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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 24 avril 2025, n° 23/03041

AMIENS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hauduin

Vice-président :

M. Berthe

Conseiller :

Mme Jacqueline

Avoués :

Me Lusson, Me Tabart, Me Chochoy

Avocats :

Me Marion, Me Malherbe, SCP Lusson et Catillion, SCP Philippe Tabart, SCP Morel-Le Louedec-Malherbe, SCP Lebegue Derbise

TJ Beauvais, du 17 avr. 2023

17 avril 2023

DECISION :

Par acte notarié reçu le 5 octobre 2015 par Me [M] [D], notaire à [Localité 3], M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] (les époux [V] [N]) ont vendu à M. [I] [F] et Mme [H] [U] (les consorts [F] [U]) une maison d'habitation située à [Localité 10], [Adresse 1], moyennant le prix de 250 000 euros.

Estimant que le bien immobilier était affecté de vices cachés, notamment en ce qu'il apparaissait des fissures sur les murs extérieurs et intérieurs ainsi qu'un bombement du plafond du salon, les consorts [F] [U] ont sollicité du président du tribunal de grande instance de Beauvais que soit ordonnée une expertise judiciaire en référé.

Par ordonnance du 11 mai 2017, une expertise judiciaire a été confiée à M. [Y] [C].

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 21 septembre 2020.

Par actes du 16 août 2017 et du 29 août 2017, les consorts [F] [U] ont assigné les époux [V] [N], Me [D] et la société CAPI, agence immobilière, devant le tribunal judiciaire de Beauvais aux fins, notamment, que soit prononcée la résolution de la vente.

Par jugement rendu le 17 avril 2023, le tribunal judiciaire de Beauvais a :

- débouté M. [I] [F] et Mme [H] [U] de leur demande en résolution de la vente immobilière intervenue le 5 octobre 2015 entre M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] et eux ;

- débouté M. [I] [F] et Mme [H] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] au titre de la garantie des vices cachés ;

- débouté M. [I] [F] et Mme [H] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] au titre du dol ;

- débouté M. [I] [F] et Mme [H] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre la société CAPI ;

- débouté M. [I] [F] et Mme [H] [U] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de M. [M] [D] ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [I] [F] et Mme [H] [U] aux dépens, en ceux compris le coût de l'expertise judiciaire.

Par déclaration du 5 juillet 2023, les consorts [F] [U] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 10 juillet 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimé notifiées le 21 février 2024 par M. [D], dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur ses demandes au fond présentées dans ses conclusions notifiées le 17 mai 2024 et condamné M. [D] aux dépens de l'incident.

Par leurs dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 5 mars 2024, les consorts [F] [U] demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens,

Statuant de nouveau :

À titre principal,

- condamner in solidum M. et Mme [V] à leur verser la somme de 183 834,30 euros TTC équivalente aux travaux de reprise ;

- condamner in solidum M. et Mme [V] à leur verser la somme de 92 400 euros à parfaire pour leur préjudice de jouissance ;

- condamner in solidum M. et Mme [V] à leur verser la somme de 15 000 euros chacun pour leur préjudice moral

- condamner M. [D] à les indemniser de leur perte de chance de ne pas acquérir le bien à hauteur de 80 % de leurs préjudices ;

À titre subsidiaire

- condamner in solidum M. et Mme [V] d'une part au titre de leur défaut d'information et M. [D] d'autre part à les indemniser ensemble de leur perte de chance de ne pas réaliser la vente, ou de la réaliser à un moindre prix, à hauteur de 80 % des préjudices susvisés tels qu'ils seront évalués par la Cour ;

En toute hypothèse, condamner M. et Mme [V] ou toute autre partie à leur verser ensemble la somme de 10 000 euros pour les frais irrépétibles de l'appel outre les dépens de première instance et d'appel dont les frais d'expertise.

Ils exposent avoir déjà présenté, en première instance et à titre subsidiaire, une demande d'indemnisation à hauteur du coût des travaux de reprise, sur le fondement de l'article 1641 du code civil.

Ils soutiennent que le fait qu'une demande présentée à titre subsidiaire en première instance soit présentée à titre principal en appel ne lui confère pas un caractère nouveau. Ils ajoutent que la demande présentée à l'encontre du notaire était déjà présentée en première instance même si elle ne portait pas sur le même préjudice.

Ils indiquent que les époux [V] sont assimilés au constructeur en application de l'article 1792 du code civil car ils ont fait réaliser les travaux en cause. Ils exposent que les époux [V] ne démontrent pas que les travaux ont été réceptionnés plus de dix ans avant la vente, les attestations de complaisance n'étant pas probantes. Ils affirment que les pièces qu'ils produisent établissent que les travaux n'ont en réalité été réceptionnés qu'en 2010. Ils exposent que l'expert a retenu que les travaux au niveau des combles sont à l'origine des désordres affectant la maison.

Ils exposent que les époux [V] sont assimilables à des professionnels de la construction et ne peuvent bénéficier de la clause limitative incluse dans l'acte de vente et sont tenus de répondre des vices cachés conformément à l'article 1641 du code civil.

Ils relèvent qu'il résulte du rapport d'expertise que :

- Soit les travaux sont antérieurs à 2005 et les vendeurs ne pouvaient ignorer les désordres, habitant sur place ;

- Soit les travaux sont postérieurs à 2005 et les vendeurs ont sciemment omis de mentionner ces travaux lors de la vente.

Ils indiquent que s'ils avaient su que les vendeurs avaient entrepris eux-même des travaux affectant la charpente et donc la structure de la maison sans maître d''uvre et sans souscrire d'assurance dommages ouvrage, ils n'auraient pas réalisé une acquisition aussi risquée ou alors à un prix plus avantageux, ce qui leur cause un préjudice certain.

Ils indiquent subir un préjudice de jouissance depuis février 2017, date de l'expertise amiable qui a établi que le bien est inhabitable. Ils ajoutent subir un important préjudice moral car ils ont dû aller vivre chez leurs proches avant de se séparer ce qui a eu des conséquences sur l'état psychologique de tous les membres de la famille.

Ils soutiennent enfin que le notaire a manqué à son obligation de vérifier les déclarations des vendeurs sur les travaux réalisés avant la vente et l'existence d'une garantie dommages ouvrages, à l'origine d'une perte de chance de ne pas acheter le bien.

Par leurs dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 22 juillet 2024, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

- à titre liminaire, déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes présentées par M. [F] et Mme [U] ;

- sur le fond,

À titre principal,

- débouter M. [F] et Mme [U] de l'intégralité de leurs demandes ;

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Les condamner solidairement à verser aux époux [V] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner solidairement aux entiers dépens de la présente procédure, comprenant les frais d'expertise ;

À titre subsidiaire, au cas extraordinaire de condamnation des époux [V], rejeter les devis non contradictoires et ne correspondant pas aux conclusions de l'expert judiciaire présentés par M. [F] et Mme [U], et en conséquence, les débouter de leurs demandes d'indemnisation.

Ils font tout d'abord valoir que les appelants forment des demandes totalement distinctes de celles formées en première instance, qui ne tendent pas aux mêmes fins.

Ils exposent ensuite que l'action fondée sur la garantie décennale ne peut prospérer car les travaux ont été achevés en juillet 2005 alors que les désordres sont apparus en 2017.

Ils indiquent par ailleurs que l'action fondée sur la garantie des vices cachés ne saurait prospérer car les fissures étaient apparentes à l'achat, qu'il en est de même des désordres affectant le séjour et les combles et que les époux [V] n'avaient pas connaissance des malfaçons qui affectaient la charpente. Ils affirment qu'ils ne peuvent être assimilés à un vendeur professionnel tenu de connaître l'existence du vice caché évoqué.

Ils ajoutent que la gravité du vice n'est pas établie puisqu'aucun risque ne s'est concrétisé depuis la réalisation des travaux.

Ils exposent qu'ils ont toujours été de bonne foi et n'avaient pas connaissance des désordres affectant la maison, les fissures apparues leur semblant correspondre à un simple désordre esthétique réparé en rebouchant les fissures.

M. [D] a constitué avocat, mais ses conclusions ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état.

La SAS CAPI a constitué avocat, mais n'a pas conclu.

La clôture de la procédure est intervenue le 6 novembre 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 16 janvier 2025.

MOTIFS

À titre liminaire, il sera relevé que dans le dispositif de leurs conclusions, M. [F] et Mme [U] demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes formées à l'encontre de la société Capi mais ne forment aucune demande de condamnation au terme du dispositif et ne développent aucun moyen à l'encontre de la société dans le corps de leurs conclusions. En conséquence, la cour ne sera pas amenée à statuer sur le responsabilité de cette société et les dispositions du jugement sur ce point sont définitives.

1. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En vertu de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, les consorts [F]-[U] ont agi devant le tribunal judiciaire de Beauvais aux fins de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire aux fins d'indemnisation à hauteur de 247 937,81 euros pour la reprise des travaux sur le fondement de l'action estimatoire au titre également de la garantie des vices cachés. Ils demandaient en tout état de cause l'indemnisation de divers préjudices (remboursement d'intérêts intercalaires d'un prêt bancaire, d'impôts, indemnisation de la perte de surface du premier étage, du préjudice consécutif à leur relogement, règlement des factures et honoraires de techniciens, outre 50 000 euros au titre d'un préjudice non spécifié).

En appel, ils demandent à être indemnisés du coût des travaux de reprise, de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral sur le fondement de la responsabilité décennale, de la garantie des vices cachés et du manquement à l'obligation d'information du vendeur.

Leurs prétentions ne sont donc pas nouvelles puisqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; ils invoquent désormais trois fondements distincts et non plus seulement la garantie des vices cachés.

Ils seront donc déclarés recevables en leurs demandes.

2. Sur la garantie décennale

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L'article 1792-1 du même code précise :

Est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

L'article 1792-4 du code civil dispose que tout personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.

Enfin, selon l'article 1792-6 du code civil précise quant à lui que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

S'agissant du constructeur-vendeur, la réception correspond à l'achèvement des travaux et il appartient au vendeur contestant la recevabilité de l'action d'établir, par tous moyens (facture, attestation, déclaration d'achèvement aux services administratifs') que celle-ci a été engagée hors délai et, ce en prouvant que les travaux ont été achevés plus de dix ans avant la date de la demande en justice de l'acquéreur.

En l'espèce, M. et Mme [V], après avoir allégué lors des opérations d'expertise amiable qu'une entreprise était intervenue pour réaliser les travaux d'aménagement des combles, prétendent désormais qu'un cousin de la famille les a réalisés.

Quoiqu'il en soit, ils ont réalisé ou fait réaliser les travaux et sont donc assimilés au constructeur au regard des dispositions précitées.

Ils soutiennent que la réception des travaux, qui correspond au cas d'espèce à leur achèvement, date de fin juillet 2005.

À cette fin, ils communiquent des attestations de membres de leur famille : la mère de M. [V] affirme ainsi que les travaux étaient achevés au mois d'août 2005 tout en indiquant que la charpente et le plancher étaient terminés et que 'la séparation des pièces était en cours de réalisation' ce qui laisse supposer que les travaux n'étaient pas totalement finis. La demi-soeur de M. [V] affirme quant à elle que de mi-mars à avril 2005, le garage a été aménagé avec création d'un accès à l'étage, que durant le mois de mai, la charpente et le plancher ont été réalisés par un cousin, que l'aménagement a été réalisé en juin et juillet 2005 tandis que les travaux de finition ont débuté en août 2005. Un collègue de travail de M. [V] indique quant à lui avoir aidé M. [V] dans le courant du mois d'août 2005 à réaliser les peintures et la pose du parquet flottant dans les pièces de son nouvel agrandissement ce qui lui a permis de constater que 'les travaux d'agrandissement étaient terminés'.

Les intimés exposent qu'ils ne peuvent pas produire d'autres attestations que celle de proches et connaissances puisque seules des personnes qui sont entrées dans la maison ont pu constater l'état d'avancée des travaux.

Ces attestations peu nombreuses sont cependant rédigées par des proches qui ont intérêt à soutenir les époux [V]. Aucune pièce ne permet d'établir que les travaux se sont effectivement achevés en 2005, d'autant que les attestations évoquent en réalité des travaux encore en cours en août 2005, même s'il ne s'agirait que des travaux de peinture et de parquet, mais surtout n'évoquent pas la question de l'installation de la salle de bain à l'étage et de la pose des vélux, qui constituaient pourtant des travaux d'ampleur.

Le seul document administratif produit correspond à une déclaration de travaux de mars 2005 portant sur 'la modification de la façade de la maison, remplacement de la porte de garage par des fenêtres de la même surface et de couleur identique aux autres fenêtres de la façade' avec un avis de l'architecte des bâtiments de France favorable à l'ouverture d'une fenêtre au niveau du garage avec changement de destination.

Il n'est donc pas justifié d'une autorisation administrative pour l'aménagement des combles, les modifications de la charpente et la pose des vélux alors qu'un tel document aurait permis de s'assurer que ces travaux étaient envisagés en 2005. Il n'est pas davantage produit de factures concernant notamment la salle de bain aménagée dans les combles nécessairement réalisée après leur restructuration.

Les consorts [F]-[U] produisent pour leur part deux attestations de voisin. L'une n'est pas probante dans la mesure où le voisin n'évoque que des vraisemblances et non des certitudes. En revanche, une voisine indique avoir emménagé en juillet 2007 et avoir été invitée chez les époux [V] un an après, à une période où les travaux d'aménagement des combles n'étaient pas intervenus, les chambres étant toujours au rez-de-chaussée, ce qui implique que les travaux n'étaient pas finis en 2008. Les photographies issues de Géoportail sont en revanche peu probantes car celles antérieures à 2015 ne sont pas nettes et ne permettent pas de s'assurer que les vélux n'avaient pas encore été posés.

Dans ces conditions, les époux [V] ne rapportent pas la preuve de la date à laquelle ils ont achevé les travaux si bien qu'ils ne démontrent pas que les acquéreurs de la maison ont agi plus de dix ans après cette date. L'action des consorts [F]-[U] est donc recevable sur le fondement de la responsabilité décennale.

Il résulte par ailleurs de l'expertise amiable comme de l'expertise judiciaire, que la maison est devenue inhabitable compte tenu du risque d'effondrement de l'étage sur le rez-de-chaussée de la maison.

Dès lors, le seul ouvrage constitué par les combles aménagés est compromis dans sa solidité et menace l'ensemble de la structure du bien immobilier. En outre, les fissures apparaissant sur les murs extérieurs du bien immobilier sont la conséquence de la rupture de la canalisation enterrée de rejet des eaux usées de la salle de bains installée à l'étage dans les combles aménagés.

La responsabilité des époux [V] sur le fondement de la responsabilité décennale est donc engagée.

3. Sur les préjudices

M. [F] et Mme [U] demandent à être indemnisés à hauteur de :

- 183 384,30 euros TTC au titre des travaux de reprise,

- 92 400 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral.

Les époux [V] sollicitent au dispositif de leurs conclusions 'le rejet des devis non contradictoires et ne correspondant pas aux conclusions de l'expert judiciaire et le débouté de leurs demandes d'indemnisation' sans développer davantage de moyens dans le corps de leurs conclusions.

Or, le chiffrage à hauteur de 183 384,30 euros correspond précisément à l'évaluation opérée par l'expert, frais de maîtrise d'oeuvre compris.

Il sera donc fait droit à la demande des appelants à hauteur de cette somme validée par l'expert.

Par ailleurs, les consorts [F]/[U] ont dû quitter les lieux en févier 2017 lorsque l'expert amiable leur a indiqué que l'occupation de la maison était dangereuse compte tenu du risque d'effondrement de l'étage.

Ils justifient d'une valeur locative du bien de 1 100 euros par mois si bien que leur demande formée au titre de la période courant jusqu'au jour de leurs conclusions à hauteur de 78 mois est bien fondée à hauteur de 92 400 euros. Cette somme leur sera allouée.

Ils indiquent qu'ils réclament cette somme 'à parfaire' mais sans préciser leur demande et notamment son terme. Elle sera donc rejetée faute d'être suffisamment déterminée.

M. [F] et Mme [U] justifient par ailleurs du fait qu'ils ont emménagé dans la maison avec leurs deux enfants, qu'ils ont dû la quitter précipitamment pour être hébergés dans leur famille, qu'ils se sont séparés et ont rencontré d'importantes difficultés financières compte tenu de la nécessité de rembourser le crédit souscrit pour l'achat de la maison et de régler les frais d'avocat tout en se relogeant. Mme [U] produit des attestations d'un travailleur social et de deux psychologues qui indiquent que la nécessité de se reloger chez leurs parents a contribué à la séparation du couple, a créé un important sentiment d'insécurité pour Mme [U] à l'origine de troubles psychologiques et que le fils de cette dernière a développé des pathologies préoccupantes. M. et Mme [U] justifient ainsi d'un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance des lieux. Seule Mme [U] produit des justificatifs de ses difficultés psychologiques. Il convient à ce titre d'allouer la somme de 1 000 euros à M. [F] et celle de 5 000 euros à Mme [U], en rejetant le surplus de leur demande qui n'apparaît pas justifiée.

M. et Mme [V] seront ainsi condamnés in solidum à les indemniser à hauteur de :

- 183 384,30 euros TTC au titre des travaux de reprise,

- 92 400 euros au titre de leur préjudice de jouissance arrêté en février 2024,

- 1 000 euros pour M. [F] et 5 000 euros pour Mme [U] au titre de leur préjudice moral.

Le surplus de la demande sera rejeté.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [F] et Mme [U] de leurs demandes formées à l'encontre de M. et Mme [V].

4. S'agissant des demandes formées à l'encontre du notaire, M. [D], il convient de relever que M. [F] et Mme [U] demandent au terme du dispositif de leurs conclusions la seule condamnation de M. et Mme [V] à l'indemnisation de ces préjudices alors que dans le corps de leurs conclusions, sans développer aucun moyen en ce sens, ils demandent la condamnation solidaire du notaire, Me [D], à les indemniser.

Il convient de retenir qu'aux termes du dispositif des conclusions, la cour n'est saisie que d'une demande de condamnation du notaire à indemniser les appelants de leur perte de chance de ne pas acquérir le bien à hauteur de 80 % de leurs préjudices.

Sur ce point, la responsabilité d'un notaire peut être recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil qui dispose dans sa version applicable au litige que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Ainsi, le notaire qui reçoit un acte avec des déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés engage sa responsabilité s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude et reste tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse.

En l'espèce, le notaire a mentionné dans l'acte authentique de vente que la maison comportait un rez-de-chaussée et un étage ce qui est conforme à la réalité du bien après visite par l'agent immobilier. Il est précisé dans l'acte que le vendeur déclare qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée sur l'immeuble dans les dix dernières années et depuis son acquisition si elle est plus récente.

Les actes antérieurs permettaient certes au notaire de déterminer qu'en février 2005, le bien était décrit avec les pièces uniquement du rez-de-chaussée et le garage attenant, et qu'au moment de la signature de l'acte de vente en cause en octobre 2015, des pièces supplémentaires étaient mentionnées à l'étage.

Il s'était cependant écoulé un peu plus de dix ans entre la rédaction des deux actes et le notaire ne disposait pas dans ces circonstances d'éléments de nature à le faire douter de la véracité des déclarations des vendeurs qui affirmaient dans un premier temps avoir confié les travaux à une entreprise Gil Esteves qui serait intervenue en juin 2005.

Il n'était donc pas tenu de réaliser des vérifications spécifiques ni en conséquence de s'assurer de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage par les vendeurs puisqu'il pouvait tenir pour acquis qu'aucun travaux n'avaient été réalisés au cours des dix années précédant la vente.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre le notaire.

5. En revanche, il sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [F] et Mme [U] aux dépens.

M. et Mme [V] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel comprenant le coût des frais d'expertise judiciaire et au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au profit de M. [F] et Mme [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le surplus de la demande sera rejeté et M. et Mme [V] seront déboutés de leur demande formée au même titre.

Il n'a pas été interjeté appel des dispositions du jugement portant sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l'appel,

Infirme les chefs de jugement qui lui sont soumis sauf celui qui déboute M. [I] [F] et Mme [H] [U] de leurs demandes indemnitaires formées contre M. [M] [D] ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] à verser à M. [I] [F] et Mme [H] [U] la somme de 183 834,30 euros TTC au titre des travaux de reprise et 92 400 euros au titre de leur préjudice de jouissance arrêté en février 2024 ;

Condamne in solidum M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] à verser une indemnité de 1 000 euros à M. [I] [F] et une indemnité de 5 000 euros à Mme [H] [U] au titre de leur préjudice moral respectif ;

Condamne M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

Condamne M. [B] [V] et Mme [J] [N] épouse [V] à verser à M. [I] [F] et Mme [H] [U] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

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