CA Montpellier, ch. com., 6 mai 2025, n° 23/06005
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ae Kharaza Transport (SASU), Issma Transport (SASU)
Défendeur :
National Calsat (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
M. Graffin, M. Vetu
Avocats :
Me Neant, Me Lasne, Me Remaury
FAITS ET PROCEDURE :
Le 3 décembre 2020, la SASU Issma Transport et la SASU National Calsat ont signé un contrat de sous-traitance de transport routier de marchandise.
Le 10 juillet 2020, la SASU AE Kharaza Transport et la société National Calsat ont signé un contrat de sous-traitance de transport routier de marchandise.
Aux mêmes dates, les sociétés Issma Transport et AE Kharaza Transport ont signé un contrat de mandat avec la société National Calsat l'autorisant à établir des pré-factures concernant les prestations réalisées pour le mois écoulé.
Par lettre du 2 février 2022, les sociétés Issma Transport et AE Kharaza Transport ont indiqué à la société National Calsat qu'elle avait unilatéralement modifié les conditions de rémunération contractuelles, et à ce titre, l'ont respectivement mise en demeure d'opérer un rappel de facturation à hauteur de 19 380 euros HT pour la société AE Kharaza Transport et de 17 910 euros HT pour la société Issma Transport.
Par exploit du 15 mars 2022, les sociétés AE Kharaza Transport et Issma Transport ont assigné la société National Calsat en paiement.
Par jugement contradictoire du 21 juillet 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a :
débouté les sociétés AE Kharaza Transport et Issma Transport de l'ensemble de leurs demandes ;
et condamné les sociétés AE Kharaza Transport et Issma Transport à payer chacune à la société National Calsat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'à payer chacune la moitié des entiers dépens.
Par déclaration du 7 décembre 2023, la société AE Kharaza Transport et la société Issma Transport ont relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 7 mars 2024, la SASU AE Kharaza Transport et la SASU Issma Transport demandent à la cour de :
déclarer leur appel recevable et bien fondé ;
infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
condamner la société National Calsat à payer à la société AE Kharaza Transport la somme de 16 170 euros HT correspondant aux transports effectués du 10 mars 2021 au 31 janvier 2022 ;
la condamner à payer à la société Issma Transport la somme de 15 090 euros HT correspondant aux prestations de transports effectués du 10 mars 2021 au 31 janvier 2022 ;
la condamner au paiement des intérêts au taux légal à compter des mises en demeure ;
la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de résistance abusive ;
et la condamner à payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 6 juin 2024, la SASU National Calsat demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter les sociétés AE Kharaza Transport et Issma Transport de l'ensemble de leurs demandes, et de les condamner à payer chacune la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 18 février 2025.
MOTIFS :
Sur la prescription
Moyens des parties :
1. La société AE Kharaza Transport et la société Issma Transport expliquent que la clause du contrat de mandat ne peut avoir pour effet de réduire à 15 jours le délai de prescription pour contester les facturations, alors même que la prescription est d'une année, conformément à l'article L 133-6 du code de commerce qui est un texte d'ordre public.
2. L'intimée objecte que, conformément à l'article 4 du contrat de mandat, à réception de ces factures, ces deux sociétés disposaient d'un délai de 15 jours ouvrés pour contester par télécopie ou e-mail le contenu des factures émises en son nom et pour son compte la SAS National Calsat.
Elle rappelle à la suite, qu'en 17 mois pour la SAS AE Kharaza Transport et en un peu plus de 13 mois pour la SAS Issma Transport, il n'a été émis aucune contestation en ce qui concerne le calcul de cette facturation.
Réponse de la cour :
3. L'article L. 133-6 du code de commerce dispose :
« Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.
Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an.
Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.
Le délai pour intenter chaque action récursoire est d'un mois. Cette prescription ne court que du jour de l'exercice de l'action contre le garanti.
['] »
4. La prescription annale édictée par ce texte est applicable à tous les mandats indissociables et accessoires du contrat de transport.
5. En l'espèce, l'article 9 de la convention de sous-traitance de transport routier relatif à la rémunération et, singulièrement, son § 9-2, stipule que « conformément à la réglementation en vigueur en matière d'autofacturation, le Sous-traitant s'engage à régulariser préalablement à l'entrée en vigueur de ce contrat, un mandat de facturation, dont le modèle est joint en Annexe 3 ».
6. De la sorte, le contrat de mandat relatif à la facturation des prestations de transport dans le respect des prescriptions fiscales, effectuées par le sous-traitant du transporteur, est bien indissociable de la convention initiale de sous-traitance et la prescription d'une année lui est applicable.
7. Dans le cadre d'un aménagement conventionnel de cette prescription, l'article 4 des deux contrats de mandat stipulent que le mandant (les appelantes) disposera d'un délai de 15 jours ouvré à compter de leur date d'établissement, pour contester, par télécopie ou e-mail, le contenu des factures émise en son nom et pour son compte par le mandataire (la SAS National Calsat)
8. Toutefois, l'article 2254 du code civil, relatif à l'aménagement conventionnel de la prescription dispose que si la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties, elle ne peut être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix années.
9. Il s'ensuit que c'est bien la prescription d'une année s'applique au litige relatif à la facturation des prestations de transport assurées par les sociétés appelantes.
Sur la créance
Moyens des parties :
10. Les appelantes expliquent que le tribunal, en se référant à l'article 1120 du code civil et à leur silence lors de l'établissement des factures mensuelles, a fait une fausse application de la loi, ce texte ne concernant, en effet, que la formation du contrat et non son exécution.
Dès lors, en application de l'article L. 133-6 du code de commerce, seules les livraisons intervenues au cours des 12 derniers mois de la convention seraient susceptibles prescription. Surtout, la convention ayant été modifiée sans leur consentement, en contradiction avec l'article 1193 du code civil, elles seraient légitimes à être indemnisées.
11. La SAS National Calsat réplique que si les appelantes n'avaient pas donné leur accord pour porter le seuil de déclenchement de la prime au huitième client, il leur était aisé de contester, jour après jour, cette modification et d'émettre en conséquence des factures rectificatives.
Par ailleurs, rappelant les dispositions de l'article 1120 du code civil, elle soutient, qu'au moins les deux dernières conditions alternatives prévues par cette disposition pour assimiler le silence à l'acceptation, sont parfaitement réunies en l'espèce.
12. En tout état de cause, elle indique avoir informé ses deux sous-traitant de ce changement et rappelle que cet ajustement du seuil de déclenchement de la prime, n'affectait en aucune manière l'économie du contrat puisque se trouvait toujours garanti le prix initial de transport convenu par les parties, la prime n'étant qu'un élément de gratification des performances.
Réponse de la cour :
13. L'article 9 du contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises, dénommé « Rémunération » comporte un paragraphe 9.1 relatif à sa détermination, un paragraphe 9.2 intéressant la facturation et le règlement (renvoyant au mandat de facturation) et un parage 9.3 relatif à la révision, lequel stipule :
« Le prix de transport susvisé sera révisé chaque année, à la date anniversaire du contrat, selon les modalités annexées aux présentes ' Annexe 7. »
14. Le litige portant sur une modification unilatérale de la rémunération et les sous-traitants en référant à la révision du prix du transport en cours d'exécution du contrat, il a été sollicité par la cour de céans à l'audience des plaidoiries, que les parties produisent l'annexe 7 dont s'agit.
15. Par avis RPVA daté du 9 avril 2025, après relance du greffe, le conseil des appelants a indiqué ne pas être en possession de cette annexe tandis que le conseil de l'intimée n'a pas répondu.
16. En l'absence de cette production, il sera fait observer que par lettres en date du 21 décembre 2020, la SAS National Calsat a indiqué aux appelantes qu'à compter du 1er janvier 2021, le seuil de déclenchement de la plus-value « client supplémentaire » se ferait non plus après le sixième client, mais après le huitième client, ceci, au regard de l'accroissement de l'activité Ikea-petit porteur véhicule léger.
17. Si les appelantes contestent, chacune, avoir reçu cette lettre, il n'en demeure pas moins que la preuve que cette modification a été portée à leur connaissance est corroborée par les termes mêmes des contrats de mandat, l'intimée, (" le mandataire" -pièce n°2), était chargée d'établir les factures conformément aux prestations réalisées par les mandants, c'est-à-dire, sur la base du relevé d'activité fourni par la société AE Kharaza Transport et la société Issma Transport récapitulant les opérations qu'elles avaient réalisées.
18. Les appelantes qui ont accepté les factures émises par SAS National Calsat pendant une année et un mois sans jamais émettre la moindre réclamation, et donc sur leur rémunération, alors que cette possibilité leur était offerte en vertu de l'article 4 du contrat de mandat, ont acquiescé à la nouvelle tarification.
19. Cette modification du contrat a ainsi été soumise aux appelantes, lesquelles auraient pu parfaitement la dénoncer en rompant leur partenariat avec l'intimée, dès lors qu'il était indiqué aux termes de cette lettre :
« Nous sommes convaincus que vous comprenez notre démarche et souhaitons conserver intacte notre excellente relation de partenariat ».
20. Il est donc inopérant pour les appelantes d'en référer à l'article 1193 du code civil, la modification de la convention procédant d'un accord des parties, et étant acceptée par elles.
21. Il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts
22. Les sociétés AE Kharaza Transport et Issma Transport qui échouent en leur appel sont mal fondées à se prévaloir d'une résistance abusive de la SAS National Calsat à leur régler des prétentions auxquelles elles n'ont pas droit.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la SAS AE Kharaza Transport et la SAS Issma Transport à payer à la SAS National Calsat la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les appelantes de leurs demandes sur le même fondement,
Condamne in solidum la SAS AE Kharaza Transport et la SAS Issma Transport aux dépens d'appel.