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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 24 avril 2025, n° 21/14489

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Assure Direct (EURL)

Défendeur :

Ocean Call LTD (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Vice-président :

Mme Ougier

Conseiller :

Mme Vincent

Avocats :

Me Boulan, Me Joly, Me Layani, Me Pietra

T. com. Marseille, du 8 sept. 2021, n° 2…

8 septembre 2021

FAITS ET PROCEDURE

En août 2018, la société Ocean call LTD et la société Assure direct ont conclu un «'contrat de prestation'» aux termes duquel la première s'engageait, contre rétribution, à mettre à disposition de la seconde, des télé-agents dédiés à la vente d'assurance en France métropolitaine et l'infrastructure nécessaire à une activité de prospection commerciale, avec matériel informatique et logiciel de téléphonie.

Le 1er avril 2019, la SARL Ocean France et la SARLU Assure direct ont conclu un «'contrat d'apporteur d'affaires'» aux termes duquel la première s'engageait, contre rétribution, à présenter à la seconde tous clients susceptibles d'être intéressés par les produits et services que celle-ci commercialise.

Sur requête de la société Ocean call LTD et par ordonnance du 14 février 2020, le tribunal de commerce de Marseille a fait injonction à l'EURL Assure direct de lui payer la somme principale de 29'400 euros au titre de factures impayées, avec intérêts légaux à compter du 17 décembre 2019, outre 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette ordonnance a été signifiée le 21 février 2020 à l'EURL Assure direct qui y a formé opposition.

Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal de commerce de Marseille a

- rejeté l'opposition formée par l'EURL Assure direct,

en conséquence,

- condamné l'EURL Assure direct à payer à la société Ocean call LTD la somme de 29'400 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019, date de la mise en demeure,

- condamné en outre l'EURL Assure direct aux dépens de l'instance, aux frais de greffe et aux frais et accessoires de la procédure d'injonction de payer,

- dit que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

L'EURL Assure direct a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle par laquelle le tribunal a rejeté le surplus des demandes.

La société Ocean call LTD, intimée, a conclu.

La SAS Oceancall group -anciennement dénommée Ocean France- est intervenue volontairement en l'instance d'appel aux côtés de l'intimée.

L'arrêt rendu est contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 février 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 18 février 2025 et a été mise en délibéré au 24 avril 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2023, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1103 du code civil, 122 et 910-4 du code de procédure civile, de

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées sur son appel,

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formulées par la société Ocean call LTD pour défaut de qualité à agir,

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles de

. condamnation de Assure direct à 13'460 euros au titre du paiement de 30% de la base de cotisation annuelle,

. condamnation de Assure direct à la somme de 22'248,15 euros TTC au titre du préjudice délictuel résultant de la rupture abusive et brutale,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

à titre reconventionnel et statuant à nouveau,

à titre principal,

- condamner la société Oceancall group à lui payer la somme de 113'670,11 euros au titre des reprises Neoliane,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait la dette de 29'400 euros à son encontre, il conviendra d'ordonner une compensation entre ladite somme de 29'400 euros et la somme de 113'670,11 euros et de

- condamner la société Oceangroup call à lui payer la somme de 84'270,11 euros au titre des reprises Neoliane,

en tout état de cause,

- condamner la société Ocean call LTD à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de la procédure abusive,

- la condamner à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de dommages et intérêts,

- la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Oceancall group à lui payer la somme de 10'000 euros au titre de dommages et intérêts,

- la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 juillet 2024, la société Ocean call LTD, intimée, et la SAS Oceancall group, intervenante volontaire, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1217, 1231-1 et suivants, 1240 et 1353 du code civil, L. 442-1 du code de commerce et des articles 12 et 554 du code de procédure civile, de

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Oceancall group et déclarer régulière la procédure,

- écarter la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir formée par la société Assure direct,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment sur le principe et le montant de la dette de la société assure direct,

- juger que la société Assure direct est tenue au paiement de la somme de 29'400 euros au titre d'une rémunération forfaitaire mensuelle pour les prestations exécutées conformément aux contrat d'apporteur d'affaires du 1er avril 2019,

- infirmer le jugement déféré en ce que le premier juge a retenu la société Ocean call LTD comme créancière de la société Assure direct,

- juger que la société Assure direct n'a pas résilié le contrat dans les formes requises,

- juger que la société Assure direct est tenue au paiement de 30% de la base de la cotisation annuelle soit un montant de 13'460 euros,

- juger qu'elle est tenue au paiement de la somme de 22'248,15 euros au titre du préjudice délictuel résultant de la rupture abusive et brutale des relations commerciales établies depuis la signature en août 2018 du contrat de prestation,

statuant à nouveau,

- condamner la société Assure direct à payer à la société Oceancall group, aux lieu et place de la société Ocean call LTD, la somme de 29'400 euros représentant le montant des factures impayées avec intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2019, ainsi que leur capitalisation et à chaque échéance annuelle ultérieure,

- débouter la société Assure direct de toutes ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

- la condamner à payer 30% de la base de la cotisation annuelle à la société Oceancall group soit la somme de 13'460 euros TTC,

- la condamner au paiement de la somme de 22'248,15 euros TTC au titre des salaires versés aux employés de la société Oceancall group du 13 décembre 2019 au 12 février 2020,

- la condamner à verser à la société Oceancall group la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la recevabilité des demandes formulées par la société Ocean call LTD

L'appelante fait valoir que les premiers juges ont rendu leur décision dans l'ignorance du contrat d'apporteur d'affaires qui avait été conclu entre les parties le 1er avril 2019, et que la société Ocean call LTD a ainsi sollicité -et obtenu- le paiement de factures émises par un tiers, la société Ocean France -devenue Oceancall group.

L'intervention en cause d'appel de la société Oceancall group confirme le défaut de qualité à agir de la société Ocean call LTD, connue de celle-ci depuis sa requête en injonction de payer.

Les intimées expliquent pour leur part qu'en cours d'exécution contractuelle et à la suite d'un accord entre la société Assure direct et la société Ocean call LTD, des obligations tirées du contrat de prestations de service d'aout 2018 ont été transférées à la société Ocean France devenue Oceancall group. Dans le prolongement de ce transfert d'obligations, la société Oceancall group a signé un contrat d'apporteur d'affaires le 1er avril 2019 avec la société Assure direct.

La société Ocean call group faisant partie du même groupe que la société Ocean call LTD et ayant le même président, le fait que le tribunal a retenu que la créance appartenait à la société Ocean call LTD alors qu'elle appartenait à la société Oceancall group n'a aucune incidence sur son exigibilité.

La fin de non-recevoir pour défaut de qualité doit par conséquence être rejetée et l'intervention volontaire de la société Oceancall group reçue.

Sur ce,

La requête en injonction de payer émane de la société Ocean call LTD (pièce 11 des intimés), et c'est à son profit que l'ordonnance est délivrée le 14 février 2020.

C'est encore cette société Ocean call LTD qui est partie en première instance et bénéficie des condamnations prononcées à l'encontre de la SARLU Assure direct par le jugement déféré au titre de factures restées impayées.

Or lesdites factures ont été établies par Ocean France au titre des commissions d'apporteur d'affaire': facture n°20190700190 du 28 juin 2019 pour 3 900 euros, et facture n°20190900312 du 30 septembre 2019 pour 25 500 euros (pièce 4 des intimées). Tenant la nature de la prestation facturée et leur auteur, elles sont nécessairement relatives au contrat d'apport d'affaires du 1er avril 2019 conclu entre la SARL ocean France et la SARLU Assure direct.

Ce contrat du 1er avril 2018 mentionne qu'il est «'susceptible d'être transféré à (la) filiale (d'Ocean France) de l'Ile Maurice et de Madagascar Ocean call LTD'».

Pour autant, il n'est aucunement justifié ni même allégué de ce «'transfert'».

Bien plus, le seul document produit relativement aux sociétés intimées concerne la société Ocean group LTD, et la SARL Ocean y est mentionnée comme actionnaire («'shareholders'»). L'origine de ce document rédigé exclusivement en anglais comme son éventuel caractère officiel restent indéterminés, les intimées estimant suffisant d'expliquer qu'elles appartiennent au «'même groupe'» -sans qu'il soit justifié de l'existence juridique de ce lien, et qu'elles ont le même dirigeant -ce qui est indifférent.

Force est en revanche de constater qu'il s'agit de deux sociétés différentes, l'une domiciliée à l'Ile Maurice -intimée, l'autre ayant forme sociale et siège français -intervenante volontaire.

Et rien ne permet de retenir que le contrat conclu le 1er avril 2019 ait un quelconque rapport avec la convention d'aout 2018, s'y ajoutant ou s'y substituant, alors que les parties co-contractantes n'en sont pas les mêmes et que les prestations qui en sont l'objet sont très différentes': mise à disposition d'une infrastructure (télé-agents, matériels) pour l'une, apport de clientèle pour l'autre.

Dès lors qu'il n'est justifié d'aucune qualité de la société Ocean call LTD à venir aux lieu et place de la SARL Ocean France dans l'exécution du contrat du 1er avril 2018, l'action engagée par elle contre la SARLU Assure direct en paiement de sommes qui resteraient dues à la SARL Ocean France est irrecevable.

Le jugement déféré est infirmé.

2. Sur les demandes de la société Oceancall group

Demande en paiement des factures

Les intimées font valoir que la société Assure direct a rompu unilatéralement et de manière abusive le contrat d'apporteur d'affaires du 1er avril 2019 et ne s'est pas acquittée des rémunérations dues au titre des mois de novembre et décembre 2019, malgré les mises en demeure qui lui ont été dressées en ce sens. Elles relèvent que l'appelante ne conteste ni le principe ni le quantum de ces factures mais demande seulement qu'il soit opéré compensation avec des sommes qui lui seraient dues.

L'appelante n'élève aucune contestation sur les sommes réclamées à ce titre, mais conclut que «'si par extraordinaire la cour retenait la dette de 29'400 euros à (son) encontre, il conviendra d'ordonner une compensation, qualifier les créances de «'certaines, liquides, exigibles et réciproques'».

Sur ce,

La SARLU Ocean France -devenue SAS Oceancall group- est intervenue volontairement en l'instance d'appel et il n'est élevé aucune objection sur cette intervention par l'appelante.

Elle demande paiement des factures litigieuses précitées'établies par ses soins au titre du contrat conclu le 1er avril 2019 avec la SARL Assure direct : facture 20190700190 du 28 juin 2019 pour 3 900 euros, et facture 20190900312 du 30 septembre 2019 pour 25 500 euros (pièce 4 des intimées).

Si l'appelante formule au dispositif de ses écritures un subsidiaire qui laisse entendre qu'elle conclut à titre principal au débouté de la demande adverse en paiement de cette somme de 29'400 euros, aucune demande principale n'est formulée, ni aucun moyen n'est développé, en ce sens.

Il est donc fait droit à la demande de la SAS Ocean call group à ce titre.

Demandes supplémentaires':

Les intimées se prévalent d'une rupture abusive et brutale de leurs relations commerciales pour demander, sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce, une indemnisation. Le motif pris était fallacieux et les relations commerciales suivies pendant 15 mois devaient se prolonger par un nouvel accord dont un projet avait déjà été établi le 22 novembre 2019. La rupture s'est faite sans aucun respect du préavis de deux mois fixé au contrat et dans les jours qui ont suivi, tout accès aux documents nécessaires aux prestations de services ont été supprimé.

Le préjudice qui en est résulté pour elle tient, d'une part, à la perte d'un pourcentage de 30% de la cotisation annuelle soit 13'460 euros, par calcul sur la moyenne des sommes perçues de juin à novembre 2019, et d'autre part aux frais engagés à perte en paiement des salariés pendant le préavis de deux mois du 13 décembre 2019 au 13 février 2020, soit 22'248,15 euros.

L'intimé réplique que ces demandes sont irrecevables pour être nouvelles en appel.

Sur ce,

L'article 564 du code de procédure civile dispose que « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

L'article 565 du code de procédure civile précise que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

Et en vertu de l'article 566 suivant, « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire».

Les prétentions principales, objet de l'instance, portent sur le paiement de factures établies en vertu du contrat conclu le 1er avril 2019.

Les demandes supplémentaires en indemnisation désormais formulées se fondent sur l'article L.442-1 II du code de commerce, et relèvent de la compétence exclusive de juridictions spécialisées en vertu de l'article L.442-4 du même code. Elles ne peuvent donc être considérées comme l'accessoire des premières, de sorte qu'elles sont effectivement irrecevables dans le cadre de la présente instance.

1. Sur les demandes de l'EURL Assure direct

L'appelante se prévaut d'une créance à l'encontre de la société Oceancall group au titre des «'reprises Neoliane'» qu'elle entend voir compenser avec sa propre dette à son égard.

Elle produit en ce sens des bordereaux de reprise établis de novembre 2019 à septembre 2020 pour un total de 113'670,11 euros (pièces 8 à 10).

Elle sollicite en outre diverses indemnisations à l'encontre de l'intimée pour «'procédure abusive'» et «'dommages et intérêts'», et à l'encontre de l'intervenante volontaire pour «'dommages et intérêts'».

Les intimées contestent devoir les sommes réclamées. Elles ne correspondent pas aux interventions des employés d'Oceancall group comme l'indiquent les bordereaux et identifiants produits, et il n'est pas justifié de ce qu'elles sont calculées conformément aux stipulations contractuelles. Il s'agit d'une demande reconventionnelle opportuniste relative à une créance qui n'est donc ni certaine ni déterminée.

Sur ce,

Les bordereaux en pièce 8 sont des relevés informatiques au nom de la société Neoliane et concernant l'assureur conseil Assure direct, dont le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 23 juin 2022 permet de comprendre qu'ils sont issus du site internet de cette société Neoliane.

Pour autant, ces relevés issus du site d'un tiers, non datés, non signés, n'ont aucune valeur probante. Bien plus, l'appelante ne justifie pas des prestations qui correspondraient à ces «'remises'», ni dans leur principe, ni dans leur chiffrage.

L'appelante n'explicite ni ne documente un quelconque préjudice qui puisse fonder ses demandes de «'dommages et intérêts'» formulées à l'encontre tant de l'intimée que de l'intervenante volontaire.

Elle ne démontre pas davantage que l'exercice par la société Ocean call LTD de son droit d'agir à son encontre, quand bien même n'avait elle pas qualité à le faire, a dégénéré en abus qui lui a été préjudiciable.

Toutes ces demandes non fondées sont en conséquences rejetées.

2. Sur les frais du procès

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une des parties une quelconque somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante qui succombe principalement, supporte les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour';

statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes formulées par la société Ocean call LTD';

Reçoit l'intervention volontaire de la SARL Oceancall group -anciennement Ocean France';

Condamne la SARLU Assure direct à payer à la SARL Oceancall group la somme de 29'400 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019';

Ordonne la capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil';

Déclare irrecevables les demandes nouvelles en indemnisation de la société Oceancall group';

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la SARLU Assure direct aux dépens de première instance et d'appel.

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