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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 6 mai 2025, n° 24/00487

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sipac Européenne Assurance (SARL)

Défendeur :

Charier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Ramin, Mme Pichon

Avocats :

Me Amoyel-Vicquelin, Me Jung Allegret, Me Doucet, Me Le Couls-Bouvet, Me Loyac

T. com. Saint-Nazaire, du 25 févr. 2025,…

25 février 2025

Suivant mandat de courtage du 1er février 2013, la société Charier a confié à la société Sipac européenne assurance (ci-après la société Sipac), l'étude, le placement et la gestion de son programme d'assurance.

Suivant lettre de voiture du 13 septembre 2019, la société Charier a commandé à la société SCTP, assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances (les MMA), le transport d'une pelle Komatsu, laquelle a été endommagée pendant la prestation.

La société Charier a déclaré le sinistre à la société Sipac qui en a accusé réception le 12 novembre 2019 et l'a informée avoir mandaté un cabinet d'expertise afin de procéder à l'examen de la pelle endommagée.

Le 17 mars 2021, la société SCTP a demandé à la société Charier le paiement de la prestation de transport.

Par courriel du 18 mars 2021, la société Charier lui a répondu être dans l'attente du remboursement de la somme de 22.625,60 euros, coût des dommages occasionnés à la pelle.

Par mail du 30 mars 2021, la société Fas assurances, courtier d'assurance de la société SCTP, a informé la société Charier de ce qu'il n'y avait pas lieu à indemnisation, sa réclamation étant prescrite depuis le 13 septembre 2020 et a joint un courriel en ce sens adressé le 4 décembre 2020 par les MMA à la société Sipac.

Par lettre recommandée du 30 juin 2021, la société Charier a mis en demeure la société Sipac d'avoir à lui payer une somme de 22.625,60 euros en lui reprochant une faute commise dans la gestion du sinistre.

Par lettre du 12 juillet 2021, la société Sipac a contesté avoir commis une faute.

Par acte du 11 octobre 2021, la société Charier a assigné la société Sipac aux fins d'indemnisation.

Par jugement du 17 janvier 2024, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :

- dit recevable l'action de la société Charier,

- condamné la société Sipac européenne d'assurance à payer à la société Charier la somme de 20.746,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir réparation des conséquences de l'accident du 13 septembre 2019 du fait des carences de conseils de la société Sipac,

- dit que la somme de 20.746,38 euros portera intérêts au taux légal annualisés à compter de la mise en demeure du 30 juin 2021 avec anatocisme et jusqu'à parfait paiement,

- débouté la société Charier de sa demande de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté la société Sipac européenne d'assurance de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sipac eurpéenne d'assurance à payer à la société Charier la somme de 1 500 ' euros au titre de |'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Charier du surplus de sa demande,

- confirmé l'exécution provisoire de droit du jugement,

- condamné la société Sipac européenne d'assurance aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 60,22 ' dont TVA 10,04 '.

Par déclaration du 24 janvier 2024, la société Sipac a interjeté appel.

Les dernières conclusions de l'appelante sont du 20 octobre 2024.

Les dernières conclusions de l'intimée sont du 19 juillet 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2025.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

La société Sipac demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 17 janvier 2024 en ce qu'il a débouté la société Charier de sa demande de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- infirmer le jugement du 17 janvier 2024 en ce qu'il a :

- condamné la société Sipac européenne d'assurance à payer à la société Charier la somme de 20.746,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir réparation des conséquences de l'accident du 13 septembre 2019 du fait des carences de conseils de la société Sipac,

- dit que la somme de 20.746,38 euros portera intérêts au taux légal annualisés à compter de la mise en demeure du 30 juin 2021 avec anatocisme et jusqu'à parfait paiement,

- débouté la société Sipac européenne d'assurance de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sipac eurpéenne d'assurance à payer à la société Charier la somme de 1 500 ' euros au titre de |'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Charier du surplus de sa demande,

- confirmé l'exécution provisoire de droit du jugement,

- condamné la société Sipac européenne d'assurance aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 60,22 ' dont TVA 10,04 ',

et statuant à nouveau,

- débouter la société Charier de sa demande de condamnation faite à l'encontre de la société Sipac à hauteur de 20.746,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir réparation des conséquences de l'accident du 13 septembre 2019,

- débouter la société Charier de sa demande de condamnation faite à l'encontre de la société Sipac à hauteur de 5.000 euros au titre de son prétendu préjudice moral,

- condamner la société Charier à verser à la société Sipac la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Charier aux entiers dépens.

La société Charier demande à la cour de :

- recevoir la société Charier en ses écritures, fins et conclusions,

y faire droit, en conséquence,

- débouter la société Sipac de son appel et de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire en date du 17 janvier 2024 (RG N°2021003411) en ce qu'il a':

- dit recevable l'action de la société Charier,

- condamné la société Sipac à payer à la société Charier la somme de 20.746,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'impossibilité d'obtenir la réparation des conséquences de l'accident du 13 septembre 2019 du fait des carences de conseils de la société Sipac,

- dit que la somme de 20.746,38 euros portera intérêts au taux légal annualisés à compter de la mise en demeure du 30 juin 2021 avec anatocisme et jusqu'à parfait paiement,

- débouté la société Sipac de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sipac à payer à la société Charier la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmé l'exécution provisoire de droit du présent jugement,

- condamné la société Sipac aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 60,22 ' dont TVA 10,04 ',

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire en date du 17 janvier 2024 (RG N°2021003411) en ce qu'il a':

- débouté la société Charier de sa demande de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sipac à payer à la société Charier la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouter en tout état de cause la société Sipac de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Sipac à payer à la société Charier la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

La société Sipac fait valoir que les conditions d'engagement de sa responsabilité contractuelle ne sont pas établies.

Selon l'article 1231-1 du code civil,

« le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

L'article 1231-2 du même code ajoute :

« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. »

En application de l'article 1231-4 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts prévus ou prévisibles lors de la conclusion du contrat et qui ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

En application de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Le contrat de mandat de courtage versé aux débats porte notamment sur le risque « automobile (police flotte automobile) » et la responsabilité civile entreprise.

Il est prévu une « assistance à la gestion des sinistres », la société Sipac devant apporter son assistance dans le suivi des dossiers de sinistres et accompagner « le service assurances dans le cadre de réunions de formation/ prévention (ex : constat amiable d'accident automobile...) ».

Il est également prévu que « la mission de courtage se limitera aux polices pour lesquelles [R] l'a sollicitée ».

Le contrat de mandat stipule par ailleurs que la responsabilité de la société Sipac ne pourra être recherchée que sur le fondement des règles applicables aux mandats et qu'elle n'est tenue qu'à une obligation de moyens, l'obligeant à exécuter ses missions avec diligence.

Il n'est pas contesté que le sinistre est intervenu dans le cadre d'un contrat de transport et portait sur une pelle confiée par la société Charier à un transporteur.

La société Sipac soutient en premier lieu que la réception sans réserve et l'absence de protestation émise par la société Charier dans les trois jours en application de l'article L.133-3 du code de commerce a conduit à l'extinction de l'action avant même son atteinte par la prescription annale, que la société Charier ne l'a informée du sinistre que postérieurement à ce délai de trois jours, que dès lors l'éventuel défaut d'information postérieur allégué est sans lien avec l'impossibilité pour la société Charier d'agir contre le transporteur et son assureur.

La société Charier répond qu'elle a signé un constat amiable avec le conducteur du véhicule le jour de l'accident, constat qui n'a pas été contesté par la société SCTP qui a ainsi accepté les réserves émises.

En vertu des dispositions de l'article L133-3 du code de commerce, la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extra-judiciaire ou lettre recommandée, sa protestation motivée.

Toutefois la formalité de l'article L. 133-3 du code de commerce cesse de recevoir application lorsque des réserves ont été formulées par le destinataire au moment de la livraison et que ces réserves ont été acceptées expressément ou tacitement par le transporteur.

En l'espèce, au lieu de mentions portées sur le procès-verbal de livraison, il a été établi un « constat amiable d'accident automobile » mentionnant le choc sur la pelle. Il ressort de cette pièce versée aux débats que si elle ne peut valoir protestation au sens de l'article L133-1 du code de commerce, sa signature par ou pour la société SCTP manifeste au minimum son acceptation de réserves, écartant en conséquence la nécessité d'appliquer les dispositions de cet article.

Surtout, par son courriel en date du 4 décembre 2020, les MMA ne font pas valoir l'extinction de l'action pour cause d'absence de protestation adressée dans les délais mais invoquent uniquement la prescription annale de l'article L.133-6 du code de commerce.

La société Sipac ne peut dès lors affirmer que l'action serait éteinte pour défaut d'application par la société Charier de l'article L.133-3 du code de commerce et en tirer des conséquences tant quant à l'appréciation des fautes commises que du préjudice subi.

La société Sipac fait valoir en deuxième lieu que l'obligation de conseil et d'information du courtier ne peut s'étendre à des circonstances qui excèdent le cadre de l'opération d'assurance proposée et du contrat d'assurance souscrit par l'assuré. Elle en déduit qu'elle n'est pas tenue à un devoir d'information générale.

La société Charier soutient que le contrat de mandat de courtage prévoyait une assistance à la gestion des sinistres. Elle fait valoir qu'en première instance, la société Sipac admettait avoir été en charge du sinistre et assurait avoir accompli sa mission avec diligence.

Le moyen de la société Sipac, nouveau en appel, n'est pas irrecevable comme tendant aux mêmes fins de voir écarter sa responsabilité contractuelle.

Le devoir de conseil ou l'obligation d'information du courtier en assurances ne peut concerner qu'une mission confiée dans le cadre du contrat de courtage.

L'assistance à la gestion ne vaut, selon le contrat susvisé, que pour les contrats d'assurance souscrits.

La société Charier ne justifie d'aucun contrat d'assurance souscrit par l'intermédiaire de son courtier dans le cadre du transport de marchandises.

La société Sipac n'était pas tenue d'une obligation de conseil ou d'information relative à la gestion d'un sinistre n'entrant pas dans le champ contractuel.

En conséquence, aucune faute contractuelle n'est établie. Le jugement sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Charier au titre du préjudice moral. Les autres demandes de la société Charier seront rejetées.

Dépens et frais

Il convient de condamner la société Charier aux dépens de première instance et d'appel et de la condamner à une somme de 1 500 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Charier de sa demande de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Infirme le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes de la société Charier,

Condamne la société Charier aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Charier à payer à la société Sipac Européenne assurance la somme de 1 500 ' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette toute autre demande des parties,

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