CA Toulouse, 2e ch., 6 mai 2025, n° 23/01112
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Intifil (SA)
Défendeur :
Sl Diffusion (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Moulayes, M. Norguet
Avocats :
Me Baysset, Me Jeusset, Me Berthod
Faits et procédure
La Sa Intifil est une société suisse créée en 1983 ayant pour activité la création et la commercialisation de fils de diverses matières. Elle dispose d'un réseau d'agents commerciaux afin d'assurer la commercialisation des fils de ses deux fabricants.
La Sarl Sl Diffusion est une société ayant pour activité la distribution de produits textiles qu'elle exerce en tant qu'agent commercial.
Courant 2009, la société Intifil est entrée en relation avec la Sarl Sl Diffusion représentée par Monsieur [H] [T].
Par lettre-contrat du 5 mars 2009, un accord de coopération a été proposé à la Sarl Sl Diffusion. Il a été prévu dans cet accord une commission pour les fils de 4%, une commission pour les produits finis de 5%, et une contribution fixe de 250 euros par mois, portée à 500 euros en 2017.
Par courriel en date du 27 janvier 2020, la Sa Intifil a notifié à la société Sl Diffusion la suppression de la partie fixe de la rémunération.
Par courriel en date du 5 février 2020, la Sarl Sl Diffusion a indiqué son refus de voir modifier sa rémunération.
Malgré l'échange de plusieurs courriels entre les deux sociétés, la Sa Intifil et la Sarl Sl Diffusion ne sont pas parvenues à un accord sur la question de la rémunération.
Par courrier en date du 18 février 2020, la Sarl Sl Diffusion a informé la Sa Intifil qu'elle prenait acte de la rupture du contrat provoquée par celle-ci le 10 février 2020 lorsqu'elle a confirmé sa décision de diminution de la rémunération de l'agent commercial.
Par acte du 4 juin 2020, la Sarl Sl Diffusion a fait délivrer assignation à la société Intifil devant le tribunal de commerce de Castres aux fins de la voir condamner au paiement d'indemnités et de commissions suite à la rupture du contrat.
Par jugement du 5 décembre 2022, le tribunal de commerce de Castres a :
- condamné la société Intifil à payer à la société Sl Diffusion la somme de 32 997,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 février 2020 au titre des indemnités et commissions dues en raison de la cessation du contrat d'agence commercial qui les liait,
- condamné Intifil à payer une indemnité de 3 000 euros à Sl Diffusion au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Intifil aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 euros ttc.
Par déclaration en date du 24 mars 2023, la Sa Intifil a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d'appel critique tous expressément.
Le 12 avril 2023, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation, que la Sarl Sl Diffusion a refusée.
Le 19 avril 2023, le conseil de la Sarl Sl Diffusion a indiqué à la Cour qu'elle avait changé de dénomination sociale pour Sarl [H] [T].
La clôture est intervenue le 6 janvier 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 11 février 2025.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions n°2 devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 20 octobre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Intifil demandant, au visa des articles 1217 du code civil, de :
A titre principal,
- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- déclarer que la rupture du contrat d'agent commercial doit s'analyser comme une démission de l'agent,
- constater que l'ensemble des sommes dues au titre de l'exécution du contrat ont été payé,
- débouter en conséquence la société Sl Diffusion de l'ensemble de ses prétentions,
- la condamner au règlement de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 5 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- réformer la décision entreprise sur le quantum des condamnations prononcées,
- constater que l'ensemble des sommes dues au titre de l'exécution du contrat ont été payé,
- dire :
- que l'indemnité compensatrice ne peut excéder 2 années de commissions exclusivement,
- que l'indemnité de préavis n'est pas due et plus subsidiairement qu'elle ne peut excéder l'équivalent de 1 mois de commissions,
- n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité de préavis et à commissions dites de suite,
- dire que chaque partie assumera la charge de ses frais et dépens.
Vu les conclusions n°1 de l'intimée notifiées le 25 juillet 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl [H] [T] (anciennement Sl Diffusion) demandant de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté Sl de sa demande au titre du rappel de commissions ;
- limité à 3.109,08 euros l'indemnité de préavis ;
- limité à 5.015,36 euros la commission au titre du droit de suite ;
- débouté SL de sa demande au titre de l'article L134-6 du Code de commerce
- confirmer le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs critiqués ci-avant :
- condamner Intifil à s'acquitter entre les mains de Sl des sommes de :
(i) 4 842 euros au titre du rappel de commissions ;
(iii) 3 782 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
(iv) 12 960 euros au titre du droit de suite ;
(v) 32 302 euros au titre du rappel forfaitaire de commissions liées à la conclusion d'opérations sur le territoire français pendant la durée du contrat d'agence commerciale sans l'intervention de Sl (article L134-6) ;
- débouter Intifil de toutes ses demandes ;
- condamner Intifil à s'acquitter entre les mains de Sl d'une somme de 6 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en appel ;
- condamner Intifil aux entiers dépens.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de constater que les parties sont liées par un accord de coopération qui ne rappelle pas le statut d'agent commercial ; toutefois la qualification du contrat n'est pas remise en cause.
Ce contrat ne mentionne aucune exclusivité et porte sur une zone géographique précise, à savoir la France.
Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agent commercial
La société Intifil soutient que la rupture du contrat résulte de l'agent commercial, qui s'est précipité pour acter de ladite rupture, et doit s'analyser comme une démission.
La société [H] [T] rétorque que la rupture du contrat est imputable au mandant qui a décidé unilatéralement et sans motif de modifier les conditions de sa rémunération.
Dès lors il appartient à la cour de déterminer à quelle partie la rupture du contrat d'agent commercial est imputable.
Les parties sont en relations contractuelles en vertu d'une lettre-contrat datée du 5 mars 2009 laquelle prévoit uniquement les conditions de rémunération de l'agent commercial, la société Sl Diffusion devenue [H] [T]. Précisément sa rémunération se compose de commissions et d'une partie fixe. La partie fixe a fait l'objet d'une augmentation en 2017.
Il ressort des échanges de courriels entre les parties que la société Intifil a décidé de modifier la rémunération de son agent commercial en supprimant la partie fixe de sa rémunération. Elle justifiait cette suppression dans un premier temps par l'absence de l'agent commercial sur le stand d'un salon professionnel et dans un second temps par la volonté d'harmoniser la rémunération de l'ensemble de ses agents.
Elle affirme faire application de l'exception d'inexécution, dans la mesure où le versement de cette rémunération fixe n'avait plus de contrepartie.
Il convient toutefois de relever qu'il n'est pas démontré que dans le cadre de l'exécution de sa mission, l'agent commercial avait l'obligation de se trouver sur un quelconque stand pendant le salon qui s'est déroulé en Italie ; il n'est pas plus justifié de manquements de l'agent commercial dans l'exécution de sa mission, en terme de rendement ou d'efficacité.
Ainsi, la suppression de la partie fixe de la rémunération de l'agent commercial a été décidée unilatéralement par la société Intifil, qui ne justifie d'aucune faute grave de la société Sl Diffusion devenue [H] [T].
Il ne peut pas plus être constaté de prise d'acte précipitée et abusive de la rupture de son contrat par la société Sl Diffusion devenue [H] [T] ; la cour relève en effet que l'agent commercial a, de manière non équivoque, manifesté à plusieurs reprises son refus de voir supprimer la partie fixe de sa rémunération et averti son mandant qu'en cas d'effectivité de la suppression « il en tirerait toutes les conséquences » ; il a précisé dans un courrier électronique distinct qu'il ne souhaitait pas rompre leur relation.
S'il n'est pas contestable que la rupture du contrat d'agent commercial résulte du courrier recommandé avec accusé de réception adressé par la société Sl Diffusion devenue [H] [T] à la société Intifil le 18 février 2020, il ressort des termes du courrier que cette rupture est la conséquence directe de la suppression unilatérale de la partie fixe de sa rémunération.
De jurisprudence constante, la réduction des commissions décidée unilatéralement par le mandant constitue une circonstance rendant la cessation du contrat imputable à ce dernier (Com 18 décembre 2007 n°06-17.191). En effet la rémunération de l'agent étant considérée comme un élément essentiel, elle ne peut être révisée unilatéralement.
La suppression unilatérale de la partie fixe de la rémunération de la société [H] [T] par la société Intifil constitue un manquement grave du mandant, justifiant la rupture du contrat à l'initiative de l'agent commercial.
La rupture du contrat d'agent commercial, intervenue à l'initiative de la société [H] [T] à la date de réception de la mise en demeure, soit le 24 février 2020, est donc imputable au mandant la société Intifil.
Sur les conséquences de la rupture du contrat d'agent commercial
Sur l'indemnité compensatrice
Il ressort des dispositions de l'article L134-12 du code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Il perd son droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
L'article L134-13 2° de ce même code vient préciser que cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.
Il appartient à l'agent commercial, demandeur de l'indemnité de rupture, de démontrer que la cessation de son activité, bien que résultant de son initiative, est justifiée par des actes imputables au mandant.
La société Intifil conteste tout droit à une indemnité de son agent commercial, dans la mesure où elle argue d'une démission de son agent. A titre subsidiaire elle soutient que son montant doit être réduit en ce que la partie fixe de la rémunération ne doit pas être prise en compte dans le calcul. L'indemnité compensatrice ne peut excéder deux années de commissions exclusivement.
La société [H] [T] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Intifil à lui verser la somme de 24 872,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice. La rupture étant imputable à la société Intifil, elle estime avoir droit à une indemnité fixée à deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normale du contrat.
La résiliation du contrat d'agent commercial incombe au mandant.
Dans son courrier recommandé du 18 février 2020, l'agent commercial a fait savoir à son mandant qu'il entendait faire valoir ses droits, respectant ainsi les délais fixés à l'article L134-12 du code de commerce.
Par conséquent, la société [H] [T] est fondée à solliciter le versement d'une indemnité compensatrice.
S'agissant de son montant, le premier juge l'a fixé à la somme de 24 872,46 euros correspondant à deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat auquel il a soustrait le montant d'une commission ayant été doublement comptabilisée.
La cour relève que c'est à tort que la société Intifil affirme que la partie fixe ne doit pas être prise en compte dans le calcul de l'indemnité.
En effet l'indemnité de cessation du contrat due à l'agent a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature, de sorte que doit être prise en compte de la partie fixe mensuelle de la rémunération.
Il est d'usage de fixer l'indemnité compensatrice à deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat, à moins que la durée des relations contractuelles ou la modestie de l'apport de clientèle ne conduisent à retenir une indemnité moindre.
En l'espèce, le contrat d'agent commercial liant les parties était en cours depuis presque 11 ans lors de sa rupture, et il n'est pas démontré un apport insuffisant de clientèle ; il est donc justifié de fixer l'indemnité due à l'intimée à deux années de commissions.
Il ressort des pièces produites par chacune des parties que le montant de la rémunération perçu sur l'année 2017 s'élève à 11 084,46 euros, sur l'année 2018 à 11 644,75 euros, et sur l'année 2019 à 14 580,39 euros.
Ainsi la moyenne annuelle des trois dernières années s'élève à 12 436,53 euros.
Ce faisant, l'indemnité correspondant à deux années de commissions est égale à 24 873,06 euros.
Cependant, dans la mesure où la cour ne statue que dans la limite de sa saisine, c'est-à-dire une demande de confirmation du jugement ayant condamnée la société Intifil à verser à la Société Sl Diffusion devenue [H] [T] la somme 24 872,46 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 février 2020, ce montant sera confirmé.
Sur l'indemnité de préavis
Il ressort des dispositions de l'article L134-11 du code de commerce que lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée chacune des parties peut y mettre fin à tout moment moyennant le respect des préavis.
En l'espèce le contrat ayant été conclu en mars 2009, la durée du préavis est de 3 mois.
L'indemnité de préavis est due lorsque la partie à l'origine de la rupture n'a pas respecté le préavis.
En l'espèce, si les circonstances de la rupture du contrat d'agent commercial sont imputables au mandant, force est de constater que c'est la société [H] [T] qui en a pris l'initiative, et ce sans respecter le préavis légalement prévu de 3 mois ; l'intimé n'est donc pas fondé à solliciter une indemnité à ce titre.
La Sarl Sl Diffusion devenue [H] [T] sera déboutée de sa demande de condamnation de la société Intifil à lui payer la somme de 3 782 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le rappel des commissions
La société [H] [T] maintient en cause d'appel, dans le dispositif de ses conclusions, sa demande de condamnation de la société Intifil à lui verser la somme de 4 842 euros à titre de rappel de commissions.
La cour relève toutefois que la société [H] [T] ne fonde sa demande sur aucun justificatif, et ne développe pas les motifs de sa demande dans ses conclusions.
Aux termes du premier jugement, cette somme correspond aux commissions sur la période du premier trimestre 2020 ; or, la société Intifil produit un relevé de commissions pour la période du 1er trimestre 2020, portant sur la somme de 600,09 euros. Aucune des parties n'a fait d'observations sur ce relevé.
Par conséquent la société [H] [T] qui se limite à demander le paiement d'une somme plus importante que celle présentée par son adversaire sans en justifier, sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les commissions dues au titre du droit de suite
Selon l'article L134-7 du code de commerce pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
La société [H] [T] sollicite le versement de la somme de 12 960 euros sur ce fondement. Elle indique que le délai raisonnable correspond à 12 mois compte tenu de la durée du contrat et du fait que le portefeuille de la société Intifil en France procède de l'intégralité de sa prospection.
Elle demande à la Cour de se fonder sur le montant des commissions perçues pour l'année 2019, et de ne pas retenir l'attestation de l'auditeur officiel d'Intifil pour l'année 2020, en ce qu'elle ne prend pas en compte les commandes passées par l'intermédiaire de tricoteurs étrangers qui ont pour client final un client français.
La société Intifil conteste les sommes réclamées, sur une période où la société [H] [T] n'a pas développé le portefeuille clients ni la diffusion des produits.
En l'espèce compte tenu de la durée de la relation contractuelle entre les parties, le domaine d'activité très spécifique et le fait que la société [H] [T] soit le seul mandataire à exercer en France, le délai raisonnable s'étend sur toute la fin de l'année 2020, soit une durée de 10 mois.
Ainsi l'agent commercial est fondé à réclamer le paiement de commissions portant sur les opérations conclues postérieurement à la rupture qui sont principalement due à son activité au cours du contrat d'agence jusqu'à la fin de l'année 2020.
La société Intifil verse aux débats une attestation de son auditeur officiel portant sur le chiffre d'affaires réalisé en France sur l'année 2020.
Si la société [H] [T] estime cette pièce insuffisante, et qu'elle rappelle que les dispositions de l'article R134-3 du code de commerce lui permettent d'exiger de son mandant la production d'informations complémentaires, force est de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'insuffisance de cette attestation.
Il n'est en effet pas démontré que cette attestation omette certains clients français, ou que d'autres client français soient passés par des intermédiaires étrangers ; le décompte des commissions perçues par l'agent commercial pour l'année 2019 ne permet pas, par une simple transposition, de présumer de l'existence d'autres clients français que ceux mentionnés par l'attestation de l'auditeur officiel.
La Cour estime en conséquence que l'attestation de l'auditeur officiel du mandant, qui n'est pas remise en cause par des éléments probants, permet de déterminer le montant des commissions dues au titre du droit de suite.
En appliquant le pourcentage de commission contractuellement fixé de 4%, au chiffre d'affaires réalisé en France sur l'année 2020 (125 384 euros), le montant des commissions dues au titre du droit de suite s'élève à la somme de 5 015,36 euros.
C'est donc à bon droit que le premier jugement a condamné la société Intifil à verser à la société [H] [T] la somme de 5 015,36 euros de ce chef ; la Cour confirmera cette décision.
Sur les commissions dues pour toutes les opérations conclues sur le territoire français
L'article L134-6 du code de commerce dispose que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.
En application de ces dispositions, l'agent commercial chargé d'un secteur géographique est en droit d'obtenir une commission pour toute opération conclue avec des clients appartenant à ce secteur, et ce même si elles l'ont été sans son intervention.
La société Sl Diffusion devenue [H] [T] était chargé dans le cadre de son contrat d'agent commercial, du secteur France.
Dans son courrier recommandé du 18 février 2020 adressé à la société Intifil, la société [H] [T] a mis en demeure le mandant de communiquer les éléments nécessaires au calcul de sa commission sur le fondement de ces dispositions, rappelant les dispositions de l'article R134-3 du code de commerce selon lesquelles l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
La société Intifil n'a pas déféré à cette demande.
S'il est constant qu'il appartient à l'agent commercial de rapporter la preuve de son droit à commission, les dispositions pré-citées instaurent un véritable droit à l'information de l'agent commercial pour établir son droit à commission, et le montant des commissions qui sont dues.
Il est ainsi jugé que la demande de commission d'un agent commercial ne peut pas être rejetée sur le seul motif d'une absence de preuve du montant qui lui est dû, et ce alors qu'il appartient au mandant de fournir toute information en ce sens. (Com., 22 septembre 2021, pourvoi n° 18-26.690)
En conséquence, il appartient à la Cour de fixer le montant des commissions dues à la société [H] [T] à ce titre, en fonction des éléments de la procédure.
La société intimée sollicite la condamnation de la société Intifil à lui verser 32 302 euros correspondant à une somme forfaitaire fixée à 25% de la moyenne d'une année normale de commissions multipliée par la durée du contrat soit 10 ans.
Il ressorts des échanges entre les parties, produits par la société intimée, que la société [H] [T] était le seul agent commercial à opérer pour le compte d'Intifil en France, et qu'il a régulièrement perçu pendant les presque 11 années de relations contractuelles, des commissions sur les opérations effectuées sur le sol français ; toutefois, l'absence de communication par le mandant des informations réclamées ne permet pas d'exclure toute autre opération réalisée sur le sol français, pour laquelle l'agent commercial est en droit de réclamer une commission.
Le droit à commission de la société [H] [T] ne peut pas être contesté dans ces conditions ; sa demande devra toutefois être réduite à de plus justes proportions, la Cour l'estimant à la somme forfaitaire de 5 000 euros.
Le premier jugement sera donc infirmé de ce chef, et la société Intifil sera condamnée à verser la somme de 5 000 euros à la société [H] [T] sur ce fondement.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Intifil
La société Intifil sollicite l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros, en réparation de la rupture brutale du contrat par la société [H] [T], ayant eu pour conséquence une baisse des ventes, une atteinte à son image et à son organisation extrêmement préjudiciable pour Intifil qui n'avait plus d'agent sur le territoire français.
La société [H] [T] rétorque que la rupture est imputable à la société Intifil et rappelle que les diligences d'un agent prennent fin du seul fait de la cessation de ses fonctions.
Il ressort des développements précédents qu'en modifiant de manière unilatérale les conditions de rémunération de son agent commercial, sans justifier d'une quelconque faute grave de ce dernier, et sans autre motif qu'une absence sur un stand dans un salon, sans démonstration d'une obligation contractuelle de ce chef, le mandant a causé la rupture du contrat, selon des circonstances qui lui sont imputables.
La société Intifil n'est donc pas fondée à réclamer réparation d'un préjudice dont elle est à l'origine.
Elle sera donc déboutée de sa demande ; le premier jugement ayant omis de statuer sur cette demande, la Cour ajoutera ce chef de décision.
Sur les demandes accessoires
En l'état de la présente décision, la Cour confirmera les chefs du premier jugement ayant condamné la société Intifil au paiement d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.
La Société Intifil succombant principalement en cause d'appel sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
L'équité ne commande pas d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la Sa Intifil à verser à la société [H] [T] la somme de 3 782 euros au titre de l'indemnité de préavis, et en ce qu'il a débouté la société [H] [T] de sa demande de commission formée au titre de l'article L134-6 du code de commerce ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la Sarl [H] [T] de sa demande de condamnation de la Sa Intifil à lui payer la somme de 3 782 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
Condamne la Sa Intifil à payer à la Sarl [H] [T] la somme de 5 000 euros au titre des commissions dues pour toutes les opérations conclues en France en application de l'article L134-6 du code de commerce ;
Déboute la Sa Intifil de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la Sarl [H] [T] ;
Déboute la Sa Intifil et la Sarl [H] [T] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la Sa Intifil aux entiers dépens d'appel ;