 1er de la décision attaquée indique que « [l]es accords [ou] pratiques concertées suspectés comprennent, entre autres, l'échange d'informations commercialement sensibles, la coordination des comportements et stratégies commerciaux, directement [ou] par l'intermédiaire de l'IFRA, en ce qui concerne la fourniture de fragrances pour produits de soins personnels et ménagers [“consumer fragrances”] et d'ingrédients de parfumerie aux clients et aux concurrents et la coordination avec l'IFRA, ou avec la facilitation de l'IFRA, de la fixation de normes de l'IFRA pour évincer d'autres fournisseurs de fragrances [ou] d'ingrédients de parfumerie ».
32 En outre, les considérants 5 à 8 de la décision attaquée apportent davantage de précisions en mentionnant que « certains fabricants de parfums se seraient engagés dans des accords [ou] pratiques concertées visant à échanger des informations commercialement sensibles et à coordonner leurs comportements et stratégies commerciaux en ce qui concerne la fourniture de fragrance pour produits de soins personnels et ménagers et d'ingrédients de parfumerie aux clients et concurrents au moins dans l'[EEE] », que, « [c]e faisant, ces fabricants auraient éventuellement coordonné leur stratégie en matière de prix, ainsi que d'autres conditions commerciales », que « [l]es fabricants de parfums auraient aussi partagé le marché et coordonné leur comportement stratégique autour des appels d'offres », que, « [s]elon les informations dont dispose la Commission, la coordination susmentionnée aurait également pris place, en partie, pendant ou en marge des réunions de l'IFRA », et que, « [e]n outre, certains fabricants de parfums pourraient avoir coordonné avec l'IFRA, ou avec la facilitation de l'IFRA, l'établissement de normes IFRA afin d'exclure d'autres fournisseurs de parfums [ou] d'ingrédients ».
33 S'agissant, troisièmement, de la manière dont l'entreprise visée par l'inspection est présumée être impliquée dans l'infraction suspectée, il est vrai que cet élément n'est pas expressément spécifié dans la décision attaquée.
34 Toutefois, d'une part, au considérant 1 de la décision attaquée, il est indiqué que la requérante « est active, entre autres, dans la fabrication et la vente de parfums et d'ingrédients de parfumerie dans 1'[EEE] et dans le monde entier ». Or, comme il a été relevé au point 32 ci‑dessus, sont soupçonnés « certains fabricants de parfums ».
35 D'autre part, le considérant 2 de la décision attaquée précise que l'IFRA est actuellement « composée de [sept] membres réguliers qui sont des entreprises multinationales de parfums, 23 associations nationales représentant des entreprises actives dans le secteur du parfum et [dix] “membres de soutien” [“supporting members”] qui sont fabricants de parfums dans des pays où il n'existe pas d'association nationale ». Or, il résulte du site Internet de cette association que la requérante est l'un de ces sept membres réguliers, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
36 La requérante était donc en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles elle est soupçonnée d'être impliquée dans l'infraction présumée.
37 S'agissant, quatrièmement, des pouvoirs conférés aux enquêteurs, ils sont indiqués de manière très précise à l'article 2 de la décision attaquée. Aux termes de cet article, il s'agit, pour la requérante ainsi que pour les sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement, d'autoriser l'inspection de « tous ses locaux, terrains et moyens de transport pendant les heures normales de bureau », de présenter pour contrôle « les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu'en soit le support », de permettre aux enquêteurs « d'en prendre ou d'en obtenir copie ou extrait » et les autoriser à « apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pour la durée de l'inspection et dans la mesure nécessaire aux fins de celle-ci », de « donn[er] immédiatement des explications orales sur les faits ou les documents liés à l'objet et au but de l'inspection » et d'« autoris[er] l'enregistrement de ces explications sous quelque forme que ce soit ».
38 Il y a donc lieu de constater que l'exigence de l'indication des caractéristiques essentielles de l'infraction suspectée, telle que définie par la jurisprudence, a été satisfaite en l'espèce.
39 Il peut, par ailleurs, être constaté que la délimitation géographique des marchés concernés a été précisée au considérant 5 de la décision attaquée (l'infraction suspectée consistait à échanger des informations sensibles et à coordonner des comportements « au moins dans 1'[EEE] ») et la délimitation temporelle de l'infraction suspectée au considérant 9 de ladite décision (les comportements suspectés se poursuivraient « depuis au moins 2016 »).
40 Il résulte de ce qui précède que la Commission a, dans la décision attaquée, indiqué suffisamment d'éléments pour permettre à la requérante de connaître l'objet et le but de l'inspection dont elle faisait l'objet.
41 En second lieu, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la Commission n'aurait pas pu la soumettre à une inspection avec accès à des données remontant à l'année 2016 alors que la première date mentionnée dans les documents produits par la Commission serait « le second semestre 2018 », il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission n'est pas tenue d'indiquer la période au cours de laquelle les infractions présumées auraient été commises (voir arrêt du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑325/16, EU:T:2018:368, point 38 et jurisprudence citée).
42 Il y a donc lieu de rejeter la première branche du second moyen.
Sur la seconde branche, tirée de l'absence d'une motivation claire et non équivoque
43 La requérante soutient que la Commission n'expose pas, dans la décision attaquée, son raisonnement de manière claire et non équivoque. En particulier, le dispositif de la décision attaquée n'identifierait pas clairement l'infraction présumée et serait donc entaché d'un défaut manifeste de motivation. Non seulement le dispositif de la décision attaquée différerait à certains égards de ses considérants, mais aussi l'article 1er serait formulé de manière très vague et imprécise, en raison de l'emploi, notamment, des termes « entre autres » en rapport avec les accords ou pratiques concertées allégués.
44 La Commission conteste les arguments de la requérante.
45 En l'espèce, il y a lieu de relever que les termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée (voir points 30 et 31 ci‑dessus) ne font que reprendre, de manière plus synthétique, les éléments qui figurent aux considérants 5 à 8 de ladite décision (voir point 32 ci‑dessus).
46 Par ailleurs, si, dans cet article 1er, figure la mention « entre autres », celle‑ci ne saurait être considérée, au regard de la jurisprudence citée au point 24 ci‑dessus, comme constituant un artifice employé par la Commission pour, comme le soutient la requérante, « s'assurer que toute découverte éventuelle au cours de l'inspection entrerait dans le champ d'application de cette décision ». Il a ainsi déjà été jugé que l'utilisation de l'adverbe « notamment » dans une décision d'inspection n'était pas contraire à l'obligation de motivation, car la Commission ne dispose pas encore d'informations précises pour émettre un avis juridique spécifique, mais doit d'abord vérifier le bien-fondé de ses soupçons ainsi que la portée des faits survenus (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2014, ONP e.a./Commission, T‑90/11, EU:T:2014:1049, point 231).
47 À cet égard, la requérante renvoie au point 54 de l'arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), dans lequel le Tribunal aurait considéré que l'expression « entre autres » était « ambiguë ». Or, il convient de relever, d'une part, que le Tribunal n'a pas conclu, à ce point, à un manque de clarté en raison de l'expression « entre autres » et, d'autre part, que l'expression « entre autres » visait les produits à propos desquels les requérantes pouvaient se voir demander de fournir des documents par la Commission, et non l'énumération des comportements éventuellement constitutifs d'une infraction. Le renvoi, par la requérante, au point 54 dudit arrêt n'est donc pas pertinent.
48 Il convient donc de rejeter l'argument de la requérante selon lequel l'article 1er de la décision attaquée différerait du dispositif et serait formulé de manière très vague et imprécise.
49 Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche du second moyen.
50 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le second moyen comme non fondé.
Sur le premier moyen, tiré d'une méconnaissance du droit à l'inviolabilité des lieux privés et de la vie privée
51 La requérante soutient que la décision attaquée est arbitraire et viole son droit fondamental à l'inviolabilité de ses locaux privés. La décision attaquée serait également disproportionnée dans la mesure où elle serait illimitée dans le temps.
52 Dans la requête, le premier moyen se subdivise en deux branches, tirées, en substance, la première, du caractère arbitraire de la décision attaquée et, la seconde, d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
53 Dans ses observations en date du 12 septembre 2024 sur les pièces fournies par la Commission le 27 août 2024, la requérante entend introduire une troisième branche, selon laquelle la conduite d'une inspection, au lieu de l'envoi d'une demande de renseignements, constituerait une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée.
Sur la première branche, tirée du caractère arbitraire de la décision attaquée
54 La requérante soutient, en substance, que la Commission ne disposait pas d'éléments suffisamment sérieux pour la suspecter d'être impliquée dans une infraction au droit de la concurrence et donc pour justifier une inspection de ses locaux. La conduite de l'inspection dans ses locaux suggèrerait ainsi une « pêche aux informations ».
55 En outre, lors de l'audience, la requérante a fait valoir que les documents qui lui ont été communiqués par la Commission, à la suite de la mesure d'instruction du 9 août 2024, ne sont pas suffisants pour permettre de considérer qu'elle ait pu participer à une entente avec les trois plus grands fabricants de parfums, notamment au sein de l'IFRA.
56 La Commission conteste les arguments de la requérante.
57 Il y a lieu de relever que les arguments de la requérante concernent, d'une part, la question de l'existence d'indices suffisamment sérieux préalablement à l'adoption de la décision attaquée pour justifier une inspection et, d'autre part, la conduite de cette inspection.
58 En premier lieu, s'agissant de l'existence d'indices suffisamment sérieux préalablement à l'adoption de la décision attaquée, selon une jurisprudence constante, une décision d'inspection doit viser à recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée de situations de fait et de droit déterminées à propos desquelles la Commission dispose déjà d'informations, constituant des indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence (voir arrêt du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑325/16, EU:T:2018:368, point 35 et jurisprudence citée).
59 En d'autres termes, la possession d'indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence est une condition sine qua non pour que la Commission puisse ordonner une inspection en vertu de l'article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 (arrêt du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑325/16, EU:T:2018:368, point 36).
60 Il importe également de rappeler que les différents indices permettant de suspecter une infraction doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble, et qu'ils peuvent se renforcer mutuellement (voir arrêts du 27 novembre 2014, Alstom Grid/Commission, T‑521/09, EU:T:2014:1000, point 54 et jurisprudence citée, et du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 150 et jurisprudence citée).
61 Quand le juge de l'Union est amené, comme dans la présente affaire, à effectuer le contrôle d'une décision d'inspection afin de vérifier si celle-ci ne présente pas un caractère arbitraire, il doit s'assurer de l'existence d'indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence par l'entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission, T‑135/09, EU:T:2012:596, point 43, et du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑325/16, EU:T:2018:368, point 48).
62 Il convient, dès lors, de déterminer quels étaient les indices détenus par la Commission sur la base desquels elle a ordonné l'inspection litigieuse, de procéder à l'appréciation de leur caractère suffisamment sérieux pour suspecter l'existence des infractions en cause et de vérifier que ces indices permettent de soupçonner l'implication de l'entreprise concernée.
63 À cet égard, la Commission, à la suite des mesures d'instruction des 13 mars et 9 août 2024, a produit plusieurs annexes, expurgées des informations qu'elle a considérées comme confidentielles.
64 Il s'agit notamment, d'une part, en ce qui concerne les annexes 7 à 12, de réponses de tiers à différentes demandes de renseignements émises par la Commission conformément à l'article 18 du règlement no 1/2003, qui ont été reçues entre août 2022 et l'adoption de la décision attaquée. D'autre part, concernant l'annexe 14, il s'agit d'un rapport de la Commission, fondé sur des informations en accès libre, établi le 29 septembre 2022.
65 Ainsi, selon des réponses mentionnées dans les annexes 7, 8 et 11, les fabricants de parfums seraient dépendants de leur fournisseur du fait de la très faible substituabilité des produits. Ces fabricants ne connaîtraient pas la composition de la fragrance qu'ils utilisent, ce qui les mettrait, en pratique, dans l'impossibilité de changer de fournisseurs, lesquels n'hésiteraient pas à les menacer de rétorsion.
66 Selon les réponses fournies dans l'annexe 7, l'interdépendance et la solidarité des quatre plus grands fabricants, dont la requérante, seraient d'autant plus élevées que près de 30 % des ingrédients bruts seraient produits par un seul de ces quatre fabricants, de sorte que ces quatre fabricants seraient interdépendants les uns des autres, au risque de favoriser une discrimination des prix en ce qui concerne les ingrédients dont les fournitures sont croisées.
67 De plus, selon cette annexe 7, les autres fabricants seraient dépendants de ces quatre grands fabricants pour la fourniture des ingrédients bruts. Dans un tel environnement de marché, si une entreprise procède à des baisses de prix importantes pour tenter de capter les ventes de ses concurrents, ces derniers pourraient la menacer de ne pas lui vendre les ingrédients.
68 Les réponses fournies dans les annexes 7 et 8 font également état du fait que, au sein de l'IFRA, les quatre plus grands fabricants, y compris la requérante, occuperaient une place privilégiée au sein de cette association, coordonneraient leurs votes d'une manière concertée et réussiraient à imposer leurs vues au sein de cette association. Cette position privilégiée au sein de l'IFRA permettrait à ces fabricants d'échanger leurs vues au sein de cette enceinte sur l'attitude de certains de leurs clients et d'adopter des positions coordonnées, d'imposer leurs standards au détriment des petits fabricants et d'utiliser l'IFRA pour soutenir leurs positions devant les autorités régulatrices telles que l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
69 Par ailleurs, selon les réponses figurant dans les annexes 7 à 9, d'une part, les quatre plus grands fabricants de parfums adopteraient des comportements similaires, notamment en matière de prix et de pratiques contractuelles.
70 D'autre part, ces fabricants s'échangeraient des informations sensibles, telles que celles concernant les cycles de contrats, dont ceux de la requérante, qui devraient être confidentielles. Lors d'un appel d'offres auquel aurait participé la requérante, les trois autres plus grands fabricants auraient adopté des positions coordonnées. À cet égard, les réponses indiquent, s'agissant de la requérante, qu'elle aurait aligné son comportement sur les trois plus grands fabricants avant de s'en éloigner (annexe 8).
71 En outre, la Commission a fourni un rapport établi à partir de sources ouvertes (annexe 14) selon lequel les quatre plus grands fabricants de parfums, y compris la requérante, se concerteraient au sein de l'IFRA pour imposer, notamment, par le biais de l'adoption d'un code de bonnes pratiques, des barrières à l'entrée sur le marché pour les fabricants d'ingrédients et fragrances naturels au bénéfice d'ingrédients synthétiques, produits par un nombre limité de compagnies. Cette analyse fait également état de la possible existence d'un cartel entre ces quatre fabricants.
72 Ces éléments sont ainsi de nature à établir que, antérieurement à la décision attaquée, la Commission disposait d'indices suffisamment concrets et précis permettant de présumer que les quatre plus grands fabricants de fragrances, dont la requérante, alignaient, imposaient et défendaient leur politique industrielle au détriment de leurs autres concurrents par l'intermédiaire de l'IFRA, se transmettaient, pendant ou en marge de réunions de l'IFRA, des informations commerciales sensibles les concernant, alignaient leurs comportements commerciaux à l'égard de leurs clients et, enfin, pouvaient coordonner leurs comportements stratégiques autour des appels d'offres.
73 Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels ces documents ne sauraient constituer des indices matériels sérieux, susceptibles d'amener la Commission à suspecter l'existence d'une infraction.
74 À cet égard, la requérante soutient que les réponses figurant, au moins, dans les annexes 7 et 8, qui mentionnent son nom, émanent d'une seule entreprise.
75 Toutefois, à supposer que tel soit le cas, il y a lieu de relever que les informations contenues dans ces annexes sont susceptibles d'être corroborées par d'autres éléments dont se prévaut la Commission et peuvent ainsi, en application de la jurisprudence mentionnée au point 60 ci-dessus, constituer des indices sur lesquels la Commission pouvait s'appuyer pour ordonner une inspection concernant la requérante.
76 Ainsi, les réponses, figurant aux annexes 7 et 8, selon lesquelles les quatre plus grands fabricants, y compris la requérante, occuperaient une place privilégiée au sein de l'IFRA, coordonneraient leurs votes d'une manière concertée et réussiraient à imposer leurs vues au sein de cette association (voir point 68 ci‑dessus) sont étayées par le document de synthèse établi à partir de sources ouvertes figurant en annexe 14 (voir point 71 ci‑dessus).
77 De même, si, comme le soutient la requérante, l'annexe 14 n'identifie pas les sources réelles d'information sur lesquelles la Commission s'appuie, en tout état de cause, cette information est corroborée par le témoignage figurant dans l'annexe 7.
78 À cet égard, comme le relève la Commission, d'une part, révéler de telles sources d'information peut être de nature à mettre en évidence ses méthodes de travail, ce qu'elle est en droit de ne pas vouloir dévoiler dans une matière aussi sensible que celle du droit de la concurrence, et, d'autre part, l'accès à de telles sources aurait éventuellement permis de dévoiler l'identité des personnes qui dénonçaient les pratiques des grands fabricants de parfums et donner lieu à d'éventuelles mesures de rétorsion à l'encontre de celles-ci.
79 La requérante relève également que, s'agissant des annexes 8 et 11, s'il est affirmé dans la réponse relative notamment à la question de la dépendance des consommateurs aux fabricants de fragrances que les « trois grands » disposent d'un mécanisme de représailles crédible, elle n'est pas mentionnée parmi ceux-ci.
80 À cet égard, d'une part, la requérante est citée, dans l'annexe 7, comme faisant partie des quatre plus grands fabricants et elle ne conteste d'ailleurs pas être le quatrième plus grand fabricant de parfums et détenir 12 % du marché considéré. D'autre part, cette annexe précise que les quatre plus grands fabricants, dont la requérante, représentent les deux tiers du marché mondial, l'autre tiers étant partagé entre de nombreuses petites entreprises. Il peut donc être considéré que la requérante fait bien partie, en tout état de cause, des fabricants dont les consommateurs dépendraient.
81 Par ailleurs, s'agissant de l'annexe 9, la requérante souligne que celle‑ci ne se réfère qu'à trois fabricants de parfums autres qu'elle.
82 Or, même si cette annexe, dont il résulte que les quatre plus grands fabricants de parfums adopteraient des comportements similaires, notamment en matière de prix et de pratiques contractuelles (voir point 69 ci‑dessus), ne vise pas spécifiquement la requérante, il convient de relever que l'annexe 8 la met en cause directement, dans des circonstances où il est indiqué, d'une part, qu'un des concurrents avait connaissance d'éléments confidentiels relatifs aux « cycles des contrats » la concernant et, d'autre part, que, dans le cadre d'un appel d'offres, la requérante a fait état de propositions contractuelles qui se rapprochaient, de manière troublante, de celles de ses concurrents.
83 Or, sur la base de tels éléments, la Commission pouvait légitimement soupçonner l'existence d'une éventuelle concertation de la requérante avec ses concurrents.
84 En outre, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le fait que, au début de l'annexe 8, seuls trois fabricants soient cités dans l'appel d'offres et que, plus loin dans ladite annexe, elle soit mentionnée n'apparaît pas comme étant de nature à constituer une erreur de la part du témoin, dès lors qu'il ne saurait être exclu que la requérante ait pu se joindre aux trois autres fabricants de parfums au cours de la procédure de l'appel d'offres en question.
85 Enfin, il importe de relever que, selon les explications données par la Commission, les autorités de concurrence des États-Unis, du Royaume‑Uni et de la Suisse ont ouvert des inspections concomitantes ou pris d'autres mesures d'enquête sur un comportement anticoncurrentiel allégué identique. La requérante précise d'ailleurs que, s'agissant du Royaume-Uni, le 7 mars 2023 – soit le jour du début de l'inspection en cause dans la présente affaire (voir point 9 ci‑dessus) –, l'autorité de la concurrence des marchés du Royaume-Uni a adressé une demande de production de documents à la filiale de la requérante au Royaume-Uni et, le même jour, ses locaux ont été visités. La requérante indique également que la commission de la concurrence suisse a ouvert une enquête la concernant en application de l'article 27 du Kartellgesetz (loi sur les cartels). Or, selon cette disposition, une enquête est ouverte « s'il existe des indices d'une restriction illicite à la concurrence ».
86 Par ces précisions, la requérante confirme ainsi l'existence d'un contexte de suspicion d'une entente à l'échelle internationale.
87 En second lieu, s'agissant de la conduite de l'inspection dans les locaux de la requérante, celle‑ci soutient qu'elle aurait été étonnamment superficielle, dès lors que les agents de la Commission se seraient principalement limités à télécharger des données informatiques sans, par exemple, rechercher des informations sur tous les ordinateurs portables ou les téléphones des employés présents ou consulter tous leurs dossiers papier.
88 Cependant, il y a lieu de relever que de tels arguments ne sont pas pertinents, dès lors qu'ils ne concernent pas, en tant que tels, la conduite de l'inspection, mais la question de savoir si les preuves dont dispose la Commission sont suffisantes pour suspecter l'existence des pratiques anticoncurrentielles mentionnées dans la décision attaquée.
89 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.
Sur la deuxième branche, tirée d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée
90 La requérante fait valoir, d'une part, que, si l'article 3 de la décision attaquée prévoit que « l'inspection débutera le 7 mars ou peu après », elle reste exposée à l'éventualité que la Commission procède à nouveau à une inspection de ses locaux dans le futur, à n'importe quel moment, voire à plusieurs reprises, dès lors que ladite décision n'indique pas quand elle s'achèvera.
91 D'autre part, le fait que la décision attaquée a permis que l'inspection de se poursuive pendant 3 mois et demi après l'inspection sur place constituerait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. En effet, une telle période ne saurait être considérée comme un délai raisonnable au sens de l'article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la jurisprudence de la Cour.
92 La Commission conteste les arguments de la requérante.
93 Conformément à l'article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, une décision d'inspection doit indiquer la date à laquelle l'inspection commence.
94 L'absence de précision quant à la date de fin de l'inspection ne signifie pas que celle-ci peut s'étendre dans le temps de façon illimitée, la Commission étant, à cet égard, tenue au respect d'un délai raisonnable, conformément à l'article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Nexans France et Nexans/Commission, T‑449/14, EU:T:2018:456, point 69).
95 Selon le considérant 24 du règlement no 1/2003, la Commission doit être habilitée à procéder aux inspections « qui sont nécessaires » pour déceler les accords, décisions et pratiques concertées interdits par l'article 101 TFUE. Il s'ensuit, selon la jurisprudence, qu'il appartient à la Commission d'apprécier si une mesure d'inspection est nécessaire en vue de pouvoir déceler une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 17 ; voir également, par analogie, arrêt du 14 mars 2014, Cementos Portland Valderrivas/Commission, T‑296/11, EU:T:2014:121, point 66 et jurisprudence citée).
96 Il reste que cette appréciation est soumise au contrôle du juge de l'Union et, en particulier, au respect des règles régissant le principe de proportionnalité. Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l'Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑339/04, EU:T:2007:80, point 117, et du 25 novembre 2014, Orange/Commission, T‑402/13, EU:T:2014:991, point 22).
97 Tout d'abord, il convient de rejeter l'argument de la requérante selon lequel, en raison de l'absence d'indication de la date de fin de l'inspection, elle serait exposée à « l'éventualité que la Commission procède à nouveau à une inspection de ses locaux dans le futur, à n'importe quel moment, voire à plusieurs reprises », dès lors qu'elle indique elle‑même avoir reçu confirmation de la part de la Commission de la fin de l'inspection un peu moins de quatre mois après le début de celle-ci.
98 En outre, il convient d'analyser si la durée de l'inspection en cause a excédé les limites requises à son bon déroulement.
99 Il résulte des explications de la Commission que, conformément aux termes de la décision attaquée, l'inspection, s'agissant de Holzminden, a commencé le 7 mars 2023 et s'est terminée le 9 mars 2023, dès lors que ce n'est qu'à cette date que la requérante a communiqué les données demandées par la Commission.
100 Une fois ces données communiquées, la Commission les a emportées dans ses propres locaux afin de les analyser et de ne pas prolonger l'inspection sur place. La Commission a alors procédé à l'indexation des données de la requérante dans ses locaux les 3 et 4 mai 2023, ainsi que dans les locaux de l'avocat de cette dernière, en présence de celui‑ci, entre le 21 et le 23 juin 2023, date à laquelle l'inspection a définitivement été clôturée.
101 Il convient donc de constater que, d'une part, l'inspection sur place n'a duré que trois jours et que, d'autre part, la requérante n'établit pas en quoi l'étude des données dans les locaux de la Commission puis dans ceux de son avocat constituerait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
102 Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.
Sur la troisième branche, tirée d'une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée résultant de la conduite d'une inspection au lieu de l'envoi d'une demande de renseignements
103 Dans ses observations du 12 septembre 2024, la requérante soutient qu'il ressort des documents produits que la Commission aurait pu enquêter sur tout accord présumé en lui adressant une demande de renseignements. Dans ce contexte, la conduite d'une inspection aurait constitué une ingérence disproportionnée dans ses droits fondamentaux à l'inviolabilité de ses locaux privés et au respect de sa vie privée.
104 À cet égard, il convient de relever que, si l'article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure permet la production de moyens nouveaux après le second échange de mémoires si des éléments de droit ou de fait le justifient, la requérante n'explique pas en quoi il ressortirait des documents fournis par la Commission que cette dernière aurait pu se limiter, au lieu de procéder à une inspection sur place, à l'inviter à répondre à une demande d'information.
105 Il y a dès lors lieu de rejeter cette troisième branche comme irrecevable, car tardive.
106 En tout état de cause, il y a lieu de relever que la requérante ne fournit aucun argument susceptible de remettre en cause l'indication figurant au considérant 13 de la décision attaquée selon laquelle « [a]fin de garantir l'efficacité de l'inspection, il est essentiel que celle-ci soit effectuée sans que les entreprises ou l'association d'entreprises soupçonnées d'avoir participé aux infractions en aient été averties au préalable et que plusieurs inspections se déroulent simultanément ».
107 Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
108 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté ;
2) Symrise AG est condamnée aux dépens.