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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 24 avril 2025, n° 23/03008

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Serupa France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hauduin

Vice-président :

M. Berthe

Conseiller :

Mme Jacqueline

Avocats :

Me Varlet, Me de Limerville, Me Decramer, Me Doyen, Me Azincourt

TJ Amiens, du 7 juin 2023

7 juin 2023

DECISION :

La société Serupa a pour activité « la commercialisation de bâtiments en charpente métallique, de pièces de tôlerie transformées, d'aménagements intérieurs industriels, et tous équipements ».

L'EARL [Adresse 4] a pris attache avec la société Serupa aux fins d'envisager la construction de deux hangars agricoles et d'un poulailler.

Selon devis et un bon de commande en date du 18 juin 2015, l'EARL [Adresse 4] a confié à la Sas Serupa France ces constructions pour un prix de 606 000 euros TTC.

La société Serupa a établi deux dernières factures, soit une facture d'acompte du 18 novembre 2016 d'un montant de 121 200 euros TTC et une facture de solde du 24 février 2017 d'un montant de 124 720,20 euros TTC.

Invoquant l'existence de diverses malfaçons, l'EARL [Adresse 4] a refusé de payer ces deux dernières factures.

Suite à différents échanges entre les parties sur les malfaçons invoquées par l'EARL ferme Saint Christophe une expertise amiable contradictoire a été organisée.

Le 20 juin 2017, un protocole d'accord a été régularisé par les parties. Il a été notamment convenu que l'EARL [Adresse 4] procéderait au règlement de la facture de 121 200 euros TTC ainsi qu'au règlement de la facture d'un montant de 124 720,20 euros, dont à déduire une somme de 24 720,20 euros TTC qui ne serait réglée que lorsque les réserves seraient levées au 20 juillet 2017.

Après plusieurs mises en demeure et invoquant avoir effectué les travaux permettant de résoudre les désordres, la société Serupa France a saisi par acte extra-judiciaire du 17 février 2020 le juge des référés afin d'obtenir la condamnation provisionnelle de l'EARL [Adresse 4] au solde restant dû de 24 720,20 euros TTC en exécution de la transaction.

Par ordonnance du 1er juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Amiens a débouté la société Serupa France de sa demande de provision et fait droit à la demande d'expertise formée par l'EARL [Adresse 4].

Le rapport d'expertise a été déposé le 24 février 2022.

Par acte d'huissier de justice en date du 19 mai 2022, la société Serupa France a assigné l'EARL [Adresse 4] en paiement de la somme de 11 520,20 euros TTC.

En première instance, l'EARL ferme Saint-Christophe s'est opposée à la demande en paiement de la société Serupa France et reconventionnellement a sollicité sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

74 137,45 euros HT au titre de travaux de reprise,

106 227 euros au titre d'un préjudice économique.

Par jugement du 7 juin 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

Rejeté la demande de dommages-intérêts de l'EARL [Adresse 4] fondée sur l'article 1792 du code civil ;

Fixé à la somme de 13 200 euros TTC l'indemnisation revenant à l'EARL ferme Saint-Christophe au titre des désordres affectant la dalle entourant le poulailler et de la nécessité de solliciter un permis de construire modificatif dont la société Serupa France est responsable ;

Rejeté la demande de l'EARL [Adresse 4] d'indemnisation d'autres préjudices ;

après compensation avec sa créance indemnitaire,

Condamné l'EARL ferme Saint-Christophe à payer à la société Serupa France la somme de 11 520, 20 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Dit que la société Serupa France conservera la charge de ses dépens exposés en référé ;

Dit que le coût de l'expertise judiciaire sera supporté par moitié par chaque partie ;

Condamné l'EARL [Adresse 4] aux dépens de l'instance ;

Rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 juillet 2023, l'EARL ferme Saint-Christophe a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 30 septembre 2024 par lesquelles l'EARL [Adresse 4] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

La juger recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

Juger la société Serupa France responsable des préjudices subis par L'EARL [Adresse 4],

Condamner la société Serupa France à lui payer la somme de 45 261 euros HT au titre des travaux à réaliser avec intérêts à compter de la signification de la décision à intervenir,

Condamner la société Serupa France à lui payer la somme de 30 710 HT au titre du préjudice économique du fait des travaux à réaliser avec intérêts à compter de la signification de la décision à intervenir,

Condamner la société Serupa France à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût de la présente procédure et des frais d'expertise de M. [M] [J].

Elle expose :

- qu'initialement et avant la transaction, son refus de régler le solde de la facture était dû au fait que les travaux réalisés par la société Serupa France ne donnaient pas satisfaction et qu'il était constaté de nombreuses malfaçons,

- que l'expert judiciaire dit que dorénavant, il y a lieu de prévoir :

- la réfaction des reprises faites sur la dalle (trottoir) ainsi que la réfaction de sa partie supérieure en hors gel,

- la reprise du drainage de la cour,

- la reprise du dispositif d'automatisme avec remplacement des horloges, serrures des armoires métalliques,

- l'établissement d'un permis de construire modificatif,

- que l'expert judiciaire a retenu pour la démolition et la réfection hors gel de la dalle devant les poulaillers une somme de 9 000 euros HT, ce qui est manifestement insuffisant,

- qu'elle a donc décidé de missionner un expert foncier agricole et immobilier dans le but d'examiner et de chiffrer les travaux à reprendre,

- qu'ainsi, M. [R] [Z], expert, a indiqué le 13 septembre 2023 que le béton ayant été coulé sur la terre battue sans fondation ni remblai avec une épaisseur limitée, n'était pas satisfaisant puisqu'il ne pouvait pas être résistant et qu'il était ce faisant nécessaire de refaire ce même béton sur des fondations solides,

- qu'après avoir contacté une autre entreprise, son expert a chiffré la réfection de cette dalle pour une nouvelle réalisation correcte à la somme de 37 361 euros HT soit 44 833,20 euros TTC,

- que le rapport établi par le cabinet [Z] en date du 13 septembre 2023 a été régulièrement versé aux débats et, par conséquent, a pu être débattu entre les parties,

- qu'en outre l'expert [Z] a confirmé que les travaux nécessaires dureraient cinq semaines, ce qui entraînera une perte de chiffre d'affaires,

- que l'expert a indiqué que sa perte d'exploitation à intervenir pouvait être chiffrée au minimum à la somme de 30 710 euros HT et que cette valorisation est celle la moins élevée qui peut être retenue en jouant sur la réalisation des travaux pendant les périodes de vide sanitaire.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 6 novembre 2024 par lesquelles la société Serupa France demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a

- rejeté la demande de dommages-intérêts de l'EARL [Adresse 4] fondée sur l'article 1792 du code civil ;

- fixé à la somme de 13 200 euros TTC l'indemnisation revenant à L'EARL ferme Saint-Christophe au titre des désordres affectant la dalle entourant le poulailler et de la nécessité de solliciter un permis de construire modificatif dont la société Serupa France est responsable ;

- rejeté la demande de l'EARL [Adresse 4] d'indemnisation d'autres préjudices ;

après compensation avec sa créance indemnitaire,

- condamné l'EARL ferme Saint-Christophe à payer à la société Serupa France la somme de 11 520, 20 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- dit que la société Serupa France conservera la charge de ses dépens exposés en référé ;

- dit que le coût de l'expertise judiciaire sera supporté par moitié par chaque partie ;

- condamné l'EARL [Adresse 4] aux dépens de l'instance ;

- rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

Débouter purement et simplement l'EARL ferme Saint Christophe de ses demandes, fins et conclusions, comme n'étant ni fondées ni justifiées ;

Condamner l'EARL [Adresse 4] à lui régler une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, lesquels seront recouvrés par Me Doyen conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose :

- que sur le plan administratif, l'expert judiciaire indique qu'il reste à établir et déposer un permis de construire modificatif par un nouvel architecte, le précédent ayant cessé son activité,

- que l'expert rappelle toutefois que ce permis modificatif n'a pu être déposé du fait de l'absence de validation des plans qui avaient été à l'époque transmis par la société Serupa et qui n'ont jamais fait l'objet de retour de la part de M. [U], le gérant de l'EARL [Adresse 4],

- que sur le plan technique, l'expert indique qu'il reste à reprendre :

- la reprise de la dalle ;

- le drainage ;

- l'automatisme.

- qu'il résulte du constat de l'expert judiciaire que seul l'usage du bâtiment d'élevage est légèrement affecté par les fissurations et le soulèvement des dalles béton, mais que les autres bâtiments ne sont pas affectés,

- que seuls les désordres affectant la dalle et l'absence de permis de construire modificatif, sont imputables à la société Serupa,

- que le montant retenu par l'Expert judiciaire en page 13 de son rapport, s'agissant des coûts des travaux de remise en état et lui étant imputables sont de :

- au titre de la dalle : 9 000 euros HT ;

- au titre du défaut de permis de construire modificatif : 2 000 euros HT;

soit un montant de 11 000 euros HT,

- qu'en revanche, la prétendue perte de rentabilité est fixée de façon forfaitaire sans aucun justificatif ; l'EARL [Adresse 4] n'ayant communiqué aucun élément comptable de quelque nature que ce soit,

- que l'EARL ferme Saint Christophe n'a sciemment pas communiqué contradictoirement son expertise amiable en cours des opérations d'expertise judiciaire ni soumis celle-ci à l'appréciation de l'expert judiciaire, qu'elle ne peut donc être de nature à remettre en cause les conclusions de M. [J].

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture a été prononcée le 20 novembre 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages-intérêts de l'EARL [Adresse 4] au titre des travaux de reprise :

Il résulte des articles 1147 et 1315 du code civil dans leur version applicable au litige que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 24 février 2022 que les bâtiments sont solides, habitables et conformes à leur destination.

L'expert indique qu'il reste à traiter :

- sur le plan administratif, le dépôt d'un permis de construire modificatif représentant un coût de 2 000 euros HT ;

- sur le plan technique :

- la reprise de la dalle représentant un coût de 9 000 euros HT ;

- la reprise du drainage représentant un coût de 2 500 euros HT ;

- la révision de l'automatisme représentant un coût de 1 400 euros HT.

Comme le relève à juste titre la juridiction du premier degré, il résulte du bon de commande du 15 juin 2015 que le drainage de la cour n'a pas été confié à la société Serupa et restait à la charge du maître de l'ouvrage.

Il n'est pas contesté que la réalisation du drainage a été confié par l'EARL [Adresse 4] à la société Brunel.

Par ailleurs, le protocole d'accord amiable du 20 juin 2017 constatant les diverses reprises devant être effectuées par la société Serupa ne mentionne nullement les travaux de drainage.

Ainsi, la responsabilité de la reprise du drainage ne saurait être imputée à la société Serupa et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

S'agissant du mécanisme d'automatisme, le premier juge constate également à juste titre que le bon de commande du 15 juin 2015 ne prévoit pas que sa pose incombe à la société Serupa. Le protocole d'accord amiable du 20 juin 2017 n'impose pas non plus la révision de l'automatisme à la société Serupa, si bien que l'EARL [Adresse 4] échoue à démontrer l'obligation de la société Serupa sur ce poste.

Ainsi, la responsabilité de la révision de l'automatisme ne saurait être imputée à la société Serupa et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

La société Serupa ne conteste pas sa responsabilité au titre de la modification du permis de construire et de la reprise de la dalle évalué par l'expert judiciaire et le premier juge à la somme de 11 000 euros HT, soit 13 200 euros TTC.

Le bon de commande du 15 juin 2015 prévoit la pose d'un trottoir extérieur de 0,12 cm d'épaisseur et le protocole d'accord amiable du 20 juin 2017 convient de la reprise de ce trottoir.

Pour s'opposer à l'évaluation du coût de la reprise du trottoir extérieur qu'a donné l'expert judiciaire, l'EARL [Adresse 4] produit un rapport d'expertise réalisé de façon non-contradictoire le 13 septembre 2023, soit postérieurement à l'expertise judiciaire et s'appuyant sur deux devis eux-mêmes postérieurs à l'expertise judiciaire.

L'expert de l'EARL ferme Saint Christophe préconise la pose d'une nouvelle dalle extérieure d'une épaisseur cette fois de 0,22 cm, épaisseur qui ne correspond donc ni aux stipulations convenues entre les parties ni à leur transaction subséquente.

Dès lors, l'EARL [Adresse 4] ne produit pas d'élément propre à chiffrer le coût de la dalle telle que contractuellement convenue ni à démontrer que l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire n'est pas pertinente.

Le coût de reprise de la dalle tel qu'évalué par l'expertise judiciaire et le premier juge sera retenue et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur le préjudice de perte d'exploitation allégué par l'EARL ferme Saint Christophe :

L'expert mandaté par l'EARL [Adresse 4] estime que la réalisation de la dalle durerait cinq semaines mais précise que sans désorganiser l'activité d'élevage, il était envisageable de réaliser les travaux en deux voire trois fois durant les périodes de vides sanitaires (phase de nettoyage, de lavage et de désinfection du bâtiment une fois un lot de volaille terminé), chaque vide sanitaire durant deux semaines ; cette solution n'entraînant pas de préjudice.

Il ajoute toutefois que dans l'hypothèse où les travaux seront effectués en continu, la perte d'exploitation devrait être évaluée à 30 710 euros.

Sa méthode de calcul se réfère à une perte de chiffre d'affaires sur trois semaines, déduction faite des charges de nourrissage et d'énergie. Toutefois, une baisse du chiffre d'affaire ne correspond pas à une baisse du résultat d'exploitation qui en l'occurrence n'est pas explicitée par l'expert.

En outre, l'EARL ferme Saint Christophe s'abstient de produire sa comptabilité et notamment ses comptes de résultat qui auraient été de nature à étayer ses estimations.

En tout état de cause, le préjudice qu'elle invoque n'est pas né et ne présente à ce jour aucun caractère de certitude.

La demande de réparation de la perte d'exploitation alléguée sera donc rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur les comptes entre les parties :

Comme le relève à juste titre le premier juge, après compensation entre la créance contractuelle de la société Serupa (24 720,20 euros TTC) et sa propre créance indemnitaire (13 200 euros TTC), l'EARL [Adresse 4] sera condamnée à payer à la première la somme de 11 520,20 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'EARL ferme Saint Christophe qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel et la décision de première instance sera confirmée en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens. Il conviendra également d'autoriser le recouvrement direct contre la partie condamnée des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner l'EARL [Adresse 4] à payer à la société Serupa France la somme de 4 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile et sa propre demande présentée sur ce fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne l'EARL [Adresse 4] aux dépens de l'appel et autorise leur recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne l'EARL ferme Saint Christophe à payer à la société Serupa France la somme de 4 000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel,

Rejette la demande de l'EARL [Adresse 4] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

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