CA Toulouse, 2e ch., 6 mai 2025, n° 22/04008
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lotoquine (SASU)
Défendeur :
Cartaloto (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
V. Salmeron
Conseillers :
S. Moulayes, M. Norguet
Avocats :
Me Stéphane Piedagnel, Me Anthony Rigout, Me Emmanuelle Dessart, Me Guillaume Gosset, Me Audrey Valayer, Me Fabienne Regourd
Faits et procédure
La société Lotoquine, créée en 1993 et ayant son siège à [Localité 4], a pour activité la fabrication et la vente de matériels et accessoires de jeu essentiellement en lien avec le loto et le bingo traditionnels ; elle développe également des outils numériques à destination de sa clientèle.
La Sarl Cartaloto, située à [Localité 3], commercialise auprès de revendeurs professionnels et d'associations tous produits liés aux jeux de lotos, loterie et tombola (cartons, bouliers, tickets de tombola, roues de loterie).
Elle a été créée par Monsieur [Z] [N] et sa fille Madame [E] [N] en 2007, sous la dénomination « Tout pour le Loto », puis est devenue Cartaloto après l'acquisition en 2009 de la totalité des parts de la société par Monsieur [B] [P], pour un montant de 30 000 euros.
En 2010, Monsieur [Z] [N] a souhaité réintégrer la société Cartaloto ; Monsieur [B] [P] lui a rétrocédé 196 parts sur les 400, et en 2014, un contrat de travail a été signé entre la société Cartaloto et Monsieur [Z] [N] en qualité de responsable commercial.
Le 12 août 2015, Monsieur [Z] [N] a été licencié pour faute grave tout en demeurant actionnaire minoritaire.
En septembre 2016, Monsieur [Z] [N] a créé la société Quineco situé à [Localité 5] ayant pour activité la commercialisation des produits liés au loto traditionnel, jeux et jouets.
En 2019, la société Lotoquine a constaté qu'une partie de sa clientèle fidèle ne lui passait plus de commandes et d'autre part que deux de ses fournisseurs chinois et espagnols avaient été contacté par la société Cartaloto.
Ces deux fournisseurs avaient été mis en contact avec la société Cartaloto par Monsieur [D] [F], ancien salarié acheteur de la société Lotoquine, qu'il avait quitté en novembre 2018.
La société Lotoquine a saisi le Président du tribunal de commerce d'Albi, aux fins de désignation d'un huissier de justice pour recueillir notamment des éléments sur les clients, fournisseurs et mailings de la société Cartaloto ; il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 27 septembre 2019.
Une nouvelle ordonnance a été rendue le 6 novembre 2019 afin de permettre à l'huissier de justice d'exécuter sa mission avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier.
Ces ordonnances ont été confirmées par ordonnance du Président du tribunal de commerce statuant en référé en date du 25 février 2020.
L'huissier de justice a transmis son procès-verbal de constat au mois de septembre 2020.
Par acte d'huissier de justice en date du 26 février 2021, la société Sas Lotoquine a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Albi la Sarl Cartaloto afin qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 270 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
Par acte d'huissier de justice en date du 10 mai 2021, la société Sarl Cartaloto a fait assigner en intervention forcée Monsieur [Z] [N], à comparaître devant le tribunal de commerce d'Albi.
Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce d'Albi a :
- pris acte de la jonction décidée par jugement de ce tribunal du 22/06/2022, entre l'affaire résultant de l'assignation délivrée à la société Cartaloto par la société Lotoquine le 26 février 2021 enrôlée sous le numéro RG 2021000617, et l'affaire résultant de l'assignation d'appel en cause délivrée à Monsieur [N] par la société Cartaloto le 10 mai 2021 enrôlée sous le numéro 2021001141,
- rejeté l'intégralité des demandes de la société Lotoquine, en l'absence de comportements fautifs et de préjudices indemnisables démontrés,
- débouté la société Lotoquine de l'ensemble de ses demandes,
- déclaré l'assignation en intervention forcée de Monsieur [N] irrecevable et infondée,
- déclaré que Monsieur [N] ne doit pas relever et garantir la société Cartaloto de toutes condamnations éventuelles,
- dit qu'il n'y a pas lieu de condamner solidairement Monsieur [N] et la société Lotoquine à payer la somme de 307 026 euros au titre du préjudice résultant du manque à gagner subi par sa société, ainsi que la somme de 50 000 euros pour réparer le préjudice lié à l'atteinte à la probité, l'honneur, et l'image de sa société,
- débouté la société Cartaloto du surplus de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [N] et de la société Lotoquine,
- condamné la société Cartaloto à verser à Monsieur [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Lotoquine à verser à la société Cartaloto la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les entiers dépens de la présente procédure, taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros sont laissés à la charge de la société Lotoquine,
- dit que les dépens de l'affaire opposant la Sarl Cartaloto à Monsieur [Z] [N] enrôlée sous le numéro 2021 001141 et jointe à la présenta instance, taxés et liquidés à la somme de 60,22 euros restent à la charge de la SARL Cartaloto,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.
Par déclaration en date du 17 novembre 2022, la Sasu Lotoquine a relevé appel du jugement en intimant uniquement la Sarl Cartaloto. La portée de l'appel est, selon l'annexe à la déclaration d'appel, l'infirmation des chefs du jugement qui ont :
- rejeté l'intégralité des-demandes de la société Lotoquine, en l'absence de comportements fautifs et de préjudices indemnisables démontrés,
- débouté la société Lotoquine de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Cartaloto à verser à Monsieur [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les entiers dépens de la procédure, taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros sont laissés à la charge de la société Lotoquine.
Par assignation en appel provoqué signifiée le 12 mai 2023, la Sarl Cartaloto a intimé Monsieur [Z] [N]
La clôture était prévue pour le 6 janvier 2025 ; à la suite d'une demande de report, elle est finalement intervenue le 27 janvier 2025, et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 février 2025.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions récapitulatives n°2 et en réplique sur appel incident notifiées le 20 décembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Lotoquine demandant, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- rejeté l'intégralité des demandes de la société Lotoquine, « en l'absence de comportements fautifs et de préjudices Indemnisables démontrés » ;
- débouté la société Lotoquine de l'ensemble de ses demandes
- condamné la société Lotoquine à verser à la société Cartaloto la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les entiers dépens de la procédure, taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros, sont laissés à la charge de la société Lotoquine
- confirmer ledit jugement en ses autres dispositions, notamment en ce qu'il a :
- dit qu'il n'y a pas lieu de condamner solidairement Monsieur [N] et la société Lotoquine à payer la somme de 307.026,00 euros « au titre du préjudice résultant du manque à gagner subi » par la société Cartaloto, ainsi que la somme de 50.000,00 euros « pour réparer le préjudice lié à l'atteinte à la probité, l'honneur, et l'image » de la société Cartaloto ;
- débouté la société Cartaloto du surplus de ses demandes formées à l'encontre de la société Lotoquine,
Et statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés :
- condamner la société Cartaloto à payer à la société Lotoquine la somme de 270 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant des actes de concurrence déloyale ;
- condamner en outre la société Cartaloto à publier, à ses frais exclusifs et avancés, sur la page d'accueil de son site Internet accessible à l'url suivante https://www.cartaloto.net/, tout en haut de la page d'accueil et de façon à ce que les internautes consultant cette page d'accueil accèdent sans autre manipulation technique à l'intégralité de l'encadré ci-après évoqué, un communiqué judiciaire reproduit en caractères noirs sur fond blanc, dans un encadré représentant un tiers de la hauteur totale de la page d'accueil et sur toute sa largeur, ce dans une police de type times new roman d'une dimension permettant de couvrir toute la surface de l'encadré, sous le titre « publication judiciaire ordonnée par la cour d'appel de toulouse » écrit en caractères gras, majuscules, et sous la phrase d'introduction suivante, à compléter en fonction de la date de prononcé de l'arrêt à intervenir : « en date du '''''''., la Cour d'Appel de Toulouse, à la demande de la société Lotoquine, a condamné la société Cartaloto pour actes de concurrence déloyale, le dispositif de l'arrêt étant ci après reproduit : '''''' », l'intégralité du dispositif de l'arrêt à intervenir, ce dans les quinze jours à compter de la signification dudit arrêt à la société Cartaloto, et pendant un délai ininterrompu d'un mois à compter de cette signification, le tout sous astreinte provisoire de 2 000 euros par jour de retard, manquant ou de publication le cas échéant non conforme aux termes de l'arrêt à intervenir, le cours de l'astreinte provisoire étant toutefois limitée à six mois ;
- se réserver la liquidation de l'astreinte prononcée ;
- condamner la société Cartaloto à payer à la société Lotoquine une somme de 7 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamner la société Cartaloto aux entiers dépens de première instance, dont ceux correspondant aux frais et honoraires de l'huissier de justice ayant procédé aux opérations de constat du 12 décembre 2019, ainsi qu'à ceux de l'informaticien l'ayant assisté au cours de ces opérations ;
- condamner la société Cartaloto aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphane Piedaniel, avocat aux offres de droit ;
En tout état de cause,
- débouter la société Cartaloto de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Lotoquine.
Elle affirme avoir subi une désorganisation de son activité économique du fait des actes de concurrence déloyale exercés par la Sarl Cartaloto, en détournant ses fichiers fournisseurs et de sourcing dans le but d'obtenir une gamme de produits identiques, et en détournant également son fichier client.
Elle ajoute que Cartaloto a voulu créer une confusion en proposant des produits similaires, et en établissant un catalogue ressemblant au sien.
Elle évoque ensuite du parasitisme économique par la création d'un logo similaire, et par l'appropriation de son savoir-faire.
Enfin, elle affirme que la société Cartaloto a orchestré un dénigrement systématique de sa société auprès des fournisseurs.
Vu les conclusions récapitulatives d'intimé et d'appel incident devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 8 décembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Cartaloto demandant, au visa des articles 1240 du code civil, 549 du code de procédure civile, de :
- à titre principal :
- rejeter toutes conclusions adverses comme non fondées,
- juger recevable et bien fondé l'appel provoqué signifié à Monsieur [Z] [N],
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Albi le 28 septembre 2022 en ce qu'il a :
- rejeté l'intégralité des demandes de la société Lotoquine en l'absence de comportements fautifs et de préjudices indemnisables démontrés,
- débouté la société Lotoquine de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Lotoquine à verser à la société Cartaloto la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les entiers dépens de la procédure, taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros sont laissés à la charge de la société Lotoquine,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Albi le 28 septembre 2022 en ce qu'il a :
- dit qu'il n'y avait pas lieu de condamner solidairement Mr [N] et la société Lotoquine à payer la somme de 307 026 euros au titre du préjudice résultant du manque à gagner subi par sa société, ainsi que la somme de 50 000 euros pour réparer le préjudice lié à l'atteinte à la probité, l'honneur et l'image de sa société,
- débouté la société Cartaloto du surplus de ses demandes formées à l'encontre de Mr [N] et de la société Lotoquine,
- condamné la société Cartaloto à verser à Mr [N] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de l'affaire opposant la société Cartaloto à Monsieur [Z] [N] enrôlée sous le numéro RG 2021 001141 et jointe à la présente instance, taxés et liquidés à la somme de 60,22 euros restent à la charge de la Sarl Cartaloto,
Et statuant à nouveau :
- condamner solidairement la société Lotoquine et Monsieur [Z] [N] à réparer le préjudice lié à l'atteinte à la probité, l'honneur et l'image de la société Cartaloto évalué à 50 000 euros,
- condamner solidairement la société Lotoquine et Monsieur [Z] [N] à indemniser la société Cartaloto de la somme de 307 026 euros au titre du préjudice résultant du manque à gagner subi par la société Cartaloto,
- condamner la société Lotoquine à publier :
à ses frais exclusifs et avancés,
sur la page d'accueil de son site Internet aujourd'hui accessible à l'url suivante https://www.lotoquine.com ,
tout en haut de cette page d'accueil et de façon à ce que les internautes consultant ladite page accèdent sans autre manipulation technique à l'intégralité de l'encadré ci-après évoqué,
un communiqué judiciaire reproduit en caractères noirs sur fond blanc, dans un encadré représentant un tiers de la hauteur totale de la page d'accueil et sur toute sa largeur, ce dans une police de type Times New Roman d'une dimension permettant de couvrir toute la surface de l'encadré,
sous le titre « Publication judiciaire ordonnée par la cour d'appel de Toulouse » écrit en caractères gras, majuscules, et sous la phrase d'introduction suivante, à compléter en fonction de la date de prononcé de l'arrêt à intervenir : « en date du ........................... ., la Cour d'Appel de Toulouse, à la demande de la société Cartaloto, a condamné la société Lotoquine pour actes notamment de concurrence déloyale, le dispositif du jugement étant ci-après reproduit : ....................... », l'annonce comprendra in fine l'intégralité du dispositif de l'arrêt à intervenir, ce dans les quinze jours à compter de la signification dudit arrêt à la société Lotoquine, et pendant un délai ininterrompu d'un mois à compter de cette signification, le tout sous astreinte provisoire de 2 000 euros par jour de retard, manquant ou de publication le cas échéant non conforme aux termes de l'arrêt à intervenir, le cours de l'astreinte provisoire étant toutefois limitée à six mois,
- condamner solidairement la société Lotoquine et Monsieur [Z] [N] à régler la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- à titre subsidiaire :
- juger que Monsieur [Z] [N] doit relever et garantir la société Cartaloto de toutes éventuelles condamnations.
Elle conteste tout acte de concurrence déloyale, et affirme que la société Lotoquine ne rapporte pas la preuve des comportements déloyaux qu'elle lui reproche.
Elle rappelle que les difficultés financières de l'appelante sont antérieures aux faits reprochés et affirme n'en être aucunement responsable.
A titre reconventionnel, elle invoque une connivence entre la société Lotoquine et Monsieur [N], ce dernier ayant été en possession d'informations privilégiées de la société Cartaloto et ayant eu un rôle actif au sein de la société jusqu'à son licenciement.
Elle rappelle que Monsieur [N] a créé une société concurrente dans le même secteur, se livrant ainsi à des actes de parasitisme économique, en démarchant ses clients, en dissuadant un partenaire à poursuivre ses relations commerciales avec Cartaloto, et en transmettant des informations confidentielles sur ses fournisseurs et clients à la société Lotoquine.
Elle leur reproche également des actes de dénigrement et d'intimidation.
Enfin elle affirme qu'en récupérant, grâce à la présente procédure, des informations essentielles relevant du secret des affaires sur la société Cartaloto, Lotoquine s'est livrée à des actes de concurrence déloyale.
Vu les conclusions d'intimé devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 11 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [Z] [N] demandant de :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
- à titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Albi du 28 septembre 2022 en ce qui concerne Monsieur [N],
En conséquence,
- débouter la Société Cartaloto de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [N],
- déclarer l'assignation en intervention forcée de Monsieur [N] infondée et irrecevable,
- déclarer Monsieur [N] hors de cause,
- à titre subsidiaire :
- juger que les demandes formulées par Cartaloto à l'encontre de Monsieur [N] sont infondées et irrecevables,
En tout état de cause :
- débouter la société Cartaloto de l'ensemble de ses demandes vis-à-vis de Monsieur [N],
- condamner la société Cartaloto à verser à Monsieur [N] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il affirme que sa mise en cause dans la présente procédure n'est pas fondée sur un lien avec le litige principal, dans la mesure où il s'estime étranger au litige opposant Cartaloto et Lotoquine ; il rappelle n'avoir aucun pouvoir dans la société Cartaloto, et qu'il demeure associé de cette société malgré lui.
Ainsi, si un litige doit être tranché entre associés de la société Cartaloto, il n'est qu'accessoire au litige principal ; il demande ainsi à être mis hors de cause.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'intervention forcée de Monsieur [N]
En première instance, la société Cartaloto a fait assigner Monsieur [N] en intervention forcée, afin de solliciter sa garantie en cas de condamnation, suite à l'assignation initialement délivrée par la société Lotoquine.
Le premier juge a déclaré cette assignation en intervention forcée irrecevable, au motif que sa seule qualité d'associé à 49% de la société Cartaloto ne le rendait pas redevable d'une garantie légale ou conventionnelle.
En cause d'appel, la société Lotoquine a intimé uniquement la société Cartaloto ; cette dernière a alors fait délivrer une assignation en appel provoqué à Monsieur [N], qui demande la confirmation du premier jugement, en soulevant l'irrecevabilité de son assignation en intervention forcée aux motifs que Cartaloto n'est pas fondé à agir à son encontre à titre principal sur le fondement de l'article 331 du code de procédure civile, la juridiction saisie n'ayant pas vocation à trancher un litige entre associés, et que la demande en garantie formée à son encontre n'est pas juridiquement fondée, en ce qu'il n'est tenu à aucune garantie légale ou conventionnelle.
Il ressort des dispositions de l'article 331 du code de procédure civile qu'un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.
L'article 325 de ce même code vient préciser que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
La lecture du premier jugement permet de constater que la société Cartaloto a fait délivrer assignation en intervention forcée à Monsieur [N], en sollicitant sa garantie en cas de condamnation prononcée à son encontre.
Elle engage en effet, tout comme en cause d'appel, la responsabilité de Monsieur [N], en lui reprochant un défaut de loyauté et une forme de connivence avec la société concurrente Lotoquine.
Il ne s'agit donc pas de mobiliser une garantie légale ou conventionnelle, mais bien de soumettre au juge une responsabilité de son associé dans la survenance des faits objets du litige, susceptible de justifier d'une condamnation à son encontre.
Au stade de la recevabilité de l'intervention forcée, il n'y a pas lieu d'étudier le bien fondé d'un moyen, mais uniquement d'analyser la forme et le motif de cette intervention.
Les parties ne contestent pas la forme de l'assignation en intervention forcée, et les faits de déloyauté et de connivence invoqués par la société Cartaloto permettent de justifier d'un lien suffisant avec le litige initial, pour constater sa recevabilité.
Le premier jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention forcée de Monsieur [N].
Sur la concurrence déloyale reprochée à Cartaloto
Il ressort des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil que tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La libre concurrence supposant la licéité du dommage concurrentiel, l'action en concurrence déloyale repose sur une responsabilité pour faute prouvée et non sur une présomption de responsabilité ; c'est au demandeur de rapporter la preuve de la faute.
La jurisprudence reconnaît plusieurs fautes constitutives de concurrence déloyale, à savoir le dénigrement, les pratiques ayant désorganisé l'entreprise, un réseau de distribution ou un marché tout entier, la confusion par imitation ou par copie servile, et le parasitisme économique.
L'action en concurrence déloyale engagée par la société Lotoquine est fondée sur l'ensemble de ces fautes, qu'il convient d'analyser successivement.
Sur la désorganisation par détournement des fichiers de clientèle et de fournisseurs
La société Lotoquine invoque en premier lieu le détournement par Cartaloto de son fichier fournisseur, par l'intermédiaire d'un de ses anciens salariés ayant permis une mise en relation desdits fournisseurs avec la société intimée ; elle affirme qu'elle disposait d'un contrat d'exclusivité avec un fournisseur chinois, et qu'en raison des contrats conclus avec Cartaloto, elle n'a pas pu maintenir son approvisionnement en matériel.
Il ne peut toutefois qu'être relevé que Lotoquine ne rapporte pas la preuve d'un investissement particulier pour trouver les fournisseurs auprès desquels Cartaloto s'est également approvisionné ; il ressort en effet des éléments de la procédure que les fournisseurs chinois et espagnol avaient été en contact avec Monsieur [N] avant même qu'ils ne commencent à approvisionner Lotoquine ; ainsi, ces fournisseurs étaient connus de Cartaloto, et il n'est pas démontré par Lotoquine un effort particulier pour les sourcer.
Par ailleurs, l'appelante ne justifie pas de l'exclusivité dont elle se prévaut ; en effet, si elle évoque une telle exclusivité avec un fournisseur chinois, elle ne produit aucun contrat pour le prouver, et se limite à renvoyer vers des échanges de mail, en anglais, qui sont trop imprécis pour être probants.
Le fait que Cartaloto se soit présenté auprès de ces fournisseurs comme un concurrent de Lotoquine, ait proposé pour les convaincre de procéder à des achats en quantités importantes, et ait sollicité les mêmes tarifs que son concurrent, ne relève que de la liberté du commerce et de la concurrence, et ne constitue pas un comportement fautif.
En tout état de cause, rien n'interdisait à d'autres sociétés que Lotoquine d'avoir recours aux mêmes fournisseurs.
S'agissant du rôle d'intermédiaire joué par Monsieur [F], ancien salarié de Lotoquine, dans la mise en relation entre Cartaloto et les fournisseurs visés, il n'est pas contestable ; toutefois à nouveau, aucune faute de la société intimée n'est démontrée dans la mesure où elle n'a eu recours à cet intermédiaire que postérieurement à la fin du contrat de Monsieur [F] auprès de la société appelante, contrat dont il n'est pas contesté qu'il ne comportait aucune clause de non-concurrence.
Aucun comportement fautif n'est en conséquence démontré de ce chef.
La société Lotoquine ajoute que Cartaloto s'est livré à un détournement de son fichier client, venant causer une désorganisation par la perte d'une clientèle ancienne et fidèle.
Elle n'apporte toutefois pas d'élément probant au soutien de ses affirmations ; en effet, le fichier client qu'elle affirme avoir été détourné n'a pas été retrouvé dans le matériel informatique de la société Cartaloto lors des opérations de constat.
Seuls des fichiers de mailing et de prospect ont été retrouvés, ce qui ne permet pas de rapporter la preuve d'un détournement de fichier client.
Elle ne procède par ailleurs que par affirmation, et ne donne aucune explication sur les moyens qui auraient été mis en 'uvre par la société Cartaloto pour s'approprier son fichier client.
La seule attestation de Madame [L], salariée de Lotoquine, qui affirme avoir reçu à son adresse personnelle une publicité de Cartaloto destiné à l'APE dont elle est présidente, ne vient pas plus rapporter la preuve d'un vol de fichier client, et ce d'autant plus que Cartaloto démontre que les informations sur ses coordonnées personnelles sont en libre accès sur internet.
Il est constant que le démarchage de clients par un concurrent, dès lors qu'il use de procédés conformes aux usages du commerce, est licite s'il ne s'accompagne par de manoeuvres déloyales.
En l'espèce, la société Lotoquine ne rapporte pas la preuve d'une manoeuvre déloyale, d'un détournement ou d'une appropriation de fichier client.
La concurrence déloyale invoquée par Lotoquine n'est donc pas caractérisée par un détournement de clientèle ou de fournisseurs.
Sur la confusion par copie servile
La société Lotoquine reproche ensuite à Cartaloto d'avoir copié ses produits, dans sa gamme et ses visuels, créant volontairement une confusion dans l'esprit des clients.
A l'appui de son moyen elle évoque la forme des trousses proposées depuis la campagne 2014-2015, reprise par Cartaloto sur la saison 2016-2017, et la similitude des catalogues des deux sociétés.
Elle ajoute que la société Cartaloto a sciemment recherché un effet de gamme, constitutif d'une concurrence déloyale.
Hors de toute protection légale, la reproduction servile ou l'imitation de produits est constitutive de concurrence déloyale, lorsqu'il existe un risque de confusion entre les produits dans l'esprit des acheteurs. Au-delà du seul constat du caractère servile de la copie, il est donc nécessaire de rechercher si la copie ou l'imitation est de nature à entraîner un risque de confusion.
La chambre commerciale de la Cour de Cassation rappelle régulièrement que l'originalité d'un produit, ou encore son caractère distinctif, n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale à raison de sa copie, cette circonstance n'étant que l'un des facteurs possibles d'appréciation de l'existence d'une faute par création d'un risque de confusion.
Il est ainsi régulièrement jugé que le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.
Il est admis que l'imitation ou la reproduction ne sont pas illicites lorsque l'objet imité ou copié est banal.
En l'espèce, les reproches adressés par Lotoquine à la société Cartaloto en terme de copie, qui concernent une trousse et le plan du catalogue, ne concernent que des éléments dont la banalité vient exclure la confusion.
En effet, la forme de la trousse proposée par Lotoquine initialement, puis par Cartaloto deux ans plus tard, ne présente aucune originalité s'agissant d'une trousse rectangulaire, de couleur unie, avec le motif « bingo » inscrit sur le devant, ce qui dans la matière concernée n'est pas particulièrement original.
Il s'agit par ailleurs d'un seul article parmi de nombreux autres proposés dans des catalogues qui font une cinquantaine de pages, présentant plusieurs articles par page.
S'agissant du plan du catalogue, il est reproché à la société intimée d'avoir, à compter de la campagne 2016-2017, copié une mise en page proposant en page 2 une illustration de la façade de l'entreprise avec un édito, en page 3 les modalités de commande et une rubrique « nos services », et d'avoir ensuite proposé une présentation par catégories de produits.
Une nouvelle fois, aucune originalité n'est démontrée dans cette présentation des catalogues, qui par ailleurs n'est pas de nature à créer une confusion dans l'esprit des clients, la présentation et le graphisme de ces pages étant différents bien qu'elles reprennent le même type d'informations, et le reste du catalogue, notamment la page de garde, le sommaire et la présentation des produits, étant bien distinct.
La société Lotoquine évoque ensuite l'effet de gamme, en indiquant que Cartaloto a proposé une gamme identique, minimisant ainsi ses investissements en se plaçant dans son sillage.
Elle ne rapporte toutefois pas la preuve d'actes de concurrence déloyale, dans la mesure où les produits qu'elle reproche à Cartaloto de commercialiser dans son catalogue sont des produits habituellement proposés en matière de lotos et bingos ; il convient de rappeler à ce stade que les deux sociétés s'approvisionnaient auprès des mêmes fournisseurs, et que les produits proposés dans les catalogues ne sont pas le fruit d'une création de l'appelante ou de l'intimée, mais bien d'un choix effectué parmi le matériel proposé par le fournisseur.
Une nouvelle fois, les gammes de produits proposées par chacun ne comportent aucune originalité ni spécificité dans la matière concernée.
Le seul fait que certains échanges de mails fassent ressortir une volonté de Cartaloto de s'approvisionner de certains articles déjà proposés par Lotoquine ne constitue pas une concurrence déloyale, mais relève de la liberté du commerce et de la volonté de ne pas être mis en défaut pour certaines demandes émises par les clients.
Par ailleurs, la consultation par Cartaloto de l'Inpi, afin de s'assurer qu'elle pourra proposer un produit similaire à celui déposé par Lotoquine, « sans tomber dans la copie », ne caractérise par une concurrence déloyale, mais vient plutôt démontrer un intérêt pour une innovation déposée, avec le souci de ne pas copier le concurrent.
Il en va de même s'agissant de l'intérêt démontré par Cartaloto pour un logiciel que Lotoquine affirme avoir développé ; sur cette question, il ressort des développements de Lotoquine qu'elle commercialisait ce logiciel, puisqu'elle affirme qu'il a été commandé par le gérant de la société Cartaloto, sous une adresse mail anonymisée ; par de tels développements, elle admet que Cartaloto n'a pas cherché à copier son logiciel, mais simplement à se le procurer par la voie d'une commande.
En conséquence, la Cour relève que la société Lotoquine ne rapporte pas la preuve des actes de concurrence déloyale dont elle se prévaut de ce chef.
Sur le parasitisme économique
Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion.
Il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque, ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage (Com., 26 juin 2024, n° 23-13.535).
Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit.
Il en ressort que les conditions cumulatives du parasitisme sont :
- la valeur économique individualisée et identifiée du produit ou du signe ;
- le placement dans le sillage pour profiter du savoir-faire et des efforts humains et financiers ;
- l'intention de se placer dans ce sillage.
Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme.
Au titre du parasitisme économique, la société Lotoquine invoque en premier lieu une appropriation par la société Cartaloto, du logo de la société Lotopassion, créée par la société appelante afin de proposer un agenda en ligne des lotos.
Elle ne rapporte toutefois pas la preuve d'efforts humains et financiers particuliers afin de développer les logos auxquels elle fait référence.
En effet, les trois sociétés concernées ont pour logo le nom de leur société, associé à un motif abstrait, le tout composé de deux couleurs.
Le seul fait que le nouveau logo de Cartaloto associe, comme Lotopassion, les couleurs vertes et roses, et que le motif associé soit circulaire pour chacune de ces sociétés, ne constitue pas un parasitisme économique, en ce qu'un tel graphisme ne constitue pas une valeur économique individualisée résultant d'un effort ou d'investissements particuliers.
La société appelante reproche ensuite à la société Cartaloto de s'être procuré des documents de travail, des photographies de pièces proposées à la vente, des rapports de tests, des notices d'information, ainsi que des informations tarifaires de la société Lotoquine, afin de se placer dans son sillage sans produire d'effort.
La Cour ne peut que constater que la société appelante ne donne aucune explication sur la valeur économique individualisée qu'elle invoque, et se limite à lister des échanges de mails dans lesquels la société Cartaloto affirme son souhait de passer commande des mêmes matériels que Lotoquine.
Or, il a été précédemment rappelé qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un parasitisme économique de rapporter la preuve de l'appropriation par son concurrent d'un savoir-faire, d'efforts humains et financiers particuliers.
En l'état des pièces produites, la Cour ne peut que constater que la société Cartaloto s'est effectivement renseignée sur certains produits commercialisés par Lotoquine, et a manifesté une volonté de s'approvisionner de produits identiques.
Aucun élément de la procédure ne permet toutefois de caractériser la réalité de ces commandes, ou l'utilisation par Cartaloto d'un quelconque savoir-faire de la société Lotoquine ; le seul fait de se renseigner sur les méthodes d'un concurrent, sans qu'il soit rapporté la preuve d'un quelconque usage de ces renseignements ne suffit pas à caractériser un parasitisme économique.
Ainsi, il n'est pas démontré non seulement que la société Cartaloto se soit placée dans le sillage de la société appelante, mais également qu'elle ait profité d'investissements financiers et humains de la société Lotoquine, qui n'apporte aucun élément en ce sens.
Sur le dénigrement
En matière de dénigrement, il est constant que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure. (Com 9 janvier 2019, 17-18.350)
La chambre commerciale de la Cour de Cassation tempère cette jurisprudence en rappelant que le dénigrement doit résulter de la diffusion d'un message contenant des propos malveillants.
Ainsi, ne caractérise pas un dénigrement la diffusion d'une information objective, écartant le caractère mensonger et par là même dépréciatif qui était censé en résulter (Com 7 mai 2019 17-26.774 ; Com 31 janvier 2018, 16-24.063)
D'une manière générale, le caractère abusif des propos, constitutifs de dénigrement, doit s'apprécier strictement, s'agissant d'une restriction apportée à la liberté d'expression
La société Lotoquine fait état de quatre messages électroniques adressés à des fournisseurs par Monsieur [F], ancien salarié de Lotoquine travaillant de manière indépendante, dans lesquels il fait état de difficultés économiques de la société appelante, de licenciements intervenus récemment, et de problèmes qu'il a pu rencontrer avec le dirigeant de Lotoquine lorsqu'il travaillait pour la société.
Monsieur [P], dirigeant de Cartaloto était en copie de trois de ces mails.
La Cour constate que si l'objet de ces messages électroniques était d'obtenir de l'approvisionnement en matériel pour le compte de la société Cartaloto, les propos litigieux ont été tenus par Monsieur [F], travailleur freelance, et n'engagent pas la société intimée.
Par ailleurs et surtout, le seul fait de faire état de difficultés économiques de la société Lotoquine ne constitue pas en soi un dénigrement, et ce d'autant plus que le caractère mensonger de ces propos n'est pas démontré, les éléments comptables versés aux débats démontrant au contraire les résultats négatifs de l'appelante sur cette période.
S'agissant des propos tenus sur le dirigeant de la société Lotoquine, ils demeurent très imprécis et ne font que révéler un litige existant entre un salarié et son ancien employeur, ce qui ne constitue pas en soi un dénigrement.
En conséquence de l'ensemble de ces développements, la Cour constate que la société Lotoquine ne caractérise pas les actes de concurrence déloyale dont elle se prévaut ; c'est à bon droit que le premier juge a débouté la société Lotoquine de ses demandes de ce chef.
Sur la concurrence déloyale reprochée à Lotoquine et Monsieur [N]
La société Cartaloto rappelle avoir été créée par Monsieur [N], qui a été licencié au mois d'août 2015 ; elle lui reproche à compter de cette date des actes de concurrence déloyale, en connivence avec la société Lotoquine, qu'il convient de reprendre successivement.
Sur le parasitisme économique
La société Cartaloto reproche en premier lieu à Monsieur [N] d'avoir constitué une société concurrente en 2016, dans le même secteur géographique ; elle affirme qu'il a usé des données collectées au sein de la société Cartaloto, dont il demeure associé minoritaire, pour s'approprier une clientèle et faire un chiffre d'affaires qui aurait dû lui revenir.
Il a été précédemment rappelé qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque.
En l'espèce, la société Cartoloto ne donne aucune information sur les efforts humains et matériels faisant l'objet du parasitisme qu'elle invoque, ni aucune précision sur les « données collectées » au sein de la société avant son départ ; elle se limite à procéder par affirmation en indiquant que la création d'une société concurrente à proximité constitue du parasitisme économique.
La Cour ne peut donc que constater que la société Cartaloto ne rapporte pas la preuve d'actes de parasitisme économique.
Sur le démarchage
Cartaloto reproche ensuite à Monsieur [N] d'avoir activement démarché ses clients, et d'en avoir détourné certains à son profit.
Il convient de rappeler qu'à l'expiration du contrat de travail, le salarié qui n'est pas lié par une clause de non-concurrence peut démarcher la clientèle de son ancien employeur dès lors qu'il use de procédés conformes aux usages du commerce, le démarchage ne devenant illicite que s'il s'accompagne de manoeuvres déloyales.
En l'espèce, il n'est pas démontré que Monsieur [N] soit demeuré lié par une clause de non-concurrence à l'issue de son licenciement de la société Cartaloto ; il n'est par ailleurs fait état d'aucune man'uvre déloyale, la société Cartaloto se limitant à reprocher à Monsieur [N] un simple démarchage.
Aucun acte de concurrence déloyale n'est donc démontré de ce chef.
Sur la désorganisation
La société Cartaloto reproche à Monsieur [N] d'avoir communiqué après son licenciement, des informations confidentielles à la société Lotoquine, dont cette dernière s'est servie pour dissuader des fournisseurs de continuer à l'approvisionner, lui causant ainsi une désorganisation importante.
Il a été précédemment rappelé qu'à défaut de produire un contrat d'exclusivité, rien n'interdit à plusieurs sociétés concurrentes d'avoir recours au même fournisseur.
Il ressort des éléments produits par la société Cartaloto que Monsieur [F], alors qu'il était employé par Lotoquine, a contacté un fournisseur en indiquant avoir eu ses coordonnées par Monsieur [N] (mail du 5 novembre 2015).
Il s'agit du seul élément de preuve concernant la transmission d'informations par Monsieur [N] ; or, les coordonnées d'un fournisseur ne constituent pas des informations confidentielles.
Aucun des éléments produits ne permet de constater la transmission d'autres informations que ces seules coordonnées.
La société Cartaloto ne rapporte pas plus la preuve de la rupture brutale d'approvisionnement par son fournisseur, dont elle se prévaut et qu'elle estime être liée à l'action conjointe de Monsieur [N] et Lotoquine.
En conséquence, aucune faute n'est caractérisée de ce chef.
Sur le dénigrement et les actes d'intimidation
La société Cartaloto affirme que l'attestation rédigée par Monsieur [N] au profit de Lotoquine, dans le cadre de l'instance ayant conduit au constat d'huissier, contient des propos diffamatoires et dénigrants.
Dans cette attestation du 23 octobre 2019, Monsieur [N] affirme avoir découvert à l'occasion d'une assemblée générale de la société Cartaloto, que l'intention de son dirigeant Monsieur [P] était de « faire fermer la société Lotoquine sous 5 à 10 ans » ; il ajoute avoir « compris qu'il détenait des informations à l'intérieur même de la société Lotoquine ».
Ces mentions ne sont pas constitutives d'un dénigrement.
Monsieur [N] ajoute « je trouve que des faits graves de détournements d'argent pour le propre compte de Monsieur [P] est preuve de malhonnêteté » (sic) ; cette phrase, difficilement compréhensible, ne renvoie à aucun fait précis, et est présentée comme un avis personnel de Monsieur [N], ce qui une nouvelle fois n'est pas susceptible de constituer un dénigrement.
Surtout, cette attestation de témoin a été rédigée dans le cadre d'une action en justice, et il n'est pas démontré qu'elle ait été communiquée à d'autres destinataires que la juridiction qui avait à statuer sur la requête déposée par Lotoquine, afin d'accéder au contenu de l'ordinateur de Cartaloto.
En conséquence, aucun fait de dénigrement n'est constitué.
La société Cartaloto ajoute avoir fait l'objet d'actes d'intimidation, et vise plusieurs dépôts de plainte dirigés contre Monsieur [N].
La Cour n'a pas vocation à se substituer aux juridictions pénales éventuellement saisies de ces faits, qui ne sont en tout état de cause pas constitutifs d'actes de concurrence déloyale.
Enfin, la société Cartaloto affirme que depuis que Monsieur [N] n'est plus associé, elle fait l'objet de dénigrement par la société Lotoquine, qui a développé le slogan suivant sur son site internet : « passez vos soirées à animer vos lotos, pas à résoudre des bugs. Choisissez la solution la plus fiable du marché pour vos lotos en live ».
Si la société Cartaloto affirme être visée dans la mesure où elles sont les deux seules entreprises à développer en France l'aide à la gestion des lotos à distance, force est de constater qu'elle n'en justifie pas, et que la société Cartaloto n'est pas visée dans le slogan litigieux.
Le fait de faire la promotion de ses propres produits en les désignant comme les plus fiables du marché, ne constitue pas un acte de dénigrement à l'égard des sociétés concurrentes.
Sur l'utilisation par Lotoquine des informations récupérées dans le cadre de la procédure
La société Cartaloto affirme que Lotoquine s'est servie des informations obtenues grâce à l'ordonnance du 27 septembre 2019 l'autorisant à recueillir des données relevant du secret des affaires, pour augmenter son catalogue de pièces que Cartaloto était la seule à proposer ; elle ajoute que le design de son site internet a été copié, ainsi que la présentation sur catalogue de trois tailles de bouliers différentes.
Sur ces deux derniers points, il n'est pas démontré que les changements opérés par Lotoquine sur son site internet ou son catalogue ont été permis uniquement par l'obtention d'informations liées à l'ordonnance du 27 septembre 2019 ; en effet, la consultation du site internet et du catalogue de Cartaloto est ouverte au public.
Il n'est par ailleurs pas démontré que la proposition de trois tailles de bouliers présente une quelconque originalité, ou un risque de confusion entre les deux sociétés, étant rappelé que les catalogues de chacune présentent une multitude de produits sur une cinquantaine de pages.
S'agissant du site internet, aucune pièce produite ne permet de démontrer une copie du design, le seul fait qu'un même produit soit présenté ne suffisant pas à caractériser la concurrence déloyale.
Concernant les deux produits dont il est affirmé par Cartaloto qu'ils ont été commercialisés par Lotoquine pour la première fois postérieurement au recueil d'informations résultant de l'ordonnance du 27 septembre 2019, il n'est pas démontré de lien évident avec l'obtention de la liste des fournisseurs de Cartaloto.
Le seul fait que Cartaloto les ai commercialisés avant Lotoquine ne caractérise pas une concurrence déloyale.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la société Cartaloto ne rapporte pas la preuve des actes de concurrence déloyale qu'elle reproche à la société Lotoquine et Monsieur [N] ; elle sera déboutée de ses demandes sur ce fondement, en indemnisation du manque à gagner, et de l'atteinte à la probité, l'honneur et l'image.
Sur les demandes accessoires
En l'état de la présente décision, la Cour confirmera les chefs du premier jugement relatifs à l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance.
La société Lotoquine, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour ces mêmes motifs, elle sera condamnée à payer à la société Cartaloto la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; la société Lotoquine et Monsieur [N] seront quant à eux déboutés de leur demande sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans la limite de sa saisine, en dernier ressort, par défaut, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée de Monsieur [N] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'assignation en intervention forcée de Monsieur [Z] [N] ;
Condamne la Sas Lotoquine à payer à la Sarl Cartaloto la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la Sas Lotoquine et Monsieur [Z] [N] de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la Sas Lotoquine aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;