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Décisions

CA Nancy, 5e ch., 25 avril 2025, n° 23/02120

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kereis Technologies (SAS)

Défendeur :

Crédito (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bourquin

Conseillers :

M. Beaudier, M. Firon

Avocats :

Me Beaudoin, Me Sardain, Me Delfour

T. com. Nancy, du 4 sept. 2023, n° 20220…

4 septembre 2023

FAITS ET PROCEDURE

La société Crediteo exploite une activité de développement et de vente de logiciels et d'applications spécifiques. Elle procède également à des formations, à de la vente de matériel et à des audits et fournitures de conseils.

La majorité de son activité consiste à éditer et poursuivre le développement du progiciel métier 'Crediteo', s'adressant notamment au domaine du courtage.

La société Kereis a pour activité la vente de logiciels, à destination des courtiers en crédit et prévoyance, assurance, mutuelle, constructeurs et promoteurs immobiliers, commercialisateurs et banques.

La société Kereis Technologies est titulaire des droits d'auteur sur les logiciels ' AltOffice' et 'Cifacil'.

En date du 1er mai 2023, la société Alto Informatique, demanderesse initiale à la présente instance, a fusionné avec la société Kereis Technologies.

Durant l'année 2020, la société Kereis Technologies a soupçonné la société Crediteo de commercialiser un logiciel similaire à celui d''AltOffice'.

En date du 18 mai 2020, la société Kereis Technologies a mis en demeure la société Crediteo de 'cesser immédiatement toute utilisation de la 'carcasse'', créée par la société Alto Informatique, et de 'retirer tout écran la reproduisant sur son site internet commercial', et également de 'cesser l'utilisation de tout autre modèle, document ou élément de code propre au progiciel AltOffice et de procéder à la désinstallation immédiate du progiciel AltOffice des serveurs/postes de travail de Crediteo et transmettre le code de désactivation correspondant'.

Par courrier du 22 juin 2020, la société Crediteo a contesté les faits qui lui étaient reprochés par la société Kereis Technologies.

Par requête du 4 juin 2021, la société Kereis Technologies a sollicité auprès du tribunal judiciaire de Nancy l'autorisation notamment de faire procéder à la recherche et à la réalisation de copies notamment toute version du logiciel 'AltOffice' ou 'Cifacil' en code source et objet, de tous éléments à compter du 4 avril 2017mentionnant des suites de caractères exposés dans la requête.

Par ordonnance du 7 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Nancy a ordonné la réalisation de ces mesures d'instruction.

Par acte extrajudiciaire du 9 septembre 2022, la société Kereis Technologies a saisi le tribunal de commerce de Nancy aux fins d'obtenir la cessation des agissements de la société Crediteo et la réparation de son préjudice à hauteur de 622.523 '.

Par jugement du 24 janvier 2024, le tribunal de commerce de Nancy a procédé à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Crediteo et a désigné la société [R] [X] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier recommandé du 13 février 2024, la société Kereis Technologies a déclaré, au passif de la société Crediteo, sa créance prévisionnelle s'élevant à la somme de 672.711, 44 euros, auprès de la société [R] [X].

Par jugement, rendu contradictoirement le 4 septembre 2023, le tribunal de commerce de Nancy a :

- déclaré la société Créditeo recevable et bien fondée en son exception d'irrecevabilité des pièces n° 9 à 33 versées aux débats par la société Kereis Technologies, venant aux droits de la SAS Alto Informatique,

-écarté lesdites pièces des débats,

- déclaré la société Kereis Technologies, venant aux droits de la société Alto Informatique, mal fondée en l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Kereis Technologies, venant aux droits de la société Alto Informatique, aux dépens de l'instance,

- condamné la société Kereis Technologies, venant aux droits de la société Alto Informatique, à verser à la société Crediteo la somme de 20 000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SAS Kereis Technologies, venant aux droits de la SAS Alto Informatique, de sa demande formée au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 6 octobre 2023, la société Kereis Technologies a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 4 septembre 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe en date du 1er octobre 2024, la société Kereis Technologies demande à la cour de :

A titre liminaire,

- prendre acte de la déclaration de créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo ;

- constater la reprise de l'instance ;

- déclarer la société Kereis recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée de la société [R] [X] - SCP de mandataires judiciaires, prise en la personne de Maître [R] [X], ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Crediteo, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 16 janvier 2024 ;

- voir dire cette partie tenue d'intervenir dans l'instance pendante devant la cour d'appel de Nancy sous le numéro RG 23/02120 ;

- voir dire l'arrêt à intervenir opposable à cette partie ;

Puis, infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- débouter la société Crediteo de l'ensemble de ses demandes ;

- constater les agissement fautifs commis par la société Crediteo sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ;

En conséquence :

- ordonner à la société Crediteo la cessation de la commercialisation du logiciel Crediteo;

- fixer la créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo à un montant de 250.523 ' au titre de la perte de clientèle actuelle ;

- fixer la créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo à un montant de 342.000 ' au titre de la perte de rentabilité des investissements réalisés ;

- fixer la créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo à un montant de 15.000 ' au titre de la dépréciation de l'image de Kereis ;

- fixer la créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo à un montant de 15.000 ' au titre du trouble commercial subi ;

- ordonner la publication d'un communiqué reprenant le dispositif du jugement à intervenir, en totalité ou par extrait, en haut de la page du site internet www.crediteo.co ou de tout autre site édité par la société Crediteo, dans une police de caractères noirs et de 16 pixels minimum, avec l'intégralité du dispositif immédiatement visible et dans un cadre minium de 800 pixels en largeur et 600 pixels en hauteur, dans un délai de 8 jours suivant signification du jugement et pour une période d'un mois sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard.

En tout état de cause :

- condamner Crediteo au paiement de la somme de 30.000 euros assortie des intérêts au taux légal, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Crediteo aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Frédéric Sardain dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe en date du 5 novembre 2024, la société Crediteo demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 4 septembre 2023 en toutes ses dispositions, de débouter la société Kereis Technologies de l'ensemble de ses demandes et de condamner la société Kereis Technologies à supporter les dépens d'appel et à lui payer à la somme de 20.000 ' supplémentaires au titre de l'article 700 précité.

La société [R] [X] a été assignée en intervention forcée le 25 avril 2024 par la société Kereis Technologies, et n'a pas constitué avocat. Les conclusions de la société Kereis Technologies lui ont été signifiées le 26 juin 2024, et celles de la société Crediteo le 25 juillet 2024.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précédemment visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la mise en cause de la société [R] [X] es qualité de mandataire judiciaire

Il y a lieu de constater la mis en cause de la société [R] [X] es qualité de mandataire judiciaire dans le cadre du redressement judiciaire de la société Crediteo ainsi que la reprise de l'instance.

2- Sur la demande de la société Crediteo visant à écarter les pièces n° 9 à 33 de la société Kereis

En application de l'article R 153-1 du code de commerce, lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.

Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant. (...).

Le premier juge a relevé ' qu'aucun des documents, rédigés par la société Alto Informatique, sous sa propre responsabilité, ne portent mention des dispositions particulières de l'article R 153-1 du code de commerce, qui autorise une levée automatique du séquestre, à défaut d'introduction par l'une ou l'autre des parties, d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile.

Il s'infère qu'en se faisant remettre les documents saisis sans avoir au préalable sollicité du juge ayant rendu l'ordonnance toutes précisions utiles quant à la durée du séquestre ordonné, ce au visa des dispositions de l'article 496 du code de procédure civile, la Sas Alto Informatique a fait usage de procédés déloyaux de nature à porter atteinte aux droits de la défense et au droit au respect de la vie privée de l'entreprise droit garanties par les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme'.

Or, l'ordonnance du 7 juin 2021, rendue par le président du tribunal précisait (p.19) que l'huissier devait 'conserver en séquestre toute les copies des documents et des fichiers qui auront été réalisées dans le cadre de la présente mission'.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société Crediteo n'a pas saisi le juge d'une demande de modification ou de rétractation dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, soit le 28 juillet 2021.

La société Créditeo fait certes valoir que la requête, tout comme l'ordonnance qui l'a accueillie vise uniquement l'article 145 du code de procédure civile, droit commun des mesures d'instruction in futurum à l'exclusion de toute autre disposition législative ou réglementaire et que la partie ayant obtenu sur requête l'autorisation de prendre possession d'éléments dans les locaux de son adversaire ne peut faire lever le séquestre en application des dispositions de l'article R 153-1 du code de commerce qu'à la condition d'avoir , dans la signification de l'ordonnance effectuée àla partie adverse, expressément et correctement indiqué, non seulement les dispositions applicables, mais en outre le délai dans lequel le séquestre serait éventuellement levé.

Toutefois , la procédure de mise sous séquestre provisoire est la seule procédure qui peut être mise en oeuvre afin de protéger le secret des affaires à l'occasion d'une requête sur le fondement de l'article 145 CPC et il appartenait à la société Kereis de solliciter la modification ou la rétractation de l'ordonnance rendue le 7 juin 2021, cette voie de recours ayant été expressément mentionnée par l'acte de signification du 28 juillet 2021 et n'ayant été utilisée à aucun stade de la procédure par la société Crediteo.

En conséquence, il ne peut être reproché à la société Kereis d'avoir sollicité après l'expiration du délai d'un mois la transmission des documents placés sous séquestre provisoire.

La société Crediteo soutient par ailleurs que les circonstances dans lesquelles l'ordonnance a été exécutée portent atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme , au droit au respect de la vie privée de l'entreprise garantis par l'article 8 de cette même convention ainsi qu'à la loyauté du procès, sans que le droit à la preuve de la société Kereis, au vu des circonstances de l'espèce ne soit de nature à justifier ces atteintes totalement disproportionnées.

Il appartient effectivement à la juridiction saisie de rechercher si la mesure d'instruction permettait de concilier le droit à la preuve de la société Kéreis et le droit au secret des affaires de la société Crediteo.

Or, la mesure sollicitée ne portait pas atteinte aux intérêts légitimes de la société Crediteo, dès lors que la requête précisait expressément les mots-clefs à rechercher, comportant pour l'essentiel les termes Altoffice, Alto, Cifacil et ce à compter du 4 avril 2017, ces mots clefs circonscrivant les investigations aux documents susceptibles de concerner les actes de concurrence déloyale allégués.

Par ailleurs, en l'absence de ces pièces, la société Kereis ne pourrait être en mesure d'apporter la preuve de la faute éventuellement commise par la société Crediteo.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a écarté des débats les pièces n° 9 à 33 de la société Kereis

3- Sur les agissements de la société Crediteo

Sur la copie des fonctionnalités des logiciels de la société Kereis

La société Kereis fait valoir sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que la copie des fonctionnalités de ses logiciels Altoffice et Cifacil constitue des faits de concurrence déloyale et parasitaire.

Altoffice est un logiciel comportant un simulateur de prêt et Cifacil est un logiciel permettant la gestion de la relation client.

La société Créditeo fait valoir que la solution qu'elle a développé est tout à fait différente dans sa conception même puisque les logiciels de la société Kereis nécessitent la souscription d'un contrat de licence de logiciel à installer sur un poste de travail, moyennant un coût de départ puis le paiement de prestations de maintenance et de mises à jour annuelles à installer par l'utilisateur du téléchargement, alors que son propre logiciel est hébergé sur des serveurs externes à l'entreprise utilisatrice, s'agissant d'applications web qui permettent, moyennant le paiement d'un abonnement mensuel , un accessibilité à partir de n'importe quel ordinateur.

L'existence de deux solutions techniques différentes permettant l'accès aux logiciels de chacune des sociétés n'implique pas pour autant l'impossibilité de copier les fonctionnalités des logiciels de la société Kereis.

Celle-ci produit une facture de la société Crediteo du 10 septembre 2016 établissant que celle-ci a eu recours à la société Otodoo, pour, notamment 'étudier l'ensemble du logiciel Altoffice' et de rédiger ensuite le cahier des charges fonctionnel du logiciel Crediteo..

La société Crediteo soutient qu'il s'agit uniquement d'une pratique dite de benchmarking, et d'analyse du produit concurrent, d'autant plus nécessaire qu'en l'espèce le produit développé par la société Kereis représente près de 70% du marché.

Toutefois, la société Kereis produit également les comptes-rendus de réunion internes de la société Crediteo, comportant notamment les éléments suivants :

- réunion du 7 juin 2017 : 'étude des concurrents : fournir les éléments pour savoir le détail de la transaction Altoffice',

- réunion du 22 janvier 2018 ' c'est ce que faisait Cifacil, c'était beaucoup plus simple, il suffit de suivre', , 'c'est comme cela dans Cifacil, il faut aller voir'

- (non daté - pièce 12) :' il faut s'inspirer des états Cifacil',

-(non daté pièce 13) : 'reprendre ce qu'il y avait dans Cifacil'

- réunion du 24 janvier 2020 avec Plurifinances ' faire comme dans le dossier Cifacil en voyant dans le dossier toutes les factures et règlement quand également paiement mandataire',

- réunion du 3 mars 2020 avec Plurifiances 'c'est important de pouvoir mettre une annotation (commentaires) dans l'affectation du CA pour le commissionnement du mandataire. Voir Cifacil',

- compte-rendu du 11 mars 2020 avec Plurifinances ' le bouton dupliquer est trop loin à gauche, ce qui fait que nous ne voyons pas le nom du dossier -il serait bien de faire comme dans Cifacil'

- compte-rendu du 18 mars 2020 'document simulation de financement de Cifacil. Document à définir et travailller',

- compte-rendu du 8 avril 20220 'l'information doit être affichée adans la DDP (demande de prêt) à côté de la date de mariage ajouter à + le lieu, comme dans DDP Cifacil',

- compte-rendu du 9 avril 2020 'voir la possibilité d'ajouter une case période d 'anticipation non plafonnée uniquement pour le PTZ. Voir comme Cifacil' 'Chiffres d'affaires (voir Cifacil).... voir extractions d'état de Cifacil, suivi de production, chiffre d'affaires',

- réunion du 28 avril 2021 ' reprendre ce qu'il y avait dans Cifacil'.

L'essentiel de ces comptes rendus concernent des réunions avec la société Plurifinances, courtier client de la société Kereis puis de la société Crediteo.

La société Kereis soutient que les comptes-rendus établissent que la société Crediteo a fini de parasiter les fonctionnalités des logiciels avec l'aide de cette société, alors que la société Crediteo fait valoir que la société Plurifinances après avoir voulu migrer vers la société Crediteo s'est rendu compte que de nombre de manipulations dont elle avait l'habitude avec les anciens logiciels de la société Kereis n'étaient plus possibles, ce qui a conduit la société Créditeo a apporter des améliorations à son logiciel.

Peu important le contexte dans lequel ont eu lieu ces réunions, il apparaît que la société Créditeo entend reprendre les fonctionnalités du logiciel de la société Kereis pour les clients qui en disposaient auparavant, au point que le compte-rendu de la réunion du 21 janvier 2021 comporte l'affichage d'une copie- écran du logiciel Cifacil pour illustrer les nouvelles fonctionnalités à développer dans le logiciel Crediteo.

La société Crediteo indique que le coût de création du logiciel a été de 487.907' et que la réalité et l'ampleur des investissements supportés confirme l'absence de tout parasitisme de sa part.

Le coût de développement du logiciel ne saurait toutefois suffire à exclure les copies établies par les pièces versées par la société Kereis.

Le jugement sera en conséquence infirmé, la reprise par la société Créditeo des fonctionnalités des logiciels de la société Kereis étant constitutif de faits de concurrence déloyale et de parasitisme.

Sur la copie de la carcasse de prêt

La carcasse est le document généré par le logiciel qui comporte la demande de prêt , comprenant les éléments relatifs au candidat emprunteur et au projet dont le financement est sollicité.

En l'espèce, il résulte d'un devis du 15 octobre 2018 que la société Créditeo a sollicité la société Otodoo pour 'la création de nouveaux champs pour carcasse type Alto'.

Selon le compte-rendu d'une réunion du 5 décembre 2018, il est fait état d'un 'cahier des charges nouveau documents demande de prêt' précisant qu'il est nécessaire de 'conserver la même police d'écritures que le modèle Alto', 'nous traiterons la demande de prêt comme Alto (...), ' couleurs : par défaut nous prendrons les mêmes couleurs qu'Alto pour un nouveau compte non paramétré', 'Bloc logo : même position qu'Alto... faire un test pour des logos carrés et rectangulaires pour garder les mêmes dimensions qu'Alto', 'Bloc coût de projet : créer le même trait qu'Alto....' 'Bloc dépenses : liste des cas à reproduire d'Alto'.

La société Créditeo ne reprend donc pas uniquement les mêmes informations que le logiciel Alto, mais recopie la carcasse en reprenant les mêmes polices d'écritures, les mêmes couleurs et les mêmes traits.

La société Crediteo fait valoir que la société Alto Informatique possédant 70% des parts de marché et qu'en réalité il existe un standard imposé de fait statistiquement par la société Kereis. Elle rappelle que malgré sa dénomination technique, il s'agit en fait simplement d'un document généré par le logiciel.

Il n'en reste pas moins qu'en reprenant la police d'écriture, les mêmes couleurs et le même trait, qui ne sont que des détails esthétiques indépendants des fonctionnalités de l'outil la société Crediteo a recopié de manière servile la carcasse réalisée par la société Kereis et a donc également commis une faute constitutive d'une concurrence déloyale.

Copie du modèle de données de Cifacil et importation des bases de données Cifacil

La société Kereis fait valoir que la société Crediteo propose une fonctionnalité d'exportation des données issues d'AltOffice et de Cifacil sur son site internet et que pour y procéder elle a nécessairement accédé illicitement à la structure propriétaire des fichiers de données Kereis, puisque ces données sont enregistrées sous un format '.ldr', création propre de la société Kereis, dont l'accès n'est pas autorisé aux tiers.

La société Kereis s'appuie sur plusieurs compte-rendu de réunion qui font état ce que 'Crediteo doit créer un nouvel import fichier Cifacil ' ( réunion du 23 juin 2020), ' 136 dossiers récents ne se retrouvent pas dans Créditeo et son présents dans Cifacil' ('réunion du 28 septembre 2020) 'il a été proposé d'utiliser un fichier Excel pour comparer l'export Créditeo à l'export Cifacil et d'éliminer les doublons Cificacil' 'réunion du 10 novembre 2020) 'il faudra synchroniser de nouveau Crediteo et Cifacil plutôt que d'avoir une perte de données. Transfert de données (1 mois) et faire une agence test dans un premier temps' .

La société Crediteo fait valoir qu'elle s'est contentée de reproduire les copies qui s'affichaient sur les postes de ses clients opérant une migration de données depuis des logiciels sous licence de la société Alto Informatique.

Les éléments du dossier ne permettent pas, en l'absence de précisions techniques, d'établir la nature des copies réalisées par la société Crediteo et notamment si elle a procédé à la copie de données dont l'accès n'était pas autorisé aux tiers et il n'y aura pas lieu de retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale sur ce point.

Sur le démarchage de clients

La société Kereis soutient que la société Crediteo a adressé à des clients d'Alto des 'Packs Alto' et des 'offres spéciales Alto Informatique', cherchant à créer une confusion entre les parties, puisqu'elle ne s'explique pas sur la reproduction de la dénomination et du logo Alto Informatique.

La société Créditeo fait valoir qu'à supposer que ces documents aient biens été saisis dans ses locaux, il peut s'agir de documents internes utilisés par des commerciaux pour visualisation des arguments de vente et propositions à des utilisateurs qui seraient déjà clients de la société Alto Informatique, aucun démarchage n'étant au surplus étayé.

Sur ce point le premier juge a retenu l'absence de tout élément probant de nature à démontrer que la société Crediteo aurait effectué des opérations de démarchage déloyal des clients de la société Alto, ce qui est exact les deux seules pièces produites ne suffisant pas à en justifier.

Il n'y aura donc pas lieu de retenir l'existence d'actes de concurrence déloyale sur ced point.

Le jugement sera toutefois infirmé dès lors qu'on été retenus des actes de concurrence déloyale au titre de la copie des fonctionnalités des logiciels de la société et de la carcasse du prêt.

4 -Sur les demandes de la société Kereis

La société Kereis demande qu'il soit ordonné à la société Crediteo de cesser la commercialisation du logiciel Crediteo, mesure qui est de nature à mettre fin aux actes de concurrence déloyale.

Par ailleurs, la société Kereis fait valoir que la concurrence déloyale se traduit par la perte d'une partie de la clientèle , qu'elle soit actuelle ou potentielle, aucun élément n'étant toutefois produit qui permettrait d'apprécier l'étendue de cette perte, même si elle est réelle dès lors que le logiciel de la société Crediteo a bien été diffusé. Elle sollicite la somme de 250.523' sans toutefois s'expliquer le mode de calcul de cette somme.

Elle ajoute que le préjudice né d'un acte de concurrence déloyale ou parasitaire se caractérise par la perte de rentabilité des investissements et indique que sur les années 2020 et 2021, l'investissement global a été de 342.000'.

Elle fait enfin valoir que le préjudice découle de la banalisation de l'élément copié qui entraîne une dévalorisation de l'image de la société, la société Kereis et sollicite la somme de 15000' à ce titre, sans toutefois préciser en quoi l'image de la société est dévalorisée et ajoute la même somme au titre du trouble commercial qui s'infère nécessairement selon elle de l'acte de concurrence déloyale.

Les acte de concurrence déloyales et de parasitisme de la société Crediteo sont de nature à engendrer les différents préjudices relevés par la société Kereis, sous les réserves précédemment énoncées et la cour est tenue d'indemniser le préjudice en résultant au vu des éléments dont elle dispose.

Compte-tenu des différents éléments précédemment rappelés, il y aura lieu d'évaluer le préjudice global à la somme de 150.000'.

Par ailleurs, il y a lieu d'ordonner la publication d'un communiqué reprenant le dispositif de la présent décision, par extrait, en haut de page du site internet de la société Crediteo.

La somme de 15000' sera allouée à la société Kereis au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DONNE acte à la société Kereis de sa déclaration de créance au passif de la société Créditeo,

CONSTATE la reprise de l'instance,

DONNE acte à la société Kereis de son assignation en intervention forcée de la société [R] [X], SCP de mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [R] [X], es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire da la société Crediteo,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONSTATE les agissement fautifs commis par la société Crediteo sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ;

En conséquence :

ORDONNE à la société Crediteo la cessation de la commercialisation du logiciel Crediteo;

FIXE la créance de la société Kereis au passif de la société Crediteo à la somme de 150000' à titre de dommages et intérêts ;

ORDONNE la publication d'un communiqué reprenant le dispositif du jugement à intervenir, en totalité ou par extrait, en haut de la page du site internet www.crediteo.co ou de tout autre site édité par la société Crediteo, dans une police de caractères noirs et de 16 pixels minimum, avec l'intégralité du dispositif immédiatement visible et dans un cadre minium de 800 pixels en largeur et 600 pixels en hauteur, dans un délai de 8 jours suivant signification de la présente décision et pour une période d'un mois sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard.

CONDAMNE la société Crediteo à payer à la société Kereis la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Crediteo aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Frédéric Sardain, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Patrice BOURQUIN, Président à la cinquième chambre commerciale , à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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