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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 29 avril 2025, n° 24/01993

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'ile Nara (SAS)

Défendeur :

Riquet 77 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vet

Conseillers :

M. Balista, M. Gaumet

Avocats :

Me Grisier, Me Pasqualin, Me Javaux, SARL Advise

TJ Toulouse, du 21 mai 2024, n° 23/01694

21 mai 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 31 décembre 1992, la SCI Naxa a consenti à M. [J] [Y] et Mme [H] [Y] un bail commercial d'une durée de 9 ans, commençant à courir le 1er janvier 1993 pour se terminer le 31 décembre 2001, portant sur un local sis à [Adresse 1] en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration asiatique.

Suivant acte authentique du 30 avril 2021, la SCI Naxa a cédé l'immeuble sis au [Adresse 1] à la SCI Riquet 77.

Le bail commercial précédemment consenti aux époux [Y] s'est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er janvier 2002.

Suivant acte sous seing privé du 1er novembre 2008, M. [F] [P] et Mme [N] [G] épouse [P] ont acquis auprès des époux [Y] le fonds de commerce incluant le droit au bail.

Par lettre recommandée en date du 28 novembre 2017, M. et Mme [P] ont sollicité de la part de la SCI Riquet 77 un renouvellement du bail commercial à compter du 1er janvier 2018.

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2017, M. et Mme [P] ont cédé leur fonds de commerce à la SAS l'Ile Nara emportant cession du droit au bail.

Par acte du 8 juin 2020, la SCI Riquet 77 a signifié à la SAS l'Ile Nara un congé sans offre de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction pour le 31 décembre 2020 en application des articles L. 145-4 alinéa 3 et L. 145-18 du code de commerce.

Par acte du 15 septembre 2023, la SCI Riquet 77 a fait assigner la SAS l'Ile Nara devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé, aux fins de voir :

- constater que le bail commercial renouvelé à compter du 1er janvier 2018, consenti par la SCI Riquet 77 à la Société L'Ile Nara, pour les locaux sis [Adresse 1] à Toulouse (31), a pris fin le 31 décembre 2020 suite au congé sans offre de renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction signifié par acte extrajudiciaire en date du 8 juin 2020,

- constater que la Société L'Ile Nara n'a pas saisi le tribunal pour contester le congé sans offre de renouvellement ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction dans le délai de deux ans commençant à courir le 1er janvier 2021,

- juger que la Société L'Ile Nara ne pouvant plus prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction ne peut plus se prévaloir d'un quelconque droit au maintien dans les lieux,

- ordonner l'expulsion de la Société L'Ile Nara et de tous occupants de son chef, des

locaux en cause, à compter de la date de signification à partie de l'ordonnance d'expulsion à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros, par jour de retard,

- condamner la Société L'Ile Nara au paiement à titre provisionnel d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer, à compter du 1er janvier 2021 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés,

- condamner la Société L'Ile Nara au paiement, au profit de la Société SCI Riquet 77,

d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société L'Ile Nara (en cas de recouvrement forcé) au paiement du droit proportionnel de l'huissier en application de l'article L.111-8 du Code des procédures civiles d'exécution,

- condamner la Société L'Ile Nara aux entiers dépens.

Par une ordonnance contradictoire du 21 mai 2024, le juge des référés a :

- constaté la résiliation du bail liant la SCI Riquet 77 et la SAS l'Ile Nara avec effet au 31 décembre 2020,

- ordonné en conséquence l'expulsion de la SAS l'Ile Nara et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] (31), occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

- dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte,

- condamné la SAS l'Ile Nara à payer par provision à la SCI Riquet 77 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer résultant du bail, à compter du 1er janvier 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la SAS l'Ile Nara aux dépens,

- condamné la SAS l'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 11 juin 2024, SAS l'Ile Nara a relevé appel de la décision en critiquant l'ensemble des dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SAS l'Ile Nara dans ses dernières conclusions en date du 24 janvier 2025, demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas retenu l'existence de contestations sérieuses et ainsi a :

* constaté la résiliation du bail liant la SCI Riquet 77 et la SAS l'Ile Nara, avec effet au 31 décembre 2020,

* ordonné en conséquence l'expulsion de la SAS l'Ile Nara et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 1] (31), occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

* dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer par provision à la SCI Riquet 77 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer résultant du bail, à compter du 1er janvier 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

* condamné la SAS l'Ile Nara aux dépens,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas retenu la nullité de l'acte de signification du congé sans offre de renouvellement pour défaut de mentions concernant les diligences quant aux mentions au PV sur les inscriptions sur la boîte aux lettres et la vérification du domicile de la personne morale et ainsi a :

* constaté la résiliation du bail liant la SCI Riquet 77 et la SAS l'Ile Nara , avec effet au 31 décembre 2020,

* ordonné en conséquence l'expulsion de la SAS l'Ile Nara et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 1] (31), occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

* dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer par provision à la SCI Riquet 77 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer résultant du bail, à compter du 1er janvier 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

* condamné la SAS l'Ile Nara aux dépens ,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- juger à nouveau, en déclarant l'existence de contestations sérieuses en raison de l'appréciation de la nullité de forme du congé sans offre de renouvellement, et de l'appréciation du grief qui en découle à l'encontre de la partie qui soulève la nullité, et l'existence de contestations sérieuses portant sur la qualification d'un nouveau bail commercial verbal,

- et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

Et si mieux ne veut, et si la cour en appel d'une ordonnance de référé se déclarait compétente,

- juger à nouveau, en prononçant la nullité de l'acte de signification du congé sans offre de renouvellement ayant causé un grief à la SAS L'Ile Nara,

Et si mieux ne veut, et si la cour considérait l'acquisition de la prescription biennale et en application de l'article 88 du CPC,

- se déclarer compétent à évoquer l'argument au fond en tant que juridiction du second degré,

En conséquence,

- constater l'existence d'un nouveau bail commercial formé entre les parties à compter du premier trimestre 2022 par l'accord sur un nouveau montant de loyer,

- déclarer le bail commercial valable et dès lors en cours d'exécution,

- rejetter en conséquence toutes demande de résiliation et d'expulsion fondée sur ce nouveau bail,

enfin, et en tout état de cause,

- condamner la SCI Riquet 77 à verser à la SAS l'Ile Nara (Kimato Sushi) la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, dont distraction faite au profit de Me Jessica Grisier sur son affirmation de droit,

- condamner SCI Riquet 77 aux entiers dépens de l'instance.

La SCI Riquet 77 dans ses dernières conclusions en date du 24 janvier 2025, demande à la cour au visa des articles 114, 653 et suivants et 834 et suivants du code de procédure civile et les articles L.145-9 et L.145-60 du code de commerce, de :

- recevoir la SCI Riquet 77 en ses demandes, les dire bien fondées et y faisant droit, - débouter la SAS l'Ile Nara de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 mai 2024 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elle a :

* constaté la résiliation du bail liant la SCI Riquet 77 et la SAS l'Ile Nara avec effet au 31 décembre 2020,

* ordonné en conséquence l'expulsion de la SAS l'Ile Nara et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] (31), occupés sans droit, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer par provision à la SCI Riquet 77 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer résultant du bail, à compter du 1er janvier 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

* condamné la SAS l'Ile Nara aux dépens,

* condamné la SAS l'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau, y ajoutant :

- ordonner l'expulsion de la SAS l'Ile Nara et de tous occupants de son chef, des locaux en cause, à compter de la date de signification à partie de décision à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros, par jour de retard,

- condamner la SAS l'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 5 000 euros au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS l'Ile Nara aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cynthia Pasqualin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 03 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour constater la résiliation du bail à effet au 31 décembre 2020, ordonner en conséquence l'expulsion de la SAS L'Ile Nara et la condamner au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation mensuelle, le premier juge a retenu que le congé sans offre de renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction du 08 juin 2020 a été délivré à l'initiative du bailleur dans les formes et conditions prévues par les articles L. 145-9, L. 145-4 et L. 145-18 du code de commerce et qu'à défaut pour la société preneuse d'avoir introduit un recours dans un délai de deux ans, le bail a pris fin à la date d'expiration de la première période triennale ayant pris effet le 1er janvier 2018. Pour écarter les contestations de la SAS L'ile Nara tenant à l'irrégularité de la délivrance du congé, le juge des référés a souligné que l'adresse mentionnée sur l'acte d'huissier est celle, non contestée, figurant sur l'extrait Kbis, que les diligences de l'huissier n'étaient pas combattues par des photographies non datées produites par la société locataire, que l'enseigne et le nom commercial figurent sur le local, lequel était fermé selon l'huissier, caractérisant ainsi l'impossibilité de signifier l'acte à personne et qu'à la date de délivrance de l'acte, les mesures de confinement liées à la pandémie n'étaient plus en vigueur. Le premier juge a déduit de ces éléments que la régularité de la délivrance du congé n'était pas sérieusement contestable et que la SAS L'Ile Nara était occupante sans droit ni titre, ce qui caractérisait un trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser.

Pour conclure à l'infirmation de la décision dont elle a relevé appel, la SAS L'Ile Nara fait valoir que :

- le juge des référés n'a pas motivé sa décision au regard du grief attaché à la nullité qu'elle soulève et qu'il lui suffit d'invoquer pour induire une contestation sérieuse justifiant que l'affaire soit tranchée au fond quant à la réalité du grief,

- en application des articles 654 à 659 et 114 du code de procédure civile, le congé notifié le 08 juin 2020 est entaché de nullité dans la mesure où les modalités de remise de l'acte indiquent seulement que le nom figure sur la boîte aux lettre, mais n'indiquent pas que l'huissier a recherché si l'enseigne et le nom commercial figuraient sur la boîte aux lettres et correspondaient au local, ce dont elle déduit qu'il n'a pas été procédé à la vérification de l'exactitude du domicile de la personne morale, aucune diligence n'étant relatée sur le procès-verbal établi par l'huissier,

- les photographies qu'elle produit démontrent qu'elle ne dispose pas d'une boîte aux lettres individuelle, mais que son courrier est distribué dans une colonne commune de plusieurs boîtes aux lettres dépourvue de verrou pouvant être ouverte par n'importe qui, au risque que les courriers en tombent,

- la nullité de la signification du congé lui cause un grief en ce que n'en ayant jamais été destinataire, elle en a découvert l'existence au travers de l'assignation du 15 septembre 2023 et se voit opposer la prescription biennale tant pour la contestation du congé que pour la fixation d'une indemnité d'éviction,

- la signification de l'ordonnance entreprise portait la mention 'mai' et non 'juin', ce qui démontre que des diligences peuvent ne pas être parfaitement exécutées, entraînant des conséquences graves.

La société appelante estime que le mail que lui a adressé le bailleur le 06 juin 2024 démontre qu'il use d'une manoeuvre d'instrumentalisation de la justice confinant à l'abus de droit.

Elle soutient que les factures établies pour les années 2021 et 2022 démontrent que le bailleur a accepté le paiement d'un nouveau loyer, ce dont elle n'a pu déduire qu'elle n'était plus titulaire d'un bail puisque son obligation principale avait fait l'objet d'une renégociation, alors qu'elle a au contraire légitimement pensé que son bail se poursuivait, voire même qu'il était renouvelé sous la forme d'un bail commercial verbal à compter du premier trimestre 2022 pour une durée de 9 ans. Elle précise que le bailleur a porté la mention d'indemnités d'occupation et non plus d'un loyer sur ses factures établies à partir du 2ème trimestre 2023, révélant selon elle 'son jeu' après l'expiration du délai de prescription. Elle ajoute qu'une erreur de plume dans les écritures de la société intimée démontre que celle-ci a usé du même procédé à l'encontre d'un autre locataire du même immeuble, la société AS Cheema, ce dont elle tire une apparence généralisée contractuelle trompeuse.

Pour conclure à la confirmation de la décision entreprise, la SCI Riquet 77 fait valoir que :

- le congé qu'elle a fait délivrer le 08 juin 2020 est régulier, le procès-verbal de signification comprenant toutes les mentions légales requises par les articles 655 et 656 du code de procédure civile et notamment les diligences opérées par l'huissier concernant la vérification du domicile de la personne morale,

- les photographies de sa boîte aux lettres que produit la SAS L'Ile Nara, qui ne sont pas précisément datées, ne démontrent pas l'irrégularité de la signification du 08 juin 2020,

- la SAS L'Ile Nara, qui n'a pas agi en contestation du congé dans le délai de deux ans suivant sa délivrance, ne peut plus, même par voie d'exception, se prévaloir d'un droit au maintien dans les lieux et est redevable d'une indemnité d'occupation.

La société intimée conteste le fait que le bail aurait été renouvelé au seul motif qu'elle aurait accepté une baisse de loyer postérieurement à la date d'effet du congé, puisque seule l'expression d'un droit de repentir de sa part, inexistant en l'espèce, aurait permis à la SAS L'Ile Nara de se prévaloir d'un nouveau bail.

Sur ce,

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 835 du même code, il peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application des articles 654 à 659 du code de procédure civile, la signification d'un acte par commissaire de justice doit être prioritairement délivrée à la personne de son destinataire. En cas d'impossibilité, elle peut être faite à son domicile. Le commissaire de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. À défaut de pouvoir signifier l'acte à domicile ou à résidence, la signification doit être faite à l'étude du commissaire de justice. Lorsque le destinataire de l'acte n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice doit dresser un procès-verbal retraçant ses diligences et en adresser la copie par courrier recommandé avec accusé de réception à la dernière adresse connue du destinataire. Il doit de même aviser par lettre simple le destinataire de l'accomplissement de cette formalité.

Le commissaire de justice chargé de la délivrance de l'acte est tenu de faire toute diligence destinée à rencontrer le destinataire de l'acte sans que cette obligation ne lui impose de se présenter à plusieurs reprises au domicile connu ou supposé. À défaut, le commissaire de justice est tenu de vérifier que le destinataire de l'acte demeure à l'adresse indiquée et de mentionner dans l'acte qu'il a procédé à cette vérification en rapportant les investigations concrètes que l'article 656 précité lui impose d'effectuer. En l'absence de domicile certain, le commissaire de justice doit effectuer plusieurs diligences en vue de déterminer l'adresse du destinataire.

L'article 693 du même code prescrit la réalisation de ces diligences à peine de nullité.

Selon les articles 112 à 115 du même code, la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée que lorsqu'elle est prévue par la loi et qu'elle fait grief à la partie qui l'invoque.

En l'espèce, dans le procès-verbal de signification de l'acte du 08 juin 2020, Me [M] [O], commissaire de justice a indiqué s'être présenté au domicile de la SAS L'Ile Nara, au [Adresse 1]. Le commissaire de justice a indiqué que la signification à la personne du destinataire s'était révélée impossible, les locaux étant fermés. Il a précisé que la certitude du domicile était acquise par le fait que le nom figurait sur la boîte aux lettres. Il a laissé l'avis de passage prévu par les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile et adressé la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile.

Il n'est pas contestable que l'adresse à laquelle le commissaire de justice s'est présenté est bien celle du siège social de la SAS L'Ile Nara et le lieu où elle exploite son fonds de commerce ainsi qu'il ressort de son extrait Kbis et du bail. La société appelante ne prétend d'ailleurs pas qu'elle aurait occupé une autre adresse à cette date. Celle à laquelle s'est présenté le commissaire de justice constitue dès lors son domicile certain et il n'y avait pas lieu qu'il procède à d'autres diligences pour identifier son adresse.

Le seul fait qu'il n'ait rencontré sur place aucune personne pour recevoir l'acte ne l'obligeait pas à y revenir pour tenter une nouvelle signification. La SAS L'Ile Nara dispose à cette adresse d'une boîte aux lettres dont le fonctionnement et l'entretien lui incombent, sans qu'il ait pu être exigé du commissaire de justice qu'il s'interroge sur le fonctionnement propre à cette boîte aux lettres qui est en réalité fermée par un panneau derrière lequel se trouvent plusieurs boîtes aux lettres.

Il ne suffit pas qu'un congé identique ait été délivré à une autre locataire pour établir des manoeuvres du bailleur qui auraient eu pour objet ou pour effet de priver la société preneuse de son droit de contester le congé dans le délai de deux ans à compter de sa délivrance, étant observé que la libération des lieux loués est destinée à la mise en oeuvre d'un projet immobilier pour la réalisation duquel la SCI Riquet 77 a obtenu un permis de construire valant permis de démolir suivant arrêté de la mairie de [Localité 3] du 25 avril 2022.

Le changement de qualification par le bailleur des sommes encaissées, qualifiées d'indemnités d'occupation à compter du 2ème trimestre 2023, est sans incidence sur le droit d'occupation de la SAS L'Ile Nara, dont elle était déjà privée à cette date.

Le courrier électronique adressé le 06 juin 2024 par le gérant de la SCI Riquet 77 à la SAS L'Ile Nara qui indique qu'il n'a pas besoin qu'elle quitte les lieux puisqu'il reste dans l'attente de l'issue du recours d'un tiers contre ce permis de construire et qu'il s'engage à prévenir la locataire deux mois avant la date à laquelle elle devra libérer les lieux n'est pas de nature à révéler une quelconque manoeuvre de la part de la société bailleresse, mais traduit simplement un accord de la SCI Riquet 77 pour différer l'exécution de la décision entreprise à laquelle il est postérieur.

Le fait qu'un autre commissaire de justice ait, à l'occasion de la signification de l'ordonnance entreprise le 05 juin 2024 indiqué par erreur la date du 05 mai 2024 est sans incidence sur un acte délivré quatre années plus tôt, étant observé que la date du 08 juin 2020, à laquelle le congé a été délivré n'est pas contestée.

Ayant rejeté le moyen de nullité de l'acte du 08 juin 2020, le juge des référés n'avait pas à examiner l'existence d'un grief causé à la SAS L'Ile Nara.

Si le locataire qui bénéficie d'un bail commercial est admis à se maintenir dans les lieux tant que le bailleur ne lui a pas versé l'indemnité d'éviction, ce droit au maintien dans les lieux prend fin lorsque le locataire a perdu le droit de solliciter une telle indemnité, ce qui est le cas en l'espèce puisque contrairement aux exigences de l'article L. 145-60 du code de commerce, la SAS L'Ile Nara n'a pas agi en fixation de l'indemnité d'éviction dans le délai de deux ans suivant la délivrance du commandement.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a constaté la résiliation du bail à la date du 31 décembre 2020 en application combinée des articles L. 145-9, L. 145-4 et L. 145-18 du code de commerce.

La SAS L'Ile Nara ne prétend pas utilement que la SCI Riquet 77 lui aurait accordé un nouveau bail à compter du premier trimestre 2022 alors qu'à elle seule, une réduction du loyer ne peut signifier une acceptation non équivoque du bailleur à conclure un nouveau bail verbal conforme au statut des baux commerciaux.

C'est en conséquence de façon justifiée que le juge des référés a considéré que la SAS L'Ile Nara étant occupante sans droit ni titre, elle devait être expulsée afin de faire cesser un trouble manifestement illicite et condamnée à payer par provision une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges.

Comme l'a justement décidé le premier juge, il n'y a pas lieu d'assortir l'expulsion d'une astreinte, la SCI Riquet 77 disposant de voies de droit suffisamment coercitives pour faire exécuter ce chef de décision.

La décision sera dès lors confirmée en toutes ses dispositions.

La SAS L'Ile Nara qui perd le procès en appel en supportera les dépens.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Cynthia Pasqualin sera autorisée à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Il serait inéquitable de laisser à la SCI Riquet 77 la charge des frais qu'elle a exposés en appel et la SAS L'Ile Nara sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme l'ordonnance rendue le 21 mai 2024 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- Condamne la SAS L'Ile Nara aux dépens d'appel,

- Autorise Maître Cynthia Pasqualin à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- Condamne la SAS L'Ile Nara à payer à la SCI Riquet 77 la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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