CA Toulouse, 2e ch., 29 avril 2025, n° 24/02650
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Grand Hotel (SARL), MAAF Assurances (SA), MMA (Sté), MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté), Groupama d'Oc (Sté)
Défendeur :
Le Grand Hotel (SARL), MAAF Assurances (SA), MMA (Sté), MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté), Groupama d'Oc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Salmeron
Conseillers :
Moulayes, Martin de la Moutte
Avocats :
Sorel, Regourd, Cantaloube-Ferrieu, Gerbaud, Jeusset, Schoenacker-Rossi
Faits et procédure
Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Madame [L] [W] sont respectivement nus-propriétaires et usufruitière d'un immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 17] et à l'angle de la [Adresse 16], comprenant un bâtiment principal de trois étages à usage d'hôtel et un bâtiment annexe situé à une centaine de mètres de l'immeuble principal.
En vertu d'un contrat signé le 6 juillet 1954, les lieux ont été donnés à bail commercial à la Sa Hôtel du Midi. Le bail commercial a été à plusieurs reprises renouvelé.
Par acte sous seing privé en date du 30 septembre 2019, la Sa Hôtel du Midi a vendu son fonds de commerce d'hôtel-restaurant sous l'enseigne Hôtel du Midi à la société Grand Hôtel.
En 2019, le bailleur et le locataire ont décidé d'entreprendre d'importants travaux de restructuration de l'hôtel.
Ils ont été confiés à Monsieur [B] [I] [X], assuré auprès de la Maaf, et Monsieur [D] [X], assuré auprès de Mma Iard.
Le 26 novembre 2019, un diagnostic technique a été réalisé et a relevé la nécessité d'une reprise du gros-oeuvre, de la charpente et de la toiture du bâtiment principal.
Le 15 janvier 2020, les parties se sont entendues sur une convention de procédure participative en vue de l'exécution des travaux permettant l'ouverture de l'établissement ; la convention a été signée le 12 février 2020.
Le 8 mars 2021, la commission municipale de sécurité a émis un avis défavorable à l'ouverture de l'établissement, en raison d'un risque d'effondrement de la verrière surplombant la salle de restaurant. L'établissement est en conséquence demeuré fermé.
Par une ordonnance du 1er avril 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montauban a ordonné une expertise judiciaire, autorisé la suspension du paiement des loyers à compter du mois de mars 2021 et pendant 6 mois, et rejeté la demande de provision formée par les bailleurs.
La Cour d'Appel de Toulouse, par arrêt du 2 mars 2022, a confirmé l'ordonnance déférée, a prolongé l'autorisation de suspension du paiement des loyers jusqu'à la décision d'autorisation administrative de réouverture de l'établissement, et a condamné le preneur au paiement d'une provision à valoir sur le montant des arriérés de loyer.
Par acte d'huissier de justice du 11 mars 2022 et selon la procédure à jour fixe en vertu d'une ordonnance du 10 mars 2022, la société Grand Hôtel a fait assigner [L] [W], [V] [W] et [K] [S] [E] devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de suppression de la totalité des loyers, de diminution du loyer après ouverture, et d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal a ordonné la suppression de l'obligation de la société Le Grand Hôtel de payer le loyer à compter du 8 mars 2021 jusqu'à la décision administrative autorisant la réouverture au public, rejeté la demande de diminution du loyer après réouverture, condamné les consorts [W]-[S]-[E] à payer à la société Le Grand Hôtel la somme de 72 409,66 euros au titre des travaux de sécurité, rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice autonome par perte d'image et réservé la demande tendant à la suppression du loyer jusqu'au mois de mars 2021, ainsi que celles relatives à l'indemnisation des conséquences financières de la fermeture depuis le 8 mars 2021.
Par arrêt du 3 septembre 2024, la Cour d'Appel de Toulouse a confirmé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné les consorts [L] [W], [V] [W] et [K] [S]-[E] à payer à la société Le Grand Hôtel la somme de 72 409,66 euros au titre des travaux de sécurité.
Statuant à nouveau la Cour a débouté la Sarl Le Grand Hôtel de sa demande de désignation d'un expert afin de déterminer les travaux propres à lever l'interdiction de recevoir du public dans le bâtiment annexe, et à l'exploiter à usage d'hôtel, a condamné in solidum Monsieur [V] [W], Madame [K] [S]-[E] et Monsieur [A] [T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme de 134 919,32 euros en remboursement des travaux réalisés au titre de la sécurité incendie, de la lutte contre la légionellose, et de l'accessibilité, et a débouté la Sarl Le Grand Hôtel de sa demande d'indemnisation d'un préjudice de perte de chance.
Parallèlement, les consorts [W] ont fait assigner leur propre assureur, la compagnie Groupama d'Oc, et les entreprises en charge des travaux, à savoir Monsieur [B] [I] [X] et son assureur la compagnie Maaf Assurance et Monsieur [D] [X] et ses assureurs les compagnies MMA Iard et MMA Assurances mutuelles.
Le 21 octobre 2022, Monsieur [J] a déposé son rapport correspondant à la mesure d'expertise ordonnée en référé.
Dans le cadre du litige continuant à opposer les parties en première instance, le juge de la mise en état a ordonné deux expertises complémentaires le 25 octobre 2022 :
- une confiée à Monsieur [J], avec pour mission « d'éclairer le Tribunal sur les raisons du retard apporté aux travaux des bailleurs et des locataires dans la période du mois de juin 2020 à mars 2021 en indiquant si ces retards proviennent de faits imprévus ou de la faute d'une quelconque des parties » ;
- la seconde, confiée à Monsieur [O] [U], avec pour mission de « déterminer quel a pu et peut être le préjudice économique de la société Le Grand Hôtel résultant de la fermeture administrative de son établissement [Adresse 17] à [Localité 10] depuis le 8 mars 2021 jusqu'à sa réouverture ».
Par ordonnance du 28 mars 2023, le juge de la mise en état a débouté les consorts [W]-[S]-[E] de leur demande formée à l'encontre de [B] [I] [X] et de son assureur, la compagnie Maaf, de leur payer la somme provisionnelle de 242 681,40 euros à valoir sur le coût des travaux de remise en état de la verrière du restaurant.
Le 25 avril 2023, Madame [L] [W] est décédée laissant pour lui succéder Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] venant aux droits de sa mère pré-décédée, [N] [W].
Le 9 février 2024, Monsieur [O] [U] a rendu son rapport d'expertise.
Le 27 février 2024, le juge de la mise en état a été saisi par la société Le Grand Hôtel de conclusions d'incident de mise en état, aux fins de paiement d'une provision à valoir sur ses préjudices économiques.
La réception des travaux de reprise au sein des locaux objet du litige, a été prononcée le 13 mars 2024.
Par ordonnance du 25 juillet 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban a :
- statuant par mesure d'administration judiciaire :
- dit n'y avoir lieu à disjonction des demandes en relèvement et garantie formées par les consorts [W]-[S]-[E]-[T] à l'égard de [D] [X] et la compagnie Maaf et par [B] [I] [X] et les compagnies Mma Tard et Mma Assurances Mutuelles,
- statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
- condamné in solidum [V] [W], [K] [S]-[E] et [A] [Y] [T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 981 610 euros, soit 665 784 euros au titre de son préjudice économique pour la période courant du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022 et 315 826 euros au titre des frais de réouverture de l'établissement,
- condamné in solidum [V] [W], [K] [S]-[E] et [A] [Y] [T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 650 940 euros au titre de son préjudice économique pour l'année 2023,
- condamné in solidum [V] [W], [K] [S]-[E] et [A] [Y] [T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 56 200 euros par mois au titre de son préjudice économique pour l'année 2024 et jusqu'à la date de réouverture de l'hôtel au titre de son préjudice économique pour l'année 2024,
- débouté les consorts [W]-[S]-[E]-[T] de leurs demandes en relèvement et garantie par la compagnie Groupama d'Oc des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hôtel,
- débouté les consorts [W]-[S]-[E]-[T] de leurs demandes en relèvement et garantie par [D] [X] et la compagnie Maaf d'une part, et par [B] [I] [X] et les compagnies Mma Tard et Mma Assurances Mutuelles d'autre part, des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hôtel,
- rejeté la demande en complément d'expertise formée par les consorts [W]-[S]-[E]-[T],
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700,1° du code de procédure civile,
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] à payer, à chacun, à la compagnie Groupama d'Oc, à [D] [X], à [B] [I] [X] et à la compagnie Maaf et aux compagnies Mma lard et Mma Assurances Mutuelles ensemble la somme de 800 euros,
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] aux dépens de l'incident,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 26 septembre 2024 pour conclusions au fond des défendeurs avec injonction avant clôture et fixation.
Par déclaration en date du 25 juillet 2024, Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] ont relevé appel de l'ordonnance de mise en état. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :
- condamné in solidum Monsieur [W], Madame [S]-[E], Monsieur [T] à payer à la Sarl le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 981 610 euros soit 665 784 euros au titre de son préjudice économique pour la période courant du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022 et 315 826 euros au titre des frais de réouverture de l'établissement,
- condamné in solidum les mêmes à payer à la Sarl le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 650 940 euros titre de son préjudice économique pour l'année 2023, 56 200 euros par mois au titre de son préjudice économique pour l'année 2024 et jusqu'à la date de réouverture de l'hôtel,
- débouté des consorts [W] [S]-[E] de leurs demandes en garantie dirigée contre la compagnie Groupama d'Oc des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl le Grand Hôtel,
- débouté les mêmes parties de leurs demandes de garantie formées contre Monsieur [B] [X] et Monsieur [D] [X] et leurs assureurs respectifs,
- rejeté la demande en complément d'expertise,
- et les a condamnées à payer la somme de 3 000 euros titre de l'article 700 du cpc au profit de la Sarl le Grand Hôtel outre 800 euros sur le même fondement, à Groupama d'Oc, Monsieur [D] [X], Monsieur [B] [X], la Maaf et les compagnies Mma Iard et Mma Assurance mutuelle,
- les a condamnés aux dépens de l'incident.
La commission de sécurité a émis un avis favorable à l'ouverture de l'hôtel au public, le 30 octobre 2024.
Cette réouverture est intervenue le 26 novembre 2024.
La clôture est intervenue le 6 janvier 2025, et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 février 2025 selon la procédure de bref délai.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions récapitulatives d'appelants notifiées le 4 novembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] demandant de :
- réformer l'ordonnance rendue le 25 juillet 2024 en ce qu'elle a condamné in solidum Monsieur [W], Madame [S] [E], Monsieur [Y] [T], à payer à la Sarl le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 981 610 euros soit 665 784 euros au titre de son préjudice économique pour la période courant du 8 mars 2021 au 31 décembre 1022 et 315 826 euros au titre des frais de réouverture de l'établissement, condamné in solidum les mêmes à payer à la Sarl le Grand Hôtel la somme provisionnelle de 650 940 euros au titre de son préjudice économique pour l'année 2023, 56200 euros par mois au titre de son préjudice économique pour l'année 2024 et jusqu'à la date de réouverture de l'hôtel, débouté les consorts [W] [S] [E] de leurs demandes en garantie dirigée contre la compagnie Groupama d'Oc des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl le Grand Hôtel, débouté les mêmes parties de leurs demandes de garantie formées contre Monsieur [B] [X] et Monsieur [D] [X] et leurs assureurs respectifs, rejeté la demande en complément d'expertise et les a condamnés à payer la somme de 3000 au titre de l'article 700 du CPC au profit de la Sarl le Grand Hôtel outre 800 euros, sur le même fondement, à Groupama d'oc, Monsieur [D] [X], Monsieur [B] [X], la Maaf et les compagnies Mma Ard et Mma assurance mutuelle, les a condamnés aux dépens de l'incident ;
Statuant à nouveau,
- débouter la Sarl Le Grand Hôtel de l'ensemble de ses demandes provisionnelles, l'obligation du bailleur étant sérieusement contestable ;
- débouter la Sarl Le Grand Hôtel de son appel incident ;
- ordonner un complément d'expertise et désigner M. [U] avec mission d'entendre les parties et répondre à leurs dires, afin de permettre un débat contradictoire sur les chiffres de son rapport définitif, qui n'ont pas évoqués par son pré-rapport ;
- condamner la Sarl Le Grand Hotel à payer une indemnité de 3.000 euros aux appelants et les dépens de première instance et d'appel ;
A titre subsidiaire,
- limiter le montant de la provision à la perte de chance de percevoir les gains financiers énumérés par M. [U] dans son pré-rapport soit 665 784 euros, mais dans la proportion de 50% de la chance perdue ;
- débouter le locataire de sa demande relative au préjudice à échoir depuis le 1er mars 2024, les travaux étant terminés depuis le 13 mars ;
- débouter le locataire de sa demande au titre des frais de réouverture, réclamée deux fois dans ses écritures ;
- condamner Groupama à garantir Messieurs [V] [W] et [A] [T], ainsi que Madame [K] [S]-[E] de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre ;
- condamner in solidum M. [D] [X], M. [I] [X] [B] et leurs assureurs Mma Iard Assurances Mutuelles, Mma Iard, la Maaf à garantir Messieurs [B] [W] et [A] [T], ainsi que Madame [K] [S]-[E] de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre;
- condamner Groupama à payer à Messieurs [B] [W] et [A] [T], ainsi que Madame [K] [S]-[E] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'incident.
Vu les conclusions responsives et récapitulatives devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 18 novembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Le Grand Hôtel demandant de :
- juger irrecevable l'appel incident de Groupama d'Oc portant sur la réformation des condamnations provisionnelles prononcées à l'encontre de Monsieur [V] [W], Madame [K] [S]-[E] et Monsieur [A] [Y] [T] faute d'intérêt personnel et direct ;
- débouter Monsieur [V] [W], Madame [K] [S] [E] et Monsieur [A] [Y] [T] de l'intégralité de leurs prétentions ;
- débouter Groupama d'Oc de son appel incident relatif au complément d'expertise et de ses demandes annexes ;
- réformer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban le 25 juillet 2024 en ce qu'elle a condamné in solidum [V] [W], [K] [S]-[E] et [A] [T] à payer à la Sarl Le grand-Hôtel la somme provisionnelle de 981 610 euros, soit 665 784 euros au titre de son préjudice économique pour la période courant du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022 et 315 826 euros au titre des frais de réouverture de l'établissement ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
- condamner in solidum Monsieur [V] [W], Madame [K] [S]-[E] et Monsieur [A] [T] à payer à la société Le Grand Hôtel une indemnité provisionnelle de 1 399 175 euros pour le préjudice économique du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022, dont 1 083 349 euros pour la perte nette de marge sur coûts variables et 315 826 euros pour les frais de réouverture ;
- confirmer la décision pour le surplus ;
Y ajoutant,
- condamner in solidum Monsieur [V] [W], Madame [K] [S]-[E] et Monsieur [A] [T] aux dépens d'appel et ordonner que ceux de la société Le Grand Hôtel soient recouvrés par son conseil selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum Monsieur [V] [W], Madame [K] [S]-[E] et Monsieur [A] [T] à payer à la société Le Grand Hôtel la somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Vu les conclusions récapitulatives d'intimée et d'appelante reconventionnelle notifiées le 3 janvier 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Groupama d'Oc venant aux droits de la Samda demandant de :
- par réformation de l'ordonnance du 25 juillet 2024,
- juger que les demandes de condamnation provisionnelle présentées par la Sarl Le Grand Hotel se heurtent à des contestations sérieuses et en conséquence débouter la Sarl Le Grand Hotel de l'ensemble de ses demandes provisionnelles,
- faire droit à la demande de complément d'expertise réclamée par les consorts [W] [S]-[E] [T] et désigner M. [U] avec mission d'entendre les parties et répondre à leurs dires, afin de permettre un débat contradictoire sur les chiffres de son rapport définitif, qui n'ont pas évoqués par son pré-rapport ;
A titre subsidiaire, et si la Cour confirmait l'allocation de provision à l'égard des bailleurs,
- condamner in solidum Monsieur [B] [I] [X], son assureur la Maaf, Monsieur [D] [X], ses assureurs Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à relever et garantir intégralement les consorts [W] [S] [E] [T] de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hotel ;
En tout état de cause :
- confirmer les dispositions de l'ordonnance du 25 juillet 2024, rejetant les demandes des consorts [W] [S]-[E] [T] à l'encontre de Groupama d'Oc ;
Et en conséquence :
- rejeter les demandes de garantie des consorts [W] [S]-[E] [T], assurés du contrat Magassur, en raison de l'inexécution de l'obligation, par le bailleur, de maintenir les biens immobiliers dont il a la charge, en état normal d'entretien ;
- rejeter toutes demandes de garantie au titre des dommages immatériels subis par les locataires, non couverts par le contrat d'assurance ;
- rejeter toute demande de garantie excédant la limite contractuelle de 457 347 euros,
En tout état de cause :
- confirmer l'ordonnance du 25 juillet 2024, en ce qu'elle a condamné les consorts [W] [S]-[E] [T] à régler la somme de 800 euros à Groupama d'Oc au titre des frais irrépétibles,
Y ajoutant :
- condamner in solidum les succombants à régler à Groupama d'Oc la somme de 3 000 euros supplémentaires par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 23 octobre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [D] [X] demandant, au visa des articles 1789 du code de procédure civile, 1792 du code civil, 1231-1 du code civil, 1231-3 du code civil, 1231-4 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance du 25 juillet 2024 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Montauban,
- rejeter l'intégralité des demandes provisionnelles de Madame et [K] [S] [E], de Monsieur [V] [W] et de Monsieur [A] [T] à l'encontre de Monsieur [D] [X],
- condamner tout succombant à verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Vu les conclusions d'intimées notifiées le 21 octobre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Mma Iard, la Mma Iard Assurances Mutuelles, la Sa Maaf Assurances demandant, au visa de l'article 789 alinéa 3 du code de procédure civile, de :
- débouter les consorts [W]-[S]-[E]-[T] de leurs demandes, fins et prétentions tendant à la réformation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban le 25 juillet 2024 :
- dans sa disposition les ayant déboutés de leur demande en relèvement et garantie par Mr [D] [X] et les compagnies Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles d'une part, et la compagnie Maaf et par Mr [B] [I]-[X] d'autre part, des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hôtel,
- dans sa disposition les ayant condamnés à régler à la compagnie Groupama d'Oc, à Mr [D] [X], à Mr [B] [I]-[X], à la compagnie Maaf et aux compagnies Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles ensembles la somme de 800 euros,
- confirmer la décision entreprise en l'ensemble de ces dispositions,
- juger que la demande de condamnation provisionnelle présentée par les consorts [W] et [S]-[E] à l'égard de la compagnie Maaf prise es qualité d'assureur de Mr [B] [I] [X] se heurte à une contestation sérieuse,
- juger que la demande de condamnation provisionnelle présentée par les consorts [W]/[S]-[E]/[T] à l'égard de la compagnie Mma prise es-qualité d'assureur de Mr [D] [X] se heurte à une contestation sérieuse,
- dire que seul le juge du fond a compétence pour apprécier ces demandes.
- débouter les consorts [W]/[S]-[E]/[T] de leur demande de condamnation provisionnelle dirigée à l'encontre de la compagnie Maaf et des compagnies Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles,
Infiniment subsidiairement,
- faire application des franchises et plafonds de garantie opposables suivant la garantie que la Cour retiendrait comme ayant de manière incontestable vocation à s'appliquer à savoir, concernant la compagnie Mma :
- la franchise opposable à l'assuré au titre de la garantie décennale à hauteur de 1.600 euros,
- la franchise opposable à l'assuré et aux tiers au titre de la garantie dommages immatériels consécutifs à un dommage de nature décennale ou biennale de 1.600 euros avec un plafond de garantie à 211.000 euros,
- la franchise opposable à l'assuré et aux tiers au titre de la garantie responsabilité civile s'élève à la somme de 1. 600 euros avec un plafond de garantie à 1.690.000 euros
- la franchise opposable à l'assuré et aux tiers au titre de la garantie dommages intermédiaires s'élève à la somme de 3. 200 euros avec un plafond de garantie à 423.000 euros,
- juger les franchises contractuelles de la compagnie Maaf Assurances opposables à son assuré en matière de garantie obligatoire et à son assuré et aux tiers en matière d'assurances facultatives,
Y ajoutant,
- s'entendre condamner les consorts [W]/[S]-[E]/[T] à régler à la compagnie Maaf et aux compagnies Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles respectivement une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Monsieur [B] [I] [X], à qui la déclaration d'appel ainsi que les conclusions des appelantes ont été signifiées le 29 août 2024 et le 30 septembre 2024 par signification à étude, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.
MOTIFS
En application de l'article 472 du Code de procédure civile, en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Lorsque la partie intimée ne constitue pas avocat, ou si ses conclusions ont été déclarées irrecevables, la cour doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.
Sur la recevabilité de l'appel incident de Groupama d'Oc
La Sarl Le Grand Hôtel conteste la recevabilité de l'appel incident formé par Groupama d'Oc, sur le chef de décision ayant condamné les bailleurs au paiement d'une provision ; elle estime que l'assureur ne justifie pas d'un intérêt personnel à la réformation dans la mesure où la demande de provision n'est pas dirigée contre lui.
La compagnie Groupama d'Oc ne formule aucune observation sur l'irrecevabilité soulevée.
Il ressort des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, si la demande de provision est formée par le preneur contre les bailleurs, la Cour constate que ces derniers sollicitent la garantie de leur assureur Groupama d'Oc.
Ainsi, Groupama d'Oc a un intérêt à solliciter la réformation de l'ordonnance de mise en état ayant condamné ses assurés au paiement d'une provision.
Cette question est en tout état de cause sans incidence dans la mesure où la Cour est déjà saisie de l'appel principal des bailleurs sur l'allocation d'une provision au preneur.
L'appel incident sera donc déclaré recevable.
Sur la demande de provision dirigée contre les bailleurs
La société Le Grand Hôtel sollicite l'octroi d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice économique résultant de l'impossibilité d'exploiter les locaux depuis le 8 mars 2021, et des frais occasionnés par la réouverture de l'établissement.
En première instance, le juge de la mise en état a fait droit à ses demandes sur le principe, mais les a réduites sur le quantum.
Elle forme ainsi appel incident du quantum des sommes allouées au titre du préjudice économique du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022, et des frais de réouverture ; elle ne conteste pas les sommes allouées au titre du préjudice économique des années 2023 et 2024.
Les bailleurs quant à eux s'opposent à la demande de provision en affirmant qu'elle se heurte à des contestations sérieuses, à savoir l'existence au bail d'une clause de souffrance, une difficulté quant à la nature des préjudices invoqués, et les montants des préjudices tels qu'ils résultent de l'expertise judiciaire.
Ils forment d'ailleurs une demande de complément d'expertise qu'ils estiment nécessaire à l'évaluation du préjudice allégué par le preneur.
Il ressort des dispositions de l'article 789 du code de procédure civile que le juge de la mise en état est compétent pour accorder au créancier une provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Le caractère d'incontestabilité doit être clair et absolu, et les dispositions légales précitées doivent être interprétées strictement.
Cette possibilité accordée au juge n'est toutefois pas sans limite, et il convient de se garder, au stade de la mise en état, de se prononcer sur la qualification et la recevabilité d'une action, ainsi que sur l'existence d'une faute.
Le montant de la provision allouée n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ; le juge de la mise en état fixe discrétionnairement à l'intérieur de cette limite la somme qu'il convient d'allouer au demandeur.
Il appartient donc à la Cour de statuer sur le caractère sérieux des contestations soulevées par les bailleurs puis, le cas échéant sur le montant de la provision à allouer.
Sur la clause de souffrance
Les bailleurs se prévalent d'une clause du bail initial ainsi rédigée :
« Le bailleur ne restera tenu que des grosses réparations spécifiées à l'article 606 du code civil et, dans ce cas les preneurs ne pourront réclamer aucune indemnité ni diminution du loyer ci-après fixé lors même où les travaux dureraient plus de quarante jours ».
Si en application de l'article 1719 du code civil le bailleur doit assurer tout le long de l'exécution du bail la délivrance de la chose louée et la jouissance paisible du preneur, l'article 1724 de ce même code autorise expressément le bailleur à exécuter au sein du local donné à bail, des travaux qui revêtent un caractère urgent, sans que le preneur puisse se prévaloir d'un quelconque préjudice, sous réserve que ces réparations n'excèdent pas 21 jours.
Il est toutefois admis que les baux commerciaux puissent déroger à ces dispositions, en prévoyant une clause dite de souffrance, privant le preneur de la possibilité de solliciter toute indemnité du fait de la réalisation de travaux.
La portée de la clause de souffrance n'est toutefois pas sans limite et les juges encadrent strictement son application. Les travaux entrepris par le bailleur ne doivent en effet pas conduire à rendre les locaux inutilisables ou inexploitables.
Ainsi, si une telle clause est licite, le bailleur ne peut par son biais s'exonérer de son obligation de délivrance, ni de son obligation d'assurer la jouissance paisible des locaux loués en cas de gêne excessive causée par les travaux qu'il réalise dans ces locaux ou dans l'immeuble.
Le caractère anormal de la gêne apportée à la jouissance du preneur relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
En l'espèce, la gêne excessive relève de l'évidence dans la mesure où les locaux sont restés inexploitables pendant plusieurs années après la réalisation des travaux qui devaient prendre fin au premier trimestre 2021 ; l'avis défavorable de la commission de sécurité du 8 mars 2021 et la nécessité d'entreprendre des travaux de reprise qui ont entraîné une fermeture de l'établissement pour plus de trois années supplémentaires, viennent écarter la clause de souffrance.
Il ne s'agit donc pas d'une contestation sérieuse susceptible d'être opposée à la demande de provision du preneur.
Sur la nature des préjudices invoqués
Les bailleurs arguent ensuite d'une difficulté dans la nature des préjudices invoqués par le preneur, qui ne peut être réglée que par le juge du fond ; ils estiment en effet que le préjudice d'exploitation dont il est demandé l'indemnisation, ne constitue pas un préjudice certain et actuel, mais plutôt une perte de chance, dont seul le juge du fond peut estimer le quantum.
Il n'appartient certes pas au juge de la mise en état saisi d'une demande de provision de qualifier la nature d'un préjudice dont il est demandé réparation, ni de fixer un quantum de perte de chance.
Il convient toutefois de rappeler que si l'existence même du préjudice ne fait face à aucune contestation sérieuse, le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision dans la limite du montant non sérieusement contestable du préjudice allégué.
En l'espèce, la perte d'exploitation de la société Le Grand Hôtel pendant les années de fermeture ayant fait suite à l'avis défavorable de la commission de sécurité du 8 mars 2021, n'est pas contestable dans la mesure où l'établissement n'a pu ouvrir que cinq ans après l'acquisition du fonds de commerce, et l'octroi d'une provision ne se heurte de ce fait à aucune contestation sérieuse au moins dans une certaine mesure.
La provision peut être accordée au moins en partie, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la nature juridique du préjudice.
Cette contestation, qui ne porte pas sur l'intégralité de l'étendue du préjudice, ne fait donc pas obstacle à l'octroi d'une provision.
Sur les incohérences alléguées de l'expertise judiciaire
Les bailleurs font ensuite état d'incohérences entre le pré-rapport et le rapport définitif de l'expert judiciaire, d'un manque de respect du contradictoire en ce qu'il a tenu compte d'une étude sur laquelle les bailleurs n'ont pas pu faire d'observations, et de l'absence de prise en compte par l'expert d'éléments de contexte portés à sa connaissance.
Ce faisant ils contestent les données chiffrées contenues dans le rapport d'expertise, et affirment qu'il s'agit d'une contestation sérieuse faisant obstacle à l'allocation d'une provision.
Il ne peut toutefois qu'être rappelé que les conclusions d'expertise judiciaire ne lient ni le juge du fond ni le juge de la mise en état.
En tout état de cause, à ce stade de la procédure, il n'est pas sollicité du juge de la mise en état qu'il fixe les préjudices de manière définitive, et il n'est pas démontré une insuffisance de l'examen du contenu du rapport, des annexes et des dires des parties, faisant obstacle à la fixation d'une provision à valoir sur le préjudice invoqué.
Cette contestation n'est pas sérieuse et ne fait pas obstacle à la fixation d'une provision.
S'agissant par ailleurs du complément d'expertise sollicité par les bailleurs sur ces mêmes motifs, il n'apparaît pas nécessaire, dans la mesure où à la suite de la présentation du pré-rapport de l'expert le 22 septembre 2023, l'ensemble des parties a été en mesure de présenter ses observations ; c'est d'ailleurs ce qu'a fait l'avocat des bailleurs qui a émis un dire accompagné d'une note en décembre 2023, figurant dans l'annexe 5.
Les bailleurs eux-mêmes affirment dans leurs conclusions que l'étude « Xerfi » sur laquelle l'expert s'est fondé pour modifier ses conclusions entre le pré-rapport et le rapport était connue des parties pendant les opérations d'expertises.
Il ressort par ailleurs de la réponse au dire reprise en page 16 de l'expertise que l'expert judiciaire a eu connaissance des éléments de contexte relatifs aux perturbations liées aux travaux environnants, et y a répondu ; aucun complément d'expertise n'est donc nécessaire de ce chef.
En tout état de cause, le fait que l'expert ait adressé son rapport définitif ne prive pas les parties d'en contester les conclusions devant le juge du fond, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner un complément d'expertise.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté cette demande d'expertise complémentaire ; ce chef de décision sera confirmé.
Sur le montant des provisions
A défaut de contestation sérieuse, il appartient à la Cour de statuer sur le montant de la provision sollicitée par la société preneuse.
La société Le Grand Hôtel décompose le préjudice économique dont elle sollicite réparation de la manière suivante, s'agissant de sa perte d'exploitation :
- 1 083 349 euros pour la période du 8 mars 2021 au 31 décembre 2022
- 650 940 euros pour l'année 2023 ;
- 56 200 euros par mois au titre de l'année 2024 ;
Elle ajoute à son préjudice économique, une demande de provision d'un montant de 315 826 euros à valoir sur les frais de réouverture de l'établissement, comprenant la reconstitution des stocks, la formation du personnel, la communication pour la relance de l'hôtel et les frais de lingerie.
Ces sommes correspondent à la totalité des préjudices résultant des conclusions du rapport définitif d'expertise.
Conformément aux développements précédents, le principe même du préjudice économique de la Sarl le Grand Hôtel n'étant pas contestable, il convient d'accéder à sa demande de provision.
Le quantum sera toutefois revu à de plus justes proportions, dans la mesure où la demande concerne une provision à valoir sur ses préjudices, et non une liquidation définitive desdits préjudices ; par ailleurs, la Cour constate que les travaux sont désormais terminés et que le bâtiment est exploité, de sorte que la perte d'exploitation ne court plus.
En l'état des éléments qui précèdent, les bailleurs seront condamnés à payer au preneur une provision globale de 400 000 euros à valoir sur l'ensemble des préjudices économiques dont elle se prévaut, ce montant étant non sérieusement contestable.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc infirmée sur le quantum de la provision.
Sur les demandes en garantie
Sur la garantie de l'assureur des bailleurs
Les bailleurs sollicitent la garantie de leur assureur, sur le fondement du contrat Magassur signé par Madame [L] [W] avec la société Samda, devenue Groupama d'Oc, qui prévoit dans ses conditions particulières une garantie des conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par les bailleurs au titre de l'article 1719 du code civil.
La compagnie Groupama d'Oc affirme que cette garantie se heurte à des contestations sérieuses à ce stade de la procédure, dans la mesure où les conditions générales viennent exclure sa garantie en cas de défaut d'entretien du bien immobilier.
Il ressort des dispositions de l'article L113-1 du code des assurances que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
En premier lieu, la Cour constate que l'exemplaire du contrat d'assurance conclu par Madame [L] [W], accompagné des conditions particulières, n'est ni signé ni daté ; les bailleurs produisent toutefois des éléments suffisant à rapporter la preuve de l'existence de ce contrat et du paiement des cotisations.
La compagnie Groupama d'Oc, qui ne conteste pas la réalité du contrat d'assurance, produit les conditions générales du contrat Magassur, visées en page 2 du contrat communiqué par les bailleurs.
Il convient de rappeler que dans le cadre de la présente procédure, les bailleurs sollicitent la garantie de leur assurance s'agissant de leur condamnation au paiement d'une provision à valoir sur le préjudice économique du preneur uniquement.
Ainsi, la garantie sollicitée concerne un dommage immatériel, résultant d'un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance résultant de l'article 1719 du code civil.
La compagnie Groupama d'Oc oppose aux bailleurs les conditions générales d'assurances contenues dans la section « assurance des biens » qui, si elles viennent garantir les dommages matériels causés aux biens mobiliers des locataires, contiennent une clause d'exclusion en cas de défaut d'entretien.
La Cour constate qu'aucune disposition des conditions générales ne vient garantir les dommages immatériels.
L'exemplaire du contrat produit par les bailleurs confirme la souscription par Madame [W], en plus de l'assurance des biens, d'une assurance des responsabilités concernant l'immeuble objet du litige.
Les bailleurs invoquent, au soutien de leur demande en garantie, les dispositions de l'article 17 des conditions particulières d'assurance « RC Immeuble » ainsi rédigé :
« la garantie du présent contrat est étendue aux conséquences pécuniaires de la responsabilité que le souscripteur pourrait encourir en vertu des articles 1382 à 1384, 1386, 1719 et 1721 du Code civil pour tous dommages causés à autrui par la ou les parties d'immeuble ainsi que par les meubles dont il est propriétaire ou locataire par le fait des grilles, clôtures, jardins et plantations et lorsque le souscripteur est propriétaire ou copropriétaire, par le fait des ascenseurs et monte-charges et des préposés attachés à l'immeuble ».
Ainsi que l'a justement retenu l'ordonnance contestée, la question de l'interprétation de cette clause, et de sa mobilisation s'agissant de la garantie de dommages immatériels causés au locataire de l'immeuble, exige de trancher des contestations qui excèdent les pouvoirs du juge de la mise en état.
Il conviendra en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée de ce chef.
Sur la garantie des entrepreneurs et de leurs assureurs
Les appelants et la compagnie Groupama d'Oc sollicitent ensuite que les bailleurs soient garantis de la condamnation mise à leur charge par les entrepreneurs intervenus sur le chantier ainsi que leurs assureurs, à savoir Monsieur [D] [X], assuré auprès des Mma, et Monsieur [B] [I] [X], assuré auprès de la Maaf.
Ils affirment que leur responsabilité de plein droit est engagée en application des dispositions de l'article 1792 du code civil, et qu'à titre subsidiaire, sur le fondement contractuel, ils sont débiteurs d'une obligation de résultat ; ainsi, ils estiment qu'aucun examen du fond n'est nécessaire pour retenir leur garantie, dans la mesure où l'expert vise des malfaçons dans leurs travaux.
Toutefois, la Cour constate à la lecture des éléments de la procédure que cette demande en garantie suppose au préalable d'établir le rôle exact de chacun des entrepreneurs sur le chantier, et ce alors par exemple que les bailleurs présentent [D] [X] comme maître de l'ouvrage, ce qui n'est pas admis par ce dernier.
Par ailleurs la mise en 'uvre des dispositions de l'article 1792 du code civil répond à des critères précis en terme de définition du « constructeur », ainsi que de visibilité et d'importance du dommage qu'il n'appartient pas au juge de la mise en état de résoudre, et ce d'autant plus qu'il ne résulte pas de l'expertise judiciaire de Monsieur [J] que les dommages affectant la verrière soient les seuls facteurs responsables de la fermeture de l'établissement.
De ces questions dépendent non seulement la détermination de la responsabilité de chacun des entrepreneurs, mais également les conditions de garantie de leurs assureurs.
Cette demande en garantie nécessite en conséquence de statuer sur le fond de la réalisation des travaux et sur l'étendue de la responsabilité de chacun dans la survenance des dommages ayant conduit à la fermeture des locaux et à l'impossibilité de les exploiter le temps des travaux de reprise, ce qui relève exclusivement du juge du fond.
C'est donc à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté les demandes en garantie formées contre les entrepreneurs et leurs assureurs.
Sur les demandes accessoires
En l'état de la présente décision, l'ordonnance de mise en état sera confirmée s'agissant des chefs de décision relatifs aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles seront confirmés.
Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] seront par ailleurs condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En revanche, l'équité ne commande pas d'allouer d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; les parties seront déboutées de leurs demandes sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant dans les limites de sa saisine, par défaut, par mise à disposition au greffe,
Rejette la demande formée par la Sarl Le Grand Hôtel visant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par la compagnie Groupama d'Oc ;
Infirme l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a :
- débouté les consorts [W]-[S]-[E]-[T] de leurs demandes en relèvement et garantie par la compagnie Groupama d'Oc des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hôtel,
- débouté les consorts [W]-[S]-[E]-[T] de leurs demandes en relèvement et garantie par [D] [X] et la compagnie Maaf d'une part, et par [B] [I] [X] et les compagnies Mma Tard et Mma Assurances Mutuelles d'autre part, des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Sarl Le Grand Hôtel,
- rejeté la demande en complément d'expertise formée par les consorts [W]-[S]-[E]-[T],
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700,1° du code de procédure civile,
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] à payer, à chacun, à la compagnie Groupama d'Oc, à [D] [X], à [B] [I] [X] et à la compagnie Maaf et aux compagnies Mma lard et Mma Assurances Mutuelles ensemble la somme de 800 euros,
- condamné les consorts [W]-[S]-[E]-[T] aux dépens de l'incident,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] à payer à la Sarl Le Grand Hôtel une somme provisionnelle globale de 400 000 euros à valoir sur son préjudice économique ;
Déboute Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T], la Sarl Le Grand Hôtel, la compagnie Groupama d'Oc, Monsieur [D] [X], la Sa Mma Iard, Mma Iard Assurances Mutuelles et la Sa Maaf Assurances, de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne in solidum Madame [K] [S]-[E], Monsieur [V] [W] et Monsieur [A] [T] aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Renvoie les parties devant la juridiction de première instance pour la poursuite de la procédure ;