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Décisions

CA Orléans, ch. com., 24 avril 2025, n° 24/00015

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lloyd's Insurance Company (SA), Amtrust International Underwriters DAC (Sté)

Défendeur :

De La Haudiere (EARL), Assurances Champenoises (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Da Costa, Me de Fremond, Me Grassin

T. com. Orléans, du 26 oct. 2023

26 octobre 2023

EXPOSE DU LITIGE :

Exposant avoir fait réaliser au cours de l'année 2014 par la société Fab' enrob environnement des travaux de réfection de l'entrée et de la cour de sa ferme facturés le 5 février 2014 au prix TTC de 37'478,40 euros, avoir rapidement constaté des désordres et vainement mis en demeure ladite société d'y remédier le 23 juin 2015, l'EARL de La Haudière a saisi son assureur de protection juridique, lequel a désigné le 7 octobre 2015 un technicien qui, en l'absence de la société Fab'enrob environnement placée en liquidation judiciaire le 17 juin 2015, en indiquant avoir vainement convoqué le cabinet Axelliance Groupe, présenté comme l'assureur de responsabilité de la société liquidée, a rendu le 4 décembre 2015 un rapport concluant à la responsabilité décennale de la société Fab'enrob environnement, au motif que les dommages constatés, imputables à un défaut ponctuel de préparation du fond de forme, sont apparus plus d'un an après la réception de l'ouvrage, et en évaluant à 7'800 euros HT le coût de reprise de ces désordres.

Sur la base de ce rapport, en produisant un devis de réparation d'un montant TTC de 9'240 euros, l'EARL de la Haudière a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Orléans la société Assurances champenoises, présentée comme l'assureur de la société Fab'enrob environnement et Maître [Y] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de cette dernière société, pour entendre fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Fab'enrob environnement une créance de 9'240 euros et condamner la société Assurances champenoises, en sa qualité d'assureur de la société Fab' enrob environnement, à «'garantir le versement de cette somme'».

Par jugement du 23 novembre 2017, en retenant que la société Assurances champenoises n'était pas assureur, mais simple courtier en assurances, le tribunal a':

- dit que la société Fab' enrob environnement est responsable des désordres consécutifs à son intervention,

- ordonné que soit fixée au passif de la société Fab' enrob environnement la créance de l'EARL de la Haudière à hauteur de 9'240 euros TTC,

- ordonné que soit fixée au passif de la société Fab' enrob environnement la somme de 2'000'euros allouée à l'EARL de la Haudière au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'EARL de la Haudière de toutes ses autres demandes,

- invité l'EARL de la Haudière à mieux se pourvoir,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de ce jugement,

- mis les dépens au passif de la société Fab'enrob environnement, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 90,25 euros.

Par acte du 11 janvier 2019, l'EARL de la Haudière a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Orléans la société Assurance Lloyd's of London pour l'entendre condamner, en sa qualité d'assureur de la société Fab' enrob environnement, au paiement d'une somme de 9'204 euros TTC.

La société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres est intervenue volontairement à l'instance en produisant une police d'assurance souscrite auprès d'elle par M. [B], gérant de la société Fab' enrob environnement.

Par jugement du 26 novembre 2020, en relevant que l'attestation d'assurances de la société Fab' enrob environnement produite par l'EARL de La Haudière mentionne que la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres intervient comme mandataire de Lloyd's France pour ses opérations réalisées en France, que ladite société intervient volontairement sans produire aucun document «'prouvant sa qualité d'assureur'», puis en retenant que l'assureur de la société Fab' enrob environnement n'est ni la société Lloyd's of London, ni la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, mais la société Lloyd's France SA mentionnée sur l'attestation d'assurances du 23 mai 2014 produite par l'EARL de La Haudière, le tribunal a, notamment':

- pris acte de l'intervention volontaire de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres,

- dit que les sociétés Assurance Lloyd's of London et Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres sont hors de cause,

- débouté la société EARL de La Haudière de sa demande de paiement de la somme de 9'240 euros TTC.

Par acte du 24 février 2021 enrôlé sous le n° 2021/000636, l'EARL de La Haudière a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Orléans la SAS Lloyd's France pour l'entendre condamner au principal, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et des jugements des 23 novembre 2017 et 26 novembre 2020, en sa qualité d'assureur de la société Fab enrob'environnement, à lui payer la somme de 9'240 euros TTC.

La société Lloyd's France ayant fait valoir qu'elle n'était pas l'assureur de responsabilité de la société Fab enrob'environnement en précisant que les sociétés Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et Amtrust étaient co-assureurs de M. [M] [B] et que la première de ces sociétés, intervenue volontairement lors de la précédente instance pour faire valoir ses observations, était apériteur de la coassurance, l'EARL de La Haudière a fait appeler à la cause, par actes des 3 juin, 7 juin et 21 juillet 2022 enrôlés sous le 2022/004400, la société Assurances champenoises, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Amtrust Europe Limited.

Les instances n° 2021/000636 et 2022/004400 ont été jointes par jugement du 22 septembre 2022 sous un numéro de rôle J2022000022.

Par acte du 10 novembre 2022 enrôlé sous le n° 2022/006665, la SA Lloyd's insurance company, venant aux droits de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Amtrust Europ Ltd et la SAS Lloyd's France ont fait assigner en intervention forcée la SELARL [Z] Florek, mandataire ad hoc de la société Fab' enrob environnement, désignée à cet effet par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Orléans du 21 octobre 2022 [en raison de la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société Fab' enrob environnement intervenue le 21 février 2018].

Cette instance a été jointe à l'affaire enrôlée sous la référence J2022000022 par jugement du 9 février 2023.

Après le Brexit, la société de droit irlandais Amtrust International Underwriters est venue aux droits de la société Amtrust Europ Limited en cours d'instance, par l'effet d'une procédure de transfert dite «'Part VII transfer'» autorisée par la haute cour de justice de Londres le 25 novembre 2020 et, par jugement du 26 octobre 2023 [qualifié par erreur de jugement contradictoire alors que ni la société Assurances Champenoises, ni le mandataire ad hoc de la société Fab' enrob environnement n'ont comparu ni été représentés], le tribunal a':

- fait droit aux demandes d'intervention volontaire de la société Lloyd's insurance company venant aux droits de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et la société Amtrust International Writers venant aux droits de la société Amtrust Europ Limited, ayant la qualité de tiers à la procédure les opposant à la société de La Haudière,

- fait droit à la demande d'intervention forcée des sociétés Lloyds Insurance Company et Amtrust International Underwriters de la SELARL [Z] Florek prise en la personne de Maître [Y] [Z], mandataire ad hoc de la société Fab' enrob environnement, à la procédure,

- dit que la société Lloyd's France est hors de la cause,

- débouté la société de la Haudière de ses demandes à l'encontre de la société Assurances champenoises,

- dit que les sociétés Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters sont bien co-assureurs de la société Fab enrob'environnement,

- reçu les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company en leurs demandes de tierce opposition au jugement du tribunal de céans du 23 novembre 2017,

- débouté les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company de leur demande de réformation du jugement du tribunal de céans du 23 novembre 2017,

- condamné in solidum la société Amtrust International Underwriters, venant aux droits de la société Amtrust Europe Limited, et la société Lloyd's Insurance Company, venant aux droits de la société Les Souscripteurs du Lloyd`s de Londres, à payer à la société de La Haudière la somme de 9'240 euros TTC,

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile compte tenu de sa compatibilité avec la nature de l'affaire,

- condamné la société de La Haudière à payer à la société Lloyd's France la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company à payer à la société de la Haudière la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'artic1e 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- mis les dépens à la charge in solidum des sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company, y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 181,99 euros.

Pour statuer comme ils l'ont fait au fond, les premiers juges ont relevé que le contrat d'assurance litigieux avait bien été souscrit par M. [M] [B], et non par la société Fab' enrob environnement, que l'activité de travaux dans le domaine du bâtiment garantie par ce contrat correspond à l'activité exercée par la société Fab' enrob environnement, que M. [M] [B] n'exerce pas cette activité à titre personnel, et en ont déduit que les sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust International Underwriters devaient être considérées comme les co-assureurs de la société Fab' enrob environnement.

Les premiers juges ont ensuite déclaré la tierce-opposition des assureurs tenus comme ceux de la société Fab' enrob environnement recevable, mais mal fondée, et ont en conséquence confirmé le jugement du 23 novembre 2017 ayant retenu la responsabilité décennale de la société Fab'enrob environnement en considérant que l'expertise amiable réalisée par l'assureur de protection juridique de l'EARL de La Haudière avait été réalisée contradictoirement et suffisait à établir que les désordres affectant les travaux d'enrobé réalisés pour le compte de l'EARL relevaient de la responsabilité de la société Fab'enrob environnement et devaient en conséquence être garantis par les deux assureurs de responsabilité.

La société Lloyd's Insurance Company a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 décembre 2023, en critiquant expressément tous les chefs du dispositif du jugement en cause lui faisant grief et en intimant l'EARL de la Haudière, la société Assurances Champenoises et la SELARL [Z] Florek ès qualités de mandataire ad hoc de la société Fab'enrob environnement.

La société Amtrust International Underwriters a elle aussi relevé appel de cette décision par déclaration du 19 janvier 2024, en critiquant expressément tous les chefs du dispositif du jugement en cause lui faisant grief et en intimant elle aussi l'EARL de la Haudière, la société Assurances Champenoises et la SELARL [Z] Florek ès qualités de mandataire ad hoc de la société Fab'enrob environnement.

Par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Orléans du 19 février 2024, la SELARL [Z] a été désignée mandataire ad hoc de la société Fab'enrob environnement.

Par ordonnance du président du tribunal judiciaire d'Orléans du 1er mars 2024, M. [K] [E] a été désigné mandataire ad hoc de l'EARL de La Haudière.

Les deux instances d'appel ont été jointes par ordonnance du 7 mars 2024.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 février et encore le 12 avril 2024, après la jonction, signifiées le 5 mars suivant à la SELARL [Z] Florek ès qualités de mandataire hoc de la société Fab'enrob environnement, mais dont il n'est pas justifié de la signification à la société Assurances champenoises, les sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust international underwriters demandent à la cour de':

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 26 octobre 2023 en ce qu'il':

* dit que les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company sont co-assureurs de la société Fab enrob'environnement,

* déboute les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company de leur demande de réformation du jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 23 novembre 2017,

* condamne in solidum les sociétés Amtrust International Underwriters venant aux droits de la société Amtrust Europe Limited et Lloyd's Insurance Company venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de Londres à payer à la société de La Haudière la somme de 9 240 euros TTC,

* condamne in solidum les sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company à payer à la société de La Haudière une somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* met les dépens à la charge in solidum des sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyd's Insurance Company, y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 181,99 euros

Statuant à nouveau :

- réformer intégralement le jugement du 23 novembre 2017,

- dire et juger que la responsabilité de la société Fab' Enrob environnement n'est pas engagée,

- débouter en conséquence l'EARL de La Haudière de toutes ses demandes,

- condamner l'EARL de La Haudière à payer aux sociétés Amtrust International Underwriters et Lloyds Insurance Company la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'EARL de La Haudière aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 avril 2024, dont il n'est justifié de la signification ni à la société Assurances champenoises, ni à la SELARL [Z] Florek, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Fab'enrob environnement, l'EARL de La Haudière demande à la cour de':

- prononcer la recevabilité des appels des sociétés S.A. Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters, comme réguliers mais infondés,

En conséquence,

- débouter les sociétés S.A. Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner les sociétés S.A. Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters à régler la somme de 5'000 euros à l'EARL de La Haudière sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés S.A. Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2025, pour l'affaire être plaidée le 27 février suivant et mise en délibéré à ce jour sans que la SELARL [Z] Florek, assignée ès qualités à personne morale, ait constitué avocat et sans que la société Assurances champenoises, à laquelle la déclaration d'appel n'a pas été signifiée, aient constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

observations liminaires

La cour observe que les appelantes n'ont pas dénoncé leurs déclarations d'appel à la société Assurances champenoises qu'elles ont l'une et l'autre intimée et qu'aucune des parties n'a signifié ses conclusions à cette société.

En application des articles 902 et 914 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, les déclarations d'appel des sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust international underwriters seront déclarées caduques à l'égard de la société Assurances champenoises.

La cour observe par ailleurs que la liquidation amiable de l'EARL de la Haudière, dissoute le 6 décembre 2016 à effet au 31 décembre suivant, a été clôturée le 26 mars 2019 et ladite société radiée du registre du commerce et des sociétés le 21 juin 2019, de sorte que M. [K] [E] n'avait pas le pouvoir de représenter l'EARL de La Haudière en première instance, en la qualité énoncée de liquidateur amiable qu'il avait perdue le 26 mars 2019, avant l'introduction de l'instance, mais que cette irrégularité a été régularisée à hauteur d'appel, puisque les appelantes ont sollicité et obtenu du président du tribunal judiciaire d'Orléans la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter l'EARL de La Haudière à l'instance.

La cour observe enfin que les appelantes, qui invoquent en page 10 de la partie discussion de leurs dernières écritures l'autorité de la chose jugée le 26 novembre 2020 à l'égard de la société Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, aux droits de laquelle se trouve la société Lloyd's Insurance Company, ne formulent aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de leurs dernières conclusions. Dès lors qu'aucun des chefs du jugement dévolus n'a statué sur cette fin de non-recevoir, la cour ne peut statuer sur cette prétention, dont, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie (v. par ex. Civ. 1, 2 février 2022, n° 19-20.640), étant si besoin rappelé que l'article 125 du code de procédure civile ne l'oblige pas non plus à relever d'office une fin de non-recevoir tirée de la chose jugée.

Sur la responsabilité de la société Fab' enrob environnement :

Les appelantes qui, devant les premiers juges, étaient tierces-opposantes au jugement du 23 novembre 2017 qui a retenu la responsabilité de la société Fab'enrob' environnement, commencent par rappeler les termes de l'article 1792 du code civil, puis font valoir que la responsabilité de cette société présentée comme leur assurée ne peut être établie sur la base d'un rapport d'expertise privé non contradictoire qui n'est corroboré par aucun autre élément et qui, au demeurant, ne permettrait pas de retenir la responsabilité décennale de la société en cause en l'absence d'éléments permettant d'établir le principe et en tous cas la date de réception de l'ouvrage, l'antériorité des désordres à la réception et le caractère de gravité des désordres allégués.

L'EARL de la Haudière rétorque que la facture qu'elle produit aux débats démontre que les travaux ont été réceptionnés, assure que l'expertise dont elle se prévaut a été réalisée contradictoirement, puis affirme que le tribunal a retenu à bon droit la responsabilité de la société Fab'enrob environnement, en se bornant à indiquer que «'les désordres sont parfaitement décrits quant à leur origine, leur cause, leur ampleur et leurs conséquences'».

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Alors que la responsabilité dite décennale de l'article 1792 du code civil suppose que l'ouvrage réalisé par l'entrepreneur ait été réceptionné et que les appelantes soutiennent que la réception n'est en l'espèce pas établie, et encore moins la date de celle-ci, l'EARL de La Haudière produit en pièce 2 une facture non acquittée et n'offre aucune preuve du paiement de cette facture.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'expertise organisée par l'assureur de protection juridique de l'EARL de La Haudière n'a pas été réalisée contradictoirement puisque le technicien n'a pas convoqué le liquidateur judiciaire de la société Fab'enrob environnement qui, à la date de ses opérations, avait pourtant seul qualité pour représenter ladite société et a convoqué, en le présentant comme l'assureur de responsabilité de la société Fab'enrob environnement, un organisme dénommé «'cabinet Axelliance groupe'», dont il est certain qu'il n'est pas l'assureur de responsabilité de ladite société.

En toute hypothèse, alors que la jurisprudence est solidement fixée en ce sens que, hormis les cas dans lesquels la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise extra-judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important d'ailleurs qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (v. par ex. Ch. mixte 28 septembre 2012, n° 11-18.710'; Civ. 2, 13 septembre 2018, n° 17-20.099'; Civ. 3, 14 mai 2020, n° 19-16.278), l'EARL de La Haudière ne produit aux débats aucun élément qui vienne corroborer le rapport d'expertise extra-judiciaire dont elle se prévaut.

Le rapport d'expertise extra-judiciaire en cause, particulièrement lapidaire, ne saurait au demeurant servir à établir que les conditions de la responsabilité décennale de la société Fab' enrob' environnement sont réunies puisque le technicien n'a caractérisé ni même seulement constaté dans son bref rapport aucun désordre de nature décennale, c'est-à-dire aucun désordre d'une gravité telle qu'il rendrait l'ouvrage impropre à sa destination ou compromettrait sa solidité durant le délai d'épreuve et affirme que la responsabilité décennale de la société en cause serait «'pleinement engagée'» au motif, inopérant, que «'les dommages sont apparus plus d'un an après la réception'».

Il s'infère de l'ensemble de ces constatations que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'EARL de La Haudière échoue à démontrer que la responsabilité décennale de la Fab'enrob'environnement serait engagée à son égard.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu qu'il n'y avait lieu, sur tierce opposition, de réformer le jugement du 23 novembre 2017.

Aux termes de l'article 582 du code de procédure civile, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.

Selon l'article 591 du même code, la décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant'; le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés.

Toutefois la chose jugée sur tierce opposition l'est à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance en application de l'article 584.

Il en résulte que le jugement du 23 novembre 2017 ne doit pas être intégralement réformé, mais l'être en son chef par lequel la société Fab'enrob'environnement a été déclarée responsable des désordres litigieux, qui est le seul à être préjudiciable aux appelantes tierces opposantes.

Sur la garantie des sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust international underwriters:

Dès lors que, à l'égard des appelantes tierces opposantes, la responsabilité décennale de la société Fab'enrob environnement n'est pas établie, l'EARL de La Haudière, qui ne recherche la garantie des appelantes qu'en tant qu'assureur de responsabilité décennale de la société Fab'enrob environnement, ne peut qu'être déboutée de ses demandes, par infirmation du jugement entrepris, et cela sans qu'il y ait lieu de rechercher si les sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust International

Underwriters sont bien les assureurs de responsabilité de la société Fab'enrob environnement, ce qu'elles dénient en se prévalant de conditions particulières d'assurance sur lesquelles le souscripteur désigné n'est pas la société Fab'enrob environnement, mais M. [M] [B], son représentant légal de l'époque.

Sur les demandes accessoires :

L'EARL de La Haudière, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, l'EARL de la Haudière sera condamnée à régler aux sociétés Lloyd's insurance Company et Amtrust International Underwriters, au titre des frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure d'un montant total de 2'000'euros.

PAR CES MOTIFS

Déclare caduques, à l'égard de la société Assurances champenoises, les déclarations d'appel des sociétés Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters,

Infirme le jugement du 26 octobre 2023 en toutes ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant':

Réforme le jugement du 23 novembre 2017 en ce qu'il a dit que la société Fab' enrob environnement est responsable des désordres consécutifs à son intervention,

Déboute l'EARL de La Haudière de l'intégralité de ses prétentions dirigées contre les sociétés Lloyd's Insurance Company et Amtrust International Underwriters,

Condamne l'EARL de La Haudière à payer à la société Lloyd's Insurance Company et à la société Amtrust International Underwriters une somme globale de 2'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de l'EARL de La Haudière formée sur le même fondement,

Condamne l'EARL de La Haudière aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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