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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 24 avril 2025, n° 23/03494

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lemarie Patissier (Sté)

Défendeur :

M et M Confort (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseiller :

Mme Mathieu

Conseiller :

Mme Dubaele

Avoués :

Me de Bailliencourt, Me Canal

Avocats :

Me Gimenez, Me Drain, Me Paronian

T. com. Beauvais, du 16 mars 2023, n° 20…

16 mars 2023

DECISION

La SAS Lemarié pâtissier exploite un fonds de commerce de pâtisserie industrielle et afin d'équiper un nouveau bâtiment d'une surface de 3700 m² d'un dispositif d'extraction des fumées, elle a pris attache avec la SARL M&M Confort.

Un devis relatif à une hotte aspirante d'un montant de 34500 euros HT a été accepté le 2 décembre 2019.

Un second devis datant du 7 février 2020 relatif à l'installation d'un système complémentaire d'extraction des fumées et de récupération de chaleur pour la machine à pancakes d'un montant de 8640 euros HT a été accepté par la SAS Lemarié pâtissier le 10 février 2020.

Par procès-verbal établi le 30 juin 2020 par Me [D] [H], huissier de justice à [Localité 4], la SAS Lemarié pâtissier a entendu faire constater la défaillance de l'installation ne permettant pas l'évacuation de la fumée résultant de la cuisson des pancakes.

La société M&M Confort a proposé alors notamment l'installation d'un moteur plus important mais a sollicité le paiement du solde du chantier s'élevant à la somme de 12912 euros et ce afin d'avoir les fonds nécessaires pour procéder aux améliorations prévues.

Par ordonnance de référé en date du 8 octobre 2020, une expertise a été ordonnée dont l'extension était ordonnée à l'égard de M. [P] [R] dirigeant de la société M&M Confort par ordonnance du 18 février 2021.

Le rapport d'expertise a été déposé le 19 août 2021.

Par acte d'huissier en date du 6 décembre 2021, la SA Lemarié pâtissier a fait assigner la société M&M Confort et M. [R] devant le tribunal de commerce de Beauvais aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer une somme de 197958 euros au titre de son préjudice matériel et la somme de 50000 euros au titre de son préjudice commercial outre une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens comprenant notamment le coûts des procès-verbaux de constat et de l'expertise.

Par un jugement en date du 16 mars 2023, le tribunal de commerce de Beauvais a condamné la SARL M&M Confort à payer à la société Lemarié pâtissier la somme de 38.856 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel mais a débouté la société Lemarié pâtissier de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice commercial. Il a en outre condamné la SARL M&M Confort à payer à la société Lemarié pâtissier la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 80,29 euros TTC.

Par une déclaration en date 2 août 2023, la société Lemarié Pâtisser a interjeté appel limité dudit jugement du chef de l'indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 15 octobre 2024 la SAS Lemarié pâtissier demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris de ces chefs et statuant à nouveau de condamner solidairement la société M&M Confort à lui payer une somme de 148020,81 euros au titre de son préjudice matériel, la somme de 50000 euros au titre de son préjudice commercial et une somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'en tous les dépens, le jugement étant confirmé pour le surplus. Sur l'appel incident elle sollicite que les demandes soient déclarées irrecevables et à titre subsidiaire qu'elles soient rejetées.

Aux termes de leurs conclusions remises le 25 juillet 2024 expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens invoqués, la société M&M Confort et M. [R] demandent à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu leur responsabilité contractuelle et les a condamnés au paiement d'une somme de 38856 euros et a jugé que les travaux réalisés constituaient un ouvrage mais également en ce qu'elle a débouté la société M&M Confort de sa demande en paiement du solde des travaux et de leurs demandes du chef des frais irrépétibles et des dépens. Ils demandent à la cour statuant de nouveau de débouter la société Lemarié pâtissier de l'ensemble de ses demandes, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie décennale et à titre très subsidiaire faute de justifier d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Ils demandent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Lemarié pâtissier de ses demandes relatives au nettoyage des murs et du bardage du bâtiment et au titre du préjudice commercial et l'a déboutée de ses demandes à l'encontre du gérant de la société M&M Confort.

En tout état de cause ils demandent la condamnation de la SAS Lemarié pâtissier à payer à la société M&M Confort la somme de 12912 euros au titre du solde des travaux outre une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.

La cour ayant interrogé les parties sur l'application de l'article 1792-7 du code civil les parties ont déposé contradictoirement des notes en délibéré, l'appelante le 30 janvier 2025 et les intimés le 18 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel incident

La société Lemarié pâtissier reproche aux intimés d'avoir repris dans leurs conclusions portant appel incident leurs demandes de première instance sans viser dans le dispositif de leurs conclusions les chefs du dispositif dont ils entendaient demander l'infirmation.

Les intimés soutiennent que leurs premières conclusions portant appel incident comprennent distinctement l'énoncé des chefs du jugement critiqués et respectent ainsi les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile et ce même si leur dispositif ne reprend pas exactement les termes du dispositif du jugement entrepris.

Ils font valoir que le simple fait de demander l'infirmation du jugement entrepris puis énoncer les prétentions incidentes rend recevables leurs conclusions.

En tout état de cause ils font observer que si le dispositif de leurs conclusions ne reprend pas les termes exacts du dispositif du jugement il reprend leur énoncé sous des termes plus détaillés.

Le jugement entrepris a retenu que la société M&M Confort n'a pas respecté ses obligations contractuelles et était ainsi en partie responsable du non-fonctionnement du système d'extraction des fumées et pour cela l'a condamnée à payer la somme de 38856 euros aux termes de son dispositif.

Ainsi en sollicitant l'infirmation du chef du jugement retenant la responsabilité contractuelle de la société M&M Confort et demandant à la cour statuant à nouveau de débouter la société Lemarié pâtissier de l'ensemble de ses demandes les intimés ont régulièrement formé appel incident quant à leur condamnation au paiement de dommages et intérêts du fait du manquement à leurs obligations contractuelles.

Ils ont par ailleurs clairement invoqué le chef du dispositif relatif au débouté de leur demande en paiement du solde des travaux et sollicité la condamnation de la société Lemarié pâtissier au paiement de ce solde.

Il convient en conséquence de déclarer recevable l'appel incident formé par les intimés.

Sur la responsabilité de la société M&M Confort

La société Lemarié pâtissier soutient en premier lieu qu'il incombait à la société M&M Confort reprenant le marché de la société Labinox, en sa qualité d'installatrice, de concevoir le système d'extraction des fumées et que quand bien même la conception aurait été effectuée par la société Labinox en reprenant le marché et en délivrant un devis, elle a repris à son compte ce travail de conception.

Elle soutient en premier lieu que la responsabilité de la société M&M Confort est engagée sur le fondement de l'article 1792-2 du code civil selon lequel la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 du code civil s'étend aux dommages affectant la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité de fondation d'ossature ou de couvert soit quand sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

Elle fait valoir que lorsqu'un élément d'équipement tel qu'une ventilation rend le bâtiment dans son ensemble impropre à sa destination, la garantie décennale du constructeur est due.

Elle soutient qu'en l'espèce le système d'extraction des fumées rendait l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, ainsi que le démontre l'expertise qui conclut au fait que le sous dimensionnement des hottes et le défaut d'un dispositif de compensation d'air rendait l'air irrespirable et empêchait une prise de poste des salariés, normale et sécuritaire, contrevenant ainsi aux obligations en matière d'hygiène et de sécurité et rendant l'ouvrage impropre à sa destination.

Elle soutient que si l'article 1792-7 du code civil exclut la garantie décennale pour les éléments d'équipement dont la fonction est exclusivement professionnelle, cela ne vise pas des éléments ayant une fonction mixte soit une fonction professionnelle et une fonction de clos de couvert d'étanchéité et d'aération du bâtiment.

Elle fait valoir que l'équipement dont il est ici question est un système d'extraction des fumées et de récupération de chaleur, fonctionnalités s'apparentant davantage à une adaptation des locaux à l'activité professionnelle qu'à une condition même de cette activité dès lors que le système ne concourt pas à la fabrication des pancakes mais se limite à assurer la salubrité des installations et à optimiser la gestion thermique des locaux.

Elle soutient qu'en tout hypothèse la société M&M ne peut considérer avoir rempli ses obligations en livrant un système qui n'extrait pas les fumées et donc un ouvrage impropre à sa destination et ce nonobstant l'expérience de son client ou l'absence de notice de fonctionnement de la machine.

Les intimés soutiennent que la société M&M Confort n'a aucunement été chargée de la conception du système d'extraction mais uniquement de la réalisation des travaux qui au demeurant n'encourt aucune critique, les hottes installées étant en parfait état de marche.

Ils font valoir que l'entreprise Labinox est intervenue en qualité de bureau d'études et a établi un devis sur la base des éléments transmis par la société Lemarié pâtissier qu'elle n'a fait que reprendre. La société M&M Confort indique que son rôle s'est ainsi limité à la fourniture du matériel et à la réalisation des travaux d'assemblage du système d'extraction et que l'insuffisance du système conçu par la société Labinox ne saurait lui être imputée.

Ils contestent l'application de la garantie décennale de l'article 1792 s'agissant non pas d'un ouvrage mais de la réalisation de travaux portant sur l'installation d'éléments d'équipement dissociables à telle enseigne que le maître de l'ouvrage n'a pas contracté d'assurance dommage-ouvrage.

Ils soutiennent par ailleurs que l'exclusion de la garantie décennale prévue par l'article 1792-7 pour les équipements à vocation exclusivement professionnelle est étendue aux accessoires de ces éléments d'équipement.

Ils soulignent qu'en l'espèce s'agissant d'un extracteur de fumée composé par deux hottes installées et fabriquées spécifiquement pour la chaîne de fabrication de pancakes au sein d'une usine il n'a pas d'autre fonction que professionnelle. S'agissant de la pose d'un caisson supplémentaire de récupération de chaleur rejetée dans un atelier adjacent pour la conservation des denrées alimentaires, elle fait observer que ce n'est qu'un accessoire de l'installation principale d'extraction des fumées dont le coût n'était que de 8640 euros et qui n'a pas fait l'objet de l'expertise.

Ils font valoir que sur le fondement de la responsabilité de droit commun et en cas de prestations matérielles entourées d'un aléa il ne peut être retenu une obligation de résultat mais une obligation de moyen.

Ils font observer qu'en l'espèce aucun résultat précis n'a été demandé afin de dimensionner l'installation et ce d'autant que la machine à pancakes était un matériel neuf pour lequel la société Lemarié pâtissier ne disposait d'aucune notice rendant techniquement impossible de connaître précisément le volume de fumée à extraire sans éléments sur le rendement de la machine elle-même.

Ils ajoutent qu'au cours de l'expertise sont apparues les difficultés de parvenir à l'installation d'un système d'extraction satisfaisant en raison de l'absence d'un cahier des charges précis, l'expert ne pouvant se livrer qu'à une estimation selon une méthode extraite d'un catalogue de l'entreprise France Air et qui a donné lieu à un devis de la société ACR Enginering pour un nouveau système d'extraction des fumées qui réalisé en avril 2021 pour un résultat toujours insuffisant.

Ils font valoir qu'il n'est à ce jour pas démontré qu'il soit possible de parvenir à un fonctionnement régulier des lignes de pancakes sans stagnation de fumées au sein de l'usine.

Enfin ils indiquent que le nouveau devis d'une nouvelle installation produit aux débats est disproportionné.

En application de l'article 1792 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages même résultant d'un vice du sol qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination.

En application de l'article 1792-2 du code civil la présomption de responsabilité édictée par l'article 1792 s'étend aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage mais seulement lorsqu'ils font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Ainsi les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage et ne relèvent donc pas de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement mais de la responsabilité contractuelle de droit commun.

En application de l'article 1792-7 du code civil ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage, les éléments d'équipement et leurs accessoires dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

En l'espèce les travaux réalisés ont consisté à ajouter un système d'extraction de fumée à un élément d'équipement de l'atelier de pâtisserie industrielle, la machine servant à la fabrication des pancakes.

Ce système d'extraction de fumée parfaitement dissociable de la machine puisqu'il a fait l'objet d'un retrait sans empêcher la machine de fonctionner, ne peut en aucun cas être considéré comme un élément d'équipement relevant de la garantie décennale quand bien même son absence rend difficile l'utilisation de la machine à pancakes par les salariés compte tenu des fumées dégagées.

De même ce système d'extraction des fumées constitue à l'évidence un élément d'équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle puisqu'il permet une meilleure utilisation de la machine à pancakes et son accessoire le récupérateur de chaleur étant destiné également à l'activité professionnelle puisqu'il devait chauffer un atelier de conservation des denrées alimentaires selon l'expertise.

Il convient de considérer en conséquence que seule la responsabilité contractuelle de la société M&M Confort peut être recherchée.

Si la société M&M Confort justifie avoir repris le chantier de la société Labinox qui a effectué l'étude relative à la conception du système d'extraction de fumée demandé par la société Lemarié pâtissier elle a néanmoins accepté de reprendre à son compte les travaux et le devis projeté par la société Labinox et ne peut s'exonérer de toute responsabilité en invoquant ne pas être à l'origine de la conception du système s'étant avéré insuffisant.

En établissant le devis à son nom, en le soumettant au maître de l'ouvrage qui n'a contracté qu'avec elle, la société M&M Confort a entériné le projet de la société Labinox et a accepté les risques de son exécution.

Il résulte indéniablement de l'expertise que le système d'extraction de fumée installé par la société M&M Confort était très insuffisant et ne pouvait pourvoir à son office lors du fonctionnement de la machine à pancakes.

Il a été procédé à la mise en place de deux hottes d'extraction puis en complément un second moteur d'extraction avec possibilité de recyclage de l'air dans le bâtiment stockage.

Les constats d'huissier et l'expertise témoignent de l'insuffisance de l'installation en son entier, l'atmosphère au sein du bâtiment lors du fonctionnement de la machine à pancakes étant remplie de fumée.

L'expert relève également que les filtres des hottes ont été retirés pour une meilleure extraction des fumées et qu'ainsi l'ensemble des réseaux et des ventilateurs sont encrassés.

Il conclut au fait qu'il existe un manque d'extraction d'air en regard de la dimension des hottes et préconise le dimensionnement utile.

Il pointe une non-conformité liée à la non-tenue au feu, les deux ventilateurs d'extraction mis en oeuvre ne tenant pas les températures des fumées extraites.

Néanmoins l'expert note qu'il existe aucun document ni notice de fonctionnement de cette machine à pancakes de fabrication chinoise.

Il résulte ainsi de l'expertise que la société Lemarié pâtissier a mis en fonctionnement une seconde ligne de production de pancakes et qu'elle a fait réaliser un système d'extraction par un nouvel intervenant la société Era Tec comportant notamment une extraction au droit de la salamandre qui néanmoins s'est avéré également insuffisant en terme d'extraction des fumées.

Ceci a conduit la société Lemarié pâtissier à consulter une autre société la société ACR Enginering et deux fabricants de hottes.

La solution préconisée par cette dernière société dont le projet est retenu par l'expert est cependant sans commune mesure avec le système d'extraction de fumées commandé à la société M&M Confort puisqu'elle comprend outre un ventilateur d'extraction d'air dimensionné comme préconisé par l'expert , la mise en place d'un réseau de gaines en lisses galvanisées et de trois hottes équipées de filtres métalliques mais aussi la mise en place d'une centrale de traitement d'air à l'extérieur du bâtiment et une nouvelle installation électrique pour la mise en marche l'extraction et le soufflage.

Il sera relevé de surcroît que l'expert préconisait le recours à un bureau de contrôle pour valider la conformité de cette nouvelle installation d'extraction des fumées proposée par la société ACR Enginering dont l'efficacité et la conformité n'étaient donc pas établies.

Il convient de retenir que seules les différentes expériences de mise en place de systèmes d'extraction des fumées ont permis de déterminer que la machine de production de pancakes dont les données techniques n'étaient pas connues nécessitait un système d'extraction très puissant et des travaux excédant l'installation de hottes et de ventilateurs.

La faute de la société M&M Confort consiste à avoir préconisé et installé un système d'extraction de fumées insuffisant et d'avoir accepté les travaux sans disposer de la notice de fonctionnement de la machine concernée et d'avoir ainsi également installé deux ventilateurs d'extraction non conformes quant à leur tenue au feu.

Le préjudice subi par la société Lemarié pâtissier en lien avec cette faute réside dans le paiement de travaux s'étant révélés insuffisants et non conformes aux règles de l'art et dans les conséquences de la mauvaise extraction des fumées ayant conduit à un enfumage du bâtiment nécessitant le recours à un nettoyage du fait du dépôt de graisses sur les éléments du bâtiment.

Il est ainsi justifié de condamner la société M&M Confort à rembourser à la société Lemarié pâtissier la somme par elle payée soit la somme de 38856 euros au titre de son préjudice matériel et le jugement sera confirmé sur ce chef.

Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement du solde des travaux.

S'agissant du nettoyage du bâtiment en raison des fumées il convient de relever que le système d'extraction des fumées installé par la société M&M Confort sur la ligne n° 1 de fabrication des pancakes n'est pas seule à l'origine de ce préjudice puisque l'expertise révèle que la ligne n° 2 a été mise en route sans extraction de fumée puis avec un système d'extraction également insuffisant.

Par ailleurs il n'est pas justifié par la société Lemarié pâtissier de la composition de l'atelier et des autres machines utilisées en son sein.

Au regard des observations de l'expert et de ces éléments il convient de limiter l'indemnisation de la société Lemarié pâtissier à la somme de 14807,40 euros.

S'agissant du préjudice commercial dont la réparation est sollicitée par la société Lemarié pâtissier notamment pour la perte d'un futur client important, il convient de relever que ce client avait émis des réserves non seulement en raison de la défaillance du système de désenfumage mais aussi sur la qualité des produits et de leur emballage ou encore les ingrédients utilisés.

Il n'est donc pas établi de lien de causalité entre le retrait de ce futur client et la seule défaillance du système d'extraction des fumées.

Il sera relevé également que la société Lemarié pâtissier a reconnu utiliser ces machines à pancakes y compris sans système d'extraction des fumées afin de satisfaire sa clientèle.

Il convient de débouter la société Lemarié pâtissier de sa demande d'indemnisation d'un préjudice commercial dont elle échoue à établir le lien de causalité avec la défaillance du système d'extraction de fumées installé par la société M&M Confort mais aussi le quantum.

Sur la responsabilité de M. [R]

La société Lemarié pâtissier soutient que les gérants de sociétés à responsabilité limitée sont responsables envers les tiers de la faute commise dans leur gestion si cette faute est séparable de leurs fonctions et peut leur être imputée personnellement.

Elle fait valoir que la société M&M Confort ne peut justifier d'une assurance au titre de sa responsabilité décennale et que le non-respect de cette obligation est sanctionné pénalement.

Elle ajoute qu'une infraction pénale intentionnelle est comme telle séparable des fonctions sociales du dirigeant.

Elle fait valoir que le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale constitue une omission intentionnelle excédant la gestion normale d'une société et engage la responsabilité personnelle de son gérant.

Elle reproche également à la société M&M Confort et à son gérant un manquement grave et délibéré à une obligation particulière de prudence et de sécurité en raison de l'exposition des salariés à des fumées persistantes et des non-conformités en matière de résistance au feu de l'installation.

La société M&M Confort et M. [R] soutiennent que les travaux réalisés n'étant pas assimilables à des travaux de construction d'un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil la société M&M Confort n'avait aucune obligation légale de souscrire une assurance décennale et qu'aucune faute de gestion ne peut être imputée à M. [R].

Ils font valoir qu'en tout état de cause la responsabilité du gérant suppose l'existence d'une faute détachable des fonctions de gestion qui est caractérisée en cas de faute intentionnelle du gérant d'une particulière gravité alors que le défaut de souscription d'une assurance décennale n'est qu'une négligence ne caractérisant pas une faute séparable des fonctions de gérant.

La responsabilité décennale de la société M&M Confort n'étant pas engagée le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale ne saurait constituer une faute pour le gérant.

L'insuffisance et la non-conformité du système d'extraction de fumée installé par la société M&M Confort constitue une faute de la société dans l'exercice de son activité mais aucunement une faute de gestion du gérant.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Lemarié pâtissier à l'encontre de M. [R].

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Dit recevable l'appel incident ;

Confirme la décision entreprise excepté en ce qu'elle a rejeté l'indemnisation du préjudice lié au nettoyage du bâtiment ;

Statuant à nouveau sur ce chef ;

Condamne la société M&M Confort à payer la somme de 14807,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel lié au nettoyage des locaux ;

Y ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

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