CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 29 avril 2025, n° 21/22432
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Artcurial (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devillers
Conseillers :
Mme Morlet, Mme Zysman
Avocats :
Me Etevenard, Me Besnard, Me Simozrag, Me Bremond
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 avril 2018, M. [G] [W] a acquis, dans le cadre d'une vente aux enchères publiques organisée par la société Artcurial, un véhicule d'occasion de marque Porsche, modèle 911 datant de 1974 immatriculé [Immatriculation 7], appartenant à M. [P] [K], au prix de 36.000 euros, augmenté de la commission de vente de 6.912 euros et de frais de transport de 300 euros soit la somme totale de 43.212 euros TTC suivant facture du 11 avril 2018.
Soutenant que, dès sa livraison, le véhicule avait dû être immobilisé, des désordres pouvant affecter l'état de marche du véhicule, à savoir des fuites importantes, ayant été constatés, M. [W] a mandaté le cabinet [Adresse 8] aux fins de réaliser une expertise amiable contradictoire.
Dans son rapport d'expertise technique du 19 octobre 2018, le cabinet Maison, après avoir procédé à l'examen du véhicule affichant alors 69.833 kilomètres au compteur, a relevé des « défaillances d'étanchéité d'huile moteur et de la boîte de vitesse, rendant l'utilisation du véhicule en l'état délicate et pouvant engendrer une aggravation de dommages sans intervention rapide » et estimé que « l'aspect général du véhicule peut être considéré comme très moyen et ne correspond pas à la description technique relatée sur le document de vente » et que « M. [W] n'a pas eu toutes les informations de la situation réelle du véhicule avant de procéder à l'offre d'achat, d'autant plus que la majorité des documents techniques fournis masquaient la réalité exacte de l'état général de cette Porsche ».
Les négociations amiables avec la société Artcurial n'ayant pas abouti, M. [W] a assigné en référé expertise la société Artcurial, M. [K] ainsi que les sociétés Bourgoin et Gobin & Associés étant intervenues sur le véhicule en 2017. Par ordonnance de référé du 9 mai 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise du véhicule et désigné M. [D] [I] pour y procéder, remplacé par M. [S] [Y] par ordonnance du 19 juin 2019.
L'expert a clos ses opérations et déposé son rapport le 21 octobre 2019.
C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier en date du 18 décembre 2019, M. [W] a fait assigner la société Artcurial et M. [P] [K] devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, remboursement du prix de vente et indemnisation des préjudices subis.
Par jugement du 18 novembre 2021, le tribunal a :
- Déclaré irrecevables les demandes de M. [W] à l'encontre de la société Artcurial s'agissant de la résolution de la vente et la restitution du prix, pour défaut de qualité à défendre,
- Débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné M. [W] à payer à la société Artcurial et à M. [K], chacun, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [W] aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire,
- Dit que les dépens pourront être recouvrés par Me Christian Bremond et Razika Simozrag, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 20 décembre 2021, M. [W] a interjeté appel de ce jugement, intimant la société Artcurial et M. [K] devant la cour.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, M. [G] [W] demande à la cour de :
Vu l'article 1641 du code civil,
Vu les articles 1604 et suivants du code civil,
Vu les articles 1240 du code civil et L. 321-17 du code de commerce,
- Le recevoir en son appel,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a dit :
' déclare irrecevables les demandes de M. [W] à l'encontre de la société Artcurial s'agissant de la résolution de la vente et la restitution du prix, pour défaut de qualité à défendre,
' déboute M. [W] de l'ensemble de ses demandes,
' dondamne M. [W] à payer à la société Artcurial et à M. [K], chacun, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' dondamne M. [W] aux dépens, comprenant frais d'expertise judiciaire,
' dit que les dépens pourront être recouvrés par Me Christian Bremond et Razika Simozrag, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
' déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Statuant à nouveau,
- Prononcer la résolution de la vente conclue le 8 avril 2018 sur le fondement de la garantie des vices cachés,
Subsidiairement,
- Prononcer la résolution de la vente sur le fondement du défaut de délivrance conforme,
Plus subsidiairement,
- Prononcer la nullité de la vente sur le fondement du dol,
En tout état de cause,
- Condamner in solidum M. [K] et la société Artcurial à payer à M. [W] la somme de 43.212 euros au titre de la restitution du prix de vente, de la commission de vente TTC et des frais divers tels que réglés au titre de la facture du 11 avril 2018,
- Condamner M. [K] à reprendre le véhicule à ses frais dans le délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de cette date,
- Condamner in solidum M. [K] et la société Artcurial à payer à M. [W] la somme de 416,66 euros par mois depuis le 8 avril 2018, soit la somme de 21.666,64 euros, sauf à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, au titre du préjudice d'immobilisation,
- Condamner in solidum M. [K] et la société Artcurial à la somme de 12.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner in solidum M. [K] et la société Artcurial, aux entiers dépens de la présente instance, notamment les frais d'expertise judiciaire, dont distraction auprès de Me Frédérique Etevenard, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 17 juin 2023, M. [P] [K] demande à la cour de :
Vu les articles 1641, 1642 et 1643 du code civil,
Vu l'article L. 321-17 du code de commerce,
- Le recevoir en ses demandes, y faisant droit,
- Confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
- Rejeter les demandes subsidiaires de M. [W] de résolution de la vente sur le fondement d'un défaut de délivrance conforme et d'annulation de la vente sur le fondement d'un dol, comme étant irrecevables,
- Débouter M. [W] de ses demandes subsidiaires de résolution de la vente sur le fondement d'un défaut de délivrance conforme et d'annulation de la vente sur le fondement d'un dol comme étant mal fondées,
A titre subsidiaire :
- Condamner la société Artcurial à garantir et relever indemne M. [K] de toute condamnation qui serait éventuellement mise à sa charge au titre du vice caché allégué par M. [G] [W],
En tout état de cause
- Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner toute partie succombante à verser à M. [K] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 août 2023, la société Artcurial demande à la cour de :
Vu les conditions générales d'achat aux enchères publiques,
Vu le descriptif de vente de la société Artcurial,
Vu l'arrêté du 21 février 2012 portant approbation du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
Vu les articles L. 321-4, L. 321-5, L321-7, L 321-11, L321-14 et L 321-17 du code de commerce,
Vu les articles 1131, 1240, 1310, 1603, 1604 et 1615 du code civil,
Vu les articles 32, 122, 564, 565 et 566 du code de procédure civile,
Vu les articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [W] à l'encontre de la société Artcurial s'agissant de la résolution de la vente et la restitution du prix pour défaut de qualité à défendre et débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,
- Juger que la société Artcurial n'a commis aucun manquement, ni faute contractuelle ou délictuelle à l'égard de M. [W],
- Débouter M. [W] de sa demande de résolution de vente pour vices cachés,
- Juger irrecevable M. [W] à solliciter contre la société Artcurial le remboursement du prix de vente et mal fondé à solliciter le remboursement de la commission de vente et des frais de transport,
- Juger irrecevable la demande de résolution de la vente sur le fondement du défaut de délivrance conforme, cette demande constituant de nouvelles prétentions devant la cour d'appel ne tendant pas aux mêmes fins que celles dont se trouvaient saisis les premiers juges,
- Juger irrecevable la demande de nullité de la vente sur le fondement du dol, cette demande constituant de nouvelles prétentions devant la cour d'appel ne tendant pas aux mêmes fins que celles dont se trouvaient saisis les premiers juges,
- Juger que l'action introduite par M. [W] à l'encontre de la société Artcurial est irrecevable, cette dernière n'ayant pas qualité pour défendre à l'action en résolution de la vente, à l'action en nullité de la vente, ni à la demande de restitution du prix de vente qu'elle n'a pas perçu,
- Débouter M. [W] de sa demande de résolution de la vente pour défaut de délivrance d'un objet conforme,
- Débouter M. [W] de sa demande de nullité pour dol,
- Débouter M. [W] de sa demande de mise en jeu de la responsabilité délictuelle de Artcurial,
- Débouter M. [W] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,
- Débouter en conséquence, M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Juger que la société Artcurial n'a commis aucun manquement, ni faute contractuelle à l'égard de M. [K],
En conséquence,
- Juger que l'appel en garantie de M. [K] à l'encontre d'Artcurial est dépourvu de fondement légal,
- Débouter M. [K] de sa demande d'appel en garantie à l'encontre d'Artcurial,
- Juger que le descriptif de vente réalisé par la société Artcurial était conforme aux informations en sa possession au moment de la vente,
- Condamner M. [W] à payer à la société Artcurial la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [W] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Christian Brémond avocat aux offres de droit.
La cour renvoie aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 11 décembre 2024
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [W] formées à l'encontre de la société Artcurial en résolution de la vente et restitution du prix
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [W] en résolution de la vente et restitution du prix formées à l'encontre de la société Artcurial, celle-ci n'ayant pas la qualité de vendeur mais étant intervenue, en sa qualité d'opérateur de ventes volontaires, en qualité de mandataire de celui-ci.
Sur la résolution de la vente pour vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice inhérent constituant la cause des défectuosités et présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose. Il doit également démontrer que le vice existait antérieurement à la vente au moins en l'état de germe et n'était ni apparent, ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même conformément à l'article 1642 du code civil.
Lorsque le vice affecte un véhicule d'occasion, il ne doit pas procéder de l'usure normale de la chose en raison de sa vétusté. Le vice ne doit pas non plus être la conséquence d'un usage anormal de la chose par son détenteur.
L'article 1643 précise que le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus.
Enfin, selon l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l'espèce, il convient en premier lieu d'indiquer que le véhicule litigieux a été mis en vente sur catalogue, lequel décrivait le véhicule comme suit :
« Cette rare 911 2.7L S Targa de 1974 d'origine américaine a été achetée par son actuel propriétaire en 2012 en Hollande. Il a mené une importante restauration mécanique par un professionnel, comprenant réfection du haut moteur et de l'étanchéité. (') Fin 2017, le moteur, le radiateur et la boîte de vitesses ont été déposés pour parfaire l'étanchéité. (') Comme nous avons pu le constater lors de notre essai, la voiture est donc en bon état de fonctionnement. Le propriétaire a aussi entrepris une remise à niveau esthétique, commencée par l'intérieur et qu'il serait opportun pour le nouvel acquéreur de poursuivre par une belle peinture qui soulignerait la qualité de cette jolie 911 ».
La facture en date du 11 avril 2018 reprend in extenso la description du catalogue.
L'expert judiciaire, après avoir procédé à un examen attentif du véhicule statique, au sol et sur pont élévateur, à une mise en route du moteur puis à examen du véhicule en dynamique, conclut son rapport en date du 21 octobre 2019 comme suit :
« - le désordre dont se plaint le demandeur est avéré,
- le moteur est hors d'usage en l'état à cause d'anomalies d'étanchéité interne et externe (fuites moteur)
- le véhicule est dans un état moyen de conservation mais cohérent avec sa date de
mise en circulation,
- le véhicule est impropre à l'usage auquel il est destiné,
- les désordres étaient présents et en germes lors de la vente, inconnus du vendeur et de l'acheteur mais connus du propriétaire,
- le véhicule n'a pas été réparé selon les règles de l'art en juin 2015, nous ne pouvons
en préciser les motivations,
- le moteur doit être entièrement refait,
- le véhicule est techniquement réparable,
- le véhicule est économiquement réparable, nous préconisons sa réparation,
- un défaut connu de matière utilisée pour la conception du bloc moteur est à l'origine du désordre technique,
- les défauts n'étaient pas directement visibles véhicule au sol,
- certains défauts n'étaient pas identifiables par un automobiliste profane mais l'était pour un professionnel ou un 'il avisé sous réserve d'examiner le soubassement,
- un automobiliste ne pouvait pas en apprécier la portée, toutefois, un professionnel spécialiste de la marque pouvait l'éclairer sur les conséquences,
- le prix de vente ne correspondait pas à la cote du véhicule,
- il existait une moins-value au jour de la vente,
- le prix de vente du véhicule au jour de la vente frais et taxes incluses ne devrait pas dépasser les 20.000 euros,
- le montant des réparations est compris entre 31.000 et 42.000 euros TTC,
- le préjudice d'immobilisation est estimé à 5.000 euros/an ».
Dans sa réponse aux questions spécifiques de la mission, il indique :
« Le descriptif de la société ARTCURIAL ne correspond pas à l'état réel du véhicule présenté, il ne permettait pas à un potentiel acheteur d'en prendre précisément connaissance.
Les fuites d'huile externes sont inhérentes à ce modèle de véhicule, les fuites d'huile internes sont propres au véhicule examiné.
Le véhicule est impropre à l'usage attendu de ce genre de véhicule ancien.
Les désordres constatés n'étaient pas perceptibles à la vue du descriptif réalisé par la
société ARTCURIAL.
M. [W] n'avait pas à sa disposition toutes les informations relatives à la situation réelle du véhicule.
Les désordres constatés n'étaient pas cachés lors de la vente du véhicule par la société ARTCURIAL. Par contre, ils n'étaient pas visibles et non connus et de la société ARTCURIAL.
Les réparations mises en oeuvre par la société Gobin et Bourgoin ont été effectuées selon les règles de l'art et semble-t-il conformément à la demande de M. [K], répondant à une volonté de limiter les coûts de réparation.
La société JEM CLUB est intervenue en juin 2015 pour traiter un défaut d'étanchéité moteur. Cet intervenant est probablement à l'origine de la monte de plusieurs joints d'embase. »
Dans la partie « discussion » de son rapport, l'expert estime en effet que le moteur du véhicule Porsche souffre d'un défaut d'étanchéité externe mais également interne ; qu'une usure généralisée du moteur est la cause du désordre, cohérente avec la date de mise en circulation du véhicule ; qu'une absence de réfection complète du moteur est à l'origine du désordre, associée à une possible déformation du bloc moteur ; qu'il est nécessaire de refaire l'étanchéité externe et surtout interne du moteur.
Il explique, dans son « avis technique, motivé et argumenté » que « Les fuites d'huile externes constatées, et non suintements, étaient présentes le jour de la vente alors que les fuites internes étaient en germe et ne se sont déclarées que quelques jours après l'achat et quelques kilomètres parcourus. Le vendeur était informé des fuites d'huile externes car elles étaient précisées sur le procès-verbal de contrôle technique du 05/03/2014 par les mentions : « MOTEUR : Défaut d'étanchéité ; BOITE : Défaut d'étanchéité ». Nous précisons que ces fuites d'huile peuvent être appréciées de diverses manières. S'agissant d'un véhicule de collection de plus de presque quarante années d'ancienneté, le défaut d'étanchéité peut être considéré comme « normal ». Cette appréciation est toutefois des plus subjective. Cependant quand le défaut d'étanchéité prend la forme de fuite comme nous l'avons constaté et non de suintements d'huile, il ne peut plus être considéré comme « normal ».
Il est courant pour ce genre de véhicule de trouver sur le contrôle technique un « défaut
d'étanchéité » du moteur et de la boîte de vitesse mais il aurait été toutefois opportun de préciser ce « défaut » pour être des plus transparent vis-a-vis des potentiels acheteurs. Car ce « défaut » peut prendre la forme de suintements ou de fuites comme nous venons de le voir.
De la même manière, l'acheteur aurait pu également évaluer le niveau de fuite mais devait pour cela procéder à un examen complet du sous moteur.
Un examen du sous moteur aurait permis également de constater la présence de pâte métallique qui peut être considérée comme « cache misère », qu'un automobiliste profane est en mesure de relever, sans toutefois en apprécier la portée.
Ainsi que constater, pour un oeil averti, la présence de plusieurs joints d'embase qui ne peuvent que faire douter soit du sérieux des réparations antérieures, soit le plus probable sur l'état de déformation du carter moteur, les joints d'embase ne faisant généralement que compenser un défaut de géométrie.
Si le niveau de fuite externe est des plus subjectif, il permettait malgré tout une utilisation du véhicule sous réserve de compléter régulièrement le niveau et adapter le parking de stockage pour éviter de polluer les sols.
Il n'en est pas de même pour le défaut d'étanchéité interne du moteur au niveau des ensembles pistons/chemises. Ce défaut d'étanchéité interne d'un des plusieurs cylindres rend le véhicule inutilisable sans une lourde intervention sur le moteur. (...)
La cause de la fumée bleue à l'échappement vient d'une présence d'huile dans la chambre de combustion qui peut s'introduire soit par un défaut d'étanchéité du haut moteur, par les culasses et les soupapes ou de la segmentation au niveau des ensembles pistons/cylindres. »
Il est donc suffisamment établi par le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions sont concordantes avec celles de l'expertise amiable réalisée par le cabinet [Adresse 8] le 19 octobre 2018, que le véhicule Porsche acquis par M. [W] le 8 avril 2018 est affecté d'un vice, à savoir un défaut d'étanchéité interne et externe du moteur consistant en des fuites d'huile anormales, inhérent au véhicule, qui le rend impropre à l'usage auquel il est destiné dès lors que celui-ci n'est pas utilisable sans une lourde intervention sur le moteur, lequel doit être entièrement refait. Comme l'a parfaitement expliqué l'expert, si le « défaut d'étanchéité » relevé lors du contrôle technique du 16 mars 2018, sans obligation de contre-visite, peut être considéré comme normal s'agissant d'un véhicule d'occasion de plus de quarante ans d'ancienneté, le défaut d'étanchéité externe mais surtout interne tel qu'il l'a constaté, prenant la forme de fuites et non de suintements d'huile, est anormal.
En outre, ce vice, révélé postérieurement à la vente, existait bien, selon l'expert, antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe s'agissant des fuites internes, et n'était pas apparent, l'expert ayant souligné qu'il n'était pas visible ni identifiable par un automobile profane sous réserve d'examiner le soubassement, relevant à cet égard que les photographies extraites du dossier de vente ne montraient pas le soubassement du véhicule ni le compartiment sous moteur.
Il convient d'ajouter que si l'expert estime que M. [W] a fait preuve de négligences, attendu le caractère « fragile » du véhicule et ses spécificités techniques que peu de passionnés de la marque méconnaissent, indiquant qu'il aurait dû, avant l'achat, s'inquiéter du « défaut d'étanchéité » relevé dans Ie contrôle technique, il ajoute que la consultation du dossier n'aurait pas contribué à lui apporter l'information nécessaire car les désordres graves du moteur n'étaient pas mentionnés et que seul un examen du soubassement sur pont élévateur aurait pu l'éclairer.
De surcroît, la qualité de « professionnel aguerri » de M. [W], alléguée par M. [K], résultant de ce qu'il dirige des concessions automobiles, ne peut suffire à établir qu'il aurait dû avoir connaissance des défauts constatés par l'expert, lesquels n'étaient pas perceptibles à la vue du descriptif réalisé par la société Artcurial et n'étaient pas mentionnés dans le dossier mis à disposition des acheteurs par la maison de vente.
ll résulte de l'ensemble de ces considérations que M. [W] rapporte la preuve de vices cachés, antérieurs à la vente et présentant le caractère de gravité justifiant la résolution de la vente.
Il convient donc, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la résolution de la vente intervenue entre M. [K] et M. [W] le 8 avril 2018, la résolution emportant de droit, la restitution du véhicule par l'acquéreur et celle du prix par le vendeur.
M. [K] sera donc condamné à restituer à M. [W] le prix de vente, soit la somme de 36.000 euros, et M. [W] condamné à restituer à M. [K] le véhicule litigieux, étant ajouté qu'il appartiendra à ce dernier de prendre en charge, à ses frais, le véhicule dans le lieu où il est remisé. Le prononcé d'une astreinte ne se justifie pas et la demande de ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes indemnitaires de M. [W]
En application des articles 1645 et 1646 du code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, tandis que le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente, qui s'entendent des dépenses directement liées à la conclusion du contrat. Au vendeur qui connaissait les vices de la chose est assimilé celui qui, par sa profession, ne pouvait les ignorer.
En l'espèce, si M. [K] n'est pas vendeur professionnel, il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'il n'a pas fourni l'ensemble des factures et documents (principalement l'ordre de réparation du garage Godin du 23 novembre 2017 portant sur les travaux d'étanchéité du moteur) qui auraient permis à la société Artcurial d'apprécier l'état réel de son véhicule, en particulier les réserves émises par la société Godin sur l'état du moteur, estimant au
surplus qu'il « ne pouvait méconnaître l'important défaut d'étanchéité externe attendu la présence d'huile qu'il devait constater sur le lieu de parking du véhicule ».
La cour retiendra donc que M. [K] connaissait les vices de la chose, de sorte qu'il est tenu, outre le remboursement des frais occasionnés par la vente, à savoir la commission de vente de 6.912 euros TTC et les frais de transport de 300 euros, à tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
M. [W] réclame en indemnisation de son préjudice de jouissance la somme de 21.666,44 euros sur la base de l'évaluation faite par l'expert à hauteur de 5.000 euros par an.
La destination d'un véhicule de collection étant généralement, comme le souligne l'expert, pour un usage limité dans un cadre de loisir, le préjudice de jouissance de M. [W] résultant de l'immobilisation du véhicule dès son acquisition sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros au paiement de laquelle M. [K] sera condamné.
Sur la responsabilité de la société Artcurial
Si l'expert estime que la société Artcurial a fait preuve de négligences et aurait dû préciser le niveau de fuite d'huile du véhicule et, a minima, proposer des photographies du soubassement, relevant que la présence de gouttelettes d'huile, de pâte métallique clairement visible ainsi que de plusieurs joints d'embase étaient suffisants pour douter de la fiabilité à court et/ou moyen terme du véhicule et aurait de manière significative modifié la cote du véhicule et le contenu de l'annonce, il considère néanmoins que l'absence de l'ordre de réparation de la société Godin, qui comportait des réserves, dans le dossier du véhicule consultable au moment de la vente n'a pas permis à la société Artcurial d'apprécier l'état réel du véhicule.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que cette constatation était de nature à exclure la responsabilité de la société de ventes volontaires, celle-ci n'ayant nullement l'obligation de faire procéder à une expertise du véhicule, lequel était exposé et proposé à la vente accompagné d'un dossier comprenant l'historique des interventions, le caractère incomplet de ce dossier, imputable à M. [K], ne permettant pas à la société Artcurial d'apprécier l'état réel du véhicule et de procéder, le cas échéant, à d'autres investigations complémentaires, alors que, de surcroît, il n'est pas démontré qu'elle ait eu connaissance, au moment de la vente, de l'existence d'une fumée bleue.
En conséquence, M. [W] ne rapportant pas la preuve d'une faute commise par la société Arcurial, il doit être débouté des demandes formées à son encontre sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
De la même façon, M. [K], qui échoue à rapporter la preuve d'une faute contractuelle commise par son mandataire dans la rédaction de l'annonce figurant au catalogue de vente, doit être débouté de l'appel en garantie qu'il forme à son encontre.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement étant infirmé pour l'essentiel, il le sera également pour ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de M. [W].
Statuant de ce chef pour la première instance et en appel, M. [K], qui succombe, sera condamné aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés directement par Me Frédérique Etevenard et Me Christian Brémond conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Tenu aux dépens, M. [K] sera également condamné à payer à M. [W] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
La société Artcurial, qui forme une demande d'indemnité sur ce fondement uniquement à l'encontre de M. [W], qui obtient gain de cause, ne peut qu'être déboutée de sa demande.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré M. [G] [W] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la société Artcurial s'agissant de la résolution de la vente et de la restitution du prix pour défaut de qualité à défendre et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires formées à son encontre,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la résolution pour vices cachés de la vente conclue le 8 avril 2018 entre M. [P] [K] et M. [G] [W] portant sur le véhicule Porsche, modèle 911, immatriculé [Immatriculation 7],
Condamne M. [P] [K] à payer à M. [G] [W] la somme de 43.212 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais occasionnés par la vente,
Ordonne la restitution du véhicule par M. [G] [W] et dit qu'il appartiendra à M. [P] [K] de prendre en charge, à ses frais, le véhicule dans le lieu où il est remisé,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Condamne M. [P] [K] à payer à M. [G] [W] la somme de 3.000 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance,
Déboute M. [P] [K] de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Artcurial,
Condamne M. [P] [K] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, qui pourront être recouvrés directement par Me Frédérique Etevenard et Me Christian Brémond conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [K] à payer à M. [G] [W] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande formée par la société Artcurial à l'encontre de M. [G] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.