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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 29 avril 2025, n° 24/01834

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Amaury (SARL)

Défendeur :

My Money Bank (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Vice-président :

M. Roth

Conseiller :

Mme Cougard

Avocats :

Me Mze, Me Dontot, Me Audegond, Me Montadier, Me Verroust-Valliot

T. com. Nanterre, 1re ch., du 21 févr. 2…

21 février 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 novembre 2015, par acte notarié, la Banque Espirito Santo et de la Vénétie a consenti à la SARL Amaury un prêt de 8 927 049,41 euros, dont l'objet était :

- d'une part, à hauteur de 1 127 049,41 euros, le remboursement de deux prêts qui lui avaient été consentis antérieurement ;

- d'autre part, à hauteur de 7 800 000 euros, la mise en place d'un prêt participatif au profit de la société CCA Bretagne.

Le 14 novembre 2018, la société Amaury a procédé au remboursement de ce prêt.

Le 23 novembre 2020, la société Amaury a assigné la Banque Espirito Santo et de la Vénétie devant le tribunal de commerce de Nanterre en annulation, à défaut en inopposabilité du contrat du 26 novembre 2015.

Le 31 décembre 2020, la société My Money Bank (la banque) est venue aux droits du prêteur.

Le 21 février 2024, par jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté la société Amaury de sa demande de voir prononcer la nullité et à défaut l'inopposabilité à la société Amaury du prêt authentique du 26 novembre 2015 et de tous les actes subséquents ;

- débouté la société Amaury de sa demande de condamnation de la société My Money Bank à lui payer la somme de de 8 930 768,84 euros ;

- débouté la société Amaury de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'une faute qu'aurait commise à son encontre la société My Money Bank ;

- débouté la société My Money Bank de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la société Amaury à payer la somme de 20 000 euros à la société My Money Bank par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Amaury aux entiers dépens.

Le 18 mars 2024, la société Amaury a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l'exception de celui par lequel le tribunal a débouté la société My Money Bank de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par dernières conclusions du 9 octobre 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 21 février 2024 ;

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- juger que le contrat de prêt litigieux et le montage juridique y afférent est contraire à son objet social ;

- juger que le contrat de prêt litigieux et le montage juridique y afférent est contraire à son intérêt social ;

- juger que le contrat de prêt litigieux et le montage juridique y afférent est un acte illicite contraire aux règles d'ordre public et prohibé comme tel ;

- juger que le contrat de prêt litigieux est dépourvu de cause ;

- prononcer la nullité et à défaut l'inopposabilité du prêt authentique du 26 novembre 2015 et de tous les actes subséquents à son égard ;

Y faisant droit,

- condamner la société My Money Bank venant aux droits de la société My Partner Bank (anciennement dénommée Banque Espirito Santo et de la Venetie) à lui payer la somme de 8 930 768,84 euros correspondant au montant du capital prêté, frais, intérêts et accessoires payé par elle à la banque au titre du prêt authentique du 26 novembre 2015 et de tous les actes subséquents ;

A titre subsidiaire :

- juger que la société My Money Bank venant aux droits de la société My Partner Bank (anciennement dénommée Banque Espirito Santo et de la Vénétie) a commis une faute à son préjudice par la conclusion du prêt authentique du 26 novembre 2015, du montage juridique y afférent et de ses actes subséquents ;

Y faisant droit,

- condamner la société My Money Bank venant aux droits de la société My Partner Bank (anciennement dénommée Banque Espirito Santo et de la Venetie) à lui payer à titre de dommage-intérêts la somme de 8 930 768,84 euros correspondant au montant du capital prêté, frais, intérêts et accessoires payé par elle à la banque résultant du prêt authentique du 26 novembre 2015 et de tous les actes subséquents ;

En tout état de cause :

- condamner la société My Money Bank venant aux droits de la société My Partner Bank (anciennement dénommée Banque Espirito Santo et de la Venetie) à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société My Money Bank venant aux droits de la société My Partner Bank (anciennement dénommée Banque Espirito Santo et de la Venetie) aux dépens de l'instance.

Par dernières conclusions du 16 octobre 2024, la société My Money Bank demande à la cour de confirmer la décision déférée en tous ses chefs critiqués ;

En tout état de cause :

- débouter la société Amaury de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Amaury à lui payer la somme de 25 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans le cadre de la présente instance par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Amaury aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Dontot, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur les demandes tendant à l'annulation et à l'inopposabilité du prêt

La société Amaury soutient que le prêt participatif, risqué pour elle, ne servait qu'à financer une société tierce et était contraire à son objet social comme à son intérêt social, ce que la banque savait ou ne pouvait ignorer, de sorte qu'il était illicite au sens de l'article 1108 du code civil, partant nul, en tout cas inopposable, en application de l'article L. 223-18 du code de commerce ; que c'est à tort que le tribunal de commerce a estimé qu'elle faisait partie du Groupe Agripole et qu'elle avait valablement apporté son financement à l'une des sociétés de ce groupe ; que l'administration fiscale a considéré que le prêt en cause était un acte anormal de gestion.

Elle fait valoir encore que l'acte de prêt n'était pas causé au sens de l'article 1131 du code civil alors applicable, dès lors qu'elle n'a pas reçu de contrepartie à l'opération.

Elle soutient que l'opération n'était pas un prêt participatif au sens de l'article L. 313-13 du code monétaire et financier, mais un habillage juridique sans consistance.

Enfin, invoquant l'article 1113 du code civil, la société Amaury soutient que son consentement au remboursement du prêt n'était pas libre et éclairé, car elle était contrainte par la situation hypothécaire de son immeuble et le risque de liquidation judiciaire.

La banque fait valoir que le prêt a été autorisé par l'assemblée générale de la société Amaury, qui l'a ensuite ratifié en signant un protocole de conciliation, un avenant et en le remboursant spontanément et sans réserve.

A titre subsidiaire, la banque soutient que le prêt était valable comme conforme à l'objet et à l'intérêt social de la société Amaury, licite et causé.

Réponse de la cour

L'article 1018 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose :

Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

Le consentement de la partie qui s'oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;

Une cause licite dans l'obligation.

Selon l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, l'obligation fondée sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet.

L'article 1113 du code civil, invoqué par l'appelante dans sa rédaction issue de la réforme de 2016, est ici inapplicable.

L'article 1998 du code civil dispose :

Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.

Pour protéger les tiers par un mécanisme de mandat apparent au profit du gérant d'une SARL, l'article L. 223-18 du code de commerce dispose en son quatrième alinéa :

Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

La ratification d'un contrat encourant la nullité relative, en raison du dépassement ou de l'absence de pouvoir du mandataire, peut être tacite et résulter de son exécution volontaire (voir par exemple 1ère Civ., 2 juillet 2014, n°13-19.626, publié ; 1ère Civ., 17 juin 2015, n°14-14.568 ; 1ère Civ., 10 septembre 2015, n°14-24.291).

L'article 1338 du code civil dispose, dans sa rédaction ici applicable :

L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d'une société à responsabilité limitée à l'égard des tiers (Com, 12 mai 2015, n°13-28.504, publié ; Com, 16 octobre 2019, n°18-19.373 ; Com, 14 février 2018, n°15-24.146).

La société Amaury est une société à responsabilité limitée. Les moyens tirés par l'appelante du régime de la nullité des actes des sociétés civiles sont donc inopérants.

Le 19 novembre 2015, l'assemblée générale ordinaire de la société Amaury, dont [N] [B] était l'unique associée, a autorisé la conclusion du prêt litigieux par l'organe de la gérante qu'elle était elle-même.

Une personne morale telle qu'une SARL a la capacité de souscrire un emprunt.

Un contrat de prêt, qui vise à la remise de fonds à l'emprunteur, a une cause objective licite, non contraire à l'ordre public. Par hypothèse, sauf lorsqu'il est consenti à titre gratuit, il procure un avantage financier au prêteur et a un coût pour l'emprunteur. Contrairement à ce que prétend l'appelante, le dépassement allégué de son objet social n'est pas de nature à rendre illicite la cause de l'opération de prêt.

Comme l'a justement relevé le tribunal de commerce, le contrat litigieux ne comporte aucune clause contraire à l'ordre public.

La société Amaury, dont l'argumentation majeure repose pourtant sur un prétendu dépassement de son objet social, ne produit elle-même ses statuts que dans leur version du 20 août 2019, postérieure de près de quatre ans à l'emprunt contesté. Mais l'article 2 des statuts produits par la banque, datés du 30 décembre 2008, a une rédaction identique. Il convient donc de se référer à l'objet social de la société tel qu'il résulte de cet article 2.

Il prévoit que la société a pour objet la détention et l'exploitation de biens immobiliers, mais aussi la participation par tous moyens à toutes entreprises pouvant se rattacher à cet objet social, notamment par voie d'apports, et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à cet objet social et à tous autres objets susceptibles de favoriser ou de développer les affaires de la société. Le jugement entrepris doit donc être approuvé en ce qu'il a retenu que la mise en place par la société Amaury d'un prêt participatif au profit de la société CCA Bretagne, destiné au refinancement des apports de cette dernière à la société SCI Roch Arouen pour acquérir des immeubles à vocation industrielle, constituait une opération financière en lien avec la détention et l'exploitation de biens immobiliers, si bien que l'opération de prêt en cause était conforme à l'objet social de la société Amaury.

Il est indifférent pour apprécier la validité de l'opération litigieuse que la société Amaury ait ou non fait partie du groupe fondé par [N] [B] ou que l'administration fiscale ait estimé, pour les besoins de ses opérations de rectification et au regard des dispositions du code général des impôts, que la provision correspondant à la charge du prêt participatif passée dans les comptes de la société Amaury constituait un acte anormal de gestion. L'argument pris par la société appelante de la prétendue illicéité de la cause de l'emprunt litigieux liée à son absence de conformité à son objet social est ainsi inopérant, d'autant plus qu'en se prévalant d'une telle illicéité, elle se prévaut de sa propre turpitude.

A l'acte de prêt en cause, l'emploi de la somme de 7 800 000 euros se présente expressément comme un prêt participatif à consentir par la société Amaury à la société CCA Bretagne, au sens de l'article L. 313-13 du code monétaire et financier. La discussion des parties relative à cette qualification est sans objet, dès lors que, d'une part, la banque prêteuse, seule en cause, n'était pas partie à cette opération et que, d'autre part, l'inexactitude de cette qualification alléguée par l'appelante ne serait pas de nature à rendre illicite le contrat en cause, conclu entre elle et la banque.

La cour relève de surcroît que si l'expert-comptable de la société Amaury atteste que la somme correspondant à ce prêt participatif a été versée à la société CCA Bretagne, sa perception effective par cette dernière ne résulte d'aucune des pièces produites, savoir les comptes de la société CCA Bretagne pour les années 2016 et 2017, de sorte que la réalisation même du prêt participatif prévu à l'acte de prêt du 26 novembre 2015 n'est pas établie.

Il est constant que les fonds empruntés ont été remis à l'emprunteur, dont l'engagement a ainsi trouvé sa contrepartie.

L'appelante, qui s'abstient de produire ses comptes de résultat pour l'année civile 2015, n'établit par aucune de ses productions l'existence de la contrainte économique qu'elle allègue, notamment liée à une prétendue menace de liquidation judiciaire.

Dès lors que le contrat litigieux a été expressément autorisé par une assemblée générale préalable, que [N] [B], associée unique de la société Amaury, était une cheffe d'entreprise expérimentée et que le contrat a été passé par acte authentique, la société Amaury étant elle-même assistée d'un notaire non instrumentaire, l'appelante est manifestement mal fondée à prétendre que son consentement a été vicié.

Il est constant que c'est en exécution du mandat lui ayant été donné par l'assemblée générale du 19 novembre 2015 que, le 26 novembre suivant, [N] [B] a, au nom de la société Amaury, signé l'acte de prêt en cause.

Dès lors, en qualité de gérante, [N] [B] n'a pas dépassé le mandat qui lui avait été confié, signant le contrat au nom de la société conformément à la délibération du 19 novembre 2015, dont l'annulation n'est pas sollicitée par l'appelante.

La discussion des parties relative au dépassement de ce mandat et à la ratification subséquente du contrat de prêt par la société mandante est donc sans objet, que ce soit sur le terrain du droit commun de l'article 1998 du code civil ou sur celui de l'article L. 223-18 du code de commerce ; l'article 1156 du code civil, invoqué par l'appelante dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 2016, est ici inapplicable.

De manière surabondante, la cour retient que, comme le soutient à juste titre la banque, postérieurement au décès de [N] [B] survenu en [Date décès 4] 2016, la société Amaury a tacitement ratifié le contrat à trois reprises, par un protocole du 11 janvier 2017 conclu à l'occasion d'une procédure de conciliation, homologué par un jugement du 18 janvier 2017, par un avenant signé le 20 février 2017, enfin et surtout, en le remboursant entièrement et sans réserve le 14 novembre 2018.

De là suit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Amaury tendant à l'annulation, subsidiairement à l'inopposabilité à son égard du contrat du 26 novembre 2015, de surcroît visé par ses prétentions de manière globale, alors même que l'appelante ne le critique aucunement en ce qu'il porte sur le prêt de la somme de 1 127 049,41 euros, destinée à restructurer des emprunts antérieurs.

La demande de la société Amaury en répétition de l'indu constitué par les sommes versées en remboursement du prêt est, partant, sans objet.

Sur la demande indemnitaire

La société Amaury soutient qu'elle a été contrainte de rembourser le prêt en vendant son unique actif immobilier, ce qui a compromis sa survie ; que la banque a manqué à la mettre en garde sur les risques de l'opération, qui l'a illicitement appauvrie sans contrepartie et lui a été accordé en méconnaissance de son objet social, dont la banque avait connaissance, pour, en réalité, financer un autre prêt à des sociétés en situation économique compromise ; que la banque était à l'initiative du montage juridique, qui n'avait pas d'autre but que l'inscription d'une hypothèque sur l'immeuble.

La banque répond que la société Amaury ne peut agir tout à la fois sur le terrain contractuel et extracontractuel ; en tout cas, qu'elle n'a commis aucune faute en consentant le prêt ; que la société Amaury était un emprunteur averti envers qui elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde ; que le préjudice allégué par la société Amaury ne résulte que de son propre choix de financer une société tierce.

Réponse de la cour

Dès lors que les prétentions principales de la société Amaury, emprunteuse, fondées sur la prétendue nullité du contrat, à défaut sur son inopposabilité, ne tendent pas à la remise en état des parties, mais à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de cette nullité ou de cette inopposabilité, c'est-à-dire reposent sur l'engagement de la responsabilité contractuelle de la banque, elle est mal fondée, comme celle-ci le soutient justement, à solliciter l'indemnisation du même préjudice sur un fondement délictuel.

En toute hypothèse, elle n'établit aucune faute délictuelle de la banque.

En effet, en premier lieu, envers un emprunteur non averti, une banque est tenue à un devoir de mise en garde sur les risques liés à l'opération. Inversement, elle n'est tenue à aucun devoir de mise en garde envers un emprunteur averti.

La qualité d'emprunteur averti d'une personne morale s'apprécie en la personne de son représentant légal (voir par exemple 3e Civ., 19 sept 2019, n° 18-15.398, publié ; Com., 11 avril 2018, pourvois n° 15-27.798, 15-27.133, 15-29.442, 15-27.840, publié ; Com., 4 janvier 2023, n° 15-20.117, publié).

A l'époque de la conclusion du contrat de prêt litigieux, la société Amaury était dirigée par [N] [B].

Or il n'est pas contesté que celle-ci avait fondé en 1966, puis dirigé jusqu'à sa mort le Groupe Agripole, groupe agro-alimentaire leader en France des plats cuisinés appertisés ou en conserves ; qu'à l'époque du prêt, ce groupe était composé de près de 30 sociétés et employait quelque 3 000 salariés.

En la personne de son dirigeant, la société Amaury était donc à l'évidence un emprunteur averti, envers qui la banque n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde.

En deuxième lieu, comme il a déjà été démontré, l'opération de prêt était conforme à l'objet social de la société emprunteuse, dans les affaires de laquelle la banque n'avait pas à s'immiscer.

En troisième lieu, contrairement à ce qu'elle laisse entendre, c'est la société Amaury a sollicité de la banque le prêt litigieux, déclarant, aux termes de l'acte authentique critiqué, qu'elle « trouve intérêt à réaliser la présente opération d'emprunt et que, compte tenu de son patrimoine, les engagements pris par elle dans le présent acte sont en proportion de son actif et de son passif ».

Si le notaire mandaté par la société Amaury ayant instrumenté l'acte a attesté que celui avait été signé « au vu des instructions fournies par » la banque à son notaire, ce dont l'appelante tire argument pour affirmer que la banque est à l'origine d'un montage contraire à ses intérêts, cette formule ne fait qu'énoncer l'évidence, exclusive de toute faute du prêteur, selon laquelle un acte notarié est conclu conformément à la volonté de ses signataires, après avoir été rédigé selon leurs instructions ; ce même notaire ajoute d'ailleurs dans son attestation que « l'acte constitue une réitération des conventions intervenues directement entre la banque et son client ».

Enfin, il a déjà été relevé que la perception effective par la société CCA Bretagne du montant du prêt participatif qui lui aurait été consenti par la société Amaury n'est pas établie, si bien que l'argument de l'appelante selon lequel la société CCA Bretagne était fortement endettée et sans actifs au jour de l'opération litigieuse est sans portée.

Le jugement entrepris ne peut en conséquence qu'être confirmé en ce qu'il a écarté la demande indemnitaire formulée par la société Amaury fondée sur la prétendue faute délictuelle de la banque à son égard.

Sur les demandes accessoires

L'appel étant dilatoire, l'équité commande de mettre à la charge de l'appelante l'indemnité de procédure prévue au dispositif, forfaitairement fixée, à défaut de production de note d'honoraires.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la société Amaury aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Mme Dontot, avocat au barreau de Versailles ;

Condamne la société Amaury à payer à la société My Money Bank la somme de 20 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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