CA Versailles, ch. com. 3-1, 30 avril 2025, n° 22/07115
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Semaba (Sté)
Défendeur :
MJA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Dontot, Me Kaya, Me Moreau, Me Courrech
EXPOSE DU LITIGE
La Société d'économie mixte agir pour [Localité 18] (ci-après Semaba) est une société d'économie mixte communale, qui avait notamment pour objet de réaliser les opérations d'aménagement nécessaires au renouvellement urbain de la commune de [Localité 18].
Le 4 juillet 2005, la Semaba, en concertation avec la ville de [Localité 18], a conclu un protocole d'accord avec la société Sodec, opérateur spécialisé dans l'immobilier commercial, en vue de la conception, la conduite et la réalisation d'un pôle tertiaire et commercial dénommé « Entrée de ville RN 20 », en lien avec la prolongation de la ligne de métro n°4 et du réseau Grand Paris Express.
La société Sodec s'est notamment engagée à assister la Semaba dans la conception du projet d'aménagement urbain et la mise en 'uvre de programmes de bureaux ainsi qu'à garantir la réalisation de l'opération commerciale et de services, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives.
Aux termes de ce protocole, la société Sodec a offert d'acheter à la Semaba, qui a offert de lui vendre, des surfaces commerciales et des emplacements de stationnement ; il était prévu qu'une promesse synallagmatique de vente serait régularisée dès que les emprises foncières seraient maîtrisées. La Semaba a en outre consenti à la société Sodec un droit de préférence portant sur les immeubles et les droits de construire afférents aux bureaux et locaux d'activité dépendant du périmètre d'étude.
La société Sodec s'étant engagée à faire réaliser à ses frais diverses études d'urbanisme par un cabinet d'architecture, elle a, par contrat du 8 juillet 2005, confié ces études au cabinet Arte Charpentier.
Le 30 juillet 2009, la société Sodec a transmis à la Semaba un document de synthèse relatif à l'étude de faisabilité du projet désormais dénommé « [Adresse 41] ».
A la suite de l'annulation d'une première délibération du conseil municipal approuvant la création de la ZAC devant porter le projet, l'approbation définitive de la création de cette ZAC n'a été effective qu'en septembre 2011.
Par courriel du 6 août 2009, la Semaba a informé la société Sodec qu'elle ne partageait pas ses conclusions et demandé que les études se poursuivent pour aboutir à un nouveau programme de la ZAC dans le courant du quatrième trimestre 2009.
Par courriel en réponse du 27 août 2009, la société Sodec a sollicité des précisions sur les points à approfondir et sur les évolutions souhaitées du programme.
En septembre 2010, la société Sodec a réclamé l'envoi des projets de promesses portant sur les polygones 1 et 4. La Semaba s'y est opposée au motif qu'elle n'avait pas reçu l'étude de faisabilité pour l'ensemble des polygones (1 à 4).
Par courriers des 8 novembre et 13 décembre 2010, la société Sodec a réitéré sa demande concernant les projets de promesse de vente, en soulignant que la Semaba disposait de tous les documents utiles à la mise en 'uvre du projet. La Semaba a de nouveau refusé, estimant que tous les documents visés dans le protocole ne lui avaient pas été communiqués.
A la suite de la réunion du comité de pilotage du projet, le 16 décembre 2010, la Semaba a demandé à la société Sodec, par lettre recommandée du 17 janvier 2011, de lui adresser, au plus tard le 14 mars 2011, le projet modifié conformément aux demandes de la ville de [Localité 18].
Le 31 août 2011, la Semaba a signé avec la société Codic une promesse de vente de mètres carrés de terrain assortis de droits à construire en vue de la réalisation de 24.500 m² de bureaux et 500 m² de commerces sur le polygone 3.
Par courriel du 20 mars 2012, la société Sodec a rappelé à la Semaba qu'elle restait dans l'attente des promesses de vente réclamées à plusieurs reprises.
Par acte du 9 août 2012, la société Sodec a assigné la Semaba devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de lui voir interdire de signer une promesse de vente au profit d'une société concurrente, la société Codic, et de la voir condamner à signer avec elle une promesse de vente portant sur divers volumes commerciaux.
Par jugement du 13 mars 2014, le tribunal a débouté la société Sodec de ses demandes, considérant qu'en raison du désaccord persistant des parties sur la conception du projet, de la vaine mise en demeure de la société Sodec par la Semaba de le modifier et de l'abstention de la société Sodec, le protocole d'accord s'était trouvé résilié tacitement par le commun accord des parties.
Par arrêt du 24 mars 2016, la cour d'appel de Versailles a retenu que le protocole n'avait jamais été résilié par les parties mais qu'il n'était pas démontré que sa parfaite exécution était encore possible, et qu'ainsi, après substitution de ses motifs, le jugement du 13 mars 2014 devait être confirmé.
La société Sodec a sollicité la rectification de l'arrêt, tant sur le fondement de l'erreur matérielle que de l'omission de statuer, en soutenant que la cour avait omis de statuer sur la validité du protocole du 4 juillet 2005. Sa requête a été rejetée par la cour par arrêt du 2 mars 2017.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 décembre 2017, la société Sodec a informé la Semaba qu'elle prenait acte de la volonté de cette dernière de ne pas exécuter les termes de la convention de 2005, souligné que cette situation lui causait un lourd préjudice et proposé que le différend soit tranché par un expert ou un collège d'experts saisi dans un cadre arbitral, en vain.
Par décision du 27 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Sodec à l'encontre des arrêts de la cour d'appel de Versailles des 24 mars 2016 et 2 mars 2017.
Par acte du 26 octobre 2018, la société Sodec a assigné la Semaba devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 427.220.000 euros HT à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sodec. La société MJA a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société CBF associés (ci-après CBF) en qualité d'administrateur judiciaire.
Par conclusions en intervention déposées à l'audience du 7 octobre 2021, les sociétés MJA et CBF ès qualités sont intervenues volontairement à la procédure et se sont associées aux demandes de la société Sodec.
Par jugement du 22 juillet 2022, le tribunal a :
- condamné la Semaba à payer à la société Sodec la somme de 1.239.342 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamné la Semaba à payer à la société Sodec la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean Courrech.
Le tribunal a considéré que la Semaba avait commis une faute qui engageait sa responsabilité contractuelle en n'ayant pas honoré les termes du contrat. Il a fixé le montant des dommages-intérêts au titre du préjudice contractuel de la société Sodec à la somme des dépenses externes dont elle justifiait, soit 239.342 euros, il a retenu un préjudice d'image à hauteur de 1 million d'euros et il a considéré que la société Sodec avait été défaillante dans l'administration de la preuve arithmétique des autres préjudices qu'elle alléguait.
Par déclaration du 29 novembre 2022, la Semaba a interjeté appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.
Par dernières conclusions d'appelant n°4 remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 octobre 2024, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
statuant de nouveau sur le fond,
- débouter la société Sodec de ses demandes incidentes, telles que reformulées et modifiées dans leur quantum par conclusions du 14 février 2024 ;
- condamner la société Sodec à lui payer la somme de 9.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & associés, représentée par Me Oriane Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions d'intimées n°3 valant appel incident, remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 octobre 2024, la société Sodec, la société MJA et la société CBF ès qualités demandent à la cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la faute de la Semaba dans l'exécution du contrat la liant à la société Sodec, condamné la Semaba au remboursement des frais externes et retenu l'indemnisation du préjudice d'image subi par la société Sodec ;
- accueillant leur appel incident, réformer le jugement en portant l'indemnisation du préjudice d'image de 1.000.000 euros à 5.000.000 euros, le réformer pour le surplus et condamner la Semaba au principal au paiement de la somme de 26.301.319 euros HT à titre de dommages et intérêts (19.993.300 + 6.024.252,81 + 343.766,19) ;
- en tout état de cause, condamner la Semaba au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 24 octobre 2024.
SUR CE,
Sur les engagements pris par la Semaba dans le cadre du protocole
La Semaba prétend que du fait de l'évolution de l'opération voulue par la commune de [Localité 18], l'exécution du protocole, privé de cause et d'objet, s'est avérée impossible et que ledit protocole est ainsi devenu caduc. Elle affirme que le protocole ne valait pas promesse de vente de volumes commerciaux à la société Sodec, en l'absence d'accord sur la chose et le prix, d'où l'emploi des termes « offre de vendre » ; qu'en effet, lors de la signature du protocole, de tels biens immeubles n'existaient pas encore et ne pouvaient donc être désignés, qu'a fortiori, leur prix ne pouvait pas être mentionné.
Elle soutient qu'en application de l'article 2 du protocole, son approbation constituait un préalable nécessaire à toute démarche de la société Sodec en vue de réaliser des surfaces commerciales ; que toutefois l'étude de faisabilité présentée par la société Sodec en juillet 2009 n'a pas emporté son approbation, ni celle de la commune de [Localité 18] ; qu'elle a exposé sans ambiguïté à la société Sodec que les études devaient être poursuivies et surtout que les orientations retenues par celle-ci devaient être modifiées ; que pour autant, le projet conçu par la société Sodec n'a pas évolué et qu'elle s'est même opposée à la modification du programme commercial ; qu'ainsi la société Sodec n'a pas exécuté ses obligations, ce qui a concouru à rendre l'exécution du protocole impossible et contribué à sa perte d'objet.
Elle expose que la société Sodec projetait de réaliser une façade commerciale longeant la RD 920, des immeubles de bureaux étant appelés à être érigés au-dessus des commerces et devant être cédés à d'autres opérateurs ; qu'elle avait conçu son projet en « volumétrie », ce qui supposait la réalisation des programmes par des opérateurs différents, chacun d'eux n'étant propriétaire que des parties de l'ouvrage qu'il aurait fait réaliser. Elle fait valoir que les orientations de la ZAC, retenues dès 2012, puis devenues définitives en 2016, ont abouti à l'abandon des volumétries avec commerces préconisées par la société Sodec, dont les études n'ont pas été reprises ; que la part des activités commerciales a été ramenée à une très faible proportion, dans le secteur de la gare et non en entrée de ville ; que le long de la RD 920, seuls des immeubles de bureaux ont été édifiés, qui ne comportent aucun commerce sur rue.
Elle en conclut qu'elle n'a pas pu céder à la société Sodec des lots de volumes à construire des surfaces commerciales, puisque telles n'ont pas été les affectations des mètres carrés vendus aux opérateurs autorisés à construire dans la ZAC, et que la société Sodec n'a pas perdu la chance de réaliser des opérations immobilières non prévues dans les documents d'urbanisme de la ZAC.
Elle ajoute que la société Sodec n'a pas non plus été privée de la chance de bénéficier d'un droit de préférence pour réaliser des bureaux en surplomb de commerces. Elle souligne que celle-ci est spécialisée dans l'immobilier commercial et qu'elle ne détient aucune expertise pour ce qui concerne l'immobilier de bureaux. Elle fait valoir que le droit de préférence qui lui a été consenti, à titre accessoire, sur les volumes destinés aux bureaux et parkings, aurait eu sens d'un point de vue opérationnel si la société Sodec avait effectivement acquis des volumes dédiés aux commerces, afin que la maitrise d'ouvrage soit effectuée par la même société pour la totalité de l'ensemble immobilier, mais que tel n'a pas été le cas, son projet commercial n'ayant pas été retenu.
La société Sodec soutient que la Semaba l'a évincée du projet, sans la moindre contrepartie, et que, en violation du protocole conclu entre elles le 4 juillet 2005, elle a négocié, dès 2007 avec la société Codic et dès 2009 avec la société Icade, des cessions de charges foncières, alors que les modifications du projet de la [Adresse 41] n'étaient pas encore envisagées. Elle précise que, contrairement à ce qu'a pu prétendre la Semaba, elle n'a jamais renoncé au bénéfice de la convention et que celle-ci n'a été résiliée ni par la Semaba, ni par la commune. Elle s'oppose à ce que le protocole soit réputé caduc.
Elle fait valoir que l'accord conclu avec la Semaba n'a pas figé des surfaces ou une répartition entre commerces et bureaux, permettant ainsi d'envisager une évolution du projet ; qu'aucun document émanant de la commune de [Localité 18] ne vient développer une critique particulière à son encontre, une mise en demeure ou l'expression d'une volonté de rupture ; qu'elle a assisté la commune et la Semaba dans l'élaboration d'un projet global intégrant à la fois des surfaces de commerces et de bureaux. Elle affirme que les évolutions du projet n'ont pas remis en cause ses préconisations, qu'elle n'a jamais négligé les instructions données par la commune et que les divergences de points de vue sur le projet ne concernaient que des points techniques mineurs.
Elle souligne que ses travaux et ceux de son prestataire, le cabinet Arte Charpentier, ont servi de base au projet, qui n'a que marginalement évolué par la suite, conservant une part importante de commerces. Elle considère que la réduction des surfaces commerciales qui est intervenue en 2016, bien après qu'elle ait été évincée du projet, ne remet pas en cause l'économie du protocole du 4 juillet 2005 et à tout le moins le pacte de préférence.
Elle indique que le protocole prévoyait à son profit un droit de préférence autonome qui a été violé par la Semaba ; que l'accord conclu entre les parties n'associait pas à la réalisation des surfaces commerciales le droit de préférence concédé à la société Sodec pour les volumes à usage de bureaux. Elle estime qu'elle disposait des compétences nécessaires à la réalisation des volumes de bureaux et qu'à défaut, il n'aurait pas été question d'un droit de préférence.
Sur ce,
Le protocole d'accord conclu le 4 juillet 2005 entre les parties expose en préambule que « la Semaba, en accord avec la ville de [Localité 18], a recherché à s'associer les compétences d'un professionnel de l'immobilier justifiant de l'expérience et des moyens nécessaires à la conception, la conduite et la réalisation d'une opération de telle ampleur capable à la fois :
de l'assister dans la conception de l'organisation du projet urbain d'aménagement du site,
de l'assister dans la communication visant à promouvoir ce projet,
d'assurer une « mise en marche » optimale de tout ou partie des programmes immobiliers générés par le projet urbain,
de garantir la réalisation de l'opération commerciale et de services, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives ci-après décrites,
d'assister la Semaba dans la mise en 'uvre des programmes de bureau, sans préjudice pour la Sodec de faire valoir son droit de préférence ci-après institué. »
Dans ce cadre, la société Sodec s'est engagée à procéder aux études d'urbanisme (analyse du site, diagnostic urbain du site, projet urbain, etc) et à établir « un projet global d'aménagement du site », sous l'égide d'un comité de pilotage composé à parité de représentants désignés par la Semaba et la ville de [Localité 18] d'une part, de représentants de la société Sodec d'autre part (article 1). Le protocole prévoyait un mode de décision collégial puisque, notamment, « les missions définies ci-avant, leur poursuite éventuelle et les conditions de cette poursuite » devaient être approuvées à l'unanimité des membres du comité de pilotage.
En contrepartie de l'engagement pris par la société Sodec de réaliser les études à ses frais, la Semaba s'est tout d'abord engagée à lui céder des « lots de volumes » destinés à devenir des locaux commerciaux et de services.
L'article 2, A) « Locaux commerciaux et de services » du protocole stipule ainsi :
« La société Sodec offre d'acquérir sous les conditions suspensives ci-après à la Semaba qui offre de vendre également sous les conditions suspensives ci-après des lots de volumes destinés aux commerces, à leurs réserves et aux parkings leur étant attachés, ainsi que les lots de volumes des parkings des autres destinataires des immeubles concernés mais qui seraient situés sous les volumes des commerces ».
Il ressort clairement de ces stipulations que l'engagement de la Semaba portait non pas sur la vente de lots, objets du programme, à la société Sodec mais sur l'offre de vente de ces mêmes lots à cette dernière, qui s'engageait réciproquement à faire une offre d'acquérir les lots.
Ces engagements ne constituent pas une promesse synallagmatique de vente.
La seule circonstance permettant à la Semaba de ne pas satisfaire à cet engagement réside dans l'accomplissement de conditions suspensives.
Or, aucune des deux parties n'explicite les conditions suspensives visées à l'article 2, A) précité et aucun élément ne permet à la cour d'identifier elle-même une quelconque condition suspensive dans le protocole.
En revanche, la Semaba soutient que l'approbation de l'étude de faisabilité réalisée par la société Sodec était un préalable nécessaire, en se prévalant du dernier paragraphe de l'article 2, A) figurant en page 6 du protocole, selon lequel :
« En cas de non-obtention de l'autorisation d'urbanisme commercial définitive et du permis de construire définitif de la première tranche du projet dans les 6 ans de l'approbation par la Semaba de l'étude de faisabilité, celle-ci ainsi que les actes subséquents, sauf à ce qu'ils n'en disposent autrement, seront caducs sur simple manifestation d'une des parties. »
Or, si la caducité sur simple manifestation d'une partie est prévue, elle est acquise non pas en cas de défaut d'approbation de l'étude de faisabilité par la Semaba, ainsi qu'elle le prétend, mais en cas de non-obtention des autorisations administratives dans les six ans de ladite approbation.
La Semaba était donc bien tenue de respecter son engagement d'offrir à la vente des lots de volumes, objets du programme.
Outre cette offre de vente, la Semaba a consenti à la société Sodec, aux termes de l'article 2, B) « Bureaux, locaux d'activité » du protocole, « un droit de préférence portant sur le ou les immeubles et les droits de construire y afférents dépendant du périmètre d'études (') et dont elle aura la maîtrise foncière ».
En application de ce droit de préférence portant sur les surfaces de bureaux, il était convenu qu'à égalité de prix, la Semaba donnerait la préférence à la société Sodec sur tout autre candidat acquéreur, cette dernière disposant d'un délai d'un mois à compter de la réception des conditions de la vente projetée pour exercer son droit de préférence.
Il n'est pas contesté que le projet a évolué entre sa configuration d'origine comportant trois tranches d'une surface totale de 150.900 m², dont 60.000 m² de bureaux, 61.900 m² de commerces, 25.000 m² de logements et 4.000 m² d'équipements, et la configuration finale de la [Adresse 41] telle qu'elle ressort du rapport de présentation du mois de juillet 2016, composée de 127.030 m² de bureaux (dont 106.030 m² « aménageurs »), 17.960 m² de commerces (dont 13.960 m² « aménageurs »), 120.000 m² de logements et 5.850 m² d'équipements publics, soit une surface totale de 270.840 m².
Toutefois, cette évolution du projet vers davantage de bureaux (et de logements), pas plus que le choix de la Semaba de commercialiser des îlots plutôt que des volumes, ne constituent une remise en cause de la mission confiée à la société Sodec consistant notamment dans l'établissement d'un « projet global d'aménagement du site ». Ces éléments ne permettent pas de rendre caduc le protocole, alors qu'à l'exception du pôle alimentaire près de la future station de métro, les parties ne se sont pas mises d'accord sur un programme comportant des surfaces précises.
La Semaba ne justifie d'ailleurs pas d'une quelconque décision du comité de pilotage qui aurait conduit à remettre en cause la participation de la société Sodec au projet.
Il ressort des pièces versées aux débats qu'une note de synthèse des études réalisées en amont, intégrant l'état d'avancement des procédures en cours et à venir, a été adressée par la société Sodec à la Semaba le 30 juillet 2009 ; que par courriel du 6 août 2009, cette dernière a répondu : « J'ai pris connaissance de votre réflexion sur votre étude de faisabilité dans le secteur de la [Adresse 41]. Je vous fais savoir que je ne partage pas vos conclusions. Pour la Ville et la Semaba, les études en cours doivent se poursuivre avec le cabinet Arte Charpentier, bien entendu en liaison avec l'ensemble des partenaires concernés, l'objectif étant d'aboutir à un nouveau programme de la ZAC courant 4ème trimestre 2009. »
En réponse, le 27 août 2009, la Sodec a écrit à la Semaba : « Nous-mêmes et nos conseils, en particulier le cabinet Arte Charpentier, restons à votre service pour approfondir les points particuliers que vous voudrez bien nous préciser ainsi que les évolutions souhaitées du programme. Nous nous tenons également à votre entière disposition pour toute réunion que vous souhaiteriez organiser avec la Ville » (souligné par la cour).
Les précisions demandées n'ont pas été apportées, malgré une relance de la société Sodec le 9 septembre 2009.
En octobre 2009, la société Sodec, qui était en discussion avec la société Icade en vue de la conclusion d'un contrat de promotion immobilière, a appris que celle-ci avait conclu un accord avec la Semaba. Il résulte en effet du rapport annuel de la Semaba relatif à l'exercice clos le 31 décembre 2009 que le 20 mai 2009, la Semaba et la société Icade ont signé un protocole d'accord pour la cession de droits à construire portant sur 45.000 m² de bureaux et 8.500 m² de commerces dans le polygone 1 de la [Adresse 41].
Par courrier du 14 septembre 2010, la Semaba a demandé à la société Sodec de lui confirmer par écrit, dans un délai d'un mois, sa volonté de renoncer à l'accord conclu le 4 juillet 2005, en prétendant que celle-ci avait exprimé ce souhait lors de différentes réunions.
Par courrier du 24 septembre 2010, la société Sodec a répondu qu'elle ne renonçait ni au protocole la liant à la Semaba, ni à aucun de ses droits et prérogatives ; elle a réclamé l'envoi des projets de promesse de vente portant sur les polygones 1 et 4 ainsi que la réunion du comité de pilotage.
Il résulte des échanges qui s'en sont suivis que les relations se sont tendues, la société Sodec réitérant à plusieurs reprises sa demande relative aux promesses de vente tandis que la Semaba lui opposait le défaut de communication de l'étude de faisabilité pour l'ensemble des polygones.
Or, non seulement la Semaba ne démontre pas que la société Sodec a failli à son engagement contractuel de procéder aux études d'urbanisme nécessitées par le projet, la cour relevant qu'elle ne conteste plus avoir été notamment destinataire de la note de synthèse du 30 juillet 2009 résumant le travail effectué depuis la signature du protocole, mais en outre, et comme constaté supra, elle s'est affranchie de ses propres engagements contractuels en engageant, de surcroît de façon occulte, des négociations pour céder des charges foncières à d'autres opérateurs, démontrant ainsi, au demeurant, qu'elle avait la maîtrise des emprises foncières lui permettant de conclure des promesses de vente.
En effet, elle a successivement signé avec la société Icade le 20 mai 2009 une promesse de vente, comme précédemment rappelé, puis avec la société Codic le 31 août 2011 une promesse de vente de droits à construire portant sur 24.500 m² de bureaux et 500 m² de bureaux, et ce tandis que les études et les échanges de la société Sodec avec la Semaba et la ville de [Localité 18] se poursuivaient.
L'annexe aux comptes annuels de la Semaba pour l'exercice 2015 fait encore état de promesses de vente signées le 25 juillet 2013 avec les SCI Artist B1 et Artist B2, le 17 avril 2015 avec la société Efidis, le 11 décembre 2015 et le 20 avril 2016 avec la société Nexity, sans autre précision sur la nature des surfaces objets de ces promesses.
Ainsi, la Semaba n'a ni respecté son engagement d'offrir à la vente à la société Sodec « des lots de volumes destinés aux commerces, à leurs réserves et aux parkings leur étant attachés », alors que dans sa configuration finale, le programme de la [Adresse 41] comportait encore 17.960 m² de commerces (dont 13.960 m² « aménageurs »), ni permis à la société Sodec d'exercer son droit de préférence sur les surfaces de bureaux, portant sur 127.030 m² (dont 106.030 m² « aménageurs »).
Du fait de ces manquements, la responsabilité contractuelle de la Semaba est engagée.
Sur les demandes indemnitaires de la société Sodec
La société Sodec invoque une perte de chance de réaliser des locaux commerciaux et à usage de bureaux à hauteur de 19.993.300 euros HT, un préjudice financier correspondant aux honoraires qu'elle aurait dû percevoir au titre de la maitrise d'ouvrage déléguée des opérations, évalué à un montant de 6.024.252,81 euros HT, une perte de chance de percevoir des honoraires pour la commercialisation des locaux commerciaux, évaluée à 343.766,19 euros HT, et un préjudice d'image qui doit être indemnisé à hauteur de 5 millions d'euros dès lors qu'elle a été écartée, sans fondement, d'un projet d'envergure, ce qui l'a privée d'une référence importante en région parisienne et a impacté négativement ses salariés mais également son image, auprès des promoteurs partenaires et des grandes enseignes de distribution qui auraient dû intervenir sur le projet. Elle sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la Semaba au remboursement des frais externes d'un montant de 239.342 euros.
Elle considère qu'elle a été privée de la possibilité de réaliser au moins 130.000 m² de surface de plancher et affirme que le projet [Localité 18] a représenté environ un tiers de son activité. Elle souligne que son préjudice n'a rien d'hypothétique.
Elle explique qu'elle a revu ses demandes en cause d'appel, d'un montant total de 26.301.319 euros, outre les frais externes, afin de les rendre les plus objectives possibles, se fondant pour ce faire sur le rapport de l'expert [T] [R] qu'elle a sollicité, lequel a raisonné en prenant pour base les opérations réalisées et en cours de réalisation, une valeur vénale des projets et une marge conforme aux usages de la profession, puis a évalué la perte de chance pour la société Sodec de réaliser les opérations immobilières en cause (commerces et bureaux). Elle précise qu'à l'époque des faits, soit entre 2005 et 2012, elle disposait de 12 à 13 collaborateurs opérationnels, d'un directeur général de la commercialisation et de la gestion, de sorte qu'elle avait les moyens et les capacités pour gérer des opérations importantes.
Elle observe que les éléments chiffrés qu'elle avance n'ont jamais été remis en cause par une argumentation économique chiffrée et justifiée, la Semaba se bornant à tenter de discréditer le travail des experts [O] et [R].
La société Sodec se dit en tout état de cause favorable à une expertise.
La Semaba soutient que les préjudices allégués par la société Sodec sont hypothétiques et n'emportent aucun droit à réparation ; que la société Sodec n'a pas perdu la chance d'acquérir des lots de volumes dédiés au commerce, ni de les revendre à des investisseurs ou de les donner à bail à des grandes et petites enseignes ; qu'elle n'a pas non plus perdu la chance d'exercer un droit de préférence pour des volumes de bureaux qui, si des volumes dédiés au commerce lui avaient été cédés, en auraient été l'accessoire ; que les missions effectivement accomplies par d'autres opérateurs que la société Sodec sont d'une nature différente des missions dont cette dernière prétend qu'elle a perdu la chance de les réaliser. Elle en déduit qu'aucune expertise, même judiciaire, n'est nécessaire.
Elle estime que le seul justificatif pouvant être regardé avec sérieux se résume à une attestation de l'expert-comptable de la société Sodec relativement aux dépenses externes exposées pour le projet [Localité 18]. Elle relève que le montant de ces seules dépenses (239.342,91 euros), qu'elle a été condamnée par le tribunal à payer à la société Sodec au titre de son préjudice contractuel, est sans commune mesure avec celui de ses prétentions, initiales ou dernièrement revues à la baisse. Elle rappelle que la société Sodec s'était engagée à réaliser les études de faisabilité de la ZAC à ses frais et de façon satisfaisante et qu'en dehors des honoraires dus au cabinet Arte Charpentier, la société Sodec n'a exposé, selon cette attestation, que la somme de 40.242,91 euros.
Elle critique la nouvelle attestation communiquée en cause d'appel, émanant d'un autre expert-comptable, la société JDL Audit, selon laquelle le coût de revient de la société Sodec pour la période de 2005 à 2012 s'élèverait à 26.301.319 euros HT, en soulignant que rien ne permet de rattacher les coûts allégués à l'opération de [Localité 18].
S'agissant de la consultation relative à l'estimation du préjudice financier subi par la société Sodec, rédigée par M. [R], également produite en cause d'appel, elle relève que les programmes réalisés dans la ZAC par d'autres promoteurs, sur lesquels l'estimation est fondée, situés le long de l'[Adresse 20], sont exclusivement des programmes comportant des bureaux et des parkings, soit des programmes très différents de l'étude de la société Sodec qui envisageait l'entrée de ville comme une vaste galerie commerciale surmontée de bureaux, et que le seul programme qui comprend une part de surfaces commerciales, résiduelle, est situé dans le secteur gare et non en entrée de ville.
Elle soutient que la société Sodec n'a pas été privée d'honoraires de maitrise d'ouvrage déléguée dès lors qu'aucun élément ne démontre que cette mission, qui n'est pas sa spécialité, lui aurait été confiée mais surtout dès lors qu'une telle délégation n'apparaissait plus justifiée, le projet de la société Sodec étant abandonné. Elle considère que la société Sodec ne peut à la fois se prévaloir de la perte d'honoraires de maitrise d'ouvrage déléguée et de la perte de marge bénéficiaire des opérations, ces préjudices étant exclusifs l'un de l'autre.
Elle ajoute que le montant réclamé par la société Sodec au titre d'un préjudice d'image est particulièrement infondé, en soulignant qu'elle a assumé un risque important lié au portage du foncier, pour une opération d'aménagement à peine bénéficiaire, tandis que la société Sodec a seulement exposé des frais pour réaliser des études qui n'ont pas emporté l'adhésion ni la satisfaction de la collectivité, ce qui constitue un risque normal de la vie des affaires.
Sur ce,
- Sur la perte de chance de réaliser des opérations immobilières
Ainsi que la cour l'a précédemment jugé, la Semaba n'a pas respecté son engagement d'offrir à la vente des lots de volumes destinés aux commerces ni permis à la société Sodec d'exercer son droit de préférence sur des surfaces de bureaux. Le préjudice subi en suite de ces manquements consiste en une perte de chance de réaliser les opérations immobilières permises par ce double engagement de la Semaba.
Cette perte de chance est certaine et non hypothétique, quand bien même la programmation de la [Adresse 41] a connu une évolution. Une telle évolution a un effet, non sur le caractère certain du préjudice, mais sur l'évaluation de la perte de chance de la société Sodec de réaliser des opérations immobilières, étant de surcroît observé que le protocole du 4 juillet 2005 ne portait pas sur un projet précis engageant les parties sur la nature et la superficie des différents éléments du programme, à l'exception du pôle alimentaire dont la superficie a été fixée à 10.500 m² outre 300 places de stationnement.
La société Sodec a sollicité M. [T] [R], expert en évaluations immobilières, aux fins de calculer le préjudice financier qu'elle a subi en raison de la non-réalisation des diverses opérations immobilières comprises dans le périmètre de la [Adresse 41].
Dans son rapport, en date du 2 janvier 2024, M. [R] a procédé à une analyse sommaire des programmes immobiliers achevés, en cours et projetés au sein de la ZAC, à partir des informations disponibles sur internet et de celles mises à sa disposition par la mairie de [Localité 18]. Il a calculé les surfaces réalisées (bureaux, commerces, activités, parkings) en ne retenant que les programmes immobiliers achevés et en cours de réalisation. Puis il a procédé à une estimation par type de surface du prix de sortie « pivot » hors frais de mutation par analogie avec plusieurs termes de comparaison situés dans la ZAC ou dans des secteurs comparables. A partir de ces données, il a calculé la valeur vénale, hors droits, des programmes réalisés ou en cours de réalisation (en écartant les programmes projetés au sein de la ZAC) pour aboutir à une somme globale de 792.430.000 euros correspondant selon lui au chiffre d'affaires HT potentiel des promoteurs. L'expert a ensuite procédé à une évaluation du manque à gagner pour la société Sodec en retenant, par comparaison avec la marge bénéficiaire issue des rapports financiers de trois promoteurs immobiliers au cours de trois exercices successifs, un taux moyen de 9% pour la marge bénéficiaire qu'elle aurait pu dégager si elle avait été le promoteur des programmes immobiliers précités. S'il a pris comme hypothèse que la société Sodec aurait été l'unique promoteur immobilier des surfaces commerciales et parkings rattachés, il a considéré que celle-ci aurait vraisemblablement réalisé en co-promotion les surfaces de bureaux, d'activités et parkings rattachés et que la part de marge bénéficiaire qu'elle aurait pu obtenir sur ce type de surfaces pouvait être estimée à 33,33%. Il en a déduit un manque à gagner capitalisé pour la société Sodec arrondi à la somme de 30.716.000 euros. Enfin, M. [R] a précisé que cette somme ne constituait pas le préjudice indemnisable mais que celui-ci devait correspondre à la seule chance perdue et, après avoir pris en compte, selon le type de surfaces, la probabilité pour la société Sodec d'acquérir les charges foncières en cause, celle d'achever les constructions et celle de réaliser la marge normative estimée, il a considéré que le taux moyen de perte de chance pouvait être évalué à 65,09%. Il en a déduit un préjudice indemnisable au titre de la chance perdue s'élevant à 19.993.300 euros, sans tenir compte des coûts liés aux études urbanistiques, du préjudice et du manque à gagner au titre de la maîtrise d'ouvrage déléguée, de la commercialisation et du préjudice d'image.
La Semaba ne critique pas la méthode d'évaluation retenue par M. [R] ni ne produit d'éléments, notamment chiffrés, pour contredire les conclusions auxquelles il est parvenu. Elle se borne à soutenir que la société Sodec n'a pas perdu la chance de réaliser des opérations immobilières qui ne sont pas prévues aux documents d'urbanisme de la ZAC et dont la construction n'y aurait pas été autorisée.
Elle souligne, certes à raison, que la plupart des programmes concerne des surfaces de bureaux et des parkings associés (immeubles [Adresse 34], [Adresse 31], [Adresse 38], [Adresse 26], achevés) mais se limite à affirmer, s'agissant des surfaces commerciales, qu'aucun nouvel opérateur commercial ne s'est installé dans la [Adresse 41]. Si le rapport de M. [O] fait en effet état d'un terrain de 15.000 m², propriété du groupe Casino, sur lequel était déjà exploitée une surface commerciale, la Semaba ne démontre pas, comme elle le prétend, que le groupe Auchan, qui était installé dans le secteur de la gare, a bénéficié d'un droit de préférence pour acquérir des murs et y réinstaller une moyenne surface commerciale.
Il doit cependant être tenu compte, dans l'évaluation de la perte de chance de la société Sodec, des engagements pris par elle et par la Semaba aux termes du protocole du 4 juillet 2005. Ainsi, comme il a été rappelé, la Semaba a offert de vendre des surfaces commerciales et parkings attachés que la société Sodec a offert d'acquérir tandis que les surfaces de bureaux faisaient l'objet d'un droit de préférence consenti à cette dernière, qui demeurait libre d'accepter ou non la proposition faite par la Semaba d'acquérir les immeubles et droits de construire afférents aux mêmes conditions que celles offertes par un tiers. La probabilité que la société Sodec donne suite aux propositions de la Semaba et réalise les programmes de bureaux correspondants est donc nécessairement beaucoup moins élevée que celle de mener à bien les programmes de commerces.
Il convient d'analyser successivement et de façon distincte la perte de chance de réaliser les surfaces commerciales du projet et celle de réaliser les locaux à usages de bureaux du projet.
* sur la perte de chance de réaliser les surfaces commerciales et parkings du projet
Selon le rapport de M. [R], les programmes immobiliers achevés comportant des surfaces de commerces sont :
- l'immeuble « [Adresse 27] » situé [Adresse 1], lequel comprend, outre une surface de plancher de service d'intérêt collectif (crèche) et des m² d'habitation, 324 m² de commerces au rez-de-chaussée et un total de 48 parkings, au nombre desquels l'expert a retenu 10 places attachées aux surfaces de commerce ;
- l'immeuble « [Adresse 33] » situé [Adresse 5], lequel comprend, outre des m² d'habitation, une surface de plancher de commerce de 1.170 m² au rez-de-chaussée et au 1er étage ainsi que 50 parkings ; la Semaba ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que la salle de sport qui occupe ces m² ne correspond pas à un commerce ;
- l'immeuble « [Adresse 24] » situé [Adresse 7], lequel comprend, outre des m² d'habitation, une surface de plancher de commerce de 3.729 m² au rez-de-chaussée et des parkings dont le nombre total n'est pas connu mais dont on sait qu'au moins 24 d'entre eux ont été vendus.
Selon le rapport de M. [R], les programmes immobiliers en cours de réalisation comportant des surfaces de commerces sont :
- l'immeuble « [Adresse 25] » situé [Adresse 15], lequel comprend, outre une surface de plancher de service d'intérêt collectif (théâtre) et des m² d'habitation, 950 m² de commerces au rez-de-chaussée et des parkings dont le nombre n'est pas communiqué ;
- l'immeuble « [Adresse 37] » situé [Adresse 11], lequel comprend, outre une surface de plancher de service d'intérêt collectif et des m² de bureaux et d'habitation, 1.396 m² de commerces et des parkings dont le nombre n'est pas communiqué.
Les surfaces de commerce réalisées ou en cours de réalisation s'élèvent au total à 7.569 m².
M. [R] a comparé douze références de boutiques neuves d'une surface comprise entre 37 m² et 245 m², situées dans des communes environnantes dans le département des Hauts-de-Seine, à [Localité 19], [Localité 21], [Localité 22], [Localité 28], [Localité 29], [Localité 36], qui ont été vendues entre septembre 2018 et juin 2022, dont il résulte une moyenne de 4.660,42 euros / m². Il en a déduit un prix de sortie « pivot » hors frais de mutation de 5.000 euros par m² de plancher pour les surfaces de commerces.
Ce prix unitaire de 5.000 euros/m², ainsi justifié, documenté et ne faisant l'objet d'aucune discussion de la part de la Semaba, sera retenu comme base de calcul.
S'agissant des parkings, l'expert a comparé quatre références de ventes d'emplacements de stationnement souterrains neufs rattachés à des immeubles situés dans la [Adresse 40], soit dans la même commune. Chacun de ces emplacements a été vendu pour un prix variant de 12.092 euros à 20.000 euros. A défaut d'en connaître le nombre total, M. [R] a comptabilisé a minima 84 parkings attachés aux surfaces commerciales et il a arrêté un prix unitaire de 15.000 euros par emplacement, à l'exception de 24 emplacements de parking de l'immeuble « [Adresse 24] » vendus au prix unitaire de 12.092 euros.
Ni le prix unitaire de 15.000 euros, ni le nombre de parkings n'étant discutés par la Semaba, ils seront retenus comme base de calcul pour les parkings dont la vente n'est pas connue.
Il s'en déduit un chiffre d'affaires HT de 37.845.000 euros (7.569 m² x 5.000 euros) pour les surfaces commerciales réalisées ou en cours de réalisation et un chiffre d'affaires HT de 1.190.208 euros ([60 x 15.000 euros] + [24 x 12.092 euros]) pour les parkings, soit un total de 39.035.208 euros.
M. [R] est parti du postulat que la société Sodec aurait été l'unique promoteur immobilier des programmes de commerces et parkings attachés, ce qui apparait vraisemblable au regard de son activité spécialisée dans l'immobilier commercial, comme le souligne elle-même la Semaba. Il a comparé les taux de marge réalisés en France par trois promoteurs immobiliers, tels qu'ils ressortent de leurs rapports financiers des exercices 2020, 2021 et 2022 :
- la société Nexity a dégagé une « marge opérationnelle courante » de 8,1% en 2020, 11,9% en 2021 et 2022 sur des programmes de bureaux et commerces ;
- la société Altarea a dégagé une « marge immobilière » de 5,2% en 2020, 10,86% en 2021 et 12,32% en 2022 sur des programmes de bureaux et hôtels ;
- la société Emerige a dégagé une « marge opérationnelle courante » de 11,06% en 2020 et 6,02% en 2022 sur des programmes de bureaux, logements et marchand de biens, 7,53% en 2021 sur des programmes de logements exclusivement.
L'expert a considéré que la marge bénéficiaire qui aurait pu être obtenue par la société Sodec pouvait être raisonnablement estimée entre 8 et 10% du prix de sortie, hors taxes et hors droits de mutation, et il a appliqué un taux de 9%.
Ce taux de 9%, ainsi justifié et documenté, situé dans une fourchette basse et n'étant pas discuté par la Semaba, sera retenu comme base de calcul.
Appliqué au chiffre d'affaires total de 39.035.208 euros calculé ci-dessus, il en résulte une marge de 3.513.168,72 euros qui aurait pu bénéficier à la société Sodec si elle avait réalisé les programmes de commerces de la [Adresse 41].
L'expert a ensuite capitalisé cette somme pour tenir compte du fait que la société Sodec n'a à ce jour rien perçu de ce manque à gagner. Son calcul, qui n'est pas contesté par la Semaba, aboutit à un manque à gagner capitalisé de 3.694.520,56 euros, arrondi par la cour à 3.694.520 euros.
Le préjudice subi par la société Sodec est, comme elle le prétend, constitué par la perte de chance de réaliser les surfaces commerciales et les parkings associés, étant rappelé que seuls ont été retenus les programmes réalisés et ceux en cours de réalisation, à l'exception de ceux seulement à l'état de projet.
Pour déterminer le taux de perte de chance, M. [R] a appliqué la formule suivante : taux de perte de chance = probabilité d'acquérir les droits à construire x probabilité d'achever les constructions x probabilité de réaliser la marge estimée.
S'agissant des programmes achevés comme en cours, il a considéré à raison que la probabilité pour la société Sodec d'acquérir les charges foncières était certaine (100%) compte tenu de son engagement contractuel.
Il a ensuite appliqué au 2ème terme de la formule un taux de 100% pour les programmes menés à leur terme et un taux de 80% pour ceux en cours d'achèvement.
L'expert a enfin estimé que la probabilité de dégager une marge bénéficiaire de 9% était de 80% dans les deux cas.
Ce calcul ne fait l'objet d'aucune discussion par la Semaba et conduit au résultat suivant :
- pour les programmes achevés : 100% x 100% x 80% = 80%
- pour les programmes en cours : 100% x 80% x 80% = 64%
Soit un taux moyen de perte de chance de 75,43% tel que retenu par M. [R].
La méthode d'évaluation proposée par la société Sodec, les déterminants employés et leur valeur sont sérieux, justifiés, documentés et robustes. Ils ne sont en outre pas discutés par la Semaba.
Il convient donc de retenir l'évaluation du préjudice de la société Sodec, né de la perte de chance de réaliser les surfaces commerciales et les parkings associés, à la somme arrondie de 2.786.776 euros (3.694.520 euros x 75,43%).
* sur la perte de chance de réaliser les surfaces de bureaux et locaux d'activités du projet
Aux termes du protocole, la société Sodec bénéficiait d'un droit de préférence portant sur des lots de volumes de bureaux et de locaux d'activités.
Selon le rapport de M. [R], les programmes immobiliers achevés comportant des surfaces de bureaux sont :
- l'immeuble « [Adresse 34] » situé [Adresse 10], lequel comprend une surface de plancher de bureaux de 24.652 m² et 428 parkings ; l'immeuble a été vendu (partiellement occupé) le 11 janvier 2017 au prix de 153.360.000 euros hors frais de mutation (soit 6.215 euros/m², parkings compris), ce qui n'est pas contesté ;
- l'immeuble « [Adresse 27] », précédemment cité, situé [Adresse 1], lequel comprend, outre des m² de commerces et d'habitation, une surface de plancher de service d'intérêt collectif (crèche) de 1.180 m² et un total de 48 parkings, au nombre desquels l'expert a retenu 38 places attachées aux locaux d'activités ;
- l'immeuble « [Adresse 30] » situé [Adresse 9], lequel comprend une surface de plancher de bureaux de 20.936 m² et 235 parkings, dont 2 ont été vendus ;
- l'immeuble « [Adresse 38] » situé [Adresse 14], lequel comprend une surface de plancher de bureaux de 54.381 m² et 937 parkings ;
- l'immeuble « [Adresse 32] » situé [Adresse 4], lequel comprend une surface de plancher de bureaux de 15.867 m² et 220 parkings ;
- l'immeuble « [Adresse 26] » situé [Adresse 12], lequel comprend une surface de plancher de bureaux de 13.700 m² et 152 parkings.
Selon le rapport de M. [R], les programmes immobiliers en cours de réalisation comportant des surfaces de bureaux sont :
- l'immeuble « [Adresse 35] » situé [Adresse 3], lequel comprend, outre des m² d'habitation, des surfaces de plancher de bureaux de 544,55 m² et d'artisanat de 121,79 m² ainsi que des parkings dont le nombre n'est pas communiqué ; les 121,79 m² de locaux d'artisanat ont été vendus (libres d'occupation) le 21 juillet 2023 au prix de 172.554 euros hors frais de mutation (soit 1.417 euros/m²), ce qui n'est pas contesté ;
- l'immeuble « [Adresse 25] », précédemment cité, situé [Adresse 15], lequel comprend, outre des m² de commerces et d'habitation, une surface de plancher de service d'intérêt collectif (théâtre) de 2.697 m² et des parkings dont le nombre n'est pas communiqué ;
- l'immeuble « [Adresse 37] », précédemment cité, situé [Adresse 11], lequel comprend, outre des m² de commerces et d'habitation, 1.274 m² de bureaux et une surface de plancher de service d'intérêt collectif (équipement polyvalent + pôle médical) de 2.496,90 m² et des parkings dont le nombre n'est pas communiqué.
Les surfaces de bureaux réalisées ou en cours de réalisation s'élèvent au total à 131.354,55 m².
Les surfaces de locaux d'activités réalisées ou en cours de réalisation s'élèvent au total à 6.495,69 m².
S'agissant des surfaces de bureaux, M. [R] a comparé :
- cinq références d'immeubles entiers de bureaux neufs d'une surface comprise entre 3.105 m² et 25.285 m², situés à [Localité 19], [Localité 18] et [Localité 22], qui ont été vendus entre janvier 2017 et février 2022, dont il résulte une moyenne de 5.456,80 euros / m² ;
- cinq références de surfaces de bureaux neufs d'une surface comprise entre 99 m² et 551 m², situés à [Localité 18], [Localité 23] et [Localité 22], qui ont été vendus entre mai 2022 et décembre 2022, dont il résulte une moyenne de 4.747,20 euros / m².
Il en a déduit un prix de sortie « pivot » hors frais de mutation de 5.250 euros par m² de plancher pour les surfaces de bureaux, à l'exception des 24.652 m² de bureaux de l'immeuble « [Adresse 34] » vendus, comme indiqué supra, au prix unitaire de 6.215 euros/m², parkings compris.
Ce prix unitaire de 5.250 euros/m² ainsi obtenu est pertinent et ne fait l'objet d'aucune discussion de la part de la Semaba ; il sera retenu comme base de calcul des surfaces de bureaux dont la vente n'est pas connue.
S'agissant des locaux d'activités, M. [R] a par ailleurs comparé trois références de locaux d'activités neufs d'une surface comprise entre 121,79 m² et 2.034 m², situés à [Localité 18] et [Localité 39], qui ont été vendus entre octobre 2019 et juillet 2023, dont il résulte une moyenne de 2.739 euros / m².
Il en a déduit un prix de sortie « pivot » hors frais de mutation de 2.500 euros par m² de plancher pour les locaux d'activités, à l'exception des 121,79 m² de locaux d'activité de l'immeuble « [Adresse 35] » vendus, comme indiqué supra, au prix unitaire de 1.417 euros/m².
Ce prix unitaire de 2.500 euros/m², pertinent, ne faisant pas non plus l'objet de discussion de la part de la Semaba, il sera retenu comme base de calcul des locaux d'activités dont la vente n'est pas connue.
S'agissant des parkings, le prix unitaire de 15.000 euros a été précédemment retenu comme base de calcul. L'expert a néanmoins tenu compte de la vente de 2 emplacements de parking de l'immeuble « [Adresse 30] » vendus les 20 et 27 décembre 2021 aux prix de 20.000 euros et 18.000 euros hors frais de mutation.
A défaut d'en connaître le nombre total, M. [R] a comptabilisé a minima 1.580 parkings attachés aux surfaces de bureaux et aux locaux d'activités.
Il s'en déduit un chiffre d'affaires HT de 713.548.387,50 euros ([106.702,55 m² x 5.250 euros] + 153.360.000 euros) pour les surfaces de bureaux réalisées ou en cours de réalisation, un chiffre d'affaires HT de 16.107.304 euros ([6.373,90 m² x 2.500 euros] + 172.554 euros) pour les locaux d'activités réalisés ou en cours de réalisation et un chiffre d'affaires HT de 23.738.000 euros ([1.580 x 15.000 euros] + 20.000 euros + 18.000 euros]) pour les parkings, soit un total de 753.393.691,50 euros.
L'expert a retenu pour les bureaux, locaux d'activités et parkings le même taux de marge bénéficiaire que pour les commerces et, en l'absence de discussion, c'est ce taux de 9% qui sera également retenu comme base de calcul.
Appliqué au chiffre d'affaires total de 753.393.691,50 euros calculé ci-dessus, il en résulte une marge de 67.805.432,23 euros.
M. [R] est parti de l'hypothèse que la société Sodec n'aurait pas réalisé l'intégralité des programmes de bureaux et de locaux d'activités, qui auraient été portés par plusieurs promoteurs immobiliers différents, ce qui apparait plus probable compte tenu de la spécialité de la société Sodec, déjà rappelée, dans l'immobilier commercial. Il a proposé de retenir une quote-part de 33,33% des programmes au bénéfice de la société Sodec, ce qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part de la Semaba. Cette hypothèse sera donc retenue.
Sur la base d'une marge bénéficiaire de 9%, la part en co-promotion qui aurait pu être obtenue par la société Sodec peut donc être estimée à 22.599.550,56 euros.
L'expert a ensuite capitalisé cette somme, ce qui aboutit à un manque à gagner capitalisé de 27.021.620,18 euros, arrondi par la cour à 27.021.620 euros.
Comme pour les surfaces commerciales, le préjudice subi par la société Sodec est constitué par la perte de chance de réaliser les surfaces de bureaux, les locaux d'activités et les parkings associés.
La même formule de calcul du taux de perte de chance que celle précédemment décrite doit être appliquée, soit taux de perte de chance = probabilité d'acquérir les droits à construire x probabilité d'achever les constructions x probabilité de réaliser la marge estimée.
S'agissant des programmes achevés comme en cours, l'expert a considéré que la probabilité pour la société Sodec d'acquérir les charges foncières était forte compte tenu du fait qu'elle bénéficiait d'un droit de préférence. Il a retenu un taux de 80%, qui apparait cependant excessif dès lors que, contrairement aux surfaces commerciales, la société Sodec demeurait libre d'exercer son droit de préférence, dont l'intérêt pour elle dépendait en outre du prix et des conditions d'acquisition offerts par les tiers à la Semaba. La cour retiendra donc un taux de 50%.
La probabilité d'achever les constructions peut être fixée, comme pour les surfaces commerciales, à 100% pour les programmes menés à leur terme et à 80% pour ceux en cours d'achèvement.
L'expert sera également suivi en ce qu'il a estimé que la probabilité de réaliser une marge bénéficiaire de 9% était de 80% dans les deux cas.
Ce calcul ne fait l'objet d'aucune discussion par la Semaba et conduit au résultat suivant :
- pour les programmes achevés : 50% x 100% x 80% = 40%
- pour les programmes en cours : 50% x 80% x 80% = 32%
Soit un taux moyen de perte de chance de 36%.
Le préjudice de la société Sodec, né de la perte de chance de réaliser les surfaces de bureaux, les locaux d'activités et les parkings associés s'élève ainsi à la somme arrondie de 9.727.783 euros (27.021.620 euros x 36%).
Il en résulte pour la société Sodec un préjudice total, né de la perte de chance de réaliser des opérations immobilières dans la [Adresse 41], d'un montant de 12.514.559 euros (2.786.776 + 9.727.783).
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur le coût des études urbanistiques
La société Sodec est bien fondée à réclamer le remboursement des dépenses externes engagées de 2007 à 2012 pour le projet [Localité 18], pour un montant de 239.342 euros, dès lors qu'elle rapporte la preuve de ces dépenses, par la production de l'attestation de son expert-comptable.
Le jugement mérite confirmation sur ce point.
- Sur le préjudice lié à la maîtrise d'ouvrage déléguée
La société Sodec prétend que, comme tout promoteur, elle aurait dû percevoir des honoraires au titre de la maîtrise d'ouvrage déléguée des opérations immobilières, qu'elle chiffre à 7% du chiffre d'affaires hors taxes. Elle évalue sa perte de chance à ce titre à la somme de 6.024.252,81 euros.
Mais elle ne s'explique pas sur la maîtrise d'ouvrage déléguée qu'elle invoque ni sur les conditions dans lesquelles elle aurait pu en bénéficier de sorte qu'elle ne justifie pas de sa qualité de maître d'ouvrage délégué.
La société Sodec sera donc déboutée de cette demande.
- Sur le préjudice lié à la commercialisation
La société Sodec prétend qu'elle a également perdu une chance de percevoir des honoraires pour la commercialisation des surfaces commerciales et elle sollicite le versement de la somme de 343.766,19 euros à ce titre.
Elle expose qu'il est d'usage de facturer 3% HT de la valeur vénale des locaux à usage de commerces, que la mission aurait pu être accomplie à hauteur de 30 % et que, s'agissant de la part non accomplie de 70 %, elle était susceptible de percevoir une indemnité de résiliation de 10 %.
La Semaba ne conclut pas sur ce point.
Sur ce,
Au regard de son activité d'opérateur spécialisé dans l'immobilier commercial et de l'effectif de 12 à 13 personnes dont elle disposait entre 2005 et 2012, comme en atteste son expert-comptable, la société Sodec avait les compétences et la capacité de mener à bien la commercialisation des commerces en sa qualité de promoteur.
Afin d'évaluer le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice né de la perte de chance de percevoir des honoraires pour la commercialisation des surfaces commerciales, il convient de reprendre, d'une part, la méthodologie du rapport [R] utilisée précédemment pour statuer sur la perte de chance de réaliser des surfaces commerciales, de deuxième part l'hypothèse retenue par la société Sodec elle-même d'en commercialiser 30 % et de troisième part la valeur vénale des locaux à usage de commerces retenue par la société Sodec dans son tableau qui reprend les montants du rapport [R] correspondant à la valeur vénale lui ayant permis d'estimer le chiffre d'affaires retiré de la réalisation des opérations immobilières.
Le principe même d'une rémunération de 10 % sur les surfaces non commercialisées n'étant pas certain, la demande à ce titre doit être écartée.
Ainsi la cour retient une assiette de commercialisation de 30 % des 7.569 m² de commerces précédemment arrêtés, au prix unitaire de 5.000 euros / m², de 30 % des 60 places de parkings (18 places) au prix unitaire de 15.000 euros et des 30 % des 24 places de parking (7 places) au prix unitaire de 12.092 euros.
Il s'en déduit une assiette de 11.708.144 euros.
Le taux d'honoraires de 3 % HT tel que proposé sera retenu, faute d'élément justifiant une révision et à défaut d'être contesté par la partie adverse.
Il se déduit ainsi des honoraires de 351.244,32 euros (3 % x 11.708.144 euros).
Le taux de perte de chance sera calculé à partir de la formule suivante : taux de perte de chance = probabilité d'être rémunéré à hauteur de 3 % x probabilité de disposer des surfaces commerciales suite à l'achèvement des opérations immobilières.
La cour retient comme probabilité de voir le taux d'honoraires de 3 % HT appliqué à toutes les surfaces commercialisées un taux 50 % de percevoir ce taux de rémunération que le promoteur fixe lui-même.
Il y a lieu enfin de considérer les programmes menés à leur terme et ceux en cours d'achèvement et de retenir un taux de 100 % pour les premiers et un taux de 80 % pour les seconds.
Le taux de perte de chance de percevoir des honoraires de commercialisation s'établit dès lors ainsi :
- pour les programmes achevés : 50% x 100 % = 50 %
- pour les programmes en cours : 50% x 80 % = 40 %
soit une moyenne de 45 %.
La perte de chance de percevoir des honoraires pour la commercialisation des surfaces commerciales et des parkings associés s'établit ainsi à 158.059,94 euros (351.244,32 euros x 45 %), arrondie à 158.000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur le préjudice d'image
1En allouant à la société Sodec une somme de 1.000.000 euros, les premier juges ont procédé à une estimation raisonnable, que la cour approuve, du montant des dommages-intérêts réparant le préjudice d'image qu'elle a subi. Celle-ci a été écartée sans motif valable d'un projet immobilier d'envergure en région parisienne, ce qui a porté atteinte à sa réputation et l'a privée, dans un secteur professionnel restreint, d'une référence importante dont elle aurait pu se prévaloir auprès des grandes enseignes de la distribution et des promoteurs partenaires.
- Sur le montant total des préjudices indemnisés
Au regard de l'ensemble de ces éléments et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, la Semaba sera en conséquence condamnée à payer à la société Sodec la somme totale de 13.911.901 euros (2.786.776 + 9.727.783 + 239.342 + 158.000 euros + 1.000.000) à titre de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
1Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la Semaba supportera les dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct. Elle sera en outre condamnée à verser à la société Sodec la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit que la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle ;
Confirme en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 1.239.342 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice d'image à hauteur d'un million d'euros et de son préjudice contractuel relatif aux dépenses externes à hauteur de 239.342 euros, en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Sodec au titre d'un préjudice lié à la maîtrise d'ouvrage déléguée, et en ce qu'il a condamné la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 2.786.776 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la perte de chance de réaliser les surfaces commerciales et les parkings associés ;
Condamne la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 9.727.783 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la perte de chance de réaliser les surfaces de bureaux, les locaux d'activités et les parkings associés ;
Condamne la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 158.00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la perte de chance de percevoir des honoraires de commercialisation pour les surfaces commerciales et les parkings associés ;
Y ajoutant,
Condamne la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct ;
Condamne la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) à payer à la société Sodec la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société d'économie mixte Agir pour [Localité 18] (Semaba) de sa demande de ce chef.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.