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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 avril 2025, n° 22/02438

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA), Athena (SELARL), Expert Solution Energie (SAS)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA), Athena (SELARL), Expert Solution Energie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Vallée, Mme Lamarque

Avocats :

Me Plouton, Me Maxwell, Me Cuif, Me Lebas

TJ Bordeaux, Juge des contentieux de la …

24 mars 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1 - Suivant un bon de commande n°32848, signé le 4 avril 2019, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [L] [P] a commandé auprès de la SAS Expert Solution Energie une station photovoltaïque de production d'électricité, notamment composée de 8 panneaux et d'une pompe à chaleur, moyennant un prix total de 25 200 euros.

2 - Une offre de prêt datée du même jour était émise par la SA BNP Paribas Personal Finance pour ce même montant, afin de financer cette opération.

3 - Mme [P] allègue diverses irrégularités formelles au regard des exigences posées par le code de la consommation, notamment l'absence d'information précontractuelle et diverses imprécisions sur le bon de commande.

4 - Par acte d'huissier 3 août 2020, Mme [P] a fait assigner la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, avant-dire droit, de voir suspendre son obligation de paiement à I'égard de la société BNP Paribas Personal Finance, jusqu'à la date de règlement du litige au fond et, au fond, obtenir la nullité du contrat Expert Solution Energie, sans frais supplémentaires ainsi que la nullité du contrat de prêt sans frais supplémentaires.

5 - Par jugement du 7 juillet 2021, la société Expert Solution Energie a été placée en liquidation judiciaire. Mme [P] a fait assigner la SELARL Athena, désignée en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire.

6 - Par jugement contradictoire du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande formée par Mme [P] tendant à la suspension du remboursement des échéances de prêt laquelle est sans objet ;

- rejeté les demandes formées par Mme [P] et tendant au prononcé de la nullité et de la résolution judiciaire du contrat Expert Solution Energie et du contrat de prêt consenti par la société BNP Paribas Personal Finance, ainsi que les demandes subséquentes relatives aux restitutions consécutives ;

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de Mme [P] tendant à la réparation par la société Expert Solution Energie d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral ;

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance formées à titre subsidiaire, en cas de prononcé de la nullité ou de la résolution du bon de commande et, corrélativement, de la nullité ou de la résolution du contrat de crédit accessoire ;

- condamné Mme [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 27 097,45 euros, au titre du contrat de crédit n°4233 066 163 9002, avec intérêts au taux contractuel de 4,84% à compter du 19 octobre 2020 ;

- rejeté les demandes formées en application de I'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [P] aux dépens ;

- rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

7 - Mme [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 19 mai 2022, en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande fondée par Mme [P] tendant à la suspension du remboursement des échéances de prêt laquelle est sans objet ;

- rejeté les demandes formées par Mme [P] et tendant au prononcé de la nullité et de la résolution judiciaire du contrat Expert Solution Energie et du contrat de prêt consenti par la société BNP Paribas Personal Finance, ainsi que les demandes subséquentes relatives aux restitutions consécutives ;

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de Mme [P] tendant à la réparation par la société Expert Solution Energie d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral ;

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance formées à titre subsidiaire, en cas de prononcé de la nullité ou de la résolution du contrat de crédit accessoire ;

- condamné Mme [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 27 097,45 euros au titre du contrat de crédit n°4233 066 163 9002, avec intérêts au taux contractuel de 4,84% à compter du 19 octobre 2020 ;

- rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [P] aux dépens ;

- rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

8 - Par dernières conclusions déposées le 22 octobre 2024, Mme [P] demande à la cour d'infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

au fond, à titre principal :

- prononcer la nullité du contrat Expert Solutions Energie pour manquement aux dispositions relatives au démarchage, sans frais supplémentaires pour Mme [P] et/ou pour dol ;

- prononcer la nullité du contrat Cetelem (BNP Paribas) de plein droit sans frais supplémentaires pour Mme [P] et/ou la nullité pour dol ;

- juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne pourra prétendre à quelque restitution des fonds prêtés que ce soit en conséquence de la faute commise à l'encontre de la concluante ;

- condamner le cas échéant la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [P] toute somme versée en exécution du contrat de crédit affecté ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Expert Solution Energie la somme de 1 290 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Expert Solution Energie la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

À titre subsidiaire :

- prononcer la résolution judiciaire du contrat Expert Solution Energie pour inexécution contractuelle ;

- prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de prêt souscrit auprès de la SA Cetelem (BNP Paribas) ;

- juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne pourra prétendre à quelque restitution des fonds prêtés que ce soit en conséquence de la faute commise à l'encontre de la concluante ;

- condamner le cas échéant la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [P] toute somme versée en exécution du contrat de crédit affecté ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Expert Solution Energie la somme de 1 290 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Expert Solution Energie la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

9 - Par dernières conclusions déposées le 27 novembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

à titre principal :

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement rendu le 24 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux (RG n°20/01728) en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire, en cas d'annulation ou de résolution du contrat de crédit affecté :

- condamner Mme [P] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 25 200 euros correspondant au capital emprunté ;

- débouter Mme [P] du surplus de ses demandes.

En tout état de cause :

- condamner Mme [P] à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

10 - Par dernières conclusions déposées le 28 mars 2024, la société Athena es qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert Solution Energie demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 24 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions ;

- débouter purement et simplement Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [P] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

11 - L'affaire initialement fixée à l'audience rapporteur du 2 décembre 2024 a été renvoyée à l'audience du 13 mars 2025.

12 - L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la demande en nullité du bon de commande

13 - L'appelante soulève des irrégularités formelles au regard des exigences posées par les articles L. 221-8, L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, prescrites à peine de la nullité conformément l'article L. 242-1 du même code :

- l'absence d'information précontractuelle avant la signature du contrat, soutenant que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge cette obligation est bien prévue à l'article .L. 221-5, dont le renvoi par l'article L. 221-9 du code de la consommation en fait une obligation à respecter à peine de nullité,

- l'absence de précision dans la désignation de la nature et des caractéristiques essentielles du bien ou du service, le bon de commande étant un formulaire prérempli sur lequel le vendeur a inscrit le matériel en cochant des cases. Le bon de commande ne mentionne pas le prix de chaque produit mais uniquement le prix total du kit photovoltaïque et de la pompe à chaleur Pac'system, ne précise pas la nature et les caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ni le type de cellule mono ou polycristallins,

- l'absence de mentions relatives au prix de vente,

- le manquement aux règles relatives à la faculté de renonciation.

14 - La société BNP Paribas Personal Finance et la société Athena sollicitent la confirmation du jugement déféré soutenant que Mme [P] a signé le bon de commande et a pris connaissance des conditions générales de vente imprimées au verso et que les caractéristiques ayant déterminé son consentement étaient bien mentionnées aux termes du bon de commande, n'ayant demandé aucune explication supplémentaire avant de faire installer les panneaux.

Sur ce :

15 - En matière de souscription d'un contrat par démarchage à domicile, le vendeur est tenu de respecter les conditions prévues aux articles L.221-5 du code de la consommation s'agissant des informations préalables à porter à la connaissance des acquéreurs avant signature du con de commande, et L. 111-1 du même code relatif aux dispositions devant figurer sur le bon de commande.

16 - Les dispositions pré-citées du code de la consommation ne font pas de l'absence d'information précontractuelle une cause de nullité du contrat de vente, mais à tout le moins une perte de chance de ne pas signer le contrat, l'intimée ayant au surplus certifié avoir reçu avant la signature du contrat toute information susceptible de l'intéresser sur les caractéristiques du bien, produit et service et notamment une brochure détaillée qu'elle produit aux débats.

17 - Comme l'a parfaitement rappelé le premier juge, le prix de chacun des éléments constituant le 'kit' panneau photovoltaïque ne constitue pas une information substantielle au sens de l'article 7, § 4, de la directive CE 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur susceptibles de rendre nul le contrat de vente.

18 - S'agissant du délai de rétractation de 14 jours, le contrat doit mentionner de façon apparente la possibilité de se rétracter, le contrat devant par ailleurs reprendre la retranscription des articles du code de la consommation.

19 - Le bordereau de rétractation auquel renvoi l'article L. 221-5 du code de la consommation doit répondre au formalisme édicté par l'annexe de l'article R. 221-1 du même code :

'(Veuillez compléter et renvoyer le présent formulaire uniquement si vous souhaitez vous rétracter du contrat.)

A l'attention de [le professionnel insère ici son nom, son adresse géographique et, lorsqu'ils sont disponibles, son numéro de télécopieur et son adresse électronique] :

Je/nous (*) vous notifie/notifions (*) par la présente ma/notre (*) rétractation du contrat portant sur la vente du bien (*)/pour la prestation de services (*) ci-dessous :

Commandé le (*)/reçu le (*) :

Nom du (des) consommateur(s) :

Adresse du (des) consommateur(s) :

Signature du (des) consommateur(s) (uniquement en cas de notification du présent formulaire sur papier) :

Date :

(*) Rayez la mention inutile.'

20 - Force est de constater que le bordereau situé en bas du bon de commande signé par Mme [P] n'est pas conforme à cette présentation, même s'il est facilement identifiable par une ligne en pointillé, le code de la consommation n'imposant pas son pré-découpage. Toutefois, ce bon de rétractation réunit sur une même face l'adresse d'envoi et les modalités d'annulation de la commande et sur l'autre face, des stipulations contractuelles dont la faculté de rétractation, alors que le formulaire détachable destiné à faciliter pour le client la faculté de rétractation doit comporter sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé et sur l'autre face, les modalités d'annulation de la commande, aucune autre mention que celles visées par les textes ne pouvant figurer sur le formulaire.

Par ailleurs, les articles information prévues par l'annexe à l'article R. 221-3 du même code sont bien indiquées également et notamment 'Le délai de rétractation expire quatorze jours après le jour (1), mais sur une autre page que ceux du bon de rétractation.

21 - De sorte que le bon de commande n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation.

22 - De même, le bon de commande, précisait que la commande portait sur une offre 'GSE transition écologique' pourtant sur :

'- 8 modules photovoltaïque, de type 'GSE Solar',

- des cellules mono cristallin,

- le cadre de couleur noir,

- un ondulateur/microondulateur

- un kit 'GSE intégration'

- un pack GSE Pac'System'

- un pack GSE led

- un pack 'GSE e-connect'

- un pack batterie de stockage

- un produit Enphase technologie LFP'.

23 - Le bon de commande ne précise aucune dimension des panneaux, aucune capacité ni puissance individuelle ou totale et ne mentionne aucune marque des produits. Contrairement à ce que soutient la société Athena en sa qualité de liquidateur judiciaire, il n'appartenait pas à Mme [P] de demander plus d'informations mais à la société Expert solution énergie de donner à l'acheteur toutes les informations essentielles pour signer son engagement en connaissance de cause.

24 - La connaissance du nombre et par conséquent de la taille de chacun des panneaux en fonction de leur puissance, le nombre d'ondulateurs sont des éléments essentiels permettant à un consommateur avisé de procéder à un comparatif avec d'autres marques éventuelles et de se décider en toutes connaissances de cause, chaque module devant être compatible avec le système de fixation choisi et sa mise en oeuvre.

25 - Si la facture du 21 mai 2019 détaille la puissance électrique de 2,44 KWC et la puissance thermique totale de 3420 W , un kit de production électrique d'une puissance de 2,44 KWC outre 8 micro-onduleurs, la pompe à chaleur air.eau d'une puissance thermique de 2,80KW, rien ne permet de vérifier que ces éléments livrés et installés étaient conformes à ce qui avait été souscrit dans le bon de commande.

27 - Ni sur le bon de commande, ni sur la facture ne sont précisée la marque des appareils alors que celle-ci est bien une caractéristique essentielle du contrat (Cass, 2ème civil, 24 janvier 2024, n° 21-20.691).

28 - Après une analyse complète des éléments et pièces soumis, et conformément aux articles L. 221-5, L 111-1 et l'article R 221-1 du code de la consommation dans leur version applicable en l'espèce, les moyens de nullité tirés de la non conformité du bon de rétractation et de l'absence de précision sur la nature et les caractéristiques du contrat sont fondés.

29 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

II - Sur la confirmation de la nullité du contrat de vente

30 - Se basant sur les conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande et reproduisant l'ensemble des dispositions du code de la consommation, dont elle a signé le paragraphe indiquant qu'elle avait pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions, le liquidateur judiciaire soutient que Mme [P] avait connaissance des vices affectant le contrat et qu'elle a par plusieurs actes positifs non équivoques échelonnés dans le temps confirmé l'installation purgeant ainsi tout vice, ne s'étant jamais rétracté, n'ayant jamais sollicité d'information complémentaire, en ayant laissé la société Expert Solution Energie réaliser les démarches administratives, posé et installé la centrale, en ayant signé le certificat de livraison et autorisé le déblocage des fonds, en procédant au remboursement d'échéances du contrat de crédit et en percevant des sommes au titre de sa production.L'exécution volontaire du contrat ne peut en valoir confirmation qu'à la double condition que le consommateur ait la connaissance précise du vice affectant l'acte et que soit caractérisée sa volonté non équivoque de couvrir ce vice. Il appartient à la société qui l'allègue de le démontrer, cela ne se présumant pas.

Sur ce :

31 - En l'espèce, le contrat reproduit au verso du bon de commande les dispositions des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26 du code de la consommation. Mais Mme [P] n'avait pas forcément conscience que son contrat était entaché d'irrégularités en ce que la nature et la description du matériel étaient insuffisantes et ne pouvaient pas avoir connaissance de ce que ces irrégularités étaient cause de nullité du bon de commande.

32 - La lecture de ces dispositions et le caractère imprécis des mentions au contrat de vente ne permettaient donc pas d'alerter un consommateur normalement attentif sur les omissions du bon de commande, quant aux caractéristiques essentielles des biens offerts, aux conditions d'exécution du contrat et aux modalités de paiement.

33 - Par ailleurs, rien ne permet de considérer que Mme [P] ait jamais, même implicitement, renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat de vente, un bon de fin de travaux produit en date du 21 mai 2019 est une fiche rédigée en termes très généraux, ne reprenant pas le descriptif du bon de commande, et dans lequel Mme [P] reconnaît avoir été installée 'désignation : photovoltaïque' ainsi qu'une attestation de livraison à destination de la banque, sur un encart de 5 cm sans date sur le jour de la livraison, aucune mention manuscrite en dehors de la date, de la ville et sa signature. Cette fiche a pour objet de prononcer ainsi la réception sans réserve et dans le même feuillet de demander le déblocage des fonds. Ces deux documents que sont le bon de fin de travaux et la fiche d'attestation de livraison ne sont toutefois pas assez précises sur la connaissance de la conformité de l'installation dans ses détails, Mme [P] ayant fait au surplus procédé le 3 décembre 2019 à une étude technique de son installation photovoltaïque faisant apparaître notamment des défauts de conformité qui ont pu l'alerter. Si cette expertise régulièrement versée aux débats ne constitue pas une expertise judiciaire, elle est toutefois soumise à la discussion contradictoire des parties, et constitue un élément de preuve de l'absence de volonté non équivoque de Mme [P] de ratifier le bon de commande.

34 - Ainsi, les circonstances invoquées par l'intimée selon lesquelles Mme [P] n'a pas exercé son droit de rétractation et a régulièrement exécuté ses obligations souscrivant un contrat de rachat de l'électricité ne suffisent pas à établir la volonté de couvrir les irrégularités affectant le contrat de vente et alors même qu'elle n'a réglé aucune échéance.

35 - Il convient en conséquence de prononcer la nullité du bon de commande du 4 avril 2019.

36 - Le jugement sera infirmé de ce chef.

III - Sur la nullité du contrat de crédit

37 - Conformément à l'article L. 312-55 du Code de la consommation, dans sa version postérieure à l'application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le contrat de crédit souscrit par Mme [P] auprès de BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société CETELEM sera annulé de plein dès lors que le contrat en vue duquel il a été conclu a été lui-même judiciairement annulé.

38 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

IV - Sur les restitutions

39 - Mme [P] soulève la faute de la banque pour s'opposer à la restitution des fonds libérés à la banque en ce qu'elle a délivré les fonds en l'absence d'attestation de fin de travaux, au seul visa du certificat de livraison et en l'absence d'exécution complète de la prestation prévue au contrat, ne s'étant pas assurée de la mise en service de l'installation, n'a pas procédé aux vérifications attentives du prestataire de services au regard de son expérience des litiges existants à son égard et n'a pas vérifié la régularité du bon de commande qui était entaché de nullité.

40 - Elle fait valoir son préjudice consistant en la souscription d'un crédit pour l'installation d'un matériel dont devait permettre de diminuer sa consommation d'électricité alors que ces factures sont en augmentation mais également de la situation de la société en liquidation judiciaire qui ne pourra donc pas lui restituer le prix auprès du vendeur, l'installation expertisée en 2019 ayant par ailleurs constaté l'absence d'étanchéité, de non conformité en ce que le nombre de panneaux posés plus important que celui déclaré aurait dû conduire à déposer une demande de permis de construire en amont de l'installation et d'une absence de rentabilité, aucune convention d'autoconsommation n'ayant été signée.

41 - La banque conteste l'existence d'une faute dans le déblocage des fonds que lui a demandé expressément l'appelante, n'ayant pas été informée de la modification du contrat passé avec la société vendeuse d'une revente du surplus de l'électricité, le bon de commande ne faisant état que d'une auto-consommation, ni d'un préjudice en lien avec une faute qu'elle aurait commise, les panneaux et la pompe à chaleur fonctionnant, la rentabilité économique n'étant pas une condition contractuelle.

Sur ce :

42 - Du fait de l'annulation rétroactive du contrat, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

43 - Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal au regard des dispositions régissant le démarchage du domicile principal ou de l'exécution complète de la prestation convenue, préalablement au déblocage des fonds, peut être privée en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

44 - Il n'est pas contesté que la banque a versé la somme de 25.200 euros à la société Expert Solution Energie, conformément à l'offre de crédit souscrite sans que Mme [P] ne rembourse aucune mensualité.

45 - Compte tenu de l'annulation du contrat de vente, Mme [P] n'est plus propriétaire de l'installation qu'elle avait acquise, laquelle doit être restituée au vendeur, qui ne peut toutefois pas être ordonnée, la société étant en liquidation judiciaire et la SELAR Athéna n'en sollicitant pas la restitution dans le cadre de la procédure collective en cours.

46 - En l'espèce, il ressort du bon de commande imprécis, que la banque, qui est une professionnelle du crédit et notamment affecté à l'achat et l'installation de panneaux photovoltaïque n'a pas procédé aux vérifications du bon de commande alors qu'elle était en capacité de relever qu'il était susceptible de nullité au regard du caractère très lacunaire de la description du matériel ne comportant aucune marque ni aucune indication de puissance.

47 - Par ailleurs, la banque a commis une seconde faute en libérant les fonds de l'offre de crédit affectée à l'installation d'un kit de panneaux photovoltaïque sur la base d'un certificat de livraison ne pouvant valoir attestation de livraison pré-rédigée et imprécise, ne comportant aucune mention propre à Mme [P]; comportant dans le même formulaire la demande de financement signée par l'emprunteur le 21 mai 2019 insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé,

48 - La banque ne pouvait en effet ignorer que de tels travaux sont soumis à autorisation administrative. Or, l'attestation dont elle se prévaut est signée le 21 mai 2019, soit un mois et demi après la commande ne pouvait permettre à la banque de considérer que la prestation était complètement exécutée, puisqu'une telle exécution était juridiquement impossible au jour où elle était signée.

49 - Il se déduit par ailleurs de la date à laquelle la banque a débloqué les fonds le 29 mai 2019 que l'installation ne pouvait encore être en état de fonctionnement puisque le raccordement à ERDF n'est intervenu que le 18 mars 2021 alors que le prix du bon de commande incluait les démarches administratives et les frais de raccordement au réseau ERDF et que n'est produite aucune attestation de fin de travaux. La Banque a ainsi omis de s'assurer de l'exécution par la société des démarches administratives nécessaires préalables, telle que la souscription effective au contrat d'achat EDF.

50 - En procédant à un déblocage des fonds aussi rapidement, c'est-à-dire seulement 6 semaines après la date de souscription du contrat principal, suite à la délivrance d'une attestation de livraison lapidaire, se bornant à indiquer que la réception était prononcée sans réserve, la banque a commis une faute puisqu'il lui appartenait, en tant que professionnel spécialisé dans les opérations de crédit affectées dans le cadre de démarchage à domicile, de procéder à des vérifications supplémentaires visant à s'assurer que l'ensemble des prestations avaient été réalisées par la société et notamment le raccordement au réseau ERDF, alors qu'il ressort des pièces produites que celui-ci n'était pas réalisé, pas plus que la mise en service de l'installation, de sorte que l'exécution de la prestation n'était pas conforme au contrat souscrit puisqu'elle n'était que partielle, ce qu'était en mesure de vérifier la banque.

51 - Dès lors, le défaut de vérification par le prêteur de la formation et de l'exécution du contrat de vente avant de le financer a participé à la nullité de ce contrat entaché d'erreurs manifestes et est de nature à priver la société BNP Paribas Personal Finance de sa créance de restitution, sous réserve de la démonstration par Mme [P] d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute de la banque et ce préjudice.

52 - Mme [P] produit un rapport d'expertise faisant état d'une valeur de prise de terre insuffisante, d'absence d'écran sous toiture ne respectant pas l'étanchéité, de pièces et documents relatifs au dossier absents, avec un risque de fuite d'absence de demande préalable de travaux. Mais ces défauts étanchéité et d'installation sont sans lien avec les fautes commises par la banque, ce préjudice découlant d'une mauvaise installation.

53 - En revanche, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est insolvable.

54 - En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit être restituée au vendeur à charge pour lui de venir récupérer le matériel et de procéder à ses désinstallation à ses frais, peu important que Mme [P] dispose ou non d'une centrale photovoltaïque fonctionnelle.

D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.

55 - Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

56 - Il s'ensuit en l'espèce que Mme [P] a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.

57 - En conséquence, la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à restituer à Mme [P] l'ensemble des sommes éventuellement versées en exécution du crédit affecté conclu le 4 avril 2019, et la société BNP Paribas Personal Finance débouté de sa demande en resituttion du capital emrpunté, le jugement étant infirmé en ce sens.

V - sur la demande en dommages et intérêts

58 - Mme [P] sollicite la fixation au passif de la société Expert Solution Energie des sommes de 1.290 euros en réparation de son préjudice de jouissance, et 3.000 euros au titre de son préjudice moral à s'être aperçue victime de manoeuvres frauduleuses.

59 - Toutefois, Mme [P] ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui résultant des irrégularités du contrat de vente et du comportement fautif de la banque, déjà réparé par la nullité des deux contrats et la dispense de toute restitution des sommes empruntées à la banque.

60 - Ses demandes seront donc rejetées et le jugement déféré confirmé de ce chef.

VI - Sur les dépens et les frais irrépétibles

61 - la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, laquelle sera condamnée à verser à Mme [P] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

62 - Les dépens engagés par la société Expert Solution Energie seront mis à la charge de la liquidation mais eu égard à la situation de celle-ci, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts à l'égard de la société Expert Solution Energie pour trouble de jouissance et préjudice moral,

Prononce la nullité du contrat de vente souscrit avec la société Expert Soution Energie le 4 avril 2019,

Prononce la nullité du contrat de prêt affecté souscrit auprès de CETELEM, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance,

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en restitution de la somme de 25.200 euros correspondant au capital emprunté,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [P] l'ensemble des sommes éventuellement versées en exécution du crédit affecté conclu le 4 avril 2019,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Mme [P] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société Expert Solution Energie,

Dit que les dépens engagés par le liquidateur société Athena seront supportés par la liquidation judiciaire de la société Expert Solution Energie représentée par la société Athena

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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