CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 24 avril 2025, n° 21/06087
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Anouch (SARL)
Défendeur :
Saint Julien (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Badie, Me Guedj, Me Amsellem, Me Montero, Me Bensa
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte sous seing privé en date du 3 avril 1998, la SARL Saint Julien a donné à bail commercial à la SARL From'Herault des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à effet du 15 avril 1998. Ledit bail a été renouvelé suivant avenant du 8 novembre 2007 pour une nouvelle période courant du 15 avril 2007 au 14 avril 2016.
Par acte du 31 octobre 2012, la SARL From'Herault a cédé son fonds de commerce de vente et fabrication de produits alimentaires et tous commerces se rapportant à ces activités, à la société Teilys. Par avenant du même jour, une substitution du preneur à bail a été opérée au profit de la société Teilys.
Par exploit du 24 juillet 2016, la société Saint Julien a donné congé à la société Teilys, représentée par Me [D] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société, avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction au profit du locataire.
Le 30 avril 2015, la SARL Anouch a acquis ce fonds de commerce auprès de Me [D] [Z].
La société Saint Julien a sollicité l'instauration d'une mesure d'expertise et par ordonnance de référé en date du 25 janvier 2017, Mme [Y] a été désignée en qualité d'expert judiciaire aux fins d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.
Par acte du 9 mars 2018, la SARL Anouch a fait assigner la SARL Saint-Julien devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins que celle-ci soit notamment condamnée à lui verser une somme de 250.000 ' à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction.
L'expert [Y] a déposé son rapport définitif le 7 décembre 2018 proposant de fixer l'indemnité d'éviction comme suit:
- dans l'hypothèse d'une perte totale du fonds: entre 596.000 ' et 597.000 ',
- dans l'hypothèse d'un transfert du fonds: entre 196.500 ' et 282.000 '.
Par jugement en date du 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a:
- condamné la SARL Saint Julien à verser à la SARL Anouch:
* la somme de 282.000 ' au titre de l'indemnité d'éviction,
* la somme de 4.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Anouch au titre du préjudice résultant du mauvais état de la toiture,
- rejeté toute autre demande,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la SARL Saint Julien aux dépens.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- sur l'indemnité d'éviction:
* la SARL Anouch ne justifie pas de recherches de locaux infructueuses et, par suite, de l'impossibilité de transférer le fonds de commerce,
* il convient de lui allouer la somme de 282.000 ' correspondant à l'évaluation haute de l'expert [Y], dans l'hypothèse d'un transfert du fonds de commerce,
- sur le préjudice subi du fait du mauvais état de la toiture:
* il est constant que des travaux de réfection de la toiture étaient nécessaires et ceux-ci ont été réceptionnés le 21 décembre 2019,
* la SARL Anouch ne fournit cependant aucun élément concret de nature à permettre au tribunal d'évaluer le préjudice résultant des infiltrations ayant affecté les locaux loués, de sorte que sa demande indemnitaire formée de ce chef ne peut qu'entrer en voie de rejet.
Par déclaration en date du 23 avril 2021, la SARL Anouch a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées le 5 février 2025, la société Anouch demande à la cour de:
Vu les articles 145-14 et suivants du code de commerce,
- admettre au visa de l'article 802 alinéa 2, les présente écritures et les pièces 27 à 31 versées aux débats,
- à défaut, pour se faire également, au visa de l'article 803, le cas échéant, révoquer la clôture rendue le 21 janvier 2025,
- recevoir l'appel de la société Anouch, le déclarer recevable et bien fondé,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille sur les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel, notamment en ce qu'il a condamné la SARL Saint Julien à verser à la SARL Anouch la somme de 282.000 ' au titre de l'indemnité d'éviction, ainsi que la somme de 4.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Anouch au titre du préjudice résultant du mauvais état de la toiture,
- débouter la société Saint Julien de ses demandes, fins et conclusions,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Saint Julien à verser à la société Anouch la somme de 915.395 ' au titre de l'indemnité d'éviction consécutive à la délivrance d'un congé avec refus de renouvellement signifié le 24 juillet 2016 et prenant effet le 14 avril 2016, par le bailleur concernant des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5],
Vu les articles 1719 et 1720 du code civil,
- condamner la société Saint Julien à verser à la société Anouch la somme de 20.000 ' à titre de dommages et intérêts pour le mauvais état de la toiture et le trouble de jouissance,
- condamner la société Saint Julien à la somme de 6.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Saint Julien aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour les dépens d'appel, au profit de la SCP Badie Simon Thibaud Juston.
La SARL Saint Julien, suivant ses dernières conclusions déposées et notifiées le 7 février 2022, demande à la cour de:
- débouter la société appelante de sa demande de condamnation à 597.000 ' au titre de l'indemnité d'éviction consécutive à la délivrance du congé avec refus de renouvellement signifié le 24 juillet 2016 et prenant effet le 14 avril 2016, relatif à des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5],
- réformer la décision entreprise et dire qu'en tout état de cause, le montant de l'indemnité d'éviction ne peut être évalué qu'à 50.000 ' et à 36.337 ' en ce qui concerne les indemnité accessoires,
- débouter la société appelante de toutes ses autres fins et demandes,
Subsidiairement,
- confirmé la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Anouch à 282.000 ' au titre de l'indemnité d'éviction et rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Anouch au titre du préjudice résultant du mauvaise état de la toiture,
- condamner la société Anouch à 4.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Anouch aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de Me Paul Guedj de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 janvier 2025. Elle a fait l'objet d'une révocation, avec l'accord des parties, afin d'accueillir les dernières conclusions d'actualisation et pièces de la SARL Anouch. Elle a été à nouveau clôturée le 12 février 2025, avant l'ouverture des débats.
MOTIFS
Sur l'indemnité d'éviction
Sur l'indemnité principale
La SARL Anouch fait grief au premier juge d'avoir fixé l'indemnité d'éviction sur la base de l'hypothèse d'un transfert du fonds de commerce alors que:
- le transfert de fonds, en l'espèce, n'est pas possible, puisqu'il n'existe pas de locaux disponibles présentant les mêmes caractéristiques que celui donné à bail, comportant notamment des places de stationnement devant la boulangerie,
- il n'appartient pas au locataire de justifier que le transfert serait possible ou non, le tribunal ayant opéré sur ce point un inversement de la charge de la preuve,
- en l'absence de démonstration par le bailleur d'une possibilité de transfert, il convient de retenir une indemnité pour perte de fonds de commerce.
La société Saint Julien, pour sa part, estime que l'évaluation du fonds de commerce s'effectue selon la méthode du droit au bail qu'elle évalue à 50.000 ' , en proposant de le calculer soit par rapport à l'économie de loyer, soit en fonction de l'évaluation effectuée par le juge commissaire à la liquidation judiciaire du précédent exploitant, la société Teylis.
En vertu de l'article L 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
L'évaluation de l'indemnité principale d'éviction dépend de la nature du préjudice subi par le locataire:
- si le locataire subi une perte de son fonds, il bénéficiera d'une indemnité de remplacement dudit fonds qui doit correspondre à la valeur du fonds de commerce, à laquelle s'ajoutent des indemnités accessoires afin de permettre au locataire évincé de procéder à l'acquisition d'un fonds présentant une valeur identique,
- en cas de possible transfert du fonds sans conséquence notable sur la clientèle, le locataire bénéficiera alors d'une indemnité dite de déplacement égale à la valeur du droit au bail, majorée le cas échéant, des indemnités accessoires liées au transfert.
L' article L 145-14 susvisé emporte toutefois présomption que le défaut de renouvellement entraîne la disparition du fonds, ce dont il résulte que le locataire évincé est fondé à solliciter une indemnité principale de remplacement qui doit être égale à la valeur marchande du fonds de commerce disparu.
Ainsi, et contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge, la charge de la preuve de la transférabilité du fonds, sans perte de clientèle ( ou perte limitée) repose sur le bailleur.
A la lecture du rapport d'expertise, il apparaît que la société Anouch exploite un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, situé [Adresse 2], dans le quartier de [Adresse 4]. Il s'agit d'une parcelle supportant un bâti commercial d'environ 100 m² de surface plancher et 15 places de stationnement devant. L'établissement est en relativement bon état, à l'exception de la toiture qui supporte des traces d'infiltrations.
Mme [Y] a mis en évidence l'existence d'un commerce de proximité, implanté dans un secteur de bonne commercialité, l'adaptation des locaux à l'activité exercée, des agencements et équipements professionnels de bonne qualité ainsi que la présence de l'aire de stationnement pour 15 véhicules. Après consultation des sites professionnels pour les locations commerciales, elle a relevé une seule offre de location pour un local à proximité, mais sans aire de stationnement.
Il ressort de ces éléments qu'il n'existe pas d'autres locaux disponibles dans le secteur présentant les mêmes caractéristiques que ceux, objets du bail, et notamment comportant des places de stationnement devant la boulangerie. Au demeurant, la SARL Saint-Julien ne soutient nullement, dans ses écritures, que le fonds litigieux serait transférable.
Le bailleur ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe d'une réinstallation possible à proximité des locaux loués sans perte de clientèle.
L'indemnité sera donc calculée en excluant la réinstallation.
Lorsque le fonds n'est pas transférable, le refus de renouvellement du bail entraîne sa disparition. L'indemnité de remplacement due par le bailleur aura pour assiette la valeur du fonds de commerce ( dont le droit au bail est un élément d'appréciation) en prenant en compte les activités principales et accessoires exercées par le locataire sur la base du chiffre d'affaires résultant des déclarations fiscales TTC sauf usages professionnels contraires et éventuelles pondérations en cas d'éléments particuliers.
La consistance du fonds s'apprécie à la date du congé. Toutefois, lors que l'éviction n'est pas réalisée et que le locataire se maintient dans les lieux, l'indemnité d'éviction s'apprécie en tenant compte de la valeur du fonds de commerce au jour où le juge statue, lequel doit apprécier l'évolution de la valeur du fonds pendant le cours de la procédure qu'il s'agisse d'une augmentation ou d'une diminution.
Enfin, si la valeur du fonds est inférieure à celle du droit au bail, l'indemnité sera fixée par référence à la valeur du droit au bail.
En considération de ces éléments, la proposition du bailleur de calculer le droit au bail par rapport à l'économie de loyer ne peut qu'être écartée puisqu'il s'agit d'évaluer un fonds de commerce. De même, la méthode résultant de l'évaluation effectuée par le juge commissaire à la liquidation judiciaire du précédent exploitant ne sera pas davantage retenue en ce que le juge commissaire n'est pas chargé de valoriser un fonds mais reçoit une offre et si celle-ci lui semble acceptable, il autorise, le cas échéant, la cession du fonds, de gré à gré.
A l'issue de ses investigations, l'expert [Y] a retenu un chiffre d'affaires moyen de 535.000 ' annuels TTC sur les trois derniers exercices et a estimé que le pourcentage à retenir, suivant les normes et usages de la profession, pouvait être de 90% , soit une valeur du fonds de commerce de 482.000 ' sur la base des chiffres d'affaires réalisés sur la période 2015 à 2017.
Ce pourcentage de 90% n'est pas utilement contesté par les parties et sera donc retenu.
La société Anouch, qui exploite toujours le fonds et est donc demeurée dans les lieux, est cependant fondée à réclamer un calcul de l'indemnité de remplacement à la date la plus proche de son préjudice. Elle justifie, par la production des trois derniers bilans des exercices 2022, 2023 et 2024 ainsi que de deux attestations de son expert-comptable que sur cette période, elle a réalisé, s'agissant du fonds litigieux, les chiffres d'affaires suivants:
- 2024: 886.181,22 ',
- 2023: 819.435,24 ',
- 2022: 737.642,78 ',
soit un chiffre d'affaires moyen sur ces trois exercices de 814.419 '.
En retenant le pourcentage proposé par l'expert judiciaire, soit 90%, l'indemnité principale doit être fixée à 732.977 ' ( 90% de 814.419 '). Dans son rapport, Mme [Y] retenait déjà que la valeur du droit au bail était inférieur à la valeur du fonds. Or, au regard des derniers éléments comptables produits par la société Anouch, une telle situation est nécessairement inchangée à ce jour, de sorte que c'est bien la valeur du fonds qui doit être retenue comme base de l'indemnité principale, à savoir 732.977 '.
Sur les indemnités accessoires
a. L'indemnité de remploi
Cette indemnité est constituée d'une estimation des dépenses nécessaires pour procéder à l'achat d'un fonds de commerce équivalent ou un autre droit au bail. L'expert judiciaire évalue cette indemnité forfaitairement à 10% du montant de l'indemnité principale. Ce pourcentage n'est pas contesté par les parties.
L'indemnité de remploi doit donc être fixée à 73.297 '.
b. Les frais de déménagement
Mme [Y] a proposé une somme de 25.000 ', qui sera retenue, en l'absence de discussion sur ce point par les parties.
c. L'indemnité pour trouble commercial
Cette indemnité correspond au préjudice subi par le locataire pendant la période de déménagement et/ ou de réinstallation ou, faute de réinstallation, du fait des formalités de cessation d'activité.
L'expert a évalué cette indemnité à 6.500 ' soit trois mois de masse salariales plus les charges. Ce montant n'est pas discuté et sera donc adopté.
d. Sur les frais de licenciement
La société Anouch communique le livre de paie concernant les salariés affectés à l'exploitation de son fonds ainsi que les contrat de travail des 8 salariés travaillant à ce jour dans l'établissement. Il s'ensuit que 8 personnes seraient licenciées.
La locataire produit une attestation de son expert-comptable en date du 23 janvier 2023, chiffrant le coût total des licenciements à la somme de 77.621 ' . Ce document comporte en annexe un tableau récapitulant, pour chaque salarié, en fonction de son ancienneté et de son salaire moyen, le montant de l'indemnité de licenciement ainsi que du préavis.
Par voie de conséquence, il sera donc alloué à la société locataire, la somme de 77.621 ' au titre des frais de licenciement qui sont , en l'espèce, dûment justifiés.
L'indemnité d'éviction s'élève ainsi à la somme totale de 915.395 ' ( 732.977+ 73297+25.000+6.500+77.621) .
Sur le préjudice résultant des infiltrations affectant la toiture
En vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (...).
Le bailleur est ainsi tenu sans qu'il soit besoin d'une obligation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. Il ne s'agit pas d'une exécution instantanée exécutée dès la remise matérielle des lieux et cette obligation de délivrance pèse sur le bailleur tout au long du bail.
Il ressort du rapport d'expertise que lors que la visite des lieux par Mme [Y] le 20 avril 2017, celle-ci a constaté l'existence de traces d'infiltrations dans le faux plafond du laboratoire.
La société Anouch communique également un procès-verbal de constat dressé le 15 octobre 2019 aux termes duquel l'huissier a noté que dans les locaux donnés à bail, l'eau perle du plafond sur la fontaine à eau ainsi que sur le pétrin, que l'eau perle également sur la prise murale située à l'aplomb de la façonneuse et sur les prises alimentant la balance et que des récipients recueillant les eaux de pluie sont présents. L'huissier a relevé également des traces d'infiltrations importantes sur les contrecloisons et au niveau des dalles de faux-plafond outre des traces moisissures et que les spots du faux plafond ont sauté et sont remplis d'eau.
Il n'est pas contesté par les parties que les travaux de réfection de la toiture qui se sont avérés nécessaires, ont été effectués et réceptionné le 21 décembre 2019.
Il n'en demeure pas moins que la société locataire a subi des fuites qui ont perduré, en l'absence d'autres éléments probants, à tout le moins à compter de début 2017 à la fin de l'année 2019, soit durant trois ans.
Le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance est donc établi sur cette période.
Il résulte de rapport d'expertise que le loyer versé par la société Anouch s'établissait à cette époque à 4.238, 92 ' par mois ( soit 50.867 ' par an) et que les infiltrations ont concerné le laboratoire en arrière boutique. En considération de ces éléments, il convient d'allouer une somme de 423 ' par mois en réparation du préjudice subi par la locataire ( soit 10% du montant du loyer). Son préjudice sur 36 mois doit être arrêté à la somme de 15.228 '.
En définitive, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Condamne la société Saint Julien à verser à la société Anouch la somme de 915.395 ' au titre de l'indemnité d'éviction consécutive à la délivrance du congé avec refus de renouvellement signifié le 24 juillet 2016 et prenant effet le 14 avril 2016, concernant des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5],
Condamne la société Saint Julien à verser à la société Anouch la somme de 15.228 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de son trouble de jouissance,
Condamne la société Saint Julien à verser à la société Anouch la somme de 5.000 ' sur le fondement des dispositions l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Saint Julien aux dépens de première d'instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.