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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 24 avril 2025, n° 20/00831

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mercure (SCI)

Défendeur :

Credit du Nord (SA), Societe Marseillaise de Credit (SA), Societe Generale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Vice-président :

Mme Ougier

Conseiller :

Mme Vincent

Avocats :

Me Barathon, Me Payen, SCP Drujon d'Astros & Associés

TGI Aix-en-Provence, du 2 déc. 2019, n° …

2 décembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

Par acte authentique du 30 juillet 2010, la SCI Mercure a acquis des lots dans un ensemble immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 5] pour un prix de 445'500 euros financé par un prêt consenti par la SA Le Crédit du nord.

Ce prêt, contracté dans le même acte, portait sur la somme de 475'000 euros remboursable sur 15 ans à un taux d'intérêts de 3,40%.

Par avenant à cet acte du 14 novembre 2011, la SCI Mercure et la SA Le Crédit du nord sont convenues de la modification du taux des primes d'assurance.

Le 11 septembre 2012, la SA Le Crédit du nord et la SA Société marseillaise de crédit (ci-après SMC) ont conclu un traité d'apport partiel d'actif aux termes duquel la première apportait à la seconde l'ensemble de ses biens, droits et obligations dans le secteur de Provence Alpes Côte d'Azur, emportant transmission universelle des éléments d'actif et passif de cette branche.

Par exploit du 27 juillet 2015, la SCI Mercure assignait la SA Le Crédit du nord devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins de voir constater que les documents contractuels du prêt ne mentionnent pas le TEG, de voir juger en conséquence que le taux d'intérêt stipulé est nul et doit être remplacé par le taux légal, et de voir condamner la banque à lui rembourser un trop perçu à ce titre.

La SA SMC a été appelée en la cause par exploit du 24 mars 2016.

Par jugement du 2 décembre 2019, le tribunal a

- déclaré irrecevable faute d'intérêt à agir l'action dirigée par la SCI Mercure contre la SA Le Crédit du nord,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action engagée le 24 mars 2016 par la SCI Mercure contre la SA SMC relativement au prêt du 30 juillet 2010,

- condamné la SCI Mercure à verser à la SA Le Crédit du nord et la SA SMC la somme de 1'500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Mercure aux dépens.

La SCI Mercure a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions par déclaration du 17 janvier 2020.

Le 1er janvier 2023, La SA Crédit du nord et la SA SMC faisaient l'objet d'une fusion absorption par la SA Société générale.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 9 mai 2023.

Par exploit du 20 avril 2023, la SCI Mercure a appelé en la cause la SA Société générale et lui a signifié ses conclusions, avec demande de révocation de l'ordonnance de clôture, et ses pièces.

Par arrêt avant dire droit du 12 décembre 2024, la cour a

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 11 avril 2023,

- déclaré en conséquence recevables les conclusions notifiées par la SCI Mercure les 17 et 27 avril 2023, l'assignation en intervention forcée délivrée le 20 avril 2023, les conclusions et pièces notifiées par la Société générale les 25 avril et 2 mai 2023,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 18 février 2025, l'ordonnance de clôture intervenant le 4 février 2025,

- réservé les dépens et les demandes formées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Société générale venant aux droits de la SA Le Crédit du nord et de la SA SMC a conclu. L'arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.

Selon ordonnance du magistrat de la mise en état, la clôture a été reportée à la demande des parties au 11 février 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 18 février 2025 et a été mise en délibéré au 24 avril 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions n°6 notifiées par la voie électronique le 10 février 2025, la SCI Mercure, appelante, demande à la cour de':

A titre liminaire, sur l'irrecevabilité des conclusions, bordereau et pièces de la Société générale notifiés les 25 avril et 2 mai 2023 et 25 janvier 2025,

vu l'article 909 du code de procédure civile,

vu l'article 370 du code de procédure civile,

vu l'ordonnance d'incident du 7 janvier 2021 ayant déclaré les sociétés SMC et Crédit du nord irrecevables en leurs conclusions, bordereau et pièces, notifiés le 11 août 2020,

- déclarer irrecevables, rejeter et écarter des débats, les conclusions, bordereau et pièces notifiés le 25 avril 2023, 2 mai 2023 et 25 janvier 2025 par la Société générale venant aux droits de la Société marseillaise de crédit, venant elle-même aux droits de la SA Crédit du nord,

En tout état de cause,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 2 décembre 2019 rendu par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

statuant à nouveau,

- déclarer que la formation du prêt consenti à la SCI Mercure procède de l'offre de crédit de la SA Crédit du nord en date du 28 juillet 2010 et de son avenant du 14 novembre 2011,

- juger que la scission opérée entre la SA Crédit du nord et la SA Marseillaise de crédit est inopposable à la SCI Mercure,

- juger que la SA Crédit du nord et la SA Marseillaise de crédit étaient solidairement tenues à l'égard de la SCI Mercure au regard de la scission intervenue,

En conséquence,

- juger que la SA Société générale venant aux droits de la Société Marseillaise de crédit venant elle-même aux droits de la SA Crédit du nord est tenue à l'égard de la SCI Mercure au regard de la scission intervenue entre ces deux dernières,

- juger que l'action de la SCI Mercure n'est pas prescrite, puisqu'introduite dans un délai de 5 ans à compter de la signature de l'acte de prêt,

- déclarer que, dans l'offre initiale de prêt de la SA Crédit du nord en date du 28 juillet 2010, ne figurent ni le TEG annuel, ni le TEG mensuel,

- déclarer que, dans l'avenant au contrat de prêt précité, en date du 14 novembre 2011, ne figure pas le TEG mensuel et que le TEG annuel indiqué est erroné,

- juger que les dispositions de l'ordonnance n°201-740 du 17 juillet 2019 sont inapplicables à la présente instance,

En conséquence,

- déclarer recevable l'action intentée par la SCI Mercure à l'encontre, initialement, de la SA Crédit du nord et la SA Marseillaise de crédit, et de la SA Société générale venant aux droits de la SA Marseillaise de crédit et de la SA Crédit du nord,

- juger que l'intérêt contractuel stipulé dans les contrats précités est nul,

- juger qu'il sera remplacé par le taux d'intérêt légal en vigueur année par année,

- juger qu'aux termes du rapport d'expertise comptable en date du 26 juin 2015, le remplacement du taux d'intérêt contractuel par le taux d'intérêt légal fait ressortir un trop perçu par la banque Crédit du nord et la Société marseillaise de crédit d'une somme de 61'572 euros, arrêtée au 30 juin 2015,

- condamner la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit à payer à la SCI Mercure la somme de 61 572 euros, arrêtée au 30 juin 2015 outre les intérêts trop perçus par la SA Crédit du nord, la SA Marseillaise de crédit, la Société générale, arrêtés au prononcé de la décision à intervenir,

- juger qu'à compter du prononcé de la décision à à intervenir et jusqu'à la dernière échéance du prêt, la SCI Mercure sera tenue du seul remboursement du capital restant dû suivant l'échéancier prévu, ainsi qu'au paiement des intérêts dus sur ces sommes, calculés au seul taux de l'intérêt légal,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait application des dispositions de l'ordonnance n °201-740 du 17 juillet 2019 à la présente instance,

- juger qu'en raison du défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global, la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit est déchue du droit aux intérêts sur le prêt consenti,

En conséquence,

- juger que le taux d'intérêt dû par l'emprunteur sera celui du taux d'intérêt légal en vigueur,

- condamner la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA marseillaise de crédit à rembourser à la SCI Mercure les intérêts trop perçus depuis le début du prêt et arrêtés au prononcé de l'arrêt à intervenir, assortis de l'intérêt au taux légal de droit,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait application des dispositions de l'ordonnance n°201-740 du 17 juillet 2019 à la présente instance et devrait procéder à l'évaluation du préjudice de la concluante,

- juger qu'en raison du défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global, la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit est déchue du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le Juge,

En conséquence,

- fixer le préjudice de la SCI Mercure à l'équivalent de la substitution du taux légal d'intérêts au taux conventionnel du prêt litigieux,

- condamner la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit à rembourser à la SCI Mercure les intérêts trop perçus, arrêtés au prononcé de l'arrêt à intervenir, assortis de l'intérêt au taux légal de droit,

En tout état de cause,

- débouter la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires aux présentes écritures, et les rejeter,

- condamner la SA Société générale venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA Marseillaise de crédit au paiement d'une somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions n°4 notifiées par la voie électronique le 4 février 2025, la SA Société générale, intervenante forcée, venant aux droits de la SA Société marseillaise de crédit, intervenante forcée, elle-même venant aux droits de la SA Le Crédit du nord, intimée, demande à la cour de

- rejeter toutes demandes de la SCI Mercure dirigée contre le Crédit du nord et la Société marseillaise de crédit, compte tenu de leur radiation en suite des fusions absorptions intervenues le 1er janvier 2023 au profit de Société générale,

- déclarer irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt avant-dire droit rendu le 12 décembre 2024 dans la présente instance, la demande de la SCI Mercure tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces notifiées par Société générale les 25 avril et 2 mai 2023,

- admettre les conclusions signifiées par la Société générale le 21 janvier 2025,

- admettre les présentes conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en l'ensemble de ses dispositions,

En conséquence,

- déclarer la SCI Mercure irrecevable en ses demandes à l'encontre de Société générale en ce qu'elle vient aux droits du Crédit du nord,

- déclarer la SCI Mercure irrecevable en ses demandes à l'encontre de Société générale en ce qu'elle vient aux droits de la Société marseillaise de crédit pour cause prescription,

En tout état de cause,

- débouter purement et simplement la SCI Mercure de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- la condamner à payer à Société générale une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la recevabilité des conclusions et pièces transmises par la SA Société générale les 25 avril et 2 mai 2023 et le 21 janvier 2025':

L'appelante fait valoir que, par ordonnance sur incident du 7 janvier 2021, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions transmises par les SA Crédit du nord et Société marseillaise de crédit déposées et notifiées le 11 août 2020 pour n'avoir pas respecté le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile.

Elle ajoute que l'arrêt avant dire droit du 12 décembre 2024 n'est pas définitif et qu'elle maintient donc l'irrecevabilité des conclusions adverses, la Société générale qui vient aux droits des SA Crédit du nord et SMC ne pouvant détenir plus de droits qu'elles.

La SA Société générale venant aux droits de la SA SMC, elle-même venant aux droits de la SA Le Crédit du nord, relève que par arrêt avant dire droit du 12 décembre 2024, la cour a déjà déclaré recevables les conclusions notifiées par ses soins les 25 avril et 2 mai 2023, et que l'appelante n'est donc plus recevable à soutenir l'inverse. Celles qu'elle a notifiées postérieurement ont le même objet et doivent donc être également reçues.

En outre, elle fait valoir qu'il ne peut lui être interdit de conclure après son intervention forcée en l'instance et que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur l'irrecevabilité de ses conclusions notifiées le 21 janvier 2025.

Sur ce,

Selon l'article 914 du code de procédure civile applicable en l'espèce, « les parties soumettent au

conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci'».

En l'espèce, l'appelante ne soutient pas l'irrecevabilité des conclusions transmises les 25 avril 2023, 2 mai 2023 et 21 janvier 2025 par la Société générale au motif qu'elles ne respecteraient pas les délais prescrits par les articles 909 et 910 du code de procédure civile, mais leur irrecevabilité par contagion de la décision rendue par le magistrat de mise en état dans son ordonnance du 7 janvier 2021, de sorte que la cour est compétente pour statuer sur ce moyen.

Il peut d'ailleurs être relevé que la Société générale, assignée en intervention forcée le 20 avril 2023, a conclu le 25 avril 2023 et donc dans le délai de l'article 910 du code de procédure civile.

Selon l'appelante, la Société générale serait irrecevable en ses écritures en ce que, venant aux droits de la SA Crédit du nord et de la SA SMC, elle ne pourrait disposer de plus de droits que n'en avaient celles-ci. Or ces sociétés avaient été déclarées irrecevables en leurs premières conclusions au fond déposées et notifiées le 11 aout 2020, hors délai fixé par l'article 909 du code de procédure civile.

Il a déjà été statué par l'arrêt avant-dire droit du 12 décembre 2024 sur la recevabilité des conclusions notifiées par la SA Société générale les 25 avril et 2 mai 2023, de sorte que la cour a épuisé sa saisine sur cette demande.

Dans le prolongement de cet arrêt, la cour retient qu'en vertu des principes posés par les articles 15 et 16 du code de procédure civile et de la loyauté des débats, comme du procès équitable exigé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la notification de multiples nouvelles conclusions par l'appelante impose que la partie adverse puisse y répondre alors même qu'elle a pu voir ses premières écritures jugées irrecevables, dès lors que cette appelante a modifié en substance ses conclusions, leur dispositif, et a produit de nouvelles pièces, ce qui est précisément le cas de l'espèce, l'appelante formulant notamment des demandes à l'encontre de la SA Société générale après sa mise en cause.

Dès lors, les conclusions notifiées le 21 janvier 2025 et ultérieurement par la SA Société générale, avant clôture, sont toutes recevables.

2. Sur la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de la SA Crédit du nord le 27 juillet 2015':

L'appelante soutient qu'ayant conclu le contrat de prêt avec la SA Crédit du nord, l'action engagée à l'encontre de celle-ci le 27 juillet 2015 est recevable.

Selon elle, le traité d'apport partiel d'actif n'est pas une opération de fusion mais seulement de répartition interne d'une partie des droits et obligations. La cession de ces droits ne lui a pas été notifiée et lui est donc inopposable.

La SA Société générale fait pour sa part valoir que l'apport partiel d'actif intervenu le 11 septembre 2012 entre la SA Crédit du nord et la SA SMC est opposable à la SCI Mercure pour avoir été publié conformément à l'article R.236-2 du code de commerce. Tant le prêt que l'avenant ont été conclus par la SCI auprès de la SA Crédit du nord mais transférés à la SA SMC, de sorte que seule cette dernière avait qualité pour être assignée au titre de ces engagements.

Sur ce,

La SA Société générale produit aux débats, au soutien de ses prétentions sur ce point, trois pièces'(3 à 5)':

- le traité d'apport partiel d'actif conclu entre la SA Crédit du nord et la SA SMC le 11 septembre 2012, aux termes duquel «'la branche complète et autonome des activités du Crédit du nord dans le secteur de la Provence Alpes Côte d'Azur est apportée à la SMC'», emportant transmission universelle des éléments actifs et passifs composant la branche apportée,

- la copie d'une page des «'nouvelles publications n°9713'» du samedi 10 au vendredi 16 novembre 2012, sur laquelle figure l'annonce par la SA SMC et la SA Crédit du nord -notamment- de ce que, par assemblée générale mixte du 19 octobre 2012, a été approuvé le traité d'apport partiel d'actif du 11 septembre 2012,

- une «'déclaration de régularité et de conformité'» signée des SA Crédit du nord et SMC'attestant de ce que l'apport partiel d'actif du premier à la seconde a été réalisé en conformité de la loi et des règlements.

L'apport partiel d'actif a consisté pour la SA Crédit du nord à faire apport de la branche autonome d'activité constituant une partie de ses éléments d'actif sur le secteur défini, à la SA SMC.

Si cette opération se distingue de la scission par le fait que la société apporteuse n'est pas dissoute ipso facto, elle est par principe soumise au régime juridique des scissions et produit alors les mêmes effets en application de l'article L. 236-27 du code de commerce, ce que confirment les stipulations du traité du 11 septembre 2012.

L'article L.236-6 du code de commerce dans sa version en vigueur en septembre 2012 impose que le projet de scission soit déposé au greffe du tribunal de commerce du siège des sociétés concernées et fasse l'objet d'une publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Il ajoute que, à peine de nullité, les sociétés participant à une telle opération sont tenues de déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent tous les actes effectués et affirment que l'opération a été réalisée en conformité des lois et règlements -déclaration dont le greffier s'assure de la conformité aux dispositions légales.

L'article R. 236-2 du code de commerce précise que «'le projet de fusion ou de scission fait l'objet d'un avis inséré, par chacune des sociétés participant à l'opération, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. (')'».

En l'espèce, la SA Société générale ne justifie pas de la publication au Bodacc de l'opération convenue le 11 septembre 2012 - la pièce 4 correspondant seulement à une annonce faite dans «'nouvelles publications'». Elle ne justifie d'ailleurs pas davantage du dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet d'apport partiel d'actif, ni même du dépôt de la déclaration de régularité et de conformité communiquée en pièce 5.

Il peut d'ailleurs être noté que cette opération ne figure ni à l'extrait Kbis de la SA Crédit du nord ni à celui de la SA SMC produits en pièces 6 et 7 par la Société générale.

L'apport partiel d'actif conclu entre la SA Crédit du nord et la SA SMC ne peut donc être utilement opposée à la SCI Mercure, laquelle était en conséquence parfaitement recevable à assigner sa co-contractante, la SA Crédit du nord, devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 27 juillet 2015.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé de ce chef.

1. Sur la prescription de l'action engagée à l'encontre de la SA SMC venant aux droits de la SA Crédit du nord le 24 mars 2016':

L'appelante fait valoir que l'assignation introductive d'instance a été délivrée à la SA Crédit du nord moins de cinq ans après la conclusion du prêt, de sorte que la prescription édictée par l'ancien article 1304 du code civil n'était pas acquise. En tout état de cause, l'assignation au Crédit du nord a nécessairement interrompu la prescription à l'égard de l'action engagée à l'encontre de la SMC puisque celles-ci étaient tenues solidairement en vertu de l'article L. 236-20 du code de commerce.

De plus, la prescription ne peut commencer à courir de l'acte de prêt lui-même puisqu'il ne mentionnait aucun TEG et mais seulement à compter du rapport établi le 26 juin 2015 qui a seul permis à la SCI, simple emprunteur, de le calculer.

La SA Société générale soutient que la prescription quinquennale court à compter de la conclusion du contrat s'agissant d'un prêt contracté dans le cadre d'une activité professionnelle.

L'assignation délivrée le 25 juillet 2015 à la SA Crédit du nord n'a pu interrompre la prescription dès lors que l'action ainsi engagée était irrecevable à l'encontre de cette société qui n'avait pas qualité.

Et le principe de solidarité prévu à l'article L. 236-20 du code civil a été expressément écarté dans le traité, ce que permet l'article L. 236-21 suivant.

La SA SMC était subrogée dans les droits et obligations de la SA Crédit du nord en vertu de ce traité, de sorte que la seconde n'était plus partie à la relation contractuelle née du contrat de prêt lorsqu'elle a été assignée en l'instance.

Sur ce,

Les parties s'accordent à raison à dire que la prescription quinquennale de l'article 1304 dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, est applicable à l'espèce.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, la prescription court à compter du jour «'où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer'».

Le point de départ de la prescription de l'action relative aux mentions sur le TEG du prêt, correspond donc à la date de la convention de prêt lorsque l'examen de sa teneur permettait de constater l'erreur ou, si tel n'est pas le cas, de la date de révélation de cette erreur à l'emprunteur. La démarche consistant pour l'emprunteur à faire vérifier par un tiers le calcul du taux effectif global procède de sa seule volonté, de sorte que la date de communication du résultat d'une telle vérification, purement potestative, ne peut en tout état de cause en constituer ce point de départ.

En l'espèce, c'est d'un défaut de mention du TEG et du taux de période sur l'acte de prêt dont il est argué. Dès lors qu'une simple vérification suffisait à établir l'existence ou l'absence de ces mentions au contrat, la prescription court à compter de l'acte de prêt lui-même (Com., 9 septembre 2020, pourvoi n°19-10.651).

L'action a été introduite par la SCI Mercure par exploit du 25 juillet 2015 à l'encontre de la SA Crédit du nord, et donc moins de cinq ans après le contrat de prêt qui en est l'objet, contrat conclu par acte authentique du 30 juillet 2010. Elle n'est donc pas prescrite.

Il convient d'infirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions.

2. Sur le bienfondé des demandes de la SCI Mercure':

L'appelante relève que l'offre de prêt ne mentionne aucun TEG ni taux de période et que l'avenant cite un TEG erroné et ne vise aucun taux de période.

Elle en conclut à titre principal la nullité du taux conventionnel, considérant que l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 n'est pas applicable.

A titre subsidiaire, si elle était appliquée, la SCI Mercure en déduit la déchéance de la SA Société générale de son droit aux intérêts conventionnels, seul le taux légal étant applicable. Plus subsidiairement encore, elle fait valoir que s'il y avait lieu à appréciation du préjudice qui en est découlé pour elle, il devrait être fixé de sorte que le taux légal se substitue au taux conventionnel.

La SA Société générale soutient que le prêt souscrit à des fins professionnelles n'est pas soumis aux exigences posées par le code de la consommation. Tant le taux du TEG que le taux de période est mentionné à l'acte de prêt.

Le rapport sur lequel l'appelante se fonde pour soutenir qu'il est erroné n'est pas contradictoire et est dénué de valeur de valeur probante.

Enfin, l'erreur sur le TEG dans un prêt professionnel n'est pas une cause de nullité de ce prêt et la SCI Mercure ne démontre pas qu'une erreur telle qu'alléguée lui aurait causé un quelconque préjudice.

Sur ce,

Selon l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 - entrée en vigueur le 1er mai 2011- et donc applicable au 30 juillet 2010, les dispositions de ce code relatives aux crédits immobiliers s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :

1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation :

a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance.

b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance.

c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3.

2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus.

En l'espèce, le prêt consenti le 30 juillet 2010 par la SA Crédit du nord à la SCI Mercure à hauteur de 475 000 euros et destiné pour 445.500 euros au financement de l'achat de biens immobiliers sis sur la commune d'[Localité 5] à usage de bureaux, c'est-à-dire de locaux commerciaux (page 17 de l'acte), n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux crédits immobiliers.

Et il n'est pas allégué que la volonté des parties soumettrait néanmoins ce prêt à ces dispositions, l'acte n'en faisant d'ailleurs pas état.

Pour autant, l'article L. 313-4 du code monétaire et financier - dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, d'application générale, dispose que les règles relatives au taux effectif global des crédits sont fixées par les articles L. 314-1 à L. 314-5, L. 341-48-1 et L. 341-9 du code de la consommation, et prévoit que les articles L. 313-1 et 313-2 du code de la consommation sont applicables.

Aux termes de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Pris pour l'application de ce texte, l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa version antérieure au décret n°2011-135 du 1er février 2011 en vigueur au 1er mai 2011, et donc applicable à la date de conclusion du prêt, dispose que, « sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L.312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur».

Il résulte de ces textes, que, comme le soutient l'appelante, à l'occasion de la conclusion d'une opération de crédit, le prêteur est tenu de communiquer à l'emprunteur, de manière expresse, non seulement le TEG mais également le taux de période.

En revanche, contrairement à ce que soutient la SCI Mercure, le contrat de prêt conclu entre elle et la SA Le Crédit du nord ne consiste pas dans l'offre de prêt datée du 28 juillet 2010 qu'elle produit en pièce 1bis, offre qui n'est revêtue d'aucune acceptation de sa main, mais dans l'acte authentique du 30 juillet 2010, acte auquel tant l'emprunteuse que la banque étaient parties.

Or cet acte comporte un article 17, intitulé « taux effectif global », qui mentionne très précisément que ce taux est de 4,22% l'an et que le taux de période est de 0,35%.

Le moyen soulevé à cet égard et qui tient uniquement à l'inexistence de ces mentions est rejeté.

S'agissant de l'avenant conclu le 14 novembre 2011, il porte sur la modification du taux des primes d'assurance couvrant les risques de décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail, de sorte qu'il induit nécessairement une modification du TEG applicable. C'est d'ailleurs ce qu'il précise, mentionnant que ce TEG est désormais de 4,01% l'an -dont l'appelante soutient qu'il est erroné. Aucun taux de période n'est effectivement spécifié à cet avenant.

En application de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation en vigueur avant l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, il a été jugé qu'en cas de renégociation d'un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations, sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n°18-26.769).

Le moyen tiré de l'absence à l'avenant de ce taux de période est en conséquence mal fondé.

C'est à l'emprunteur qu'incombe la charge de démontrer l'erreur dont il prétend que le TEG mentionné serait affecté (1re Civ., 1er octobre 2014, pourvoi n°13-22.778'; Com., 4 juin 2013, pourvoi n°12-16.611).

Pour la détermination du TEG, sont ajoutés aux intérêts conventionnels, les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l'emprunteur qui sont connus du prêteur à la date de lu contrat de crédit ou de l'avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit aux conditions annoncées (1re Civ., 14 octobre 2015, pourvoi n°14-24.582'; 1re Civ., 17 juin 2015, pourvoi n°14-13.767).

En outre, la mention d'un TEG erroné n'est sanctionnée que si la différence entre le taux mentionné et le taux exact est supérieur ou égal à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation, en défaveur de l'emprunteur (1re Civ., 12 décembre 2018, pourvoi n°17-22.341'; 1re Civ., 12 octobre 2016, pourvoi n°15-25.034).

En l'espèce, l'avenant au contrat de prêt conclu le 14 novembre 2011 mentionne que'«'le taux effectif global est de 4,01% l'an, étant entendu que dans ce calcul sont ajoutés aux intérêts, les frais, commissions et rémunérations de toute nature, directs ou indirects, et le cas échéant les frais de tout renouvellement d'inscription ainsi que les frais de dossier d'un montant de EUR. 0 euros'».

Pour démontrer que, comme elle le soutient, ce TEG tel que mentionné dans l'avenant, est erroné, la SCI Mercure explique

- que le même avenant précise que le montant des intérêts est de 132'033,80 euros, les frais de dossier de 450 euros, le montant de l'assurance décès invalidité de 20'662,20 euros, ce qui permet de calculer un TEG de 3,9031% par an,

- que les frais liés aux garanties exigées par la banque': privilège de prêteur de deniers pour 445'500 euros, promesse d'hypothèque en 1er rang sur le bien pour 29'500 euros, et l'assurance groupe obligatoire, n'ont pas été inclus dans le calcul du TEG mais le portent à 4,252%.

Elle produit en ce sens un rapport établi à sa demande par un expert-comptable dont elle reprend les conclusions (sa pièce 1).

Aux termes de l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, l'avenant qui apporte des modifications au contrat de prêt initial comprend, d'une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé, d'autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir'». Ainsi, seules les charges rendues obligatoires pour la renégociation sont à prendre en considération dans le calcul du nouveau TEG.

L'appelante ne peut valablement intégrer à son calcul du TEG des frais qui étaient dûs à la conclusion de l'acte de prêt, mais seulement ceux résultant de l'avenant, lesquels sont mentionnés comme inexistants («'frais de dossier d'un montant de EUR. 0 euros'»).

Son raisonnement qui repose sur l'intégration au TEG des frais de dossier et des frais de garanties qui étaient seulement dus à la conclusion de l'acte de prêt initial mais ne résultaient pas de l'avenant convenu le 14 novembre 2011, est ainsi erroné, et sa démonstration vaine.

Les demandes de la SCI Mercure doivent en conséquence être rejetées.

1. Sur les frais du procès

L'équité impose de condamner la SCI Mercure au paiement d'une somme de 2'000 euros à la SA Société générale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la première instance et de l'instance d'appel sont à la charge de la SCI Mercure, appelante qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour

Rappelle qu'il a déjà été statué sur la recevabilité des conclusions notifiées par la SA Société générale les 25 avril et 2 mai 2023 par arrêt avant-dire droit rendu par la cour le 12 décembre 2024';

Infirme le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions soumises à la cour';

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les conclusions notifiées par la SA Société générale venant aux droits des SA Le Crédit du nord et Société Marseillaise de Crédit, le 21 janvier 2025 ainsi que ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 4 février 2025';

Dit que l'opération d'apport partiel d'actif convenue le 11 septembre 2012 entre la SA Le Crédit du nord et la SA Société Marseillaise de Crédit, n'est pas opposable à la SCI Mercure';

Dit que l'action introduite par assignation du 27 juillet 2015 à l'encontre de la SA Le Crédit du nord et poursuivie en présence de la SA Société Marseillaise de Crédit après sa mise en cause par exploit du 24 mars 2016, n'est pas prescrite';

Déclare en conséquence la SCI Mercure recevable en son action';

Déboute sur le fond la SCI Mercure de toutes ses demandes';

Condamne la SCI Mercure à payer à la SA Société générale venant aux droits de la SA Le Crédit du nord et de la SA Société Marseillaise de Crédit, une somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la SCI Mercure aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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