Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 24 avril 2025, n° 23/15956

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Vice-président :

Mme Ougier

Conseiller :

Mme Vincent

Avocats :

Me Alligier, Me Gimalac, Me Court-Menigoz

Aix-en-Provence, ch. 3-4, du 11 mars 202…

11 mars 2021

FAITS ET PROCEDURE

L'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11] -ci-après l'ACOR- a notamment pour objet, outre l'exercice du culte orthodoxe, la gérance du capital, des biens meubles et immeubles lui appartenant.

Par jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 18 mai 2017, elle a été placée en redressement judiciaire, M. [L] [A] et Mme [C] [E] étant nommés respectivement administrateur et mandataire judiciaires.

Par ordonnance sur requête du même jour, Mme [T] [Z] a été désignée mandataire ad hoc pour l'exercice des droits propres de l'ACOR dans le cadre de sa procédure collective.

Par exploits des 22 et 23 novembre 2017, l'ACOR et ses mandataires judiciaires ont assigné M. [O] [G], président en exercice de l'association, et Mme [Z] ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Grasse, en remboursement par le premier d'un montant de 100'000 euros figurant en débit sur le compte bancaire de l'association en décembre 2013 à son profit.

Mme [U] [F] et M. [J] [D], membres du conseil d'administration disant avoir entériné le prêt octroyé à M. [G], sont intervenus volontairement en l'instance par conclusions du 7 janvier 2018.

Par jugement du 30 janvier 2018, le tribunal a

- reçu l'intervention volontaire de Mme [F] et M. [D],

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. [G],

- déclaré recevable l'action de M. [A], ès qualités d'administrateur judiciaire de l'ACOR,

- constaté l'existence d'un contrat de prêt conclu entre l'ACOR et M. [G] le 15 décembre 2013,

- rejeté la demande de restitution des fonds de l'ACOR représentée par M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire et Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire, fondée sur l'absence de justification d'un contrat de prêt,

- rejeté la demande de nullité du contrat de prêt formée par l'ACOR représentée par M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire et Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire,

- condamné M. [O] [G] à payer à l'ACOR représentée par M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 16'949,29 euros en remboursement du solde du prêt de 100'000 euros octroyé le 15 décembre 2013,

- dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2017,

- dit n'y avoir lieu à donner acte à M. [A] de ses réserves quant à la qualification juridique relevant de l'appropriation des fonds de l'ACOR par M. [G],

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'ACOR et Mme [C] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de cette association ont relevé appel de cette décision par déclaration du 5 mars 2018.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a prononcé la liquidation judiciaire de l'ACOR et désigné Mme [C] [E] en qualité de liquidateur judiciaire.

Après intervention de ce liquidateur judiciaire en l'instance, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 11 mars 2021,

- dit que le jugement déféré a force de chose jugée en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. [G], et en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire de l'ACOR,

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de Mme [F] et M. [D], et en ce qu'il a constaté l'existence d'un contrat de prêt conclu entre l'ACOR et M. [G] le 15 décembre 2013,

- l'a infirmé pour le surplus,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que Mme [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'ACOR et Mme [Z] ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR ont qualité à agir au titre de ladite association,

- dit que l'action introduite par l'ACOR, M. [A] ès qualités d'administrateur provisoire et Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire n'est pas prescrite,

- dit que le prêt de 100'000 euros consenti le 15 décembre 2013 par l'ACOR à M. [G] est nul,

- condamné au titre de la remise en état des parties, après compensation, M. [G] à payer, en deniers ou quittances, à l'ACOR représentée par Mme [E] ès qualités de liquidateur judiciaire et par Mme [T] [Z] ès qualités de mandataire ad hoc, la somme de 71 383,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2017,

- débouté M. [G], Mme [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'ACOR et l'ACOR de leurs demandes de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. [G] à payer à Mme [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'ACOR et à Mme [Z] ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR, la somme de 1500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de M. [G] et par arrêt du 5 octobre 2023, la Cour de cassation a annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 11 mars 2021 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, rejetant les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnant Mme [E] ès qualités aux dépens.

Par déclaration du 27 décembre 2023, l'ACOR et la SELARL [E] [N] prise en la personne de Mme [C] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de l'ACOR, ont saisi la cour de renvoi.

Par exploits des 21, 22 et 23 février 2024, l'ACOR et la SELARL [E] [N] ès qualités ont fait délivrer assignation portant dénonce de la déclaration de saisine à M. [G], Mme [F], Mme [Z] ès qualités et M. [D].

Mme [F] et M. [D] ont seulement constitué avocat et conclu en première instance, mais reçu assignation portant dénonce de la saisine après arrêt de renvoi de la Cour de cassation, respectivement le 21 et 23 février 2024. L'arrêt rendu est donc réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2024.

Après la clôture, le 18 juin 2024, la SELARL [Z] ' Les Mandataires représentée par Mme [T] [Z] ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR a notifié de nouvelles écritures par voie électronique, sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture et réitérant les mêmes prétentions, sauf à porter sa demande au titre des frais irrépétibles à 3'500 euros.

L'affaire a été fixée en application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile à la date du 2 juillet 2024. Le dossier a été plaidé à cette date et mis en délibéré au 24 octobre 2024. Le délibéré a été prorogé. Le magistrat en charge du dossier ayant quitté ses fonctions sans avoir statué, la réouverture des débats a été ordonnée et l'affaire fixée au 11 février 2025. L'affaire a été retenue à cette date et mise en délibéré au 24 avril 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 mars 2024, l'ACOR et Mme [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de cette association, appelants, demandent à la cour de

- juger que les intimés [G], [F] et [D] n'ont pas formé appel du jugement du 30 janvier 2018 ni sollicité la réformation et ou l'infirmation du jugement déféré, de sorte que leurs conclusions d'intimés du 17 septembre 2018 ne peuvent être considérées comme des conclusions d'appel incident au visa des articles 909, 542, 561 et 562 du code de procédure civile,

- juger que la saisine de la cour est limitée aux seuls chefs de l'appel formé par M. [A] et Mme [E] ès qualités sur l'existence, la validité et la nullité du prêt, ce qui exclut tout débat sur une prétendue nullité de l'assignation ou sur un quelconque excès de pouvoir,

à titre subsidiaire sur les demandes des intimés,

- confirmer le jugement du 30 janvier 2018 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'assignation et déclaré l'ACOR et Mme [E] ès qualités recevables en leur action,

sur l'appel principal et la réformation parte in qua du jugement,

- déclarer l'ACOR et Mme [E] ès qualités recevables et bien fondés en leur appel,

- infirmer le jugement du 30 janvier 2018 en ce que celui-ci a constaté l'existence d'un prêt formalisé par le document litigieux daté du 15 décembre 2013 intitulé « contrat de prêt sous seing privé »,

- juger ce document dénué de toute valeur probante et l'absence de contrat opposable à l'ACOR et permettant à M. [G] de revendiquer l'existence d'un prêt,

à titre subsidiaire

- infirmer le jugement du 30 janvier 2018 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de prêt,

- juger le contrat de prêt daté du 15 décembre 2013 non conforme à l'objet et la mission de l'association et insusceptible d'être valablement autorisé par une décision du conseil d'administration,

- annuler le contrat de prêt de 100 000 euros revendiqué par M. [G],

en tout état de cause,

- prononcer l'irrecevabilité de la mise en jeu par M. [G] de la compensation entre les prétendues avances de frais qu'il aurait exposées avec la créance de restitution de 100 000 euros,

- juger n'y avoir lieu à compensation,

- infirmer le jugement du 30 janvier 2018 en ce qu'il a validé la créance de frais revendiquée par M. [G] pour un montant de 68 050,17 euros et l'a affecté au paiement à due concurrence par compensation avec la créance de restitution de 100 000 euros,

- rejeter les demandes de M. [G] à hauteur de 68 050,17 euros dont il n'est pas justifié au demeurant qu'ils aient été exposés pour le compte de l'association ACOR,

- juger qu'en tout état de cause toute créance éventuelle qui serait reconnue au profit de M. [G] au titre de « frais » exposés pour le compte de l'ACOR ne peut au regard des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce que donner lieu à une fixation au passif de la procédure collective sans possibilité de compensation,

- condamner M. [G] à payer à l'ACOR la somme de 68 050,71 euros en capital au titre du remboursement du solde des 100 000 euros qu'il s'est attribué en décembre 2013,

- condamner M. [G] au paiement de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de sanctionner l'appropriation abusive des fonds de l'ACOR et d'indemniser le préjudice subi par cette dernière du fait de la privation de sa trésorerie,

- débouter les intimés [O] [G], [U] [F] et [J] [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions indemnitaires,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 10'000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 mars 2024, la SELARL [Z] - Les Mandataires, représentée par Mme [T] [Z], agissant ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR, intimée, demande à la cour de

- recevoir Mme [E] ès qualités en son appel,

- y faire droit,

- juger le contrat du 15 décembre 2013 produit par M. [G] dépourvu de valeur probante à l'encontre de l'ACOR,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de prêt entre l'ACORd et M. [G] et condamné M. [G] à payer 16 949,29 euros en principal à la liquidation judiciaire de l'ACOR,

- le réformer pour le surplus,

- prononcer la nullité dudit prêt,

- juger que l'approbation des comptes de l'ACOR ne dispense pas M. [G] de justifier de la réalité et de la légitimité des frais qu'il prétend avoir exposés pour le compte de l'association qu'il dirigeait,

- constater qu'il n'en justifie pas,

en conséquence,

- condamner en outre M. [G] à payer à la liquidation judiciaire de l'ACOR la somme complémentaire de 68 050,17 euros en principal,

- allouer 2 500 euros à la SELARL [Z] ès qualités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 avril 2024, M. [G], intimé, demande à la cour de

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a admis la recevabilité et la capacité du mandataire d'agir en annulation du contrat de prêt alors qu'il aurait dû solliciter l'autorisation de l'AG de l'ACOR, et remettre les parties en l'état avant le premier jugement,

- réformer le jugement et rejeter les demandes adverses en raison de la prescription de trois ans concernant les compensations entérinées par les décisions de l'AG de l'ACOR,

subsidiairement,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle reconnaît la légalité du prêt accordé par l'association intimée et la validité des preuves produites attestant de ce prêt,

- rejeter l'ensemble des prétentions des appelants comme non fondées,

- condamner solidairement l'ACOR, Mme [Z] et Mme [E] au paiement de 20'000 euros de dommages et intérêts à M. [G] en raison du caractère abusif de cette procédure,

- condamner les appelants aux dépens et à une indemnité de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [U] [F] et M. [J] [D] n'ont pas conclu.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture':

La SELARL [Z] ' Les Mandataires, ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR demande la révocation de l'ordonnance de clôture par des conclusions notifiées le jour même mais postérieurement à cette ordonnance.

Les autres parties n'ont formulé aucune observation sur cette demande.

Sur ce,

L'ordonnance de clôture a été notifiée aux parties par voie électronique le 18 juin 2024 à 11h48 et la SELARL [Z] ' Les Mandataires, ès qualités, a accusé réception de cette notification le même jour à 11h56.

Le 18 juin 2024, elle a notifié des conclusions par voie électronique à 16h43, et donc après cette clôture, reprenant ses précédentes prétentions sauf à porter sa demande au titre des frais irrépétibles à 3'500 euros, et demandant la révocation de l'ordonnance de clôture.

Etant observé que les dernières conclusions avant clôture avaient été notifiées par voie électronique le 16 avril 2024 par M. [G] et que les autres parties avaient ainsi disposé de deux mois pour y répliquer, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée par la SELARL [Z] ' Les Mandataires ès qualités, qui ne mentionne aucune cause grave, ne peut qu'être rejetée.

Les conclusions notifiées par ses soins le 18 juin 2024 sont donc irrecevables et la cour statue au regard de ses précédentes conclusions notifiées le 4 mars 2024.

II - Sur la saisine de la cour d'appel':

L'ACOR et la SELARL [E] [N] prise en la personne de Mme [C] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de l'ACOR concluent encore dans leurs dernières écritures à l'absence d'appel incident à défaut de demandes en réformation et ou infirmation du jugement déféré sur les dispositions relatives à la nullité de l'assignation et l'excès de pouvoir, faisant valoir que cette obligation résultait du décret Magendie du 9 décembre 2009.

Les autres parties n'évoquent pas ce point dans leurs écritures respectives.

Sur ce,

Par arrêt du 5 octobre 2023, la Cour de cassation a dit que l'application de la règle de procédure affirmée par son arrêt du 17 septembre 2020 (2è Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), dans la présente instance qui a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutit à priver M. [G] d'un procès équitable au sens de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et annulé pour ce motif l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 mars 2021.

Contrairement à ce qui est encore soutenu, cette règle jurisprudentielle résultait d'une interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'avait jamais été affirmée auparavant par la Cour de cassation dans un arrêt publié.

Cette règle n'étant ainsi pas applicable en l'instance, l'appel incident de M. [G] saisit valablement la cour.

Pour autant, il peut être noté qu'en l'état de ses dernières écritures, M. [G] ne soutient plus son moyen en nullité de l'assignation.

III - Sur la recevabilité de l'action engagée':

* M. [G] soutient tout d'abord que l'administrateur puis le liquidateur judiciaires de l'ACOR ne pouvaient agir pour remettre en cause un acte antérieur à la procédure collective ratifié par son dirigeant que sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce, et donc pour des actes pris pendant la période suspecte.

Or en l'espèce, le contrat de prêt litigieux est bien antérieur à la cessation des paiements de l'association, n'est pas un acte translatif ni un paiement, et il est régulier en la forme pour avoir été voté et approuvé par le conseil d'administration de l'association.

Il ajoute que les moyens soulevés tendent à remettre en cause des décisions de l'ACOR qui ont validé les remboursements de frais présentés par M. [G] en approuvant les comptes de l'exercice 2013, alors même que les actions en nullité de telles délibérations se prescrivent par trois ans en vertu de l'article L. 235-9 du code de commerce, et à défaut, selon la prescription quinquennale de droit commun, de sorte qu'ils ne sont pas recevables.

M. [G] demande également la réformation du jugement entrepris de ce chef, en faisant valoir que le mandataire aurait dû solliciter l'autorisation de l'AG de l'ACOR pour agir. Il soutient qu'à défaut d'une telle consultation préalable, l'action engagée porte atteinte aux « principes de gouvernance associative et aux intérêts des membres », et relève d'un excès de pouvoir de sa part.

* Les appelants considèrent que la prescription quinquennale de droit commun est seule applicable en l'espèce et que l'action engagée par exploits des 22 et 23 novembre 2017, aux fins de restitution de fonds perçus par virement bancaire en décembre 2013, n'est donc pas prescrite.

Ils contestent encore l'analyse de M. [G] en faisant valoir que M. [A] a été désigné administrateur judiciaire de l'ACOR avec mission d'administration, de sorte qu'il avait qualité à agir en justice au nom de cette association et pouvait notamment agir sur le fondement du droit commun en nullité d'un contrat de prêt qui n'est pas conforme à l'objet et la mission de l'association et insusceptible d'être autorisé valablement par une décision du conseil d'administration.

* La SELARL [Z] - Les Mandataires, ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR ne formule aucune observation sur la question de la prescription.

Elle observe que les actions en nullité de la période suspecte n'évincent pas les actions tirées du droit commun des contrats, actions que les mandataires judiciaires avaient qualité pour exercer dans leurs fonctions respectives.

Sur ce,

* Contrairement à ce qui est soutenu par M. [G], l'action engagée à son encontre ne tend pas à voir prononcer la nullité des délibérations qui auraient été adoptées par les organes de l'ACOR, mais uniquement au paiement d'une créance, et ce, dès l'assignation introductive d'instance.

Elle n'est ainsi pas soumise à la prescription spéciale de l'article L. 235-9 du code de commerce mais à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du code civil.

Introduite par exploits des 22 et 23 novembre 2017, cette action en remboursement d'une somme que M. [G] revendique avoir empruntée en 2013 n'est donc pas prescrite.

* L'article L. 621-4 du code de commerce dispose que, dans le jugement d'ouverture, « le tribunal désigne deux mandataires de justice qui sont le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire, dont les fonctions sont respectivement définies à l'article L. 622-20 et à l'article L. 622-1 ».

Aux termes de cet article L. 622-1, l'administration de l'entreprise est assurée par son dirigeant, mais, lorsque le tribunal, en application des dispositions de l'article L. 621-4, désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d'entre eux.

En outre, si, en application de l'article L. 622-3 du même code, « le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur », l'article L. 622-4 suivant prévoit que « dès son entrée en fonction, l'administrateur est tenu de requérir du débiteur ou, selon le cas, de faire lui-même tous actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise contre les débiteurs de celle-ci ».

L'article L. 631-12 du même code précise que «'outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal.

Ce dernier les charge ensemble ou séparément d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. (') Dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au débiteur'».

Enfin, l'article L. 622-20 du code de commerce dispose que « le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ».

Par jugement du 18 mai 2017, le tribunal de grande instance de Grasse a, notamment, ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de l'ACOR, désigné Mme [E] comme mandataire judiciaire avec les fonctions définies par l'article L. 622-20 du code de commerce, et désigné M. [A] en qualité d'administrateur judiciaire, « en application de l'article L.621-4 du code de commerce, avec une mission d'assistance dans tous les actes de gestion ».

Par jugement du 19 juin 2017, le même tribunal a ordonné la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement précédent et dit que la mission de M. [L] [A] en tant qu'administrateur judiciaire de l'ACOR ne peut être qu'une mission complète, corrigé les motifs de la décision pour dire que « la désignation d'un administrateur s'impose avec mission, en application de l'article L. 631-12 du code de commerce, d'assurer seul et entièrement l'administration de l'ACOR », et modifié la désignation telle que libellée dans le dispositif pour désigner M. [A], administrateur judiciaire, « en application de l'article L. 631-12 du code de commerce, en qualité d'administrateur avec mission d'administrer seul l'administration de l'ACOR ».

En l'espèce, l'assignation introductive d'instance a été signifiée à M. [G] et à son mandataire ad hoc, respectivement les 22 et 23 novembre 2017, à la requête de l'ACOR « agissant poursuites et diligences'» de son administrateur judiciaire M. [A] et de Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire de l'ACOR.

Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire agissant dans l'intérêt collectif des créanciers en recouvrement d'une créance de l'ACOR n'avait besoin d'aucune autorisation ni avis en ce sens.

M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire agissait dans le cadre de sa mission complète, pour la conservation des droits de l'ACOR contre son débiteur, et n'avait en conséquence pas davantage d'autorisation ni d'avis à recueillir.

* En vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, et les droits et actions de ce débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur qui a seul qualité en ce sens.

L'action en paiement engagée par l'ACOR -alors en redressement judiciaire depuis le 18 mai 2017, son administrateur judiciaire M. [A] et son mandataire judiciaire Mme [E], à l'encontre de M.[O] [G], a été reprise par la SELARL [E] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire, laquelle est intervenue volontairement en instance d'appel dans les intérêts et droits de l'ACOR désormais en liquidation judiciaire depuis le 20 décembre 2018.

Cette action poursuit une finalité exclusivement patrimoniale et les droits de l'association débitrice, dans le cadre de cette procédure aux fins de recouvrement de sa créance, relèvent à compter du prononcé de sa liquidation judiciaire du monopole du liquidateur judiciaire.

Ce liquidateur a donc qualité non seulement à exercer toutes les actions spécifiques à la procédure collective en cours, mais encore à exercer toutes les actions dont disposait l'ACOR sur le fondement du droit commun, et donc à poursuivre celle déjà engagée lorsqu'elle était en redressement judiciaire.

L'action des mandataires judiciaires successifs de l'ACOR ès qualités est parfaitement recevable.

IV - sur l'existence et la validité du contrat de prêt':

M. [G] souligne que, comme l'a retenu le premier juge, aucune disposition légale n'interdit à une association d'accorder un prêt à ses membres ou à des tiers, et qu'il justifie de l'existence de ce prêt du 15 décembre 2013 par la production d'un document Cerfa enregistré le 27 mai 2014 «'aux hypothèques'de [Localité 12] » -ce qui lui confère une date certaine et la valeur probante d'un contrat écrit.

Ce document atteste de l'existence de ce prêt et des modalités convenues pour son remboursement.

Les statuts de 2005 de l'ACOR en leur article 27, point d), stipulent que le conseil d'administration est en charge de la gestion des espèces, chèques, titres et valeurs, de la tenue et de la comptabilité de l'association, ce qui lui confère toute latitude quant à l'utilisation optimale des ressources de celle-ci dès lors que la décision est prise dans son intérêt et conforme aux objectifs définis par les statuts.

Il conteste que le prêt litigieux puisse être qualifié de «'dépense imprévue'» alors qu'il constituait un placement rentable et représentait un investissement mûrement réfléchi.

M. [G] précise encore que le prêt lui a été consenti en sa qualité de staroste, «'cheville ouvrière'» de la vie paroissiale, dans l'association, et non pas en sa qualité de président.

Les appelants observent qu'alors qu'ils contestaient dans leur assignation l'existence d'un document écrit attestant de la réalité du prêt allégué, M. [G] a communiqué en veille d'audience un «'contrat de prêt sous seing privé'» daté du 15 décembre 2013, établi sous sa seule double signature en qualité de président de l'association prêteuse, et en qualité d'emprunteur à titre personnel. Ce contrat n'étant en outre accompagné, même lors de la déclaration de créance effectuée le 4 juillet 2017, que d'une déclaration fiscale unilatérale qui ne fait pas référence au contrat de prêt mais seulement au point 5 de la déclaration manuscrite du conseil d'administration, il ne peut être retenu comme probant. Il est en conséquence demandé à la cour de reformer le jugement entrepris et de constater l'absence de contrat de prêt, lequel aux termes de l'article 1359 du code civil, devait être écrit compte tenu de son montant.

A titre subsidiaire, les appelants sollicitent la nullité de ce contrat. L'ACOR ne pouvait affecter ses ressources à d'autres destinations que celles constituant son objet tel que défini aux statuts, et il n'entrait pas dans les pouvoirs du conseil d'administration d'y déroger pour consentir un prêt personnel à qui que ce soit.

La SELARL [Z] - Les Mandataires, ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR, soutient que le contrat de prêt produit sous la seule double signature de M. [G] n'a effectivement aucune valeur probante -sinon comme reconnaissance de dette, mais que l'existence même de ce contrat est établie par la délibération du conseil d'administration de l'ACOR du 15 décembre 2013 qui autorise le prêt, et par la déclaration qui en est faite au fisc avec cachet de réception du 27 mai 2014.

Pour autant ce contrat de prêt est nul comme contraire à l'objet de l'association tel que défini par les statuts en vigueur au jour de sa conclusion, et le conseil d'administration ne s'était pas vu donner pouvoir de l'autoriser par lesdits statuts. L'intimée relève que la lettre même du contrat de prêt exclut qu'il s'agisse d'un placement financier.

Sur ce,

* S'agissant de l'existence du contrat de prêt, elle est suffisamment démontrée par plusieurs éléments concordants.

- Le compte financier de la paroisse pour l'année 2013 mentionne au titre des dépenses un «'prêt/placement'» de 100'000 euros (pièce 5 des appelants).

- Le relevé du compte bancaire de décembre 2013 dans les livres de la Société générale dont il n'est pas contesté par les parties qu'il s'agit de celui de l'ACOR, fait état de quatre virements «'pour [G] [O]'» au motif «'prêt ACOR'», pour des montants de deux fois 30'000 euros le 16 décembre 2013, 30'000 euros encore le 17 décembre 2013 et 10'000 euros le 18 décembre 2013, soit un total de 100'000 euros.

- Un document à l'en-tête de l'ACOR, daté du 15 décembre 2013, intitulé «'contrat de prêt sous seing privé'» et revêtu de la double signature de M. [G], ès qualités de président de l'ACOR -prêteur- et en sa qualité personnelle d'emprunteur, est produit. Il y est indiqué que «'l'ACOR accède à la demande de M. [O] [G] de bénéficier d'un prêt lui permettant de faire face à un besoin immédiat d'argent pour raisons personnelles'». Les conditions du prêt sont précisées': le prêt est d'une durée de cinq ans du 15 décembre 2013 au 15 décembre 2018, consenti à un taux de 2%, les intérêts devront être versés sur le compte bancaire de l'ACOR pour les 31 décembre des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018. Il est encore ajouté les modalités de remboursement permises pour l'emprunteur.

- Un autre document à l'en-tête de l'ACOR également daté du 15 décembre 2013 vise un «'point 5 Octroi d'un prêt'», et indique que «'le CA a pris la décision d'octroyer à titre exceptionnel un prêt de cent mille euros (100'000 ') à M. [O] [G]. La déclaration de prêt est jointe à ce PV. Cette déclaration de prêt devra être déclarée à l'administration fiscale sur l'imprimé n°2062. Lors du vote M. [G] ne peut participer. 5 votes pour'; 0 contre. Le prêt est accordé via un transfert bancaire de la Société Gle de l'association'». Cet acte porte plusieurs signatures dont manifestement certaines sont étrangères à M. [G] («'[V] [M]'», «'[I]'») et dont on comprend qu'elles sont celles des membres du conseil d'administration.

- Une déclaration de contrat de prêt établie sur un formulaire fiscal Cerfa n°2062 par M. [O] [G], selon mention, le 15 décembre 2013, et revêtue du tampon du service des impôts des entreprises (SIE) attestant du courrier arrivé au 27 mai 2014, mentionne ce prêt. Il est indiqué qu'il a été consenti par l'ACOR à M. [G] le 15 décembre 2013, pour une durée de cinq ans, à hauteur de 100'000 euros et avec un taux d'intérêt de 2% payable chaque année pour un montant de 2'000 euros, et que son capital sera exigible à échéance au 15 décembre 2018.

L'article 1359 du code civil, dont les appelants se prévalent, n'était pas applicable en 2013 puisqu'il est issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. Et l'article 1341 ancien du code civil alors applicable exigeait seulement la rédaction d'un écrit devant notaire ou «'sous signatures privées'» pour les conventions excédant une somme ou valeur alors fixée par décret n°2004-836 du 20 août 2004 à 1'500 euros, condition que les documents établis -dont celui intitulé « point 5 Octroi d'un prêt», revêtu de plusieurs signatures, suffit à satisfaire.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la matérialité du prêt consenti à M. [G] sur les fonds de l'ACOR en décembre 2013 comme acquise.

* S'agissant de la nullité alléguée de ce contrat de prêt consenti par une association, les appelants soutiennent qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du conseil d'administration de décider de consentir un prêt personnel à qui que ce soit, ce qui peut être analysé comme une contestation tant de la validité du consentement donné par l'ACOR à l'acte, que de la capacité des organes qui l'ont exprimé.

Les appelants produisent en pièce 16 les statuts de l'ACOR en date du 20 juillet 2002, dont aucune des parties ne conteste qu'ils étaient ceux en vigueur en décembre 2013.

Aux termes de ces statuts, l'association est administrée par deux institutions': l'assemblée générale qui dirige et contrôle le fonctionnement de l'activité de l'association, et le conseil d'administration qui reçoit ses pleins pouvoirs de la première «'pour la gestion des affaires de l'association'». Selon l'article 13 des statuts, ces deux organes prennent leurs décisions à la majorité des voix des membres présents. L'article 16 ajoute que «'le procès-verbal des séances du conseil d'administration est signé de tous les membres présents'».

L'article 27 détermine les pouvoirs du conseil d'administration': «'ayant le devoir de déterminer quelles sont les mesures à prendre et les travaux à faire en vertu de l'article 1 des présents statuts'», il «'s'occupe':

a) de l'entretien de l'Eglise et de tout son patrimoine, ('),

b) de l'achat de terrains et de la construction de nouveaux bâtiments, si l'association dispose de sommes suffisantes en espèces et récoltées au préalable,

c) de la recherche de toutes mesures susceptibles d'accroitre les fonds de l'association, pour soumettre ensuite ces mesures à l'approbation de l'assemblée générale,

d) de la tenue et de l'exploitation de la comptabilité de l'association, et de la gestion des espèces, chèques, titres et valeurs de toutes sortes,

e) de l'examen du budget annuel de l'association, pour le soumettre à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire,

f) du choix du ou des établissements bancaires, pour y mettre en dépôt les fonds de la réserve limitée,

g) du choix des valeurs servant de placement aux fonds de réserve,

h) de la fixation des appointements des membres du clergé ('),

i) d'engager et de congédier les choristes, leur chef, le gardien et les autres servants de l'Eglise'».

A l'inverse, relèvent des pouvoirs de l'assemblée générale ordinaire de l'association':

a) «'l'élection au scrutin secret des dix membres du conseil d'administration ('),

b) l'élection des membres de la commission des commissaires aux comptes (')

c) l'examen et l'approbation du rapport d'activité de l'année écoulée,

d) l'examen et l'approbation du rapport financier de l'association pour l'année écoulée,

e) l'examen et l'adoption du budget de l'association pour l'année courante,

f) l'assignation d'une somme, sur la demande du conseil d'administration, pour les dépenses imprévues,

g) l'examen et la confirmation de nouvelles mesures proposées par le conseil d'administration pour l'augmentation des ressources de l'association,

h) l'examen des décisions du conseil d'administration, au sujet desquelles plaintes ou réclamations ont été Formulées par les membres de l'association,

i) l'explication de certains articles des statuts, dans le cas où, soit à l'assemblée générale, soit au conseil d'administration, surgiraient des doutes sur le sens exact de ces articles'».

Il résulte de ces dispositions que, si le conseil d'administration pouvait rechercher des mesures pour «'accroitre les fonds de l'association'», ou choisir les valeurs pour placer les fonds de réserves, il n'avait pas compétence pour en disposer sans l'examen et la confirmation de ses propositions par l'assemblée générale ordinaire.

Or en l'espèce, il n'est ni justifié ni même soutenu que la délibération du conseil d'administration dont atteste le document du 15 décembre 2013 intitulé «'point 5': octroi d'un prêt'» ait fait l'objet d'un quelconque examen en assemblée générale ordinaire et pas davantage que celle-ci l'aurait confirmée.

De même, M. [G] ne peut utilement soutenir que le prêt d'un montant de 100'000 euros correspondait à «'de la gestion des espèces, chèques, titres et valeurs de toutes sortes'», et ce d'autant moins au regard du budget global de l'association.

Enfin, son affirmation selon laquelle il s'agirait d'un placement, d'une modalité de gestion, pratiqués dans l'intérêt de l'ACOR, est démentie par ses propres pièces. Ainsi, le « contrat de prêt sous seing privé », revêtu de sa double signature indique que « l'ACOR accède à la demande de M. [O] [G] de bénéficier d'un prêt lui permettant de faire face à un besoin immédiat d'argent pour raisons personnelles ». Et le document du conseil d'administration, « point 5 Octroi d'un prêt », porte sur la décision «'d'octroyer à titre exceptionnel'» le prêt de 100'000 euros à M. [O] [G].

Dès lors, cette décision prise par un organe qui n'en avait pas la capacité ne vaut pas consentement de l'ACOR au contrat de prêt litigieux, et ce contrat est effectivement nul.

Le jugement rendu le 30 janvier 2018 est donc infirmé en ce qu'il a

- rejeté la demande de nullité du contrat de prêt formée par l'ACOR représentée par Me [A] ès qualités d'administrateur judiciaire et Me [E] ès qualités de mandataire judiciaire,

- condamné M. [O] [G] à payer à l'ACOR représentée par Me [A] ès qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 16 949,29 euros en remboursement du solde du prêt de 100 000 euros octroyé le 15 décembre 2013,

- dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2017.

V - sur les sommes dues':

M. [G] fait valoir que c'est à juste titre que le premier juge a retenu comme justifiés les frais qu'il dit avoir engagés pour l'association, ces frais ayant été ratifiés lors de l'adoption des comptes annuels comme il résulte des procès-verbaux des assemblées générales. Il ajoute que les comptabilités tenues régulièrement sont présumées exactes et font foi jusqu'à preuve contraire, mais produit en tout état de cause toutes les notes de frais concernées, certifiées par l'expert-comptable dans son rapport du 5 juin 2017.

M. [G] ajoute que sa créance de ce chef a été déclarée auprès du juge-commissaire qui a ordonné un sursis à statuer, et qu'il a joué un rôle essentiel dans la défense des intérêts de l'association, de sorte qu'il ne peut lui être utilement reproché de ne pas avoir 'uvré à titre totalement bénévole.

Il se prévaut d'une compensation conventionnelle entre les frais engagés par lui en échange des services rendus à l'association et le prêt consenti, évoquant à cet égard le vote unanime des membres de l'ACOR en ce sens tant par le conseil d'administration que lors des AGO.

A défaut, il sollicite qu'elle soit prononcée judiciairement en application des termes du contrat de prêt qui prévoient une connexité directe entre l'objet du prêt, le soutien financier de l'association à l'un de ses membres, et les frais engagés par ce membre pour le compte de l'association. Le fait que ces frais soient postérieurement déclarés au passif de la procédure collective confirme leur reconnaissance comme dettes de l'association et renforce la légitimité d'une compensation.

Enfin, M. [G] soutient qu'il restait devoir au 31 décembre 2013 à l'ACOR, en remboursement du prêt de 100 000 euros consenti, une somme de 87 915,73 euros, mais qu'à ce jour, compte tenu des paiements effectués, le prêt a été intégralement remboursé.

Les appelants relèvent qu'alors même qu'il estime avoir été réglé par compensation, M. [G] a déclaré au passif de la procédure collective une créance correspondant aux frais revendiqués. Il n'est en outre justifié de ces frais par aucune pièce et pas davantage justifié de ce qu'ils auraient été exposés pour le compte de l'association.

Ils font également valoir que la compensation entre deux créances suppose qu'elles soient connexes pour relever de l'exécution d'un même contrat ou de plusieurs contrats formant une seule opération économique. Seul le «'contrat de prêt'» produit stipule une telle compensation mais il est dénué de valeur probante.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, il ne pourrait s'agir que d'une créance antérieure à la procédure collective qui resterait à fixer au passif en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, et précisent que cette créance, contestée, fait précisément l'objet d'une procédure devant le juge-commissaire, lequel, par décision du 16 avril 2018, a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans la présente instance.

Les appelants admettent un règlement de 15 000 euros en janvier 2016, ainsi que l'exécution de la condamnation prononcée avec exécution provisoire en première instance pour 16 949,29 euros, ramenant en conséquence leurs demandes en paiement à un solde de 68 050,71 euros.

La SELARL [Z] - Les Mandataires, ès qualités de mandataire ad hoc de l'ACOR, ajoute que la compensation conventionnelle ne peut être admise en l'état d'un document dépourvu de valeur probante, qu'il n'existe aucune connexité entre l'objet du prêt et les frais à rembourser, et qu'il n'est aucunement justifié de la matérialité de ces frais, la comptabilité de l'association ne pouvant valoir à cet égard quittance irrévocable.

La SELARL [Z] -Les Mandataires, ès qualités, acquiesce au décompte des appelants.

Sur ce,

Par l'effet de la nullité du contrat de prêt, M. [G] doit restitution à l'ACOR du montant de 100'000 euros perçu.

Le contrat de prêt étant nul, les dispositions stipulées dans les documents produits qui y sont afférents, relatives à des compensations, ne sont évidemment pas applicables. Le moyen tiré d'une compensation conventionnelle dont se prévaut M. [G] ne peut donc qu'être rejeté.

Par ailleurs, l'interdiction du paiement des créances antérieures s'impose en vertu de l'article L. 622-7 du code de commerce, à l'ouverture de la procédure collective de l'ACOR, le 18 mai 2017.

Dès lors, la compensation ne peut opérer que':

- si au jour du jugement d'ouverture, les conditions de la compensation légale sont réunies, à savoir certitude, liquidité et exigibilité de la créance à compenser (Com., 12 mars 2002, pourvoi n°98-21.340),

- ou s'il existe un lien de connexité entre les dettes réciproques, compensation permise par l'article L. 622-7 applicable en redressement judiciaire comme en liquidation judiciaire en vertu des articles L. 631-14 et L. 641-3 du code de commerce.

Les appelants admettent l'existence d'un remboursement de 15'000 euros effectué par M. [G] sur le compte bancaire de l'ACOR en janvier 2016. Cette somme répond à toutes les exigences d'une compensation et doit donc être déduite du quantum de 100'000 euros.

M. [G] justifie également du virement d'autres sommes sur le compte de l'ACOR au titre de ce prêt': 1'000 euros le 30 juin 2014, 1'000 euros le 17 décembre 2014, 1'000 euros le 15 mai 2015, 1'000 euros le 29 décembre 2015, soit 4'000 euros, dont il est indiqué sur les relevés bancaires produits qu'elles correspondaient aux intérêts convenus. Pour autant, en l'état de la nullité du contrat, ses stipulations ne sont pas applicables et les sommes ainsi versées s'imputent sur le principal à rembourser.

En revanche, toutes les autres opérations figurant aux relevés de compte produits par M. [G] en pièces 38 à 45 ne peuvent être prises en compte, à défaut de préciser qu'elles se rapportent au prêt litigieux («'blocage sur PCE'»'; «'sepa ACOR Klein'» notamment) et en l'absence d'autre élément le démontrant.

Il est également reconnu par les appelants que la condamnation prononcée avec exécution provisoire par le jugement de première instance à hauteur de 16'949,29 euros a été acquittée par M. [G] au profit de l'ACOR.

La créance de l'ACOR se solde ainsi à un montant de 64'050,71 euros.

S'agissant des frais que M. [G] entend déduire par compensation de la créance de restitution détenue par l'ACOR à son encontre, ils sont, selon ses propres explications, afférents à son activité de staroste pour la paroisse et correspondent à des déplacements, du secrétariat et des travaux d'entretien.

Ces frais n'ont pas de source commune avec la créance de restitution résultant du versement des 100'000 euros en décembre 2013, et ne résultent aucunement d'un même acte ou fait générateur, de sorte qu'ils ne peuvent en tout état de cause constituer une créance connexe à celle détenue par l'ACOR à l'encontre de M. [G].

Le seul fait que ces créances aient pu figurer dans des comptes approuvés de l'association ne les rend ni certaines, ni liquides ni exigibles, et M. [G] ne justifie d'aucun titre exécutoire qui y soit relatif.

Aucune compensation ne peut donc s'opérer de ce chef et c'est donc la somme de 64'050,71 euros que M. [G] doit être condamné à payer à l'ACOR, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 5 juillet 2017 (pièce 11 des appelants).

VII - sur les demandes de dommages et intérêts':

- demande du mandataire judiciaire

Les appelants demandent indemnisation des conséquences préjudiciables qu'a eu pour l'ACOR cette appropriation anormale de ses fonds par M. [G]. Ils soutiennent qu'elle n'aurait pas été confrontée à un état de cessation des paiements et à une procédure collective du fait de l'absence totale de trésorerie si elle n'avait été indûment ponctionnée de cette somme de 100'000 euros.

M. [G] soulève l'irrecevabilité de cette demande pour être nouvelle en appel. Il fait en outre valoir que le quantum sollicité n'est pas explicité et qu'il n'est justifié d'aucun préjudice qui soit en lien avec une quelconque faute de sa part, l'association n'ayant pas vu sa situation financière affectée par le prêt et la liquidation judiciaire de l'ACOR étant intervenue plusieurs années après. Il ajoute que cette demande avait déjà été formulée dans le cadre d'une autre instance et a été rejetée par un jugement du 20 avril 2022 du tribunal judiciaire de Grasse ayant autorité de chose jugée.

Sur ce,

* L'article 564 du code de procédure civile dispose que « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

L'article 565 du code de procédure civile précise que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

Enfin, en vertu de l'article 566 suivant, «'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'».

La demande d'indemnisation du préjudice supporté par l'ACOR du fait de la conclusion du contrat de prêt -nul- est l'accessoire et la conséquence de la demande en nullité dont étaient déjà saisis les premiers juges. Elle est donc recevable.

* La demande en indemnisation formulée par les appelants ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 20 avril 2022 dès lors que, dans cette autre procédure, M. [G] était actionné en responsabilité pour avoir commis des fautes dans l'exercice de son mandat de président, fautes ayant causé un préjudice à l'ACOR dont il était demandé réparation. Les conditions de l'article 1351 du code civil ne sont donc pas réunies, seules les parties étant les mêmes.

* Pour autant, il appartient aux appelants, demandeurs à l'indemnisation, de démontrer l'existence d'un préjudice dont la cause serait l'octroi en décembre 2013 d'une somme de 100'000 euros sur les fonds de l'ACOR à M. [G].

Le compte financier de l'ACOR au 31 décembre 2013, et donc après débit de ce montant, mentionne un résultat net de l'exercice de 122'550,72 euros.

Celui de l'exercice suivant voit ce résultat réduit à un solde négatif de ' 5'376,95 euros qui s'explicite par des dépenses en 2014 majorées de près de 80'000 euros par rapport au budget prévu (pièces 14 et 15 de M. [G]).

L'ouverture de la procédure de redressement judiciaire résulte d'une saisine du tribunal de grande instance de Grasse par le procureur de la République motif pris de ce que, selon l'administrateur provisoire déjà désigné, l'association serait en état de cessation des paiements. Le jugement du 18 mai 2017 qui le mentionne, ordonne le placement de l'association en redressement judiciaire en retenant que la trésorerie de l'ACOR «'est exsangue'» que son compte est «'à zéro'», des instances en cours, et des'détournements de fonds «'suspectés'».

Mais aucun élément n'est produit par les appelants quant au passif de l'ACOR et à son ancienneté.

Le seul document communiqué à ce sujet, l'est par M. [G], en pièce 33. Il s'agit d'un état des créances au 26 novembre 2018 et cet état mentionne une créance déclarée à hauteur de 107'622,42 euros par la Compagnie de construction, ainsi que plusieurs autres créances d'institutionnels, sans qu'aucune date originaire ne soit indiquée.

Rien ne permet en tout état de cause à la cour de retenir que, si la somme de 100'000 euros n'avait pas été prélevée sur le compte de l'ACOR en décembre 2013, elle n'aurait pas été quand même en état de cessation des paiements au 17 avril 2017 comme fixé au jugement du 18 mai 2017.

Le préjudice allégué n'est donc aucunement démontré et l'octroi de dommages et intérêts n'a pas pour objet, comme demandé par les appelants, de «'sanctionner l'appropriation abusive des fonds de l'ACOR'», de sorte que leur demande d'indemnisation est rejetée.

- demande de M. [G]

M. [G] soutient que l'action entreprise par l'administrateur puis le liquidateur judiciaires à son encontre et l'acharnement procédural dont ils ont fait preuve à son égard sont abusifs, lui ont causé des tracas, et ont eu un impact désastreux sur sa santé et sa situation financière personnelle en le mettant notamment en difficulté à l'égard de son banquier.

Sur ce,

Etant retenu que le contrat de prêt est nul et que M. [G] a, en conséquence, indûment perçu une somme de 100'000 euros de l'ACOR en décembre 2013, l'action engagée aux fins de restitution de cette somme ne peut être qualifiée d'abusive.

VIII - sur les frais du procès

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à la charge des parties leurs dépens.

Pour l'instance d'appel, l'équité commande seulement de condamner M. [G], qui succombe principalement, à payer aux appelants une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 2'500 euros à la SELARL [Z] ' Les Mandataires ès qualités.

Les dépens sont également mis à la charge de M. [G].

PAR CES MOTIFS

La cour

Déboute la SELARL [Z] ' Les Mandataires de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et déclare en conséquence irrecevables ses conclusions notifiées après clôture le 18 juin 2024';

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par M. [L] [A] ès qualités d'administrateur judiciaire de l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11]';

Y ajoutant,

Déclare également recevables en cette action Mme [C] [E] agissant ès qualités de mandataire judiciaire de l'association alors en redressement judiciaire, et la SELARL [E] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11]';

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'un prêt conclu en décembre 2013 entre l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11] et M. [O] [G]';

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de restitution des fonds fondée sur l'inexistence de ce contrat';

Infirme le jugement déféré ce qu'il a

- rejeté la demande de nullité du contrat de prêt formée par l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11], représentée par M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire et Mme [E] ès qualités de mandataire judiciaire,

- condamné M. [O] [G] à payer à l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11], représentée par M. [A] ès qualités d'administrateur judiciaire, la somme de 16 949,29 euros en remboursement du solde du prêt de 100 000 euros octroyé le 15 décembre 2013,

- dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2017';

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononce la nullité du contrat de prêt conclu en décembre 2013 entre l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11] et M. [O] [G] pour un montant de 100'000 euros';

Condamne M. [O] [G] à restituer à l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à [Localité 11], une somme de 64'050,71 euros restant due, avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2017';

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions soumises à la cour';

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande en indemnisation formulée par les appelants';

Déboute les appelants de cette demande';

Condamne M. [O] [G] à payer aux appelants une somme de 2'500 euros, et à la SCP [Z] ' Les Mandataires ès qualités de mandataire ad hoc de l'association cultuelle orthodoxe russe Saint Michel Archange à Cannes, une somme de 2'500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne M. [O] [G] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Gilles Alligier, avocat, pour les appelants';

Rejette toutes autres demandes.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site