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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 30 avril 2025, n° 23/02406

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/02406

30 avril 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 30 AVRIL 2025

N° RG 23/02406 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VZJE

AFFAIRE :

S.A.S. SPVIE

...

C/

S.A.R.L. SIXCENTDOUZE

...

Société BTSG2

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Mars 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2022R01108

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30.04.2025

à :

Me Louise TIRY-HESSE, avocat au barreau de PARIS (C0431)

Me Marc BRESDIN, avocat au barreau de VERSAILLES (003)

Me Karema OUGHCHA, avocat au barreau de VERSAILLES (285A)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. SPVIE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 525 355 251

[Adresse 4]

[Localité 6]

Autre qualité : Intimée dans 23/03073 (Fond)

Représentant : Me Louise TIRY-HESSE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. VITASSURANCE

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 1]

Autre qualité : Intimé dans 23/03073 (Fond)

Représentant : Me Marc BRESDIN de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 230094

Plaidant : Me Marion CHARBONNIER, du barreau de Paris

APPELANTES

****************

S.A.R.L. SIXCENTDOUZE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 790 77 6 4 21

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Karema OUGHCHA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A

Plaidant : Me Aude VAISSIERE, du barreau de Marseille

S.A.S. SPVIE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Louise TIRY-HESSE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. VITASSURANCE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

N° SIRET : 834 513 087

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Marc BRESDIN de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 230094

Plaidant : Me Marion CHARBONNIER, du barreau de Paris

INTIMEES

****************

Société BTSG2

prise en la personne de Maître [M] [T], en qualité de liquidateur de la société VITASSURANCE

[Adresse 5]

C/O Arenas Partners

[Localité 1]

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mars 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de président, et Madame Marina IGELMAN conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La SAS SPVIE exerce une activité de courtier grossiste cependant que les SARL Sixcentdouze et SAS Vitassurance exercent toutes deux une activité de courtage d'assurance.

Par convention du 13 mai 2019, la société SPVIE et la société Vitassurance ont conclu un accord de courtage pour la diffusion de produits de mutuelle santé et prévoyance.

Par contrat du 31 mars 2022, la société Vitassurance a cédé à la société Sixcentdouze deux portefeuilles d'environ 900 clients seniors placés chez SPVIE.

Ce contrat prévoit que les reprises de commissions de précompte seront à la charge exclusive du cédant, la société Vitassurance.

Faisant état de ce que la société SPVIE déduisait des commissions, les reprises de précompte, par acte délivré le 15 novembre 2022, la société Sixcentdouze l'a faite assigner en référé aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement de la somme de 71 076,06 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la date des reprises indues, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir.

Par acte délivré le 26 décembre 2022, la société SPVIE a fait assigner en référé la société Vitassurance aux fins d'obtenir principalement la jonction avec la procédure introduite par la société et sa condamnation à la garantir de toutes sommes auxquelles elle pourrait être condamnée.

Par ordonnance contradictoire rendue le 8 mars 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- joint, pour une bonne administration de la justice, les deux affaires,

- dit irrecevable, en tout cas mal fondée, l'exception d'incompétence territoriale formée par la société Vitassurance, s'est dit compétent territorialement,

- condamné la société SPVIE à payer à la société Sixcentdouze la somme de 88 274,77 euros avec intérêts au taux légal,

- dit que la société Vitassurance devra garantir la société SPVIE de toutes condamnations ci-avant prononcées à l'encontre de la société SPVIE à l'égard de la société Sixcentdouze,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes plus amples de garantie de la société SPVIE et l'a renvoyée le cas échéant à se mieux pourvoir vis-à-vis de la société Vitassurance quant à surplus,

- condamné la société Vitassurance à payer à la société Sixcentdouze la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Vitassurance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 57,65 euros, dont TVA 9,61 euros.

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que le contrat de cession entre les sociétés 612 et Vitassurance, stipulant que par dérogation aux usages du courtage, les reprises de provision de précomptes seront à la charge de Vitassurance, était opposable à la société SPVIE qui en a eu connaissance ; que la société SPVIE n'avait en conséquence pas valablement pu imputer les reprises de commissions de précomptes à la société 612.

Par déclaration reçue au greffe le 11 avril 2023, la société SPVIE a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- joint, pour une bonne administration de la justice, les affaires,

- dit irrecevable, en tout cas mal fondée, l'exception d'incompétence territoriale formée par la société Vitassurance, s'est dit compétent territorialement,

- dit que la société Vitassurance devra garantir la société Spvie de toutes condamnations ci-avant prononcées à l'encontre de la société Spvie à l'égard de la société Sixcentdouze,

- condamné la société Vitassurance à payer à la société Sixcentdouze la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Vitassurance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 57,65 euros, dont TVA 9,61 euros.

Par déclaration en date du 5 mai 2023, la société Vitasssurance a interjeté appel de cette même décision en tous ses chefs de disposition.

Les deux affaires ont été jointes le 19 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 juillet 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société SPVIE demande à la cour, au visa des articles 325 et suivants et 699 et 700, et 873 du code de procédure civile, 1199 et 1315 du code civil, de :

'- infirmer l'ordonnance de référé du 8 mars 2023 ;

- débouter la société Sixcentdouze de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Vitassurance à payer à la société Spvie la somme de 57 889,28 euros.

- débouter la société Vitassurance de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Vitassurance à garantir la société Spvie de toutes sommes au paiement desquelles elle serait condamnée ;

- condamner in solidum la société Sixcentdouze et tout succombant, au paiement de la somme de 5 000 euros outre les entiers dépens au titre des frais de première instance ;

- condamner in solidum la société Sixcentdouze et tout succombant, au paiement de la somme de 5 000 euros outre les entiers dépens au titre des frais d'appel.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 juin 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Vitassurance demande à la cour, au visa des articles 873 du code de procédure civile, 1104 et suivants du code civil, de :

'- déclarer la société Vitassurance recevable et bien fondée en son appel et ses demandes;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé du 8 mars 2023 en ce que le juge des référés a déclaré :

- condamnons la sas Spvie à payer à la sarl Sixcentdouze la somme de 88 274,77 euros avec intérêts au taux légal.

- disons que la sas Vitassurance devra garantir la sas Spvie de toutes condamnations ci-avant prononcées à l'encontre de la sas Spvie à l'égard de la sarl Sixcentdouze.

- condamnons la sas Vitassurance à payer à la sarl Sixcentdouze la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- mettons les dépens à la charge de la sas Vitassurance. »

en conséquence :

- débouter les sociétés Spvie et Sixcentdouze de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société Vitassurance ;

- condamner tout succombant, au paiement de la somme de 3 000 euros outre les entiers dépens au titre des frais d'appel. '

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 août 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Sixcentdouze demande à la cour, au visa des articles 873 alinéa 2 du code de procédure civile, 1200 et 1240 du code civil, de :

'- confirmer l'ordonnance rendue en date du 8 mars 2023 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la société Spvie ou tout succombant à payer à la société Sixcentdouze au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de Me Karema Oughcha ;'

Par arrêt avant-dire droit en date du 14 mars 2024, la cour a enjoint les parties à se présenter à une séance d'information préalable à l'envoi en médiation.

Par jugement en date du 5 septembre 2024, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vitassurance et désigné la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [M] [T], en qualité de liquidateur.

Par exploit en date du 10 octobre 2024, la société SPVIE a fait assigner en intervention forcée la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [M] [T], ès qualités de liquidateur de la société Vitassurance. L'assignation a été délivrée à personne morale.

Par ordonnance du 22 octobre 2024 la clôture précédemment prononcée a été révoquée pour ce motif et un nouveau calendrier a été fixé.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 25 février 2025.

A l'audience, les sociétés SPVIE et Sixcentdouze ont été invitées à formuler par voie de note en délibéré leurs observations sur l'irrecevabilité des demandes de provision à l'égard de la société Vitassurance comme se heurtant à la règle de l'interdiction des actions en paiement édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce, s'agissant d'une société en liquidation judiciaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société SPVIE sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée qui a fait droit aux demandes de la société Sixcentdouze à son égard.

Elle expose que la société Vitassurance a cédé différents portefeuilles de clientèle à la société Sixcentdouze et que selon l'article 12 des usages du courtage, « en cas de cession par un courtier de son portefeuille, la compagnie est tenue à l'égard du cessionnaire aux mêmes obligations qu'à l'égard du cédant », de sorte que le sort des précomptes suit nécessairement celui des primes.

Ainsi, la société SPVIE indique qu'elle était bien fondée à imputer les précomptes au cessionnaire, à savoir la société Sixcentdouze.

Elle soutient que l'article 1er du contrat de cession conclu entre les sociétés Vitassurance et Sixcentdouze stipulant que les reprises de commissions de précomptes suite aux chutes des contrats vendus resteront à la charge du cabinet Vitassurance a été prévu pour le seul cas où la société Sixcentdouze aurait découvert l'existence de précomptes dont la société Vitassurance ne l'aurait pas informée, en lui faisant supporter la charge.

Invoquant l'article 1199 du code civil et la règle selon laquelle les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, la société SPVIE indique avoir pris acte de la cession de portefeuille intervenue, de sorte qu'elle ne peut être tenue de recouvrer les reprises de précomptes à l'encontre de la société cédante, à l'égard de laquelle elle ne dispose d'aucun titre.

Elle ajoute qu'en aucun cas l'information sur un contrat ne permet à une partie de s'en prévaloir à l'encontre d'un tiers et que la société Sixcentdouze est bien la débitrice des reprises de précomptes, leur paiement aux lieu et place du cessionnaire n'étant une obligation contractuelle qu'entre les sociétés Vitassurance et Sixcentdouze.

Elle fait encore valoir que dans le contrat de cession prévoyant que le cédant supportera la charge de la reprise des précomptes, les modalités de cette « charge » ne sont pas définies et que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'interpréter le contrat à ce titre.

Elle indique également que la société Sixcentdouze ne justifie pas à quoi correspondent les demandes de remboursement des reprises de précomptes, alors qu'elles sont antérieures aux cessions litigieuses.

Sur le protocole d'accord versé par la société Vitassurance, elle fait valoir qu'il ne porte pas sur les reprises litigieuses.

Par ailleurs, la société SPVIE sollicite l'infirmation de l'ordonnance qui l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Vitassurance au titre du protocole.

Elle relate avoir fait une avance d'un montant de 50.000 euros à la société Vitassurance en 2021 ; que les dettes de la société Vitassurance à son égard ont donné lieu à la signature d'un protocole aux termes duquel cette dernière s'engageait à lui payer la somme de 57 889,28 euros ; que le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant que si la société Vitassurance avait reconnu devoir cette somme, la société SPVIE ne démontrait pas l'absence de paiement.

Si la cour confirmait l'ordonnance dont appel, elle demande également la confirmation en ce qu'elle a condamné la société Vitassurance à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations.

Elle rétorque concernant l'appel interjeté par la société Vitassurance que celle-ci ne justifie pas de l'exception d'inexécution qu'elle invoque à son encontre.

La société Sixcentdouze, sollicite la confirmation de l'ordonnance dont elle considère qu'elle repose sur des motifs « pertinents et particulièrement fondés », soutenant qu'il est incontestable que la société SPVIE est débitrice à son endroit de la somme de 88 274,77 euros au titre des reprises de précompte indûment facturées.

Elle rappelle que le contrat de cession prévoit que les reprises de commissions de précompte seront à la charge exclusive du cédant, la société Vitassurance, ce dont la société SPVIE été informée, et fait observer que la société SPVIE a déjà été confrontée à la même problématique et que cette dernière avait alors procédé au remboursement partiel des reprises.

Elle fait valoir que dès lors que la société SPVIE était informée du principe de la reprise des commissions, elle ne peut valablement invoquer la nécessité d'interpréter le contrat pour exciper de l'incompétence du juge des référés, la clause de reprise des commissions prévue à l'acte de cession lui étant parfaitement opposable. Elle indique d'ailleurs que préalablement à la signature de l'acte de cession, le gérant de la société Vitassurance et le représentant de la société SPVIE s'étaient échangés des courriels qui évoquaient le sort des reprises de commission.

La société Sixcentdouze indique que la société SPVIE, ayant d'une part été informée préalablement aux actes de cession du sort des reprises de commission, ayant d'autre part indiqué que cette pratique était possible à condition de le prévoir dans le contrat de cession et ayant de surcroît admis le principe en rétrocédant des reprises indûment prélevées à la société Sixcentdouze, ne pouvait feindre l'ignorance sur les modalités de reprise de commissions entre les sociétés Vitassurance et Sixcentdouze.

Elle argue de la teneur de l'article 1200 du code civil qui impose aux tiers qui ont connaissance d'un contrat d'en respecter la situation juridique ainsi créée et fait valoir qu'en prélevant des commissions à la société Sixcentdouze, la société SPVIE a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du Code civil.

Elle répond aux conclusions adverses que la société SPVIE n'a opposé aucun argument sur le montant des reprises de commissions ; qu'en s'abstenant que produire les éléments dont elle est en possession puisqu'elle en est à l'origine, l'appelante reconnaît implicitement le bien-fondé de sa réclamation.

Bien que régulièrement assigné en intervention forcée, le liquidateur judiciaire de la société Vitassurance n'a pas repris l'instance ni les conclusions pour la société qu'il représente désormais.

Sur ce,

A titre liminaire il convient de relever que la procédure n'ayant pas été reprise par le liquidateur de la société Vitassurance, laquelle n'a dès lors pas déposé de conclusions en étant dûment représentée, aucune de ses demandes antérieurement présentées ne sauraient prospérer à hauteur d'appel.

La cour n'est donc pas saisie du chef de dispositif de l'ordonnance critiquée ayant déclaré irrecevable, et en tous cas mal fondée, l'exception d'incompétence territoriale qu'elle avait soulevée.

Sur la provision réclamée par la société Sixcentdouze à la société SPVIE

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En vertu de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

Au cas présent, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a retenu que dans les rapports entre les sociétés Sixcentdouze et Vitassurance, la société SPVIE a négligé une stipulation contractuelle claire et précise, dont elle a eu connaissance et dont ses services juridiques et comptables ont pu apprécier la portée, qu'elle devait appliquer ce mode opératoire et n'a pu valablement en conséquence imputer des reprises de commissions de précompte à la société Sixcentdouze.

La clause litigieuse est exempte de toute nécessité d'interprétation en ce qu'elle prévoit strictement et clairement que « concernant les reprises de commissions de précompte suite aux chutes des contrats vendus, celles-ci seront à la charge du cabinet Vitassurance ».

Il doit être au surplus relevé que la société SPVIE, dûment informée de la personne du débiteur des reprises de commissions de précompte en cas de chute des contrats telle que désignée dans le cadre de ces cessions, n'a jamais émis la moindre opposition concernant ce mode opératoire comme cela résulte des différents courriels versés aux débats par la société Sixcentdouze.

Il ressort en outre du courriel du 3 mars 2021 par lequel un salarié de la société SPVIE indiquait à la société Sixcentdouze effectuer un virement « correctif », dont il n'est pas contesté qu'il concernait une précédente cession de portefeuille comportant des modalités identiques entre les mêmes parties, que l'appelante avait dûment acquiescé à ces modalités dérogeant aux usages du courtage, de sorte qu'elle ne peut utilement invoquer l'effet relatif des contrats.

Si la société SPVIE élève par ailleurs une contestation sur le montant de la créance alléguée par la société Sixcentdouze, cette contestation apparaît toutefois de principe, en ce qu'elle n'est étayée par aucun élément, tandis que l'intimée verse aux débats le contrat de cession auquel est annexé la liste des clients constituant le portefeuille cédé, les bordereaux de commissions établis par la société SPVIE, notamment à compter du du 31 mars 2022, date de cette cession, et sur lesquelles figurent les reprises de commissions opérées et alors qu'en outre, l'appelante ne prétend pas que l'intimée détiendrait des clients placés chez elle autrement que par le biais des cessions intervenues entre la société Vitassurance et la société Sixcentdouze.

Il convient de ces conditions de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné la société SPVIE à payer à la société Sixcentdouze la somme de 88 274,77 euros, en ajoutant toutefois qu'il s'agit d'une condamnation provisionnelle, comme indiqué dans la motivation de la décision attaquée.

Sur les demandes à l'égard de la société Vitassurance en liquidation judiciaire

Il est constant qu'en cours de procédure, la société Vitassurance a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 5 septembre 2024, la société BTSG, prise en la personne de Maître [M] [T], étant désignée en qualité de liquidateur.

L'article L622-21 I du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective ' interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.'

Aux termes de l'article L. 622-22 du même code, les instance en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire (...) dûment appelé mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

L'instance en cours visée par cette disposition ne peut être que celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance, ce qui n'est pas le cas de l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision, compte tenu du caractère par nature provisoire d'une telle créance.

Il s'en déduit que la demande en paiement d'une provision se heurte à la règle de l'interdiction des actions en paiement édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce précité.

Dès lors, en application de cette règle d'ordre public, l'ensemble des demandes de provisions et de garantie sollicitées par les parties à l'encontre de la société Vitassurance doivent être déclarées irrecevables dans la présente instance de référé.

L'ordonnance querellée sera infirmée en ce sens.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de l'évolution de la procédure, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société SPVIE ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Sixcentdouze la charge des frais irrépétibles exposés. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme globale de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du 8 mars 2023 en ses dispositions critiquées, sauf en ce qu'elle a condamné la société SPVIE à payer à la société Sixcentdouze la somme de 88 274,77 euros et à ajouter qu'il s'agit d'une condamnation provisionnelle,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société Vitassurance,

Dit que la société SPVIE supportera les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société SPVIE à verser à la société Sixcentdouze la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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