CA Toulouse, 2e ch., 29 avril 2025, n° 22/02201
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Kanpai (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Norguet, Mme Moulayes
Avocats :
Me Darribere, Me Amiel
Exposé des faits et procédure :
Selon bail commercial en date du 24 avril 2017 à effet du 1er avril 2017 pour se terminer le 31 mars 2026, la Sci [J] a donné en location à la Sas Kanpaï un local à usage commercial d'une superficie d'environ 200m2 sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 6].
Concernant la destination des lieux, il a été prévu dans le bail commercial que « les locaux faisant l'objet du présent bail devront exclusivement être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de Poissons et Fruits de mer, restauration sur place ou à emporter, à l'exclusion de tout autre même temporairement ».
Il a également été prévu au bail un loyer annuel de 50 400 euros ttc soit 10 500 euros ht par trimestre ainsi qu'un dépôt de garantie de 10 500 euros ht.
Le dépôt de garantie a été réglé par la société locataire et des chèques au titre du premier loyer ont été établis.
Un chèque d'un montant de 3 500 euros en date du 24 avril 2017 et un chèque d'un montant de 12 600 euros en date du 30 août 2017 ont été refusés au paiement en raison d'un défaut de provision.
Le 7 décembre 2017, un commandement de payer la somme de 38 082,03 euros a été délivrée à la Sas Kanpaï.
Le 3 janvier 2018, la Sas Kanpaï a fait savoir à l'huissier de justice qu'elle contestait la dette puisque le local n'était pas aux normes et que le maire n'avait donné l'autorisation d'ouvrir que le 2 novembre 2017.
Par ordonnance réputée contradictoire du 20 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a, sur un commandement du 7 décembre 2017 visant la clause résolutoire, constaté la résiliation du bail du 24 avril 2017 et a condamné la locataire à verser une provision sur les loyers de 42 000 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 20 novembre 2020, la Sas Kanpaï a fait assigner la société civile immobilière [J] devant le tribunal judiciaire arguant d'un manquement à ses obligations au bail en ne faisant pas procéder à l'installation d'un système d'extraction de l'air pollué dans le local litigieux.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
débouté la société Kanpaï de ses demandes,
l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc),
débouté la société [J] de sa demande pour abus de procédure.
Par déclaration en date du 13 juin 2022, la Sas Kanpaï a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui :
a débouté la société Kanpaï de ses demandes,
l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc).
La clôture est intervenue le 29 janvier 2024.
La SAS Kapai a déposé au greffe par RPVA de nouvelles conclusions le 21 janvier 2025, conclusions n° 2, sans solliciter le rabat de l'ordonnance de clôture,
Puis, elle a de nouveau déposé des conclusions, conclusions n°3, le 28 janvier 2025, sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture, le jour de l'audience.
Par courrier du 22 janvier 2025, la SCI [J] s'est opposée à la recevabilité des conclusions n°2 en indiquant que ces conclusions comportaient le dépôt de nouvelles pièces et la majoration des dommages intérêts de 9300 euros à 26500 euros au regard de factures datées de 2017.
A l'audience, la SCI [J] a maintenu sa demande d'irrecevabilité des conclusions n°2 et n° 3 de l'appelante.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions d'appelant responsives notifiées le 5 janvier 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Kanpaï demandant, au visa des articles 1134 et 1231-1 du code civil, de :
infirmer le jugement en date du 12 mai 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Sci [J] de sa demande au titre de l'abus de procédure,
dire et juger que la Sci [J] en sa qualité de bailleur a violé son obligation de délivrance d'un local conforme en ne faisant pas procéder à l'installation d'un système d'extraction de l'air pollué dans le local de restauration loué,
dire et juger que la Sas Kanpaï est fondée à soulever l'exception d'inexécution,
en conséquence,
condamner la Sci [J] à payer à la Sas Kanpaï les sommes suivantes :
10 500 euros ttc correspondant au remboursement de la caution versée à la signature du contrat de bail ;
1 800 euros ttc correspondant au remboursement des frais de notaire ;
9 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi correspondant aux frais engagés suivants :
frais d'architecte : 4 800 euros ttc ;
frais de bureau d'étude : 1 440 euros ttc ;
frais achat Haute Aspirante : 1 500 euros ht ;
4 Palettes de Placo : 1 560 euros ttc,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la Sas Kanpaï en raison du harcèlement continu exercée par la Sci [J] (poursuites d'huissier, plainte au commissariat classée sans suite, fichage à la banque de France, impossibilité de contracter un crédit,
condamner la Sci [J] à restituer à la Sas Kanpaï le chèque de 12 600 euros correspondant au 1er trimestre de loyers, chèque qui avait été rejeté pour provision insuffisante,
débouter la Sci [J] de ses demandes en ce qui concerne aussi bien sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive que sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces demandes paraissant manifestement non fondées et totalement excessives,
condamner la Sci [J] à payer à la Sas Kanpaï la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Vu les conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées le 5 octobre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sci [J] demandant, au visa des articles 1104, 1219 et suivants du code civil, 559 du code de procédure civile, de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 12 mai 2022 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la Sci [J] au titre de la procédure abusive,
en conséquence,
rejeter les demandes élevées par la Sci Kanpai,
condamner la Sci Kanpai au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel abusive,
condamner la Sci Kanpaï au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens jusqu'à parfaite exécution du jugement.
Motifs de la décision :
- sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture de la partie appelante :
Il résulte de la combinaison des articles 455, 802 et 803 du cpc, dans leur version applicable au cas de l'espèce, que sont recevables les conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture aux termes desquelles une partie en demande la révocation et qu'il appartient au juge qui en est saisi d'y répondre.
En effet, selon l'article 802 du cpc, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.
Par ailleurs, selon l'article 803 du cpc, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
En l'espèce, la partie appelante a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture le jour de l'audience, qui avait été renvoyée depuis un an, sans développer les moyens de nature à caractériser une cause grave de révocation depuis la date de la clôture qui avait été rendue le 29 janvier 2024 après échanges de conclusions entre les parties.
En outre, 7 nouvelles pièces ont été communiquées une semaine avant l'audience de plaidoiries du 28 janvier 2025 et toutes ces pièces datent de 2017.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions n°2 et n° 3 de la société Kanpai ainsi que les pièces 9 à 15 communiquées avec les dites conclusions.
- sur le fond :
le débat juridique porte sur le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur qui a proposé un bail commercial avec une destination exclusive des locaux loués relative à l'exploitation d'un « commerce de poissons et fruits de mer, restauration sur place ou à emporter à l'exclusion de tout autre même temporairement » alors que les locaux ne comportaient aucun système d'extracteur d'odeurs et de fumées comme l'exige la réglementation pour ce type de fonds de commerce.
Il convient de rappeler les circonstances particulières du litige.
En effet, les locaux ont été loués par contrat de bail du 17 septembre 2024 en précisant qu'il s'agissait d'un « local à usage commercial d'une superficie d'environ 200m2, représenté par les cellules 2 et 3 du bâtiment 1, rez de chaussée, livré brut avec les fluides en attente et la vitrine posée. tels que les dits locaux existent, s'étendent, se poursuivent et comportent, avec toutes leurs aisances et dépendances, sans aucune exception ni réserve et sans qu'il soit nécessaire d'en faire une plus ample désignation, à la demande du preneur qui déclare parfaitement les connaître pour les avoir vus et visités en vue des présentes ».
La durée du bail est stipulée pour 9 années entières et consécutives à compter du 1er avril 2017 pour se terminer le 31 mars 2026.
Par ailleurs, il est stipulé au contrat que « le preneur prendra les lieux loués dans leur état actuel sans pouvoir exiger aucune réparation » et qu'un état des lieux sera dressé entre les parties à frais partagés par moitié dans les huit jours dans l'entrée en jouissance du preneur.
L'état des lieux d'entrée n'est pas produit aux débats.
Dans le cadre de la jouissance des lieux, le bail stipule en outre que « le preneur doit prendre toutes précautions pour éviter tous bruits, trépidations, odeurs, émanations ou fumées etc.. » et « se conformer strictement aux prescriptions de tous arrêtés de police, règlements sanitaires, d'hygiène, de salubrité ou autres, ainsi qu'à toutes les prescriptions administratives régissant l'activité exercée ou son commerce dans les locaux loués ».
Il ressort des stipulations du bail que le preneur connaissaient les locaux mais rien n'indique que ces derniers n'étaient pas équipés d'extracteur d'odeurs et de fumées en dépit le destination du bail, même si le preneur en prenait possession à l'état brut, à charge pour lui de faire les travaux nécessaires pour se mettre en conformité avec la réglementation pour l'exploitation d'un restauration de poissons.
Aucune condition n'étant posée pour mettre à exécution le bail, qui a démarré dès le 1er avril 2017 permettant ainsi au preneur d'envisager les travaux à effectuer indispensables à son exploitation alors que les locaux étaient livrés à l'état brut.
La SAS Kanpai a d'ailleurs soumis ses projets de travaux au plus tard le 13 septembre 2017 à la Mairie de [Localité 6] (cf pièce 2).
Il convient ensuite de constater que le procès verbal de sortie des locaux du 31 mai 2018, en exécution d'une ordonnance de référé aux fins d'expulsion du 20 mars 2018 du président du tribunal de grande instance de Toulouse, rendue par décision réputée contradictoire sur le fondement de l'article 656 du cpc, fait état de locaux totalement vides et qu'aucun travaux n'ont été exécutés, les locaux litigieux étant encore à l'état brut à la date de la résiliation du bail.
La dite ordonnance de référé a également condamné la SAS Kanpai à verser à la SCI [J] la somme provisionnelle de 42.000 euros outre la clause pénale de 4200 euros, le tout avec intérêts au taux légal majoré de 4 points à compter du 25 janvier 2018.
Cette ordonnance a constaté la résiliation de plein droit du bail.
Il n'a pas été relevé appel de cette ordonnance d'expulsion et de condamnation à des sommes provisionnelles alors que cette ordonnance a été signifiée par procès verbal de recherches infructueuses du 31 mai 2018, les locaux de la société étant vides et son gérant injoignable.
Depuis cette date et alors qu'elle a été régulièrement communiquée à la SAS Kanpai, en première instance, l'ordonnance de référé n'a fait l'objet d'aucun recours
La cour d'appel en déduit que la résiliation de plein droit du bail est donc acquise au 7 décembre 2017.
Or, par assignation du 20 novembre 2020, soit plus de 3 ans après la signature du bail et deux ans et demi après la résiliation de plein droit, le preneur dénonce un manquement à l'obligation de délivrance des locaux du bailleur pour obtenir une indemnisation concernant divers frais engagés avant et en cours d'exécution du bail, la réparation d'un préjudice moral et la restitution d'un chèque rejeté pour défaut de provision suffisante correspondant au premier trimestre de loyers.
En ne contestant pas la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers, le preneur a acquiescé au fait que le bail commercial était en cours d'exécution, avant sa résiliation de plein droit pour non paiement des loyers dus en dépit du fait que les travaux pour démarrer l'exploitation n'avaient pas encore débuté et alors que le preneur avait établi un premier chèque de loyer non suffisamment provisionné.
En revanche, en dépit de la résiliation du bail, le preneur peut engager une action en indemnisation fondée sur le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur dans le délai de la prescription de l'action.
S'agissant de l'obligation de délivrance du bailleur, selon les articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Depuis la loi Pinel, l'article R145-35 du code de commerce, créé par le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, est venu préciser les dépenses ne pouvant être imputées au locataire.
L'article R.145-35 du code de commerce étant expressément d'ordre public aux termes de l'article L.145-15 du même code, les stipulations contraires insérées aux baux doivent être, sans aucun doute, réputées non écrites.
L'article R145-35 dispose que : Ne peuvent être imputés au locataire :
1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;
3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;
4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;
5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.
La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.
Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique ».
Désormais, si les parties sont libres d'aménager leurs obligations sous réserve des dispositions introduites par la loi Pinel, le bailleur ne peut donc s'exonérer totalement de son obligation de délivrance
Selon l'article 1719, l'obligation de délivrance découle de la nature même du contrat et ne peut ainsi être totalement annihilée par la volonté des parties. La jurisprudence considère ainsi que le bailleur est tenu « sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ».
Il ne s'agit pas d'une obligation instantanée exécutée dès la remise matérielle des locaux mais l'obligation de délivrance pèse sur le bailleur tout au long du bail et ce même si une nouvelle réglementation apparaît postérieurement à la date de la conclusion du bail.
Il ressort des ces dispositions que les travaux portant sur les extracteurs d'odeurs et de fumées relèvent de la liste prévue à l'article R 145 - 35 1°et 2° du code de commerce et qu'ils ne peuvent être transférés au preneur que si les stipulations du bail sont précis et explicites pour viser ce type de travaux.
Il a été ainsi jugé que les bailleurs, en délivrant des locaux à destination de « restauration sur place et rapide, la vente de plats cuisinés et à emporté et l'organisation de réception » dépourvus de conduit d'extraction ['], ont manqué à leur obligation de délivrance ».
En l'espèce, si les parties ne précisent pas d'emblée que les travaux d'extraction d'odeurs et de fumées n'avaient pas été effectuées avant la signature du bail, s'agissant d'une obligation qui incombe au bailleur qui, de surcroît, impose une destination exclusive des locaux, il appartenait au bailleur de préciser de façon détaillée les travaux incombant au preneur et notamment ceux relevant de son obligation de délivrance (cf 3eme civ 28 janvier 2021 n° 2013 854)
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La clause de travaux stipulée au bail est générale transférant au preneur tous les travaux pour pouvoir exploiter le fonds de restauration de poisson et aucune compensation financière n'est prévue au dit bail au titre du transfert de l'obligation de délivrance avant l'exploitation effective du bail alors que s'agissant de travaux qui doivent prévoir des interventions en toiture, ils relevaient de ceux visés à l'article 606 du code civil.
Il n'est ainsi pas stipulé que le preneur est dispensé du paiement du loyer en attendant que les locaux soient en état d'exploitation effective et notamment en ce qui concerne la nécessité de disposer d'un système d'extracteur d'odeurs et de fumées, obligatoire pour un fonds de restauration.
Toutefois, selon l'article 1231 du code civil, à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.
Après examen des pièces produites au dossier, ce n'est que dans un courrier du 3 janvier 2018, soit six mois après la résiliation de plein droit du bail et sans avoir relevé appel de l'ordonnance de référé qui la constate, que la SAS Kanpai a reproché au bailleur son manquement de ce chef alors que ce dernier lui réclamait le paiement des loyers et sans pouvoir à cette date le mettre en demeure désormais de réparer son manquement.
La cour constate que si le manquement était établi aux torts du bailleur, le preneur ne l'a pas mis en demeure d'y remédier avant la fin du contrat. Dès lors, le preneur doit être débouté de ses demandes de réparation pour manquement à l'obligation de délivrance.
Enfin , la cour fait observer que les réparations demandées doivent être en lien direct avec le manquement reproché. Or, tel n'était pas le cas des sommes versées au titre du remboursement des cautions qui avaient été écartées au bail (cf dernière phrase de la clause « cautionnement solidaire), ni des frais de notaire pour la signature du bail.
Il ne sera pas davantage fait droit à la demande de la SAS Kanpai de remise de son chèque de règlement des premiers loyers dépourvu de provisions suffisante qui n'est fondée sur aucun texte.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Kanpai de ses demandes en lien avec le manquement au devoir de délivrance.
- Sur les demandes de réparation du préjudice moral allégué par la SAS Kampai pour harcèlement de la bailleresse :
La SAS Kanpai se plaint d'avoir subi un harcèlement de la part de la SCI [J] du fait des poursuites d'huissier, de plainte au commissariat classée sans suite, de fichage à la banque de France et de l'impossibilité qui en est résulté de ne pas pouvoir contracter un crédit.
Dès lors que la SAS Kanpai n'a pas été en mesure de régler ses loyers et qu'elle a fourni d'emblée un chèque dépourvu de provision suffisante, la SCI [J] n'a fait qu'exercer ses droits pour obtenir le règlement de ses créances et récupérer son bien selon les stipulations contractuelles.
La SAS Kanpai n'établit aucun fait qui manifeste une intention de nuire de la SCI [J] ou un quelconque abus de droit.
Il convient de débouter la SAS Kanpai de sa demande et de confirmer également le jugement de ce chef.
- Sur la demande de dommages-intérêts de la SCI [J] pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que la SAS Kanpai se soit méprise sur l'étendue de ses droits alors que son contrat de bail était résilié.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SCI [J] doit être rejetée. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
- Sur les demandes accessoires :
la SAS Kanpai qui succombe en appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel
Eu égard à l'issue du procès, la SAS Kanpai sera condamnée à verser à la SCI [J] 1500 euros en première instance et 1500 euros en appel au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture
- dit irrecevables les conclusions n°2 et n°3 de la société Kanpai ainsi que ses pièces n° 9 à 15
- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS Kanpai à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc), .
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
- condamne la SAS Kanpai à verser à la SCI [J] la somme de 1;500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc pour les frais irrépétibles de première instance
- Confirme le jugement pour le surplus
- Condamne la SAS Kanpai aux dépens d'appel
- Condamne la SAS Kanpaï à payer à la SCI [J] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du cpc en cause d'appel.