CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 30 avril 2025, n° 21/01330
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Mutuelle des architectes français, Areas dommages
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseillers :
Mme Rouger, Mme Robert
Avocats :
Me Dessart, Me Attal, Me Dusan, Me Melmoux, Me Fliniaux, Me Conquet
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant contrat du 11 mai 2001, Mme [V] [I] épouse [F] a confié à M. [P] [L], architecte, une mission de maîtrise d''uvre complète pour l'édification d'une maison d'habitation à [Localité 14] (Aude), en front de mer avec adossement à la colline et réalisation d'une piscine.
Les travaux ont commencé le 15 novembre 2001, avec l'intervention notamment de la Sarl [K] pour le gros 'uvre-couverture-charpente, mais n'ont pas été réceptionnés.
Par ordonnance du 4 octobre 2005, le juge des référés, saisi par Mme [I], a ordonné une expertise et a désigné M. [Y] pour y procéder. M. [H] [C] a été désigné pour remplacer M. [Y] par une ordonnance du 19 septembre 2006.
L'expert a déposé son rapport le 26 avril 2007. Il y indique que la réception n'a pas été prononcée et que les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art, y compris pour la piscine et les façades malgré quelques défauts.
Par ordonnance du 12 mai 2009, le juge des référés a rejeté la demande de Mme [I] aux fins d'expertise complémentaire.
Par arrêt du 7 septembre 2010, la cour d'appel de Montpellier a ordonné une nouvelle expertise confiée à M. [H] [C] afin de vérifier l'implantation altimétrique de l'immeuble. Ce dernier s'est adjoint l'aide d'un sapiteur.
Le 30 mai 2011, Mme [V] [I] a refusé l'accès de l'immeuble au sapiteur, de sorte que la cour d'appel a demandé à l'expert de déposer son rapport en l'état.
L'expert a déposé son rapport le 22 novembre 2011.
Une nouvelle ordonnance de référé du 17 décembre 2014 a rejeté la demande présentée par Mme [I] aux fins de mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expertise destinée à vérifier l'implantation de l'immeuble.
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Par acte des 15 et 16 octobre 2014, Mme [V] [I] épouse [F] a fait assigner M. [P] [L], la Mutuelle des Architectes Français, la Sarl [K] et la Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de voir juger qu'il est nécessaire de procéder à la démolition de l'immeuble.
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Par jugement rendu le 12 avril 2018, le tribunal de grande instance de Narbonne, a, pour l'essentiel,
- constaté l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [K],
- donné acte au liquidateur de son intervention volontaire à l'instance,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Maf,
- déclaré inopposable à Mme [F] la clause imposant la saisine préalable de l'ordre des architectes et opposable celle qui exclut pour M. [L] les effets de la solidarité,
- rejeté les demandes de Mme [F] aux fins de démolition de l'immeuble et d'indemnisation des préjudices en résultant,
- fixé le coût des travaux d'achèvement de l'immeuble à la somme de 10 632,44 euros et dit que cette charge devait être répartie entre la société [K] et M. [L] à hauteur d'un tiers pour la première et de deux tiers pour le second,
- fixé en conséquence la créance de Mme [F] contre la société [K] à 3 544,14 euros et condamné in solidum M. [L] et la Maf au paiement de la somme de 7 088,29 euros,
- rejeté les demandes de Mme [F] pour le retard dans l'achèvement de l'immeuble, le dépassement du budget et le préjudice moral, dit que la Maf devait garantir son assuré sans pouvoir opposer une franchise à Mme [F] et dit que la CMAP-Areas n'était pas tenue à garantie.
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Saisie sur appel de Mme [F], la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 3 octobre 2019, a déclaré irrecevables les demandes présentées contre M. [L], faute de saisine préalable de l'ordre des architectes, fixé à la somme de 3 570 euros la créance de Mme [F] contre la société [K] au titre du préjudice de jouissance et confirmé le jugement pour le surplus.
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Mme [V] [I], a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 3 octobre 2019.
Par arrêt rendu le 4 mars 2021, la 3ème chambre de la Cour de cassation (n° 19-24.176) a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, mais seulement en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de Mme [F] tendant à voir juger qu'il est nécessaire de procéder à la démolition de l'immeuble et les demandes indemnitaires qui y sont liées, à titre principal ou subsidiaire,
- rejeté les demandes de Mme [F] contre la société Areas dommages au titre du contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile du chef d'entreprise,
- déterminé le coût des travaux de réparation des désordres et en a réparti la charge,
- condamné la Maf à payer à Mme [F] la somme de 7 088,29 euros et fixé la créance de Mme [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] à la somme de 3 544,14 euros,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] la créance de Mme [F] au titre du préjudice de jouissance et rejeté les demandes contre la Maf à cet égard,
- rejeté les demandes de Mme [F] au titre de la clause pénale et du préjudice moral, l'arrêt rendu le 3 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier,
L'arrêt a remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse, :
- en mettant hors de cause M. [L],
- en disant n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Mutuelle des architectes français et la société Areas dommages.
La Cour de cassation a, sur le premier chef de cassation, :
- rappelé que selon l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, en cas d'inexécution d'un contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts,
- constaté que pour rejeter la demande de Mme [F] tendant à voir juger qu'il était nécessaire de procéder à la démolition et la reconstruction de l'ouvrage et ses demandes pécuniaires formées en conséquence contre les assureurs respectifs de l'architecte et de l'entreprise, l'arrêt a relevé que les murs de l'immeuble et les parois de la piscine n'avaient pas été réalisés en béton banché comme prévu par le devis, mais en « agglo à bancher », et retenu que les ferraillages de la piscine ainsi que les murs à bancher de la maison avaient été exécutés conformément aux règles de l'art, même si le procédé constructif avait été modifié et, par motif adopté, que la substitution de matériau ne présentait aucun inconvénient.
Elle a jugé qu'en statuant ainsi, alors que l'ouvrage n'était pas conforme aux stipulations contractuelles, la cour d'appel, qui n'avait pas constaté que l'exécution de l'ouvrage était impossible, avait violé le texte susvisé.
Sur le second chef de cassation, la Cour de cassation a estimé qu'en ayant rejeté les demandes de Mme [F] contre la société Areas dommages au titre du contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile du chef d'entreprise au motif que l'article 10 b) des conditions générales de la police excluait de la garantie « les dommages résultant de l'inobservation consciente et délibéré ou inexcusable des règles de l'art applicables aux activités garanties » et que cette inobservation consciente et délibérée résultait en l'espèce de l'abandon du chantier par la société [K], la cour d'appel avait violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 par application de la clause d'exclusion de garantie à une situation qu'elle n'avait manifestement pas vocation à régir.
Sur la portée de la cassation, l'arrêt retient qu'elle entraîne celle des chefs de dispositif de l'arrêt d'appel se rattachant aux chefs cassés, par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, conduisant à la cassation, soit :
- celui qui détermine le coût de la réparation des désordres et en répartit la charge entre la société [K] et la Maf et ceux qui fixent la créance de Mme [F] contre la société [K] et condamnent la Maf à paiement, les demandes relatives à la reprise des désordres étant formées subsidiairement à celle qui concerne la démolition et la reconstruction de l'immeuble,
- ceux qui ont pour objet le préjudice de jouissance, en ce compris le rejet de la demande contre la Maf à cet égard, la demande s'y rapportant étant formée principalement en invoquant la nécessité de démolir et reconstruire l'immeuble et, subsidiairement, de procéder à la réparation des désordres,
- ceux qui portent sur la clause pénale et le préjudice moral, l'examen des demandes les concernant étant conditionné par la réponse à la demande de démolition.
Le 29 juin 2022, la Cour de cassation a rendu un arrêt rectificatif de l'erreur matérielle entachant l'arrêt du 4 mars 2021 dont le dispositif est entièrement maintenu mais auquel il est ajouté un premier chef qui casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 3 octobre 2019 en ce qu'il a : « dit que Mme [I]-[F], en qualité de maître de l'ouvrage, avait donné son accord à la modification de l'implantation de l'immeuble telle qu'exigée par la configuration du terrain puis avait accepté l'ouvrage tel qu'il avait été réalisé sous réserve des défauts allégués lors de la procédure de référé de l'année 2005», s'agissant d'une cassation par voie de conséquence.
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Par déclaration du 17 mars 2021, Mme [V] [I] a saisi la cour d'appel de Toulouse.
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Par arrêt du 23 janvier 2024, la cour d'appel de Toulouse a :
- ordonné la réouverture des débats,
- invité Mme [I] épouse [F] ou, à défaut, la partie la plus diligente, à faire désigner un administrateur ad hoc de la Sarl [K], dont les opérations de liquidation judiciaire ont été clôturées par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 26 septembre 2018 et à l'assigner en intervention forcée à la présente instance, avant le 15 mars 2024 sous peine de radiation de l'affaire,
- invité les parties à fournir toutes explications complémentaires sur l'application en l'espèce du principe de proportionnalité,
- dit que la présente procédure est renvoyée à l'audience du 24 juin 2024 à 14 heures pour y être plaidée,
- dit que la clôture de l'instruction de l'affaire interviendra le 11 juin 2024,
- réservé l'ensemble des demandes, frais et dépens.
La clôture est finalement intervenue par ordonnance du 21 juin 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2024 et prises au nom de Mme [V] [I] épouse [F], appelante, M. [X] [F], M. [G] [F], et M. [R] [F], intervenants volontaires, demande à la cour, au visa des articles L.152-4, L.133-2, L.132-1, R.132-1, L.612-4, R.212-2 du code de la consommation, des articles 1131, 1134, 1143, 1144, 1150, 1147, 1184 al. 2, 1149, 1203 anciens, 1792 et suivants du code civil, de l'article L.113-1 du code des assurances, ainsi que des articles 328 et suivants du code de procédure civile, de :
- prendre acte de l'intervention volontaire à l'instance de M. [X] [F], époux de Mme [I] ayant avec son épouse fait donation de la nue propriété du bien litigieux, M. [G] [F] et M. [R] [F], désormais nu-propriétaires.
- juger que ces interventions volontaires sont recevables et bien fondées,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 12 avril 2018 sauf en ce qu'il a :
' rejeté le moyen tiré de la prescription soulevé par la Maf,
' constaté que l'immeuble construit n'a pas fait l'objet d'une réception et que les parties ne sollicitent pas la fixation d'une réception judiciaire,
' dit que la Maf est tenue de garantir son assuré M. [L] sans pouvoir opposer une franchise contractuelle,
' débouté la Sarl [K] de sa demande reconventionnelle.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
À titre principal : un ouvrage non réceptionné et la demande de démolition reconstruction,
- juger irrecevable la demande de la Maf tendant à voir prononcer la réception judiciaire de l' ouvrage,
À défaut, débouter la Maf de sa demande tendant à voir prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage à la date de fin 2004 alors que l'ouvrage n'est pas en état d'être reçu,
- juger que les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux documents contractuels et au permis de construire,
- déclarer nulle et de nul effet à l'égard de Mme [F], au visa de l'ancien article R.132-2 du code de la consommation, la clause de Ccap insérée à l'article 8.1 si elle devait être interprétée comme permettant à l'entreprise de modifier unilatéralement les modalités constructives de l'ouvrage,
- juger que la Maf est tenue de garantir son assuré et qu'elle sera condamnée pour l'intégralité des sommes octroyées à Mme [F] sans pouvoir opposer le contenu des conditions générales, une franchise contractuelle ou un plafond de garantie,
Subsidiairement : Si une clause de la police Maf limitait la garantie accordée à M. [L], cette dernière serait jugée nulle car contraire à l'obligation d'assurer l'architecte pour toute son activité,
Si par extraordinaire la Cour devait faire application du plafond de garantie avec distinction des
dommages matériels et immatériels, elle devra juger que ce plafond de garantie pour les préjudices liés à la démolition-reconstruction s'élève à 3.278.701,65 euros,
- juger que la compagnie Areas Dommages est tenue de garantir son assuré et qu'elle sera condamnée pour l'intégralité des sommes octroyées à Mme [F] sans pouvoir opposer une clause d'exclusion de garantie, une franchise contractuelle ou un plafond de garantie,
- condamner la Maf et la compagnie Areas Dommages principalement chacune pour le tout (principe de l'indivisibilité des obligations), et subsidiairement in solidum, à verser à Mme [F] :
' la somme de 2.305.307,54 euros toutes taxes comprises, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 (point de départ au dépôt du rapport d'expertise et point d'arrivée au jour de la décision à intervenir) outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
principalement, sur le fondement des anciens articles 1143, 1144 et 1184 alinéa 2 du code civil,
Subsidiairement,
sur seul fondement de l'ancien article 1147 du code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice.
' la somme de 34.200 euros au titre du préjudice de jouissance résultant de la démolition reconstruction, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
Dans l'hypothèse où le chiffrage de l'expert au titre de la démolition-reconstruction susciterait une contestation,
- désigner tel expert avec pour mission de chiffrer le coût des travaux de démolition reconstruction et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
À titre subsidiaire : un ouvrage réceptionné et la demande de démolition-reconstruction,
- juger que le défaut d'implantation altimétrique et les autres non-conformités constituent des désordres cachés à la réception car non apparents dans toute leur ampleur et leurs conséquences au jour de la réception de l'ouvrage,
- déclarer nulle et de nul effet à l'égard de Mme [F], au visa de l'ancien article R. 132-2 du code de la consommation, la clause du CCAP insérée à l'article 8.1 si elle devait être interprétée comme permettant à l'entreprise de modifier unilatéralement les modalités constructives de l'ouvrage,
- juger que la Maf est tenue de garantir son assuré et qu'elle sera condamnée pour l'intégralité des sommes octroyées à Mme [F] sans pouvoir opposer le contenu des conditions générales, une franchise contractuelle ou un plafond de garantie,
Subsidiairement : Si une clause de la police Maf limitait la garantie accordée à M. [L], cette dernière serait jugée nulle car contraire à l'obligation d'assurer l'architecte pour toute son activité,
- juger que la compagnie Areas Dommages est tenue de garantir son assuré et qu'elle sera condamnée pour l'intégralité des sommes octroyées à Mme [F] sans pouvoir opposer une franchise contractuelle ou un plafond de garantie,
- condamner la Maf exclusivement et à défaut, la Maf et la compagnie Areas Dommages principalement chacune pour le tout (principe de l'indivisibilité des obligations), et subsidiairement in solidum, à verser à Mme [F]
' la somme de 2.305.307,54 euros toutes taxes comprises, somme à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 au jour de la décision à intervenir, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, sur le fondement des anciens articles 1143, 1144 et 1184 alinéa 2 et 1792 du code civil et subsidiairement sur le seul fondement de l'article 1792 du code civil,
' la somme de 34.200 euros au titre du préjudice de jouissance résultant de la démolition reconstruction, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
Dans l'hypothèse où le chiffrage de l'expert au titre de la démolition-reconstruction susciterait une contestation,
- désigner tel expert avec pour mission de chiffrer le coût des travaux de démolition reconstruction et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
À titre infiniment subsidiaire : sur la réparation des désordres,
- condamner la Maf et la compagnie Areas Dommages principalement chacune pour le tout, et subsidiairement in solidum, à verser à Mme [F]:
' la somme de 10.632,44 euros toutes taxes comprises avec actualisation sur le fondement de l'indice BT01 au jour de la décision à intervenir, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
' la somme de 4.750euros au titre du préjudice résultant des travaux de réparation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
En tout état de cause,
- condamner la Maf et la compagnie Areas Dommages, chacune pour le tout et subsidiairement in solidum, à verser à Mme [F] les sommes de :
' 361.000 euros + 22.800 euros = 383.800 euros au titre du préjudice avant travaux, somme à actualiser au jour de la décision à intervenir et avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
' 88.000euros au titre de la clause pénale liée au retard des travaux avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
' 50.000euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre application de la clause d'anatocisme,
- débouter en tout état de cause la Maf et la compagnie Areas Dommages de l'ensemble de leurs moyens, fins, prétentions et de leurs appels incidents,
- condamner la Maf et la compagnie Areas Dommages à verser à Mme [F] la somme de 50.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juin 2024, la Mutuelle des Architectes Français, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement, le cas échéant par substitution de motif, en ce qu'il a :
' rejeté les demandes de Mme [F] au titre de la démolition/reconstruction de l'ouvrage et des dommages en résultant,
' dit que Mme [F] avait donné son accord à la modification de l'implantation de l'immeuble telle qu'exigée par la configuration du terrain puis avait accepté l'ouvrage tel qu'il avait été réalisé sous réserve des défauts allégués lors de la procédure de référé de l'année 2005,
' prononcé la réception judiciaire de l'ouvrage à fin 2004, subsidiairement, au 23 août 2005 et débouté en conséquence Mme [F] de sa demande de démolition/reconstruction en raison d'un défaut altimétrique apparent et d'un matériau employé ne constituant pas un désordre matériel à l'ouvrage,
' débouter Mme [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la Mutuelle des Architectes Français,
Subsidiairement,
- débouter Mme [F] de sa demande d'indemnisation au titre de la démolition/reconstruction en application du principe de proportionnalité,
À titre plus subsidiaire,
- fixer le coût de la démolition/reconstruction à la somme maximum de 1.425.991,02 euros toutes taxes comprises,
- juger qu'aucune condamnation solidaire ou in solidum ne saurait être prononcée à l'encontre de M. [L] et de la Mutuelle des Architectes Français au regard de la clause d'exclusion de solidarité insérée dans le contrat de maîtrise d''uvre,
- juger que la demande au titre des pénalités de retard est exclue de toute garantie en application de la clause d'exclusion 2.33 des conditions générales,
En tout état de cause,
- juger que la garantie de la Mutuelle des Architectes Français se fera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise opposable aux tiers lésés ainsi qu'un plafond au titre des dommages immatériels non consécutifs d'un montant de 94.675,41 euros hors actualisation,
- juger par voie de conséquence que toute condamnation à l'encontre de la Mutuelle des Architectes Français ne saurait excéder ledit plafond de 94.675,41 euros,
À défaut,
- juger que toute condamnation au titre de la démolition/reconstruction (altimétrie et/ou absence de béton banché) ne saurait excéder le plafond pour les dommages matériels d'un montant de 946.754,13 euros,
- juger que toute condamnation au titre des dommages immatériels ne saurait excéder le plafond au titre des dommages immatériels consécutifs d'un montant de 378.701,65 euros,
En conséquence,
- limiter toutes condamnations de la Maf à hauteur de la quote-part de responsabilité personnelle de M. [L], et dans les limites du plafond de garantie,
- condamner subsidiairement Areas Dommages à garantir Maf des condamnations prononcées à son encontre,
- condamner Mme [F] à 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens que Maître Sylvie Attal pourra recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2024, la compagnie d'assurances Areas Dommages, intimée, demande à la cour, au visa des articles 578, 1142, 1143, 1147, 1792, 1184 et 1382 et suivants du code civil, de :
Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel / les demandes nouvelles de la Maf et de Mme [F],
- juger que la cour de cassation n'a pas cassé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en ce qu'il a confirmé le jugement, en ce qu'il a « constaté que l'immeuble n'a fait l'objet d'aucune réception et que les parties ne sollicitent pas la fixation d'une réception judiciaire »,
- juger qu'aucune partie n'a demandé l'infirmation du jugement sur ce point, y compris la Maf,
- juger que les demandes de la société Maf et la demande reconventionnelle de Mme [F] fondées sur la responsabilité décennale sont tardives et nouvelles, et donc irrecevables,
- juger que l'expert [C] ne considère pas que le bien serait impropre à l'usage, ce qui exclut la décennale,
- débouter la Maf et Mme [F] de leur demande,
Sur les demandes de Mme [F],
À titre principal,
- confirmer le jugement du 12 avril 2018 en ce qu'il a :
' dit que Mme [F], en qualité de maître de l'ouvrage, avait donné son accord à la modification de l'implantation de l'immeuble telle qu'exigée par la configuration du terrain puis avait accepté l'ouvrage tel qu'il avait été réalisé sous réserve des défauts allégués lors de la procédure de référé de l'année 2005,
' débouté Mme [F] de ses demandes tendant à voir juger qu'il est nécessaire de procéder à la démolition de l'immeuble et de toutes les demandes indemnitaires qui y sont liées, à titre principal ou subsidiaire,
' dit que la compagnie Cmap-Areas n'est tenue à aucune garantie s'agissant de la responsabilité contractuelle et déboute Mme [F] des demandes dirigées à son encontre,
- juger qu'il n'y a aucun manquement contractuel de la part de la société [K], assurée de la société Areas Dommages,
- juger que Mme [F] ne subit aucun dommage,
- juger que la démolition et reconstruction demandée par Mme [F] est disproportionnée par rapport aux désordres subis,
- débouter Mme [F] de sa demande d'indemnisation au titre de la démolition et reconstruction en l'état de l'application du principe de proportionnalité,
À titre subsidiaire,
- prononcer la mise hors de cause d'Areas dommages tenant les exclusions de garantie fondées sur la police responsabilité civile du chef d'entreprise,
- débouter en conséquence Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
À titre infiniment subsidiaire, Et si la garantie d'Areas était retenue,
- « juger » qu'il n'y a pas lieu de faire construire deux villas,
- ramener la demande indemnitaire de Madame [F] à plus juste proportion, soit à la somme de 1.425.991,02 euros, correspondant à l'évaluation de la reconstruction d'une villa,
- « juger » que les dispositions générales produites sont opposables,
Et si par impossible, la cour considérait qu'elles ne sont pas opposables,
- « juger » que Mme [F] n'établit pas que la garantie est acquise, faute de production des conditions générales, et donc la débouter de toutes ses demandes vis-à-vis d'Areas,
- « juger » que cette garantie ne peut s'appliquer aux préjudices immatériels,
- « juger » qu'il y a lieu d'appliquer les plafonds de garantie ainsi que la franchise contractuelle fixés aux conditions particulières du contrat et déclarer ces délimitations opposables à Mme [F], et notamment :
' « juger » qu'il y a lieu de prendre en compte le plafond de garantie à hauteur de 76.224,50 euros et la franchise contractuelle de 10 % du montant des dommages et déclarer ces délimitations opposables à la requérante concernant les préjudices immatériels non consécutifs,
' « juger » qu'il y a lieu de prendre en compte le plafond de garantie à hauteur de 457.347,05 euros pour les dommages matériels et immatériels consécutifs dans le cadre la garantie RC après livraison et la franchise contractuelle de 10 % du montant des dommages,
' « juger » qu'il y a lieu de prendre en compte la franchise contractuelle pour les dommages immatériels non consécutifs de 15 % des dommages avec un minimum de 5.000 francs, soit 765,24 euros,
- réduire à de plus justes proportions les pénalités de retard sollicitées au titre de la clause pénale,
- « juger » que cette garantie doit être limitée à la responsabilité de la Sarl [K], laquelle est partagée avec le maître d''uvre et ne saurait être supérieure à 10 %,
Dans tous les cas :
- condamner Mme [F] à verser à la compagnie Areas la somme de 8.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la requérante au paiement de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [F] aux entiers dépens,
- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.
Maître [T] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [K], intimé, n'a pas constitué avocat. Suivant acte d'huissier du 2 avril 2021, l'huissier de justice s'est rendu à l'adresse professionnelle de Maître [J] [B]. Maître [U] [A] successeur de Maître [J] [B] et exerçant au sein de la Selarl MJSA, a refusé de recevoir copie de l'acte de signification de la déclaration de saisine et de l'avis de fixation en indiquant que le dossier était classé depuis 2018 suivant clôture pour insuffisance d'actif.
Par un acte du 31 mai 2021, une assignation a été délivrée à la Selarl MJSA prise en la personne de Maître [U] [A] 'ès qualités de mandataire ad'hoc de la Sarl [K]'. Il est mentionné que la copie de l'acte a été remise en la personne d'une collaboratrice ayant déclaré être habilitée à recevoir l'acte.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
1. L'intervention volontaire à l'instance de MM. [X] [F], [G] [F], et [R] [F] est intervenue par les dernières conclusions une dizaine de jours avant la clôture. La société Areas évoque la tardiveté de ces interventions volontaires en soulignant que Mme [F] était depuis septembre 2019 uniquement usufruitière des parcelles issues de la division du terrain d'assiette de la construction litigieuse et de la maison d'habitation édifiée sur celles-ci et qu'ainsi, elle ne pouvait plus solliciter de demande de démolition/reconstruction, situation que la société Areas indique avoir dévoilée, expliquant ainsi les raisons pour lesquelles le devis de reconstruction produit par Mme [F] porte sur deux villas et non sur une reconstruction à l'identique. La cour n'est toutefois pas saisie dans le dispositif des conclusions de la société Area d'une demande tendant à voir prononcer l'irrecevabilité de ces interventions. Ces dernières doivent être jugées comme étant formellement recevables.
2. Si Mme [F] a déposé devant la cour le 27 février 2024 des conclusions de désistement partiel à l'encontre de la Sarl [K], il convient de constater que les dernières conclusions déposées en son nom ne reprennent pas cette demande dont la cour ne peut être considérée comme en étant saisie et ce, conformément aux dispositions de l'article 954 al. 4 du code de procédure civile. Force est toutefois de constater à la fois que le successeur de Maître [B] a été assigné le 31 mai 2024 en qualité de mandataire ad hoc de la Sarl [K] et n'a pas constitué avocat, aucune des parties ne demandant quoi que ce soit à celle-ci, les consorts [F] mentionnant, dans l'entête de leurs dernières conclusions datées du 13 juin 2024, Maître [T] [B] en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl [K] et ne mentionnant nullement la Selarl MJSA en qualité de mandataire ad hoc. Le présent arrêt sera rendu par défaut en raison des modalités d'assignation de Maître [B] et constatera l'intervention forcée de la Selarl MJSA.
3. Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi, il sera constaté que la déclaration d'irrecevabilité des demandes présentées à l'encontre de M. [L], architecte, faute de saisine préalable de l'ordre des architectes, est définitive à la suite du rejet du pourvoi portant sur cette disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier.
3.1. La disposition du jugement du tribunal de grande instance de Narbonne ayant rejeté le moyen tiré de la prescription soulevée par la société Maf concernant la demande pour dépassement de budget n'a donné lieu à aucune infirmation ni cassation et cette fin de non-recevoir n'est pas soutenue devant la cour d'appel de renvoi qui n'en est donc pas saisie.
3.2. La cour d'appel de Montpellier a, dans sa motivation, indiqué vouloir confirmer le jugement en ce qu'il a « constaté que l'immeuble n'a fait l'objet d'aucune réception et que les parties ne sollicitent pas la fixation d'une réception judiciaire » et, dans le dispositif, a confirmé le jugement à l'exception de diverses dispositions étrangères à la question de la réception. La Maf sollicite devant la cour d'appel de renvoi le prononcé d'une réception judiciaire de l'ouvrage. Cette demande n'a pas été déjà jugée, le dispositif du jugement de première instance ne comportant aucune disposition sur ce point. Le constat de l'absence de toute réception expresse ou tacite est en revanche définitivement jugé.
3.3. Bien que la Cour de cassation ait, dans l'examen du pourvoi, évoqué le rejet de la demande de Mme [F] aux fins de démolition de l'immeuble et de reconstruction, en analysant le caractère approprié à ce rejet de la motivation de l'arrêt d'appel en ne citant que la conformité des murs en agglo à bancher aux dispositions contractuelles, la cassation expresse en ce que l'arrêt a rejeté 'les demandes de Mme [F] tendant à voir juger qu'il est nécessaire de procéder à la démolition de l'immeuble et les demandes indemnitaires qui y sont liées, à titre principal ou subsidiaire,' oblige la cour de renvoi à rejuger l'affaire tant sur la portée des défauts d'altimétrie que de nature des matériaux utilisés.
4. Sur la recevabilité de la demande de réception judiciaire en appel, il est constant que Mme [F] a agi sur le fondement de la responsabilité contractuelle au soutien de sa demande principale de démolition/reconstruction en reprochant à l'architecte et à la société [K] de n'avoir pas respecté le contrat quant à l'implantation altimétrique de l'immeuble et quant à l'emploi de matériaux ayant servi à l'édification des murs de l'immeuble. La société Areas s'associe à la position de Mme [F] sur l'irrecevabilité de la demande aux fins de voir prononcer la réception judiciaire des travaux en raison de la nouveauté de la demande en appel et du non-respect de la concentration temporelle des demandes en appel. La Maf considère en réponse que la question de l'existence ou non d'une réception, conditionnant en l'espèce la recevabilité et le bien fondé des prétentions de Mme [F], est constitutif d'un moyen de défense au fond visant au rejet de la demande.
4.1. Il sera tout d'abord rappelé que le tribunal de grande instance de Narbonne n'ayant pas tranché la question de la réception judiciaire dont il n'était pas saisi, il ne peut être fait reproche à la Maf de n'avoir pas sollicité l'infirmation du jugement sur ce point dans les conclusions déposées en appel. Aucune autorité de la chose jugée ne peut être opposée à cette demande contrairement à ce que prétend Mme [F].
4.2. Selon l'article 564 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
4.2.1. Il est constant que le tribunal a constaté qu'il n'était saisi d'aucune demande de réception judiciaire. La nouveauté de cette demande est incontestable en appel. Le fait d'avoir initialement sollicité en appel la confirmation du constat du tribunal selon lequel aucune réception n'était intervenue ne concerne que le constat de l'absence de réception conventionnelle des travaux. Ce constat ne peut rendre par lui-même impossible la demande d'une réception judiciaire supposant, par définition, que la réception conventionnelle n'a pas été faite, expressément ou même tacitement.
4.2.2. Il est de principe qu'une demande tendant au prononcé de la réception judiciaire des travaux poursuit les mêmes fins que la demande, formée contre l'assureur en responsabilité décennale, tendant au versement d'une indemnité en réparation de dommages relevant de l'article 1792 du code civil et entre dans les prévisions de l'exception prévue à l'article 565 du code de procédure civile à la règle de l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel (3e Civ., 17 septembre 2014, n° 13-22.536). En l'espèce, la société Maf qui était défenderesse à une action engagée contre elle sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'assuré et qui est désormais intimée, recherche par la demande de réception judiciaire présentée en appel à voir constater la purge par l'effet de cette réception, des désordres apparents et non réservés quel que soit le fondement envisagé (responsabilité contractuelle de droit commun ou garantie décennale) de sorte que cette demande tend bien aux mêmes fins qui visent à voir écarter les prétentions adverses. Cette prétention ne peut donc être déclarée irrecevable en raison de sa nouveauté en appel.
4.3. Selon l'article 910-4 du code de procédure civile en sa rédaction applicable au litige, 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'. Pour répondre à ce moyen d'irrecevabilité soulevé par Mme [F], la société Maf soutient que s'agissant d'un simple moyen de défense au fond, il peut être soulevé en tout état de cause dans le cadre de l'instance en cours. La cour rappelle que la demande de réception judiciaire est une prétention et que si celle-ci vient au soutien d'un moyen de défense visant au rejet des demandes formées contre son auteur, elle n'en reste pas moins une prétention qui pour n'être pas nouvelle en appel ainsi qu'il vient d'être jugé, doit être présentée dans le délai prescrit par l'article 910-4 précité étant précisé que le principe de concentration des demandes doit s'appliquer en considération des premières conclusions devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé et qu'il n'est justifié en l'espèce d'aucune des exceptions prévues à l'article précité. Par voie de conséquence, la cour ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande tendant à voir prononcer la réception judiciaire, présentée pour la première fois devant la cour d'appel de renvoi et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité de cette prétention (qualité à agir de l'assureur, estoppel).
5. Sur la recevabilité de la demande formée Mme [F] à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité décennale de la société [K], la société Areas considère que 'cette demande nouvelle est là encore manifestement irrecevable'. La cour relève qu'il s'agit d'abord d'un moyen et non d'une demande nouvelle de sorte que les irrecevabilités respectivement prévues par les articles 564 et 910-4 du code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer et, ensuite, que cette responsabilité n'est recherchée sur ce nouveau fondement qu'à titre subsidiaire dans l'hypothèse où la demande de réception judiciaire serait déclarée recevable et accueillie au fond, justifiant ainsi le droit pour Mme [F] de répliquer au fond. La demande de réception judiciaire ayant été déclarée irrecevable, la demande subsidiaire et son fondement alternatif sont devenus sans objet.
- Sur le fond :
6. Il est constant que Mme [V] [F] a confié à M. [L] une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'une maison à usage d'habitation.
La société CEBTP, chargée de l'étude de sol, à la demande de M. [L], précise que le projet envisagé prévoyait la construction de deux villas sur un site situé à flanc de colline, sur des parcelles décrites sur le plan topographique de la manière suivante : 'le terrain en amont (parcelle [Cadastre 5] présente une pente vers l'Est importante, côté aval, il est limité par un mur de soutènement de la route. Le terrain en aval (parcelle [Cadastre 6]), est constitué par une bute de sable située environ 3m plus haut que la [Adresse 16], on peut y observer des vestiges anciens de béton d'une ancienne construction'. Il est ajouté : 'le projet prévoit la construction sur la parcelle en amont d'une villa de type R+1, sur vide sanitaire avec garages mitoyen au bâtiment existant au nord Est. Sur la parcelle en aval, il est prévu de réaliser une villa de type rez-de-chaussée au niveau de la [Adresse 16]. À ce stade de l'étude, le projet n'est pas encore défini quant à sa structure'. Evoquant la parcelle n° [Cadastre 6], ce rapport précise 'cette parcelle nécessite des terrassements importants pour arriver à la cote du niveau de la rue'.(pièce n° 14 du dossier de Mme [F]). Le projet finalement réalisé consiste en une villa édifiée sur deux niveaux,
Dans la notice descriptive jointe à la demande de permis de constuire, il est indiqué : 'Cette parcelle accessible par sa façade ouest domine la plage et possède une vue panoramique exceptionnelle. Afin de préserver les vues des parcelles situées sur le côté opposé de la voie, l'implantation du futur projet sera réalisé en partie basse de la parcelle. Celui-ci épousera la pente du terrain naturel.
L'accès depuis la [Adresse 16] desservira l'accès piéton, les garages et parkings. L'accès existant en partie basse sera conservé et desservira un garage à usage de stockage divers et planche à voile' (pièce n° 13 du dossier de Mme [F]). L'avis de valeur locative donné par un agent immobilier le 6 mai 2021 décrit l'ouvrage réalisé comme une villa d'une surface habitable de 200 m² environ composée d'un rez-de-chaussée élevé d'un étage sur un terrain de 1 189 m², le premier niveau comportant également des terrasses et deux garages avec entrée [Adresse 17] et le second niveau dit 'bas' avec accès par escalier intérieur et notamment un garage accessible par la 'rue arrière', jardin et coursives. Il est mentionné l'existence de 'prestations de qualité, finitions soignées' et piscine avec double accès en rez-de-chaussée côté mer et à l'étage, 'vue mer' en 'situation exceptionnelle, la plage étant à proximité à 15 m environ du portail bas d'entrée' (pièce n° 51 du dossier de l'appelante).
7. Mme [F] a saisi le tribunal de grande instance de Narbonne d'une demande de démolition de l'immeuble et de reconstruction conformément aux documents contractuels, au permis de constuire et aux règles de l'art, spécialement quant à l'implantation de l'ouvrage et au matériau utilisé pour la construction de murs. Le tribunal a rejeté ces demandes en se fondant sur le rapport de l'expert judiciaire faisant état de l'existence de nombreuses adaptations réalisées qui ne sont plus susceptibles d'entraîner une réaction de l'autorité administrative, qui n'entraînent aucune conséquence réelle pour le maître de l'ouvrage, l'immeuble étant apte à sa destination, et qui répondaient à des modifications demandées par Mme [F] qui a pris possession des lieux sans autres réserves que celles ayant motivé la première procédure de référé. Il est ajouté que le problème de la surélévation de l'immeuble n'a été soulevé que cinq ans plus tard. Le tribunal a par ailleurs considéré que la réalisation des murs en agglo à bancher au lieu du béton banché relevait des mêmes observations et n'avait entraîné à la date du jugement soit 14 ans plus tard aucune conséquence notée par l'expert et par l'ingénieur en béton armé consulté par le maître de l'ouvrage, les règles de l'art ayant été respectées.
8. L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, disposait que « la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ». L'article 1143 du même code, également dans sa rédaction applicable au litige, prévoyait que « le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu ».
9. La cour de renvoi rappelle que l'absence de toute réception expresse ou tacite de l'ouvrage est définitivement acquise. Il est constant que la convention passée entre les parties est un contrat de louage d'ouvrage de droit commun pour la construction d'un immeuble à usage d'habitation ne relevant pas des dispositions particulières applicables aux contrats de construction de maison individuelle ni de celles applicables aux ventes d'immeubles à construire.
- le défaut de conformité de l'implantation altimétrique de l'ouvrage :
10. Lors de la première mission d'expertise confiée par le juge des référés à M. [C], ce dernier a relevé que 'pour une meilleure adaptabilité au sol, une partie du sol du garage a été descendue par rapport à la partie latérale et à la partie située au fond du garage [...] il n'y a aucun escalier qui a été aménagé pour pouvoir accéder à la partie latérale droite ou la partie du fond du garage qui elle-même donne accès à l'escalier qui donne accès au premier niveau'. Suite à un complément d'expertise ordonné par la cour d'appel de Montpellier, alors saisie d'un recours contre une décision de référé ayant rejeté une demande de contre-expertise, M. [C] a examiné l'implantation altimétrique générale de la villa. Dans son second rapport, l'expert judiciaire a considéré que le plan topographique réalisé par le Cabinet Geaude le 7 mai 2008 n'était pas contradictoire et a sollicité la consignation d'une provision supplémentaire en vue de la désignation d'un sapiteur. Mme [F] l'a versée mais l'expert a évoqué le refus de cette dernière de laisser à celui-ci l'accès de son domicile, le rapport étant déposé en l'état à la demande de la juridiction.
10.1. En tout état de cause, l'expert, reprenant son constat initial du niveau supérieur du garage situé au dessus du niveau du trottoir de la rue face à la construction et y ajoutant celui du caractère supérieur en hauteur du niveau du parking par rapport à celui de la rue, a considéré que toutes les autres cotes altimétriques de la construction découlent de ces deux niveaux et qu'il 'est évident qu'il y a effectivement des erreurs de report de ces cotes sur les plans de la construction'. Il précise : 'nous voyons sur ces deux coupes, sur la droite, une pente très importante pour pouvoir accéder de la [Adresse 16] au garage ainsi qu'au parking situé devant la porte d'entrée. La configuration actuelle des lieux est l'inverse. Ces deux niveaux sont supérieurs à la [Adresse 16] ce qui paraît être une adaptation tout à fait logique. En effet, ce qui figure sur le permis de construire laisse présager une pente très importante avec de grandes difficultés pour sortir du garage et accéder à la [Adresse 16]. La réalité de la construction actuelle provient à notre avis d'une adaptation faite sur site par rapport à ces coupes d'origine. Nous avons noté au cours des différents accédits et comme ceci est visible également dans notre rapport que nous avons déposé le 26 avril 2007, qu'il y a eu de nombreuses notes manuscrites de Monsieur et Madame [F] directement adressées à l'architecte ou aux entreprises. Il a bien été indiqué que de grandes modifications ont été apportées au niveau de la construction par rapport au plan, au cours de la réalisation, et notamment dans le salon au niveau de la position de la cheminée, des volumes supplémentaires ont également été créés. Tout ceci pour indiquer que de nombreuses adaptations ont été réalisées sur cette construction, la plupart provenant certainement du Maître d'ouvrage et certaines de l'architecte'. M. [C] précise plus loin : 'C'est l'expert de Monsieur et Madame [F] qui au cours d'une analyse très poussée de la construction a découvert des erreurs entre les plans qui auraient été produits et la réalisation'.
10.2. S'il n'existe pas de mesures contradictoirement établies, le rapport de M. [D] et les constats d'huissier produits par Mme [F] démontrent à tout le moins des différences objectivées par la création non prévue de marches d'escalier en nombre supérieur pour accéder à la terrasse couverte en rez-de-jardin ou en différents autres endroits de l'immeuble et que, du fait de la surélévation de l'implantation altimétrique des plots de fondation, l'emprise du garage avant situé en contrebas a été réduite. L'expert judiciaire a constaté que les têtes de pieux pour les fondations sont trop hautes par rapport au sol naturel et apparaîssent en surface, évoquant un 'défaut de dimensions du bâtiment par rapport au plan (à vérifier)'. La surélévation du garage Nord n'est pas contestée.
10.3. Il ressort indubitablement de ces éléments que l'altimétrie de l'ouvrage prévue au permis de construire n'est pas celle résultant des travaux réalisés. L'imputabilité de ces modifications est discutée.
10.3.1. Il ressort d'une télécopie adressée par M. et Mme [F] sur un papier à leur entête et datée du 3 avril 2004 (Pièce 24-12 en annexe au rapport de M. [C]) que le maître de l'ouvrage a dressé une liste de 12 points à l'intention de l'entreprise [K] dont le point 3 : 'Dalle entrée garage selon plan envoyé précédemment - OK Transformations par suppression d'ouvrages soutenant route + plancher remplacé par dalle, décidée sur chantier par vous même et entreprise [K] pour raisons techniques - Vu', les autres points portant pour la plupart sur des modifications non négligeables (ouvertures supplémentaires dont une porte d'accès sur le mur latéral, suppression d'une fenêtre de la cave, hauteur surélevée du mur piscine). La pièce n° 24-13 qui la suit, à savoir une télécopie adressée à M. [K], laisse apparaître une tension liée à l'information de l'entreprise relativement aux modifications intervenues ou à des questions du maître de l'ouvrage et se termine par le passage suivant : 'Pour les travaux supplémentaires que nous vous avons demandés, ils sont visibles, et vous pouvez compter sur notre bonne foi - nous n'avons pas l'habitude de nous soustraire à nos engagements' (souligné dans le texte). Le courrier du 30 septembre 2004 adressé à l'architecte demande à ce dernier de vérifier les dimensions des pièces en partie sud 'ch2' car 'il apparaît qu'il y a une différence par rapport à vos plans'.
10.3.2. Certes, ces pièces démontrent une présence attentive et active du maître de l'ouvrage au cours du chantier, se caractérisant par des avis, accords ou discussions sur divers aspects du chantier mais ne révèlent aucun accord de Mme [F] sur l'altimétrie de l'ouvrage réalisé, cela d'autant que l'expert judiciaire lui-même indique que les erreurs litigieuses ont été découvertes par un expert conseil du maître de l'ouvrage après une analyse 'très poussée' des plans. En l'absence de réception du chantier, fait qui s'impose à la cour de renvoi par l'effet de la chose jugée, les défauts de conformité contractuelle apparents notamment dans leurs conséquences pratiques pour l'usage de l'ouvrage, ne peuvent être couverts et peuvent être invoqués dans la limite du délai de prescription de l'action dont dispose le maître de l'ouvrage pour les faire sanctionner selon le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun. À défaut d'accord prouvé sur la modification du contrat initial, en l'espèce borné par le permis de construire et les devis initiaux acceptés, relativement à l'altimétrie de l'ouvrage, la non-conformité alléguée ne peut qu'être constatée. Le courrier précité du 3 avril 2003 est à cet égard insuffisamment précis sur ce point. Dans ses dernières conclusions, Mme [F] indique que s'il est exact qu'elle a demandé à ce que le niveau du seuil du garage soit rabaissé au niveau du terrain naturel et ce, conformément aux documents contractuels et au permis de construire, elle affirme n'avoir pas autorisé ni demandé aux constructeurs de modifier par surélévation l'implantation altimétrique générale du bâtiment d'habitation et la réalisation du garage sur deux niveaux. Ce dernier point n'est contredit par aucune pièce du dossier mais seulement par la remarque de l'expert judiciaire selon laquelle il lui apparaîssait inconcevable que le maître de l'ouvrage n'ait pas donné son accord à une telle modification, appréciation insuffisante à caractériser l'accord du maître de l'ouvrage sur le principe et les modalités de cette modification importante. Il n'est pas plus démontré une immixtion de Mme [F] qui n'est pas une professionnelle de la construction dans la réalisation des travaux dont les évolutions litigieuses auraient dû donner lieu à une demande préalable de modification du permis de construire que l'architecte aurait dû conseiller au maître de l'ouvrage. Le défaut de conformité contractuelle est donc établi.
- le défaut de conformité lié à l'absence de réalisation des murs en béton banché:
11. L'expert judiciaire a précisé dans son rapport : 'il nous a été indiqué que les murs de la construction n'ont pas été réalisés en béton banché comme prévu à l'origine sur le devis. L'architecte Monsieur [L] ainsi que l'entreprise [K] nous a indiqué que cette entreprise ne possédait pas des banches et c'est la raison pour laquelle il a été réalisé des murs en aqglo à bancher'. Le devis du 5 mars 2002 prévoit que les murs seront 'en banché de 020m d'épaisseur sur la hauteur du rez de jardin' ainsi que 'sur la hauteur du bassin' de la piscine. Il est précisé aussi 'Réalisation de maçonneries en blocs d'agglomérés creux en béton épaisseur 020 hourdés au mortier de ciment pour façades et refends' (piece 48, p.3, 4 et 7 et pièce 49 du dossier de l'appelante).
11.1. Il est constant qu'au vu de la notice descriptive du dossier de permis de construire que la maison projetée devait être constuite en 'matériaux traditionnels'. Il résulte des pièces produites au dossier que le béton banché est du béton armé coulé entre deux éléments de coffrage et que le bloc à bancher est un coffrage creux préfabriqué en usine à remplir de béton à bancher, le coffrage usiné restant sur place et faisant partie intégrante du mur à la différence des banches qui sont ôtées à l'issue des opérations (pièces n° 14 et 15 du dossier Maf). Il s'agit donc d'une différence de procédé constructif et non de nature de matériau. Dans un article spécialisé produit par Mme [F] à propos d'un amendement au DTU en 2012, il est précisé à propos de cette introduction tardive du procédé litigieux : 'Les blocs de coffrage sont fréquemment employés sur nos chantiers depuis une trentaine d'années. Ils sont très régulièrement utilisés pour la réalisation de murs de soubassement et permettent de se dispenser des banches. Il semblait donc logique que les blocs de coffrage, ou bloc à bancher, fassent l'objet d'une introduction dans le domaine traditionnel et relèvent plus, en tout cas pour certaines utilisations, de la procédure d'Avis technique. La publication de la norme européenne NF EN 15435 pour les blocs de coffrage en béton de granulats courant et légers a ouvert la voie au marquage CE de ces produits. Il aurait été logique que cette technique fasse l'objet d'un DTU propre, elle se situe à mi-chemin entre la maçonnerie et les voiles en béton armé' (pièce n° 58-3 du dossier de l'appelante).
11.2. En l'espèce, les deux procédés ont été prévus à des endroits distincts
et, répondant à un courrier de M. [F], l'ingénieur conseil consulté durant le chantier par l'entreprise [K] a précisé le 30 mars 2005 que s'il n'a pas été informé du changement de mode de construction sur ce point de la piscine, l'utilisation de blocs à bancher pour les murs enterrés de la villa lui avait été signalée par M. [K] avec communication du ferraillage mis en oeuvre dans les parois et le radier de la piscine 'sous sa propre initiative' et que s'agissant des parois, ce ferraillage est apparu après calculs comme étant suffisant pour résister aux poussées hydrostatiques auxquelles les parois sont soumises, le ferraillage indiqué sur le plan établi par cet ingénieur conseil pour le radier de la piscine ayant été respecté.
11.3. Il résulte des constatations qui précèdent que si les procédés constructifs peuvent être considérés comme équivalents quant à leur rôle à savoir contenir le béton et lui donner une forme, ils sont différents dans leur champ d'application (pièce 58-3 précitée) et leur coût (pièce 58 - Gedimat - du dossier de l'appelante).
11.4. Contrairement à ce que soutient la société Maf, l'article 8.1. du Cahier des Clauses Administratives Particulières ne crée pas au bénéfice de l'entreprise une faculté de substitution de matériaux mais en précise la portée au regard d'un marché à forfait en indiquant 'Tout changement de matériaux du fait de l'entreprise et entraînant des frais supplémentaires sera pris en compte par cette dernière'.
11.5. Il suit de ces constats que cette modification qui n'a fait l'objet d'aucun accord du maître de l'ouvrage, constitue un défaut de conformité contractuelle peu important que les règles de l'art aient été respectées pour la mise en oeuvre de ce procédé.
- sur la demande en réparation des défauts de conformité contractuelle :
12. Le maître de l'ouvrage peut demander et obtenir la démolition et la reconstruction d'un ouvrage non conforme, sans que puissent lui être opposés l'absence de préjudice ou le fait que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination, dès lors du moins que dans les termes du droit commun, il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. Tout d'abord, l'arrêt rendu par la Cour de cassation et à l'origine du renvoi devant la cour de ce siège n'écarte pas expressément le principe de la proportionnalité effectivement inscrit dans le code civil par l'Ordonnance du 10 février 2016 et n'a pas cassé l'arrêt d'appel pour avoir fondé sa décision sur ce principe mais pour avoir retenu d'autres motifs impropres à justifier le rejet de la demande de Mme [F]. Cet arrêt de cassation a classiquement rappelé à cette occasion qu'en application de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, en cas d'inexécution d'un contrat, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts.
Il ne s'est donc pas prononcé sur la question du contrôle de proportionnalité qui ne lui était pas soumise.
12.1. La société Areas ayant soulevé cette question devant la cour de renvoi, les parties ont été invitées, par arrêt avant dire droit du 23 janvier 2024 à s'expliquer sur le principe énoncé par l'arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2023 (Civ. 3ème, n° 22-10.884) et selon lequel, le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent, que celle-ci soit présentée au titre d'une demande d'exécution forcée sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l'article 1221 du même code, ou sous le couvert d'une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.
12. 2. Pour s'opposer à l'application de ce principe aux faits de l'espèce, Mme [F] qui qualifie cet arrêt de revirement de jurisprudence ne reposant pas sur une base légale et n'ayant aucun caractère d'ordre public, soutient que les parties en ont écarté expressément l'application en se référant dans le marché passé avec la société [K] à une clause de la norme NFP 03.001 prévoyant que le maître de l'ouvrage peut, sur proposition du maître d'oeuvre, exiger les démolitions, corrections, reprises nécessaires à l'exécution exacte du marché sans préjudice d'une part des réfections qu'il pourrait exiger sur le montant du marché si ces démolitions, corrections, reprises entraînent une diminution de la qualité finale des ouvrages, et d'autre part, de toute autre incidence, notamment sur les travaux des autres entrepreneurs. La cour relève que l'article 11.2.1. de la norme précitée ne fait que rappeler le droit applicable en cas de méconnaissance des régles relatives à l'inexécution du contrat au rang desquelles figure la non conformité aux stipulations contractuelles sans pour autant apporter des dérogations aux principes applicables à leur mise en oeuvre.
12.3. Mme [F] oppose par ailleurs l'atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime que causerait l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle. Toutefois, il sera constaté que l'arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la Cour de cassation ne mentionne aucune réserve quant à l'application dans le temps du principe qu'elle dégage et qui ne fait d'ailleurs qu'unifier l'office du juge en matière de contrôle de proportionnalité, sollicité en défense à une demande tendant, quel qu'en soit son fondement, à la démolition-reconstruction d'un ouvrage, tout en maintenant l'appréciation souveraine des juges du fond en matière d'indemnisation, après exercice d'un tel contrôle. Depuis un arrêt du 17 novembre 2021 (n° 20-17.218, publié au Bulletin), la Cour de cassation avait d'ailleurs admis le contrôle de proportionnalité lorsque la demande de démolition-reconstruction est présentée sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil. Un contrôle de l'absence de disproportion manifeste est en outre désormais exigé, s'agissant des demandes d'exécution en nature, par l'article 1221 précité et entré en vigueur deux ans avant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Narbonne de telle sorte qu'une évolution de la jurisprudence qui n'est pas en soi soumise au principe de non-rétraoactivité, n'était en l'espèce nullement imprévisible et ne pouvait ainsi priver Mme [F] de son droit à un procès équitable.
12.4. Mme [F] oppose aussi la mauvaise foi des constructeurs. La cour rappelle que la seule méconnaissance d'une obligation contractuelle à l'origine de la demande de destruction-reconstruction formée par le maître de l'ouvrage est insuffisante à caractériser un motif de nature à écarter l'application du principe de proportionnalité. Il ne ressort nullement des éléments du dossier que tant l'architecte que l'entrepreneur titulaire du gros-oeuvre n'aient pas respecté le contrat dans un souci d'économie, la faute lucrative invoquée par Mme [F] et qui suppose un enrichissement aux dépens du maître de l'ouvrage n'étant pas rapportée.
La circonstance selon laquelle un expert mandaté par Mme [F] a indiqué que les constructeurs avaient, par la surélévation des niveaux de planchers et donc de l'immeuble par rapport au terrain naturel, gagné 'considérablement en confort de travaux puisqu'ils n'ont pas eu à subir des effondrements de fouille en présence d'un terrain constitué d'une dune' est hypothétique et il n'est nullement démontré que l'économie en 'terrassements généraux pour encaisser les pieux, massifs, longrines, 50 % de la section de plancher' ait été faite au détriment financier du maître de l'ouvrage, aucune estimation chiffrée et contradictoirement établie de cette prétendue économie frauduleuse n'étant produite au dossier. Il sera spécialement rappelé que le sapiteur désigné pour approfondir la question de l'altimétrie générale de l'ouvrage par la prise de mesures n'a pu accomplir sa mission du fait de Mme [F] et que la juridiction mandante a dû consécutivement inviter l'expert à déposer son rapport en l'état. Il sera également relevé qu'il n'existe aucun élément chiffré de nature à établir une volonté de dissimulation ou de fraude de l'entrepreneur dans le choix du procédé constructif concernant certains murs de l'ouvrage.
12.5. Il sera, à cet égard, spécialement relevé que les manquements litigieux se sont inscrits dans le contexte d'un projet remanié à plusieurs reprises avec un dépassement de 19 % pour le lot 'gros oeuvre' et de 9 % pour le total du marché initial passé avec l'entreprise [K] (page 52 du rapport d'expertise judiciaire). L'expert ajoute : 'Il est évident que les acteurs principaux dans cette construction c'est à dire l'architecte et les différentes entreprises auraient dû, au fur et à mesure des changements nombreux et modifications de programmes demandés soit par les Bâtiments de France au niveau du changement des toitures tuiles en toiture terrasse soit par Monsieur et Madame [F], effectuer des devis et les faire accepter avant de procéder à l'exécution des travaux. Monsieur [K] et Monsieur [L] ont indiqué lors des précédents accédits que compte tenu de l'éloignement de Monsieur et Madame [F] et de l'avancement rapide des travaux, il était très difficile de pouvoir établir tous ces devis et d'attendre les accord correspondants. Monsieur [K] indique qu'il n'aurait jamais pu réaliser ces travaux dans ces conditions, il aurait été constamment obligé d'arrêter son entreprise' (page 53 ibidem). Ce constat est à mettre en relation avec les télécopies précédemment évoquées et illustrant la tension générée par des modifications importantes et l'urgence signalée à conduire le chantier jusqu'à son terme. Le seul manquement à l'obligation d'information et de conseil des constructeurs, spécialement dans un tel contexte, ne peut à lui seul caractériser un motif pour écarter l'application du principe de proportionnalité.
12.6. Il suit du tout, et particulièrement des éléments recueillis contradictoirement au cours de l'expertise judiciaire, que la sanction des non-conformités contractuelles litigieuses dont l'existence a été en l'espèce constatée, qu'elle soit sollicitée en nature ou par équivalent, doit être soumise au contrôle de proportionnalité.
13. La cour doit ainsi procéder à une appréciation concrète de la proportionnalité entre la gravité du manquement telle qu'elle ressort des constatations qui précèdent et le dommage effectivement subi par Mme [F] pour l'examen de sa demande de démolition-reconstruction et il sera rappelé à cet effet, que si le juge estime le coût réclamé disproportionné, il appréciera alors souverainement, en considération des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, le montant des dommages et intérêts dus, dans le respect du principe de réparation sans perte ni profit pour la victime.
13.1. En l'espèce et à titre principal, la demande de démolition et reconstruction porte sur l'ensemble de l'ouvrage pour une valeur chiffrée de 2 305 307,54 euros Ttc à actualiser en fonction de l'indice BT01 à compter du rapport d'expertise judiciaire outre intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci et sur l'indemnisation du trouble de jouissance résultant de cette démolition-reconstruction avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et application de la 'clause d'anatoscisme'.
13.2. La cour relève d'abord que M. et Mme [F] ont occupé depuis la fin des travaux en 2004, même à titre de simple résidence secondaire, un immeuble qui était conçu pour être implanté sur un terrain en forte déclivité imposant nécessairement et quelles que soient les données altimétriques de l'ouvrage, des aménagements à base d'escaliers.
Les modifications altimétriques qui n'ont été repérées qu'après l'analyse 'très poussée' par l'expert conseil de Mme [F] n'ont pas entraîné de conséquences majeures dans la jouissance globale de l'immeuble. Il n'échappe certes pas à la cour que Mme [F] souffre d'un handicap visuel consistant en une cécité totale de l'oeil droit, secondaire à l'évolution d'une myopie maligne, entraînant notamment une absence totale de la vision en relief et une perte partielle de la vision des contrastes. Le rapport de l'expert opthalmologue consulté unilatéralement par Mme [F] précise que la patiente présentait il y a quinze ans, un handicap visuel quasiment identique à celui constaté au jour de l'examen en indiquant : 'On peut donc légitimement penser que le projet de créer un plain-pied au rez-de-chaussée au moment de la construction (2001 et permis de construire du 28 mai 2002) répondait à une nécessité vis à vis du handicap visuel de Mme [F]. La configuration actuelle de son rez-de-chaussée, sur plusieurs niveaux, représente donc pour la patiente un environnement inadapté sur le plan ophtalmologique' (pièce 38 de l'appelante). Par courrier du 2 février 2007, le conseil de Mme [F] écrivait à l'expert judiciaire que sa cliente était d'accord 'pour que soient achevés les ouvrages qui restent à exécuter par l'entreprise [K]'.
À cette date, était déjà connue la nécessité d'aménager un escalier au fond du garage sur la partie droite correspondant à un palier intermédiaire imposé par la modification altimétrique pour rejoindre un escalier donnant accès au premier niveau. Elle était déjà mentionnée dans l'assignation en référé du 24 août 2005 en citant parmi les défauts constatés : 'l'oubli de réalisation d'un escalier entre la partie basse du garage et le niveau bas de l'escalier permettant d'accéder à la partie habitable'. La création de cet escalier pour accéder au niveau + 66 cm a été chiffrée par l'expert à 400 euros. Ensuite, la différence entre les plans et la situation créée par les travaux, d'environ 1,03 m pour le dallage du parking et de 0,99 m pour le dallage du garage donnant [Adresse 16], a été présentée par l'expert judiciaire comme évitant des pentes assez importantes pour accéder à la maison. Il s'agit donc d'une aggravation relative d'un inconvénient inhérent au projet architectural souhaité par le maître de l'ouvrage sur un tel terrain alors qu'il souffrait déjà de troubles affectant la perception des dénivelés. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet aspect soit entré dans la champ contractuel étant souligné par Mme [F] qu'il s'agissait d'un même immeuble composé de deux parties communiquantes et non de deux villas distinctes.
13.3. Il résulte ensuite des constatations qui précédent sur les modalités constructives litigieuses qui ne portent que sur une partie limitée de l'ouvrage, que la solidité de la structure n'en est pas affectée et que l'immeuble n'a subi aucun désordre en lien de causalité avec ce défaut de conformité en près de vingt ans. La paroi de la piscine, en aggloméré de béton à bancher, pouvait être revêtue d'un enduit d'étanchéité offrant toutes les garanties décennales (rapport de l'expert judiciaire du 26 avril 2007 p. 35), pour éviter les fuites constatées ultérieurement par un huissier de justice lors de la mise en eau. Le coût de cet enduit a été évalué par l'expert judiciaire à 2 072,07 euros Ttc.
13.4. Il suit du tout que la mesure de démolition-reconstruction, principalement demandée par Mme [F], constituerait une sanction disproportionnée, au regard des travaux réalisés, et aujourd'hui quasi totalement achevés, et de la gravité très relative des défaut de conformité servant de fondement à cette demande. Celle-ci sera donc rejetée comme celle relative aux troubles de jouissance générés par les travaux de démolition-reconstruction.
13.5. Mme [F] a demandé en tout état de cause l'indemnisation des préjudices de jouissance subis avant de tels travaux et a chiffré ceux-ci à hauteur de la somme de 361 000 euros au titre de la perte de valeur locative évaluée à 1 900 euros par mois suivant l'attestation de l'agent immobilier dans son avis précité du 3 septembre 2004 jusqu'au 16 juin 2020, date à laquelle elle a aménagé de manière permanente dans les lieux, habitant auparavant principalement à [Localité 15]. Elle a chiffré ensuite le préjudice subi postérieurement à cette date à hauteur de 30 % de cette valeur locative soit à la somme de 22 800 euros à la date de ses dernières conclusions, à parfaire jusqu'à la réalisation des travaux demandés.
13.5.1. Mme [F], désormais usufruitière du bien construit, est bien recevable à solliciter l'indemnisation des troubles affectant la jouissance du bien tant durant la période où elle était maître de l'ouvrage que durant celle où elle a revêtu la nouvelle qualité d'usufruitière.
13.5.2. Le préjudice qu'elle a pu subir concrètement du fait principalement des modifications affectant l'altimétrie ne saurait porter sur l'entière valeur locative d'un ouvrage qui est parfaitement habitable et dont l'attrait pour la location n'est nullement affecté par les défauts de conformité retenus. Compte tenu des difficultés personnelles de Mme [F] n'affectant pas sa mobilité mais sa perception, ne portant que sur quelques marches supplémentaires, pouvant d'ailleurs être sécurisées par des rampes et garde corps de sorte que cette indemnisation doit être évaluée, en l'absence d'une destination locative de l'immeuble démontrée sur la période du 3 septembre 2004 jusqu'au 16 juin 2020 et de l'absence d'usage du bien à titre d'habitation principale durant cette période, à hauteur de 5 % de sa valeur locative et, à compter du 17 juin 2020 jusqu'à la date du présent arrêt à hauteur de 30 % soit 18 050 euros [1 900 ' x 190 mois x 5 %] + 33 060 [1 900 ' x 58 mois x 30 %] = 51 110 euros.
- sur la demande en réparation du dommage moral :
14. Compte tenu de l'âge de Mme [F], née le 29 novembre 1940, des tracas liés à ce litige et de la nature du trouble de jouissance subi, il convient de faire droit à la réparation du préjudice moral qu'elle est en droit d'invoquer et de fixer ce poste d'indemnisation à hauteur de la somme de 8 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
- Sur la demande subsidiaire aux fins d'indemnisation des travaux de reprise de divers désordres constatés par l'expert judiciaire :
15. Mme [F] demande dans les dernières écritures déposées devant la cour la réparation des désordres par la fixation des indemnités suivantes à son profit :
- la somme de 10 632,44 euros Ttc avec actualisation sur le fondement de l'indice BT01 outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
- la somme de 4 750 euros résultant des travaux de réparation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance outre 'l'application de la clause d'anatoscisme'.
15.1. En l'absence de démolition-reconstruction, le maître de l'ouvrage est en droit de réclamer la réparation des désordres constatés par l'expert judiciaire et dont l'existence comme leur portée dommageable ne sont pas utilement discutées.La Maf demande d'ailleurs subsidiairement la confirmation du jugement sur ce point. Ils ont été évalués par M. [C] à la somme de 10 632,44 euros Ttc, devant effectivement être indexée selon l'indice BT01 à appliquer à partir du jour du dépôt d'expertise (22 novembre 2011) jusqu'à la date du présent arrêt.
15.2. Mme [F] est en droit de réclamer le paiement de cette indemnité qui entre dans l'objectif de conservation de l'immeuble, les nus-propriétaires étant intervenus à cette instance et figurant dans l'entête des dernières conclusions portant les réclamations de Mme [F] étant précisé qu'à l'acte authentique de donation, il est précisé que 'les donateurs et les donataires conviennent que la présente procédure restera à la charge exclusive du donateur usufruitier et qu'il en fera sa perte ou son profit' (pièce n° 69, p.22 du dossier de l'appelante).
15.3. Mme [F] est par ailleurs en droit de réclamer l'indemnisation du préjudice de jouissance imputable à la réalisation de ces travaux de reprise dont la nature et la durée découlant de leur diversité sans impossibilité d'occupation totale des lieux conduit à retenir une indemnisation devant être fixée à 5 000 euros.
16. Les demandes de condamnation sont exclusivement dirigées contre la Sa Maf et la société Areas Dommages 'principalement chacune pour le tout (principe de l'indivisibilité des obligations), et subsidiairement in solidum'.
- sur les garanties d'assurances souscrites par l'architecte et l'entrepreneur:
17. Avant d'évaluer concrètement l'indemnité de réparation des dommages subis par le maître de l'ouvrage ainsi qu'il viennent d'être définis, il convient de trancher les questions liées au bien fondé des demandes dirigées contre les assureurs qui opposent les limites et conditions des garanties souscrites.
18. La Mutuelle des architectes français, assureur de M. [L], maître d'oeuvre, ne conteste pas le principe de l'obligation de garantie au titre de la police responsabilité civile, et ne s'agissant pas de la mise en jeu de la responsabilité décennale qui couvrirait la réparation des désordres non réservés après réception judiciaire ou expresse ou même tacite, inexistante en l'espèce, l'assureur est bien en droit d'opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police les exceptions opposables au souscripteur de celle-ci, ainsi que le prévoit l'article L. 112-6 du code des assurances.
18.1. Ainsi, en assurance de responsabilité civile, sauf disposition légale contraire, les franchises contractuellement mises à la charge de l'assuré comme les plafonds de garantie sont opposables à la victime. La Maf est donc en droit d'opposer les dispositions correspondantes à ces limitations et figurant régulièrement dans les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par M. [L] et qui lui sont opposables (pièce n° 2 du dossier Maf).
18.2. La police souscrite auprès de la Maf par M. [L] a pour objet de garantir le sociétaire contre les conséquences pécuniaires des responsabilités (contractuelle, décennale et quasi-délictuelle) spécifiques à la profession d'architecte. Le préjudice immatériel non consécutif à un dommage matériel dès lors qu'il résulte d'une inexécution contractuelle non génératrice d'une destruction ou d'une détérioration d'une chose ou d'une substance, qui est garanti, est soumis au plafond de 94.675,41 euros que la société Maf est bien fondée à opposer.
19. La société Areas Dommages est assureur de la Sarl [K], au titre d'une police de responsabilité chef d'entreprise 'RCCE' en cours de validité à la date du chantier. Le tribunal a rejeté les demandes de Mme [F] à l'endroit de cet assureur au motif que ce contrat ne garantit pas les défauts d'achèvement et les malfaçons visées au rapport de l'expert judiciaire. La Cour de cassation a cassé la disposition de l'arrêt d'appel ayant appliqué une clause d'exclusion à une autre circonstance à laquelle elle ne se rapportait pas. La cour de renvoi, saisie d'un appel de la décision du premier juge, examinera les clauses d'exclusion opposées devant elle par la société Areas à savoir, celle visant les dommages qui n'ont pas de caractère fortuit parce que résultant inéluctablement des modalités d'exécution du travail telles qu'elles ont été prescrites ou mise en oeuvre par l'assuré et celle visant, dans l'extension de garantie 'RC après livraison', les dommages subis par les ouvrages, travaux et produits exécutés après leur achèvement ou livrés par l'assuré ainsi que l'ensemble des frais se rapportant à ces ouvrages, travaux et produits tels que frais de pose, de dépose, de transport, de mise au point, de réparation, de remplacement.
19.1. Mme [F] s'est prévalue de l'inopposabilité des clauses d'exclusion, des plafonds et limites de garantie au motif que les conditions générales ne seraient ni signées, ni datées et ne porteraient pas les références stipulées dans les conditions particulières lesquelles ne seraient pas signées.
19.1.1. Force est de constater qu'il existe deux polices souscrites par la Sarl [K] auprès de l'Areas :
- une Multirisque des entreprises de la construction ayant donné lieu à l'édition de conditions particulières, paginées, paraphées et signées avec référence d'une prise de connaissance des conditions générales (pièces 10 et 11 du dossier Areas). Cette police a été définitivement jugée comme inapplicable au litige et ne fonde plus les prétentions de Mme [F],
- la police de responsabilité chef d'entreprise 'RCCE' précitée ayant donné lieu à l'édition de conditions particulières non paginées, ni paraphées ni même signées faisant référence à l'extension de garantie 'RC après livraison' visée au paragraphe 31 des conditions générales
(pièces 12 et 13 du dossier Areas).
À la différence de la première, la seconde police n'a fait l'objet d'aucune mention démontrant que l'assuré a pu avoir connaissance des dispositions générales ou particulières qui lui sont applicables et de nature à justifier les exclusions de garantie ou limitation de garantie ou de plafond, ni même de franchise.
19.1.2. Comme le rappelle la société Areas, l'objet de la police RCCE est de garantir l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels (consécutifs ou non) causés aux tiers du fait des activités de son entreprise telles que définies aux conditions particulières. Au regard des constatations qui précèdent sur l'absence de signature de l'assuré sur les documents contractuels relatifs à cette police, la cour ne peut que juger inopposable à ce dernier l'exclusion de garantie des dommages qui n'auraient pas été causés de manière fortuite ou qui entraîneraient des prestations de remplacement entrant dans les prévisions mentionnées à l'article 31 des conditions générales.
Elle ne saurait donc être opposable au tiers victime de l'inexécution qui est fondé à se prévaloir de cette inopposabilité. Le jugement entrepris ayant écarté la garantie de la société Areas sera infirmé sur ce point.
20. Mme [F] soutient que le principe de la division de l'obligation en cas de pluralité de débiteurs se trouve écarté si l'obligation est solidaire mais également si la prestation est indivisible. Cette demande tendant à voir prononcer une condamnation indivisible est assise sur la demande principale de démolition-reconstruction, l'exécution forcée des obligations contractuelles par une telle mesure n'étant pas susceptible d'une exécution partielle quand bien même l'obligation n'aurait pas été contractée solidairement. En raison du rejet de cette demande de démolition-reconstruction, ce point devient sans objet.
21. S'agissant de la demande condamnation in solidum, effectivement encourue en présence de plusieurs parties ayant contribué à l'apparition d'un seul et même dommage, la société Maf a opposé la clause d'exclusion de solidarité contenue dans le contrat de maîtrise d'oeuvre liant son assuré à Mme [F]. La Maf considère que le chef de dispositif du jugement disant cette clause opposable au maître de l'ouvrage est devenu définitif. Mme [F] soutient que si elle n'est plus recevable à contester la validité de cette clause, la cassation prononcée sur le troisième moyen entraîne celle des chefs de dispositif qui se rattachent à celle-ci par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire à savoir celui qui détermine le coût de la réparation des désordres et en répartit la charge entre la société [K] et la Maf. Elle soutient subsidiairement, en se prévalant d'un arrêt de la Cour de cassation en présence d'une telle clause de non-solidarité, que celle-ci doit être en l'espèce privée d'effet dans la mesure où les fautes commises par M. [L] ont concouru à la réalisation de l'entier dommage.
21.1. Par son arrêt du 4 mars 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi qui contestait la validité de cette clause retenue par la cour d'appel, en jugeant que : 'La cour d'appel a retenu à bon droit que la clause d'exclusion de solidarité, qui ne vidait pas la responsabilité de l'architecte de son contenu puisque celui-ci devait assumer les conséquences de ses fautes et sa part de responsabilité dans les dommages sans pouvoir être condamné pour la totalité d'entre eux, n'était pas abusive. Répondant aux conclusions prétendument délaissées, elle a exactement retenu que la clause, applicable exclusivement en matière de responsabilité contractuelle de droit commun, ne contrevenait pas à l'article 1792-5 du Code civil et ne pouvait être considérée comme non écrite à ce titre'.
En cassant les dispositions déterminant le coût des travaux de réparation des désordres et en en répartissant la charge, la Cour de cassation ne faisait que tirer les conséquences des cassations prononcées par ailleurs sans pour autant contredire le principe de la validité de cette clause applicable dans les litiges relevant de la responsabilité civile contractuelle de droit commun ni les conséquences de son application qui est indépendante de l'étendue des désordres imputables à la faute personnelle de l'architecte et au montant de leur réparation que la cour de renvoi a effectivement l'obligation d'apprécier.
21.2. Il est de principe que chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage. La clause de non solidarité dont la validité a été définitivement jugée en l'espèce ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. Elle ne saurait ainsi avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand la faute de ce dernier a concouru à la réalisation de l'entier dommage (3e Civ., 19 janvier 2022, n° 20-15.376).
21.2.1. Tel est bien le cas dans le présent dossier s'agissant des non-conformités contractuelles auxquelles, l'architecte qui avait reçu une mission complète de maître d'oeuvre allant des études d'esquisses à l'assistance lors des opérations de réception, a bien participé, par ses manquements à la réalisation de l'entier préjudice tel qu'il a été précédemment défini, et ce au même titre que l'entrepreneur de sorte que pour la réparation de ces dommages, la responsabilité in solidum de l'architecte avec la société [K] est justifiée sans que la clause litigieuse soit méconnue, celle-ci n'ayant pas pour effet de limiter la responsabilité de l'architecte mais d'en limiter seulement la solidarité lorsque la responsabilité de celui-ci n'entre pas dans la réalisation de l'entier préjudice.
21.2.2. S'agissant des autres désordres qui ont fait l'objet d'une demande de réparation qui vient d'être jugée bien fondée à hauteur de la somme totale de 10 632,44 euros Ttc. Ces désordres constituent, à la lecture du rapport d'expertise, des non-conformités aux règles de l'art, dont l'imputabilité est partagée à hauteur de 30 % entre l'architecte, défaillant dans l'exécution de sa mission de direction des travaux, et les entreprises titulaires des lots concernés, à hauteur de 60 % ayant commis des fautes d'exécution, étant toutefois relevé que l'entreprise [K], titulaire du lot gros-oeuvre, n'est concernée par aucun des postes compris dans l'évaluation totale qui fait l'objet d'une demande subsidiaire de Mme [F] (carrelage, Vmc, façades,...), aucune autre demande n'étant formulée par Mme [F] au titre des adaptations liées non-conformités contractuelles.
22. Il suit de l'ensemble des développements qui précèdent que les condamnations au bénéfice desquelles Mme [F] peut prétendre à l'endroit des deux assureurs présents à l'instance doivent être prononcées de la manière suivante :
- la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages seront condamnées in solidum à payer à Mme [F] les sommes de :
' 51 110 euros en réparation du préjudice de jouissance résultant des défauts de conformité contractuelle outre les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
' 8 000 euros en réparation du préjudice moral outre les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
- la Samcv Maf sera seule condamnée à réparer les dommages résultant des autres désordres affectant l'immeuble à concurrence :
' de 30 % de la somme de 10 632,44 euros Ttc soit 3 189,73 euros Ttc avec indexation selon l'indice BT01 à appliquer à partir du jour du dépôt d'expertise (22 novembre 2011) jusqu'à la date du présent arrêt et outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
' de 30 % de la somme de 5 000 euros soit 1 500 euros en réparation du préjudice de jouissance résultant des travaux de réparation de ces désordres et outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Le jugement entrepris sera donc infirmé à due concurrence de ces condamnations.
La Samcv Maf sera tenue de relever et garantir la Sa Areas Dommages à hauteur de la moitié des condamnations in solidum, faisant ainsi droit à la demande de la société Areas Dommages en l'arbitrant toutefois dans cette proportion à la lumière des développements qui précèdent.
23. Se prévalant de l'article 5 du CCAP qui dispose qu' 'en cas de retard dans l'exécution des travaux, il sera appliquée une pénalité de 60 ' HT/jour calendaire avec un montant maximum de 20 % du montant HT de travaux', Mme [F] sollicite la condamnation, à titre principal de la Maf, et à titre subsidiaire, la Maf et la compagnie Areas Dommages à lui verser la somme de 88 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance. La cour relève ainsi qu'elle l'a déjà constaté plus haut, que l'expert judiciaire a noté de nombreuses modifications au projet initial à la demande ou avec l'accord du maître de l'ouvrage dont une concernant le toit-terrasse ayant justifié une demande de permis de construire modificatif.
La problématique de l'urgence à voir, dans ces conditions, achever les travaux a créé des tensions certaines, illustrées par les télécopies déjà citées et l'expert judiciaire indique dans son rapport final que les différentes parties étaient d'accord sur le fait que l'expert Maif avait demandé à M. [K] de ne plus intervenir, une procédure étant en cours. En tout état de cause, l'imputabilité de ce retard n'est pas établie à l'égard de l'architecte ni de la société [K], la construction qui ne fera l'objet d'aucune démolition du fait du présent litige, n'a donné lieu à aucune réception même avec des réserves possibles pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées de sorte que le premier juge a, à juste titre, débouté Mme [F] de cette demande. Sa décision sera confirmée.
24. En application des articles 639 et 696 et du code de procédure civile, la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages seront tenues in solidum aux dépens de première instance et d'appel comprenant également ceux afférents à la décision cassée, étant spécialement précisé en l'espèce que dès lors que le juge peut mettre à la charge de plusieurs parties les mêmes frais, il peut prononcer, de ce chef, une condamnation in solidum, les conventions particulières des parties, telle la clause de non-solidarité, ne pouvant porter atteinte à ce pouvoir (3ème Civ., 25 mai 2023, n° 21-20.643). Les frais d'expertise judiciaire qui sont en lien étroit et nécessaire avec l'instance au fond seront compris dans ces dépens.
25. Mme [F] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'ensemble de la procédure au fond. La Samcv Maf et la Sa Areas Dommages seront condamnées in solidum à payer à Mme [F] la somme totale de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La règle précitée relativement à l'obligation in solidum s'appliquant également aux frais irrépétibles (arrêt du 25 mai 2023).
26. La Samcv Maf sera tenue de relever et garantir la Sa Areas Dommages à hauteur de la moitié de ces condamnations. Tenues aux dépens, elles ne peuvent solliciter de condamnation de Mme [F] au paiement de frais irrépétibles et il n'est nullement inéquitable de laisser, entre elles, à leur charge respective, les frais qu'elles ont pu exposer à l'occasion de cette procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Reçoit l'intervention volontaire de MM. [X] [F], [G] [F], et [R] [F].
Constate l'intervention forcée de la Selarl MJSA prise en la personne de Maître [U] [A] 'ès qualités de mandataire ad'hoc de la Sarl [K]'.
Déclare irrecevable la demande présentée par la Maf aux fins de voir prononcer la réception judiciaire des travaux.
Déclare recevable la demande subsidiaire présentée par Mme [F] aux fins de voir condamner les sociétés Maf et Areas sur le fondement de la responsabilité décennale en cas de réception des travaux et constate que cette demande est devenue sans objet par l'effet de l'irrecevabilité prononcée de la demande aux fins de réception judiciaire des travaux.
Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Albi du 31 mai 2022 en toutes ses dispositions dont est saisie la cour de renvoi sauf celles ayant :
- débouté Mme [F] de sa demande tendant à voir procéder à la démolition de l'immeuble et des demandes qui y sont liées à titre principal,
- débouté Mme [F] de sa demande pour retard dans l'achèvement de l'immeuble.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare inopposable à Mme [V] [I] épouse [F] les exclusions et limitation de garantie ainsi que les franchises ou plafonds de garantie résultant de la police de responsabilité chef d'entreprise souscrite par la Sarl [K] auprès de la Sa Areas Dommages venant aux droits de la Caisse Mutuelle d'Assurances et de Prévoyance.
Condamne la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages in solidum à payer à Mme [V] [I] épouse [F] les sommes de :
' 51 110 euros en réparation du préjudice de jouissance résultant des défauts de conformité contractuelle outre les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
' 8 000 euros en réparation du préjudice moral outre les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
Condamne la Samcv Maf à relever et garantir la Sa Areas Dommages à hauteur de la moitié de ces condamnations.
Condamne la Samcv Maf à payer à Mme [V] [I] épouse [F] à titre de réparation des dommages résultant des autres désordres affectant l'immeuble à concurrence:
' la somme de 3 189,73 euros Ttc avec indexation selon l'indice BT01 à appliquer à partir du jour du dépôt d'expertise (22 novembre 2011) jusqu'à la date du présent arrêt et outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
' la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice de jouissance résultant des travaux de réparation de ces désordres et outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Dit que les dispositions de l'article 1343-2 du code civil sont applicables aux intérêts assortissant les condamnations prononcées au profit de Mme [V] [I] épouse [F].
Dit que la Samcv Maf est bien fondée à opposer les franchises et plafonds de garantie.
Condamne la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages in solidum aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire et d'appel en ce compris les dépens afférents à la procédure suivie devant la cour d'appel de Montpellier.
Condamne la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages in solidum à payer à Mme [V] [I] épouse [F] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Samcv Maf à relever et garantir la Sa Areas Dommages à hauteur de la moitié de ces condamnations.
Déboute la Samcv Maf et la Sa Areas Dommages de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.