CA Reims, ch. 1 civ. et com., 29 avril 2025, n° 24/01541
REIMS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclere Vue
Conseillers :
Mme Pilon, Mme Pozzo di Borgo, M. Leclere Vue
Avocats :
Me Creusat, Me Brocard
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis n°2023090007 du 8 septembre 2023, la SARL [4] a proposé à la SARL [3] la livraison et l'installation d'une vitrine murale froide au prix de 5 916 euros toutes taxes comprises.
La livraison de la vitrine est intervenue au mois d'octobre 2023.
Le 11 octobre 2023, la société [4] a édité une facture n°2023100037 correspondant au devis susmentionné.
Par jugement du 19 octobre 2023, le tribunal de commerce de Reims a prononcé la liquidation judiciaire de la société [4] et a désigné la SELARL [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire.
Par courrier du 2 novembre 2023, la société [H] [I] a réclamé à la société [3] le règlement de la facture précitée.
Par lettre recommandée distribuée le 1er mars 2024, la société [H] [I] a mis vainement en demeure la société [3] de lui payer sous huitaine la somme de 5 916 euros, outre la somme forfaitaire de 40 euros.
C'est dans ce contexte que par exploit délivré 11 juillet 2024, la société [H] [I] a fait assigner la société [3] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Reims en paiement de la somme provisionnelle de 5 956 euros.
Par ordonnance réputée contradictoire du 2 octobre 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a :
au principal, renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond comme elles en aviseront,
Et dès à présent, vu l'urgence et par provision,
reçu la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] en sa demande, l'a déclarée bien fondée,
condamné la société [3] à régler à la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] la somme de 5 916 euros toutes taxes comprises, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2024, pour les causes sus énoncées,
condamné la société [3] à régler à la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire des frais de recouvrement,
condamné la société [3] à régler à la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes autres prétentions,
condamné la société [3] aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 38,65 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 11 octobre 2024, la société [3] a interjeté appel de cette ordonnance.
Dans ses dernières conclusions remises à la cour par RPVA le 3 décembre 2024 et signifiées le 4 décembre 2024 à la société [H] [I], la société [3] demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1217 du code civil et 873 et suivants du code de procédure civile, de :
infirmer l'ordonnance,
débouter la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] de toutes ses prétentions,
En toute hypothèse,
condamner la société [H] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [4] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de l'infirmation de l'ordonnance, elle soutient que la demande en référé se heurte à une contestation sérieuse à raison du fait qu'elle entend opposer à la société [H] [I] l'exception d'inexécution.
Elle précise à cet égard que la vitrine réfrigérée, objet de la facture, a été livrée endommagée, qu'elle présente des dysfonctionnements à froid, que la société [4] s'était engagée à la réparer mais qu'elle a été placée en liquidation judiciaire et qu'aucune autre entreprise ne veut la réparer.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 février 2025, la société [H] [I] demande à la cour, au visa des articles 873 alinéa 2 du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1582 du code civil, de :
confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé,
Y ajoutant,
condamner la société [3] à lui régler la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société [3] aux entiers dépens d'appel,
En tout état de cause,
débouter la société [3] de toutes ses prétentions.
En défense, elle soutient qu'elle dispose d'une créance certaine liquide et exigible constituée dans la facture du 11 octobre 2023 d'un montant de 5 916 euros toutes taxes comprises non contestée par l'appelante.
Elle estime que sa créance n'est pas sérieusement contestable dans la mesure où le matériel a été livré et installé.
Elle ajoute que le coût du remplacement de la vitrine représente une somme nettement inférieure au coût de la marchandise non réglée et que cela ne justifie pas la retenue de la totalité du prix de vente.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 10 mars suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la demande en référé
Selon le second alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En application de ces dispositions, une contestation est sérieuse lorsque le juge des référés est amené à résoudre une difficulté relevant du juge du fond.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'intimée, la société [3] a contesté le paiement de la facture aux termes de deux courriels des 27 février et 17 septembre 2024 adressés à Me [H] [I] (pièces appelante n°4 et 6).
Dans le premier de ces courriers, elle a indiqué 'cette vitrine réfrigérée nous a été livrée en octobre, il semblerait juste avant la liquidation de la société. Lors du déballage pour installation, les employés de la société [4] ont constaté que la vitrine du côté droit était cassée. Ils nous ont donc informés qu'ils allaient commander la vitrine cassée en attendant nous ont fait une 'réparation' provisoire comme vous pouvez le constater sur les photos. Depuis nous n'avons eu aucune nouvelle concernant cette réparation et avons toujours une vitrine endommagée. Comment pouvons-nous procéder ''.
Elle produit également un couriel du 17 septembre 2024 émanant du commercial de la société [4], transmis en pièce jointe au second de ces courriels, dans lequel il relate : 'Suite à notre visite dans votre établissement ce jour, nous avons constaté que la vitre de votre vitrine qui était endommagée le jour de la livraison fin septembre 2023 n'a pas été changée, ce qui a engendré des défauts au niveau du fonctionnement froid. Cependant cette vitrine avait été commmandée auprès de notre fabricant pour le remplacement de celle-ci avant la fermeture de la société [4]. Hors, suite à la fermeture prématurément de cette société, nous avons pas pu vous faire le remplacement de celle-ci '(pièce n°5).
En outre, dans ses conclusions, le mandataire liquidateur ne conteste pas réellement le fait que la vitrine murale froide a été livrée cassée et qu'elle présente de ce fait des dysfonctionnements au niveau de la réfrigération.
Pour s'opposer au règlement, la société [3] entend se prévaloir de l'exception d'inexécution.
Ce moyen de défense à l'exécution du contrat, qui n'a pas été soumis au premier juge en raison de la défaillance de l'appelante, constitue incontestablement une contestation sérieuse faisant obstacle à l'allocation d'une provision correspondant au montant de la facture.
Il conviendra donc de débouter la société [H] [I] de sa demande provision.
L'ordonnance querelée sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions.
II. Sur les prétentions accessoires
Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La société [H] [I], qui succombe, sera condamnée ès qualités de liquidateur judiciaire à verser à la société [3] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [H] [I] sera déboutée de sa propre prétention à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Reims le 2 octobre 2024 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la SELARL [H] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [4], de sa demande de provision,
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire,
Condamne la SELARL [H] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [4], à verser à la SARL [3] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SELARL [H] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [4], de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.