CA Pau, 2e ch. sect. 1, 6 mai 2025, n° 23/02165
PAU
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellefigues
Conseillers :
Mme Guîroy, Mme Baylaucq
Avocats :
Me Ligney, Me Malrin, Me Fournier-Guinut
Exposé du litige et des prétentions des parties :
En mars 2019, M. [V] [P] et Mme [U] [G] ont constitué la SAS [8] qui a pour activité l'exploitation de deux écoles de surf à [Localité 3].
Le capital social était détenu à 84 % par M. [P], qui a apporté le fonds de commerce de l'école qu'il exploitait déjà, et à 16% par Mme [G] qui a apporté la somme de 27.000 euros.
Statutairement, le 8 mars 2019, Mme [G] a été désignée en qualité de directrice générale de la SAS [8], M. [P] étant son président.
A cet égard, Madame [G] a perçu de mai 2019 à septembre 2022, une indemnité justifiée par son mandat social.
Le 6 avril 2022, la société a régularisé un contrat de travail avec [L] [I].
Des dissensions se répercutant sur le fonctionnement des écoles sont apparues entre Mme [G] et Monsieur [P] au cours de l'été 2022.
Après courriels et lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 novembre 2022 restés infructueux, Mme [G] a assigné en référé d'heure à heure la société [8] devant le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan afin d'obtenir le payement des sommes qu'elle estimait lui être dues à raison de son mandat social et le rétablissement de ses accès aux outils de dématérialisation lui permettant d'assurer la direction de la société, ceci sous astreinte.
Par ordonnance en date du 6 janvier 2023, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Suivant ordonnance en date du 12 décembre 2022, le président du tribunal de commerce de Mont-de Marsan a autorisé Mme [G] à faire pratiquer sur le compte de la SAS une saisie conservatoire de créances pour un montant de 5.600' en principal laquelle a été pratiquée entre les mains du [6] suivant procès-verbal du 3 janvier 2023.
Puis, par exploit en date du 30 janvier 2023, Mme [G] a assigné à bref délai la SAS [8] devant le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan afin d'obtenir :
- sa condamnation à lui payer le montant total des sommes dues au titre de son mandat, à savoir la somme de 1.400 ' par mois à compter de septembre 2022 inclus jusqu'à la date du jugement à intervenir, cette condamnation devant être assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
- sa condamnation à lui remettre l'ensemble des bulletins de paie afférant aux sommes dues au titre de son mandat à compter de septembre 2022 inclus, également sous astreinte,
- sa condamnation à lui communiquer les identifiants et mots de passe des outils dématérialisés lui permettant d'assurer la direction de la société mais aussi à lui remettre le double des clefs de chacune des écoles de surf et du local de stockage comportant le matériel d'exploitation de la société sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 ' à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral et financier subi par elle outre les frais de procédure.
Par jugement du 16 juin 2023, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a statué ainsi :
'Vu le choix de Mme [G] de quitter volontairement la société [8] dès le 20.08.2022, tel que cela ressort des différentes attestations produites,
Vu la révocation de Mme [G] [U] par Assemblée Générale de la SAS [8] en date du 15.03.2023 et la suppression corrélative de la rémunération du directeur général à effet rétroactif au 1er septembre 2022,
- déboute Mme [G] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme injustifiées
- condamne Mme [G] [U] à payer à la SAS [8] la somme de 500 ' sur le fondement de 1'article 700 du code de procédure civile
- laisse les entiers dépens à la charge de Mme [G] [U], en ce compris les frais de la présente instance liquidés à la somme de 60,22 ' TTC
Moyennant ce, déboute les parties du surplus de leurs prétentions devenues inutiles ou mal fondées'.
Par déclaration au greffe en date du 31 juillet 2023, Madame [U] [G] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de conclusions d'incident en date du 27 septembre 2023, Madame [G] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de notamment juger que, ce litige ayant une nature prud'homale, il convenait de renvoyer l'affaire devant la chambre sociale de la cour de céans.
Par ordonnance du 10 avril 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence présentée par Madame [G] exposant notamment que « les exceptions de procédure qui ont pu être purgées en première instance par les juges du fond dans les affaires instruites sans mise en état ne peuvent être tranchées par le conseiller de la mise en état. En l'occurrence s'agissant d'une procédure orale, le jugement s'étant prononcé sur l'exception d'incompétence matérielle en la rejetant, le conseiller de la mise en état n'a pas le pouvoir de réformer cette décision »
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 février 2025.
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Par dernières conclusions en date du 12 septembre 2024, l'appelante demande à la cour de :
In limine litis,
- juger recevable et bien fondée l'exception d'incompétence matérielle qu'elle soulève,
- infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour statuer,
Et statuant à nouveau :
- juger que le présent litige relève de la compétence prud'homale ;
- renvoyer l'affaire devant la chambre sociale de la cour d'appel de céans.
A titre principal, si la compétence prud'homale est retenue,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- fixer le salaire brut mensuel de référence à hauteur de 1.902,34 euros brut ;
- condamner la société [8] à lui payer la somme de 14.930,57 euros brut à titre de rappel de salaire au titre de la période allant d'août 2020 au 15 mars 2023 ;
- la condamner à lui payer la somme de 5.802,13 euros brut à titre d'indemnité de congés payés au titre de la période allant d'août 2020 au 15 mars 2023 ;
- la condamner à lui remettre l'ensemble des bulletins de paie et des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) au titre de son contrat de travail et de sa rupture sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- la condamner à lui payer la somme de 11.414,04 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- requalifier la rupture des relations contractuelles les liant en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- condamner la société [8] à lui payer la somme de 3.804,68 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 380,47 euros brut aux titre des congés payés afférents ;
- la condamner à lui payer la somme de 1.902,34 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;
- la condamner à lui payer la somme de 9.511,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire, si la compétence prud'homale était rejetée
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- condamner la société [8] à lui payer le montant total des sommes dues au titre de son mandat, à savoir la somme de 9.100' ;
- la condamner à lui payer le montant total des sommes dues au titre de son mandat, à savoir la somme de 9.100' sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- la condamner à lui remettre l'ensemble des bulletins de paie afférant aux sommes dues à Madame [G] au titre de son mandat à compter de septembre 2022 inclus ;
- la condamner à lui remettre ces pièces sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
En tout état de cause,
- la juger bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
- débouter la société [8] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes
- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 500' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- assortir le montant des condamnations formées à l'encontre de la société d'une astreinte de 500' par jour de retard ;
- condamner la société [8] à lui payer la somme de 10.000' à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral et financier qu'elle a subi en raison de l'atteinte portée à son honneur, sa probité, sa réputation professionnelle et en raison de l'attitude vexatoire et brutale adoptée par la société à son égard notamment depuis août 2022 ;
- la condamner à lui payer la somme de 10.000' à titre des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral et financier qu'elle a subi en raison de l'absence de versement de sa rémunération depuis le 1er septembre 2022 ;
- la condamner à lui payer la somme de 15.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens et aux intérêts au taux légal avec capitalisation.
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Par dernières conclusions notifiées le 11 juin 2024, la société [8] demande à la cour de :
In limine litis
' débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en lien avec l'incompétence supposée de la juridiction de céans,
' dire n'y avoir lieu à renvoyer l'affaire devant la chambre sociale de la cour ;
Sur le fond,
' déclarer Mme [G] recevable mais mal fondée en son appel,
' déclarer la SAS [8] recevable en ses demandes, fins et prétentions,
' débouter par conséquent Mme [G] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées à son encontre,
' confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
' condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3.500,00 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
' la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.
MOTIFS :
- Sur la juridiction compétente pour connaître du litige :
Au visa des articles 75 et 90 du code de procédure civile, de l'article L. 721-3 du code de commerce et de l'article L. 1411-3 du code du travail, [U] [G] réclame la requalification du contrat de mandat sur le fondement duquel elle a agi initialement en contrat de travail.
Elle fait grief aux premiers juges d'avoir considéré qu'elle n'était pas liée à la SAS [8] par un contrat de travail alors qu'elle estime qu'il ressort des écritures de la société [8] qu'elle était liée à elle par un contrat de travail.
Elle soutient qu'en tout état de cause le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Pau n'a pas dit, dans son ordonnance du 10 avril 2024, que l'existence d'un contrat de travail n'était pas caractérisée dans ses relations avec la société.
Elle expose en effet qu'elle a exercé des fonctions techniques et de productions qui n'entrent pas dans le champ du contrat de mandat social dont elle n'a bénéficié que de manière fictive.
Elle relate qu'elle était, à compter de l'année 2013, salariée de M. [P] en qualité d'agent d'accueil groupe 1 et que la création de la société n'est intervenue que pour "valoriser son travail" et "officialiser ses responsabilités" sans modifier les fonctions qui lui étaient confiées puisqu'elle a été amenée à effectuer les mêmes tâches que celles qu'elle réalisait avant la création de la société, ce que confirment les remplacements qu'elle a effectués de [L] [I], salariée embauchée également en qualité d'agent d'accueil groupe 1.
Elle affirme qu'elle se trouvait placée dans un lien de subordination à l'égard de la société en ce que M. [P] se présentait comme son seul dirigeant, prenait seul les décisions telles que celle de licenciement et disposait d'un pouvoir de sanction à son égard outre la maîtrise des outils de gestion dématérialisés de la société dont il a décidé unilatéralement de lui couper l'accès.
Elle réfute à l'inverse avoir connu une lassitude ou une absence d'engouement au sein de la société comme il lui est reproché et affirme que si tel avait le cas, elle aurait proposé à la société de lui racheter ses parts sociales.
La SAS [8] conclut au rejet de l'exception d'incompétence soulevée par l'appelante demanderesse à l'action et souligne qu'elle l'a elle-même attrait devant le tribunal de commerce. Elle fait valoir qu'elle n'avait jamais, dans leurs relations, évoqué de revendications fondées sur l'existence d'un contrat de travail ni remis en cause l'existence et la matérialité de son mandat social.
Elle explique que, si durant les 5 années précédant la constitution de la société elles ont été liées par un lien de subordination, elle est devenue partie prenante de la société au sein de laquelle elle a régularisé des démarches en lien avec sa constitution mais l'a également personnellement engagée et représentée dans la souscription de prêt et appels d'offre et jurys.
En droit, aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.
L'existence des relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des intéressés.
A titre liminaire, il convient de constater que le conseiller de la mise en état n'a nullement tranché le litige portant sur la compétence dont la cour est saisie.
En outre, il doit être souligné que Mme [G] ne sollicite pas qu'il soit constaté le cumul du mandat social, sur le fondement duquel elle a initialement agi, avec un contrat de travail mais demande la requalification du contrat de mandat dont elle s'est prévalue en contrat de travail.
Toutefois, il existe une présomption légale de non-salariat à l'égard des dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés selon l'article L. 8221-6 3° du code du travail.
Ainsi, la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail lui incombe et il lui appartient de l'existence de fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre du mandat social, que ces fonctions ont donné lieu au versement d'une rémunération distincte de celle éventuellement perçue au titre du mandat social et qu'elle se trouvait, dans l'exercice de ses fonctions techniques, dans une situation de subordination juridique à l'égard de la société et de son associé majoritaire qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements du fait de son positionnement de son subordonné qu'il rémunérait en contrepartie du service salarié accompli..
En l'espèce, Mme [G] ne produit pas un contrat de travail à son bénéfice pour la période litigieuse au cours de laquelle il résulte des statuts et bulletins de paie qu'elle était dirigeante sociale de la société.
S'agissant des fonctions qui étaient les siennes, il n'est pas contesté que, à la date de la création de la société, elle était déjà salariée de la société depuis plusieurs années et qu'elle avait été embauchée en qualité d'agent d'accueil groupe 1.
Or, s'il ressort de l'attestation du 13 mars 2023 de Mme [I] et de la lettre recommandée datée du 28 février 2023 dont elle a été la destinataire ainsi que du rapport de la présidence à l'assemblée générale ordinaire du 15 mars 2023 de la société [8] qu'elle a continué a effectuer, malgré son changement de statut, des fonctions techniques qu'elle exerçait auparavant en qualité de salariée, la taille et l'activité de la société ont rendu nécessaire une certaine polyvalence de ses acteurs.
D'ailleurs, ces deux derniers écrits précisent que son rôle était "d'établir les plannings des enseignants et des élèves, de gérer les relations avec le personnel, assurer le suivi comptable, la justification des opérations, les mouvements de caisse et leur répartition, leur nature d'encaissement, etc ", ce qui dépasse les tâches de gestion de l'accueil de l'école et du planning des moniteurs et des cours, d'enregistrement des réservations, de traitement des mails, de mise en place et veille à la propreté de l'établissement et d'encaissement et tenue de la caisse attribuées à Mme [I] en sa qualité de salariée.
En outre, les attestations et pièces communiquées montrent qu'elle a engagé la société en procédant à l'embauche de Mme [I] et de M. [C], en signant des devis et en formalisant des virements bancaires et un avenant au contrat de prêt avec garantie de l'État en sa qualité de représentante de la société.
Mme [G] n'établit dès lors pas qu'elle exerçait des fonctions techniques exclusives des fonctions de dirigeante sociale qui étaient les siennes tout comme il ressort pas des pièces communiquées qu'elle exerçait dans un contexte de subordination juridique étant précisé que les échanges portant sur l'accès aux outils de gestion dématérialisés de la société n'illustrent aucun déséquilibre entre ses prérogatives et celles du M. [P].
Par ailleurs, elle ne conteste pas avoir perçu une rémunération différente de celle qu'elle recevait en qualité de salariée et qui était versée sur l'année et non saisonnièrement pour correspondre à la période touristique comme lorsqu'elle était salariée de la société. Et, elle a fait l'objet d'une révocation de son mandat social conforme aux statuts de la société selon un processus qu'elle ne remet pas en question tout comme .
S'agissant du lien de subordination allégué , aucun élément factuel ne permet d'établir qu'elle devait appliquer les directives du président de la société et qu'elle était soumise à son pouvoir disciplinaire alors que, si elle a été démise de ses fonctions, la décision est intervenue à l'issue d'une assemblée générale à laquelle elle a été régulièrement convoquée et dont elle a signé les délibérations et après plusieurs mois d'absence.
En conséquence, il n'y a pas lieu à requalifier le mandat social dont bénéficiait [U] [G] en contrat de travail et le jugement sera confirmé en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent et a statué sur les demandes dont il était saisi.
- Sur les sommes réclamées au titre de ses fonctions au sein de la société :
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de Mme [G] en condamnation de la société [8] au paiement de sommes au titre d'un contrat de travail.
A titre subsidiaire, Mme [G] invoque la responsabilité contractuelle de la société [8] soutenant qu'elle est tenue de lui verser la somme mensuelle nette de 1.400 euros au titre de son mandat social pour la période ayant couru de septembre 2022 au 15 mars 2023.
En effet, elle ne conteste pas le principe de sa révocation intervenue à l'issue de l'assemblée générale organisée à cette date mais les modalités selon lesquelles il a été décidé de la suppression rétroactive de sa rémunération arguant de ce que la société n'a pas respecté à son endroit ses obligations contractuelles alors qu'elle n'a pas commis de faute de nature à justifier sa révocation et a poursuivi, en dépit de la suppression de ses accès à la société et à ses outils de gestion dématérialisés, l'exécution de son mandat jusqu'au 15 mars 2023.
La société défenderesse expose à l'inverse que Mme [G] s'est volontairement détournée de ses fonctions en quittant la société le 17 août 2022 ainsi que cela résulte des attestations qu'elle produit. Elle souligne qu'elle ne justifie pas s'être vue refuser l'accès physique à ses locaux et qu'elle ne s'est préoccupée de voir rétablir ses accès informatiques que les 14 et 16 novembre 2022 tout comme elle a attendu le 16 novembre 2022 pour prendre contact avec elle par l'intermédiaire de son conseil.
Elle sollicite dès lors la confirmation de la décision de première instance ajoutant que les décisions ayant abouti à sa révocation et à la suppression rétroactive de sa rémunération ont été prises sans grief pour Mme [G] puisqu'elle a été convoquée aux assemblées générales et y a assisté personnellement assistée de son conseil par visioconférence.
Il résulte des dispositions des articles 1103, 1104 et 1217 du code civil, sur le fondement desquels Mme [G] agit, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, qu'ils doivent être exécutés de bonne foi et que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation et/ou demander réparation des conséquences de l'inexécution, des dommages et intérêts pouvant toujours s'y ajouter.
Au cas présent, l'article 24 des statuts de la société mis à jour le 15 juillet 2019 consacré au directeur général prévoit, outre les cas de révocation de plein droit, que sa révocation peut intervenir à tout moment sans qu'un juste motif soit nécessaire, par décision de président.
S'agissant de son droit à rémunération, il indique qu'elle est fixée dans la décision de nomination sauf pour la rémunération qui résulte de son contrat de travail et que la fixation et la rémunération de ses fonctions constituent une convention réglementée soumises à la procédure prévue à l'article 24 des statuts.
Le 15 mars 2023, il a été décidé, par décision du président de la société, de la révocation de Mme [G] à compter "de ce jour" et, par assemblée générale ordinaire, de ne plus lui octroyer de rémunération pour ses fonctions sociales à compter du 1er septembre 2022.
Le procès-verbal des décisions du président rappelle le rôle qui était le sien au sein de la société et relate que "Depuis le 22 août 2020, en pleine période estivale, Mme [G] ne s'est plus présentée au siège social, n'a plus géré les plannings ni le personnel, ce qui a mis la société en grande difficulté" ; que "Bien avant cette date, la société a eu plusieurs retours extrêmement négatifs de son management, notamment une récrimination très forte de ses enseignants et de gestion des plannings", que "en acceptant un poste de directeur général elle a accepté des fonctions à responsabilités qui impliquent un engagement, des obligations, un travail technique et de gestionnaire, ce qui n'a pas été le cas au cours de l'année 2022 et ce qui n'a pas été le cas en 2023", que "elle n'est manifestement pas apte à poursuivre sa fonction de directeur général" ; que "elle s'abstient de travailler pour le compte de notre société et perturbe profondément son fonctionnement" ; que " Mme [G] a acté sa volonté de départ tout en refusant de démissionner alors qu'elle ne se présente plus pour réaliser sa mission de directeur général" ; que " les fonctions de directeur général ne peuvent donc être maintenues du faut des manquements constatés en 2022 et un désintérêt total sur 2023 quant à la mise en place de la nouvelle saison et de son absence de travail à compter du 22 août 2022 pour des motifs fallacieux".
Le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire reprend exactement ces termes et consigne l'opposition ferme de Mme [G] au principe de la suppression de sa rémunération et à son caractère rétroactif. Il est indiqué qu'elle soutient ne pas avoir cessé ses fonctions mais que la société y a fait obstacle en lui coupant l'accès au logiciel de gestion Playpanner, à la boite mail et à l'espace en ligne attaché au compte bancaire de la société ainsi qu'en changeant les clés des écoles de surf.
Toutefois, des pièces qu'elle a communiquées, il ressort que :
- elle n'a entamé des démarches afin d'obtenir le payement de sommes qu'elle estimait lui être dues que le 9 novembre 2022 et celles lui permettant de se reconnecter au logiciel de réservations de la société que le 14 novembre 2022 alors que depuis le 15 septembre 2022 elle n'y avait plus accès,
- elle n'a formalisé ses griefs à l'encontre de la société que par courrier officiel du 16 novembre 2022, précisant alors qu'elle envisageait de céder ses actions sociales et restait ouverte à toute discussion sur ce point,
- elle ne justifie de l'impossibilité pour elle de se connecter à la boite mail de la société et à l'espace client de sa banque qu'aux dates des 8 et 9 décembre 2022 et n'établit pas les conditions dans lesquelles elle n'a plus eu accès aux locaux de la société,
- elle a agi en justice pour la première fois, par requête aux fins d'assignation en référé d'heure à heure, que le 9 décembre 2022 aux fins de voir condamner la société à lui payer les sommes dues au titre de son mandat social et à lui rétablir l'intégralité des identifiants et mots de passe des outils dématérialisés permettant d'assurer la direction de la société [8].
A l'inverse, par attestations concordantes, la société établit qu'elle a cessé d'être présente dans les locaux de l'entreprise à compter du 20 août 2022 et qu'elle avait fait part de son intention de ne plus s'y rendre notamment auprès de l'expert comptable, lequel n'est pas son salarié, les 26/07/2022 et le 30/08/2022, ce qu'un courriel du 15 septembre 2022 corrobore.
Ainsi, alors que les pièces 23 et 41 dont elle se prévaut, tout comme les photographies de SMS qu'elle produit, ne permettent pas d'établir qu'elle a effectivement travaillé les 21 et 24 août 2022, il sera constaté qu'elle ne justifie pas avoir voulu poursuivre l'exercice de son mandat social et en avoir été, physiquement et/ou informatiquement, empêchée par la société [8].
Elle a dès lors commis un défaut d'exécution des obligations contractuellement mises à sa charge par les statuts de la société mis à jour le 15 juillet 2019 d'une gravité suffisante au sens de l'article 1219 du code civil pour justifier le refus par la société de lui payer des sommes qu'elle réclame au titre de son mandat social et de lui remettre les bulletins de paie afférents pour la période de septembre 2022 à mars 2023.
- S'agissant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts :
Sur le fondement des mêmes articles 1103, 1104 et 1217 du code civil, Mme [G] sollicite la condamnation de la société [8] à lui payer des dommages et intérêts pour ne pas avoir respecté les termes du contrat les liant en la coupant sans préavis ni information préalable de ses accès à la messagerie électronique, au logiciel de gestion Playplanner, à l'espace en ligne attaché au compte bancaire et aux locaux de la société.
Toutefois, outre les éléments ci-dessus développés quant au respect de ses obligations contractuelles, elle n'établit pas que l'accès physique tout comme l'accès à la messagerie de la société lui ont été refusés ou bloqués par la volonté de son dirigeant de lui nuire ou de porter atteinte à ses droits et mandat.
Enfin, et contrairement à ses écritures, elle ne prouve qu'elle aurait sollicité amiablement, à plusieurs reprises, et vainement la communication de codes d'accès avant d'agir judiciairement en décembre 2022.
Elle ne démontre donc pas l'existence des fautes contractuelles alléguées à l'encontre de la société [8].
Mme [G] reproche en outre à la société d'avoir porté atteinte à sa réputation personnelle et professionnelle. Elle ne fait cependant pas la démonstration de l'existence d'un tel préjudice.
Enfin, elle réclame l'indemnisation du préjudice financier et moral qu'elle dit avoir subi en raison de la cessation du versement de sa rémunération intervenue de manière brutale, sans préavis et en infraction aux statuts de la société.
Mais, le caractère abusif du non-payement de la rémunération due au titre de son mandat social a été écarté du fait de sa carence dans l'exécution de son mandat social à compter du 1er septembre 2022.
En conséquence et en confirmation du jugement déféré, [U] [G] sera déboutée de ses demandes indemnitaires.
Il n'y a donc pas lieu d'examiner ses demandes tendant à assortir les condamnations qu'elle sollicite d'une astreinte.
- Sur le surplus des demandes :
Mme [G], succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré.
La solution du litige commande en outre de la condamner aux dépens d'appel et à payer à la SAS [8] la somme de 2.500 ' au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle déjà allouée à la société en première instance.
PAR CES MOTIFS :
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute Mme [U] [G] de l'exception d'incompétence matérielle soulevée
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [G] aux dépens d'appel ;
Condamne Mme [U] [G] à payer à la SAS [8] la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.