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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 6 mai 2025, n° 22/02243

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

N. E.

Défendeur :

3f Centre Val De Loire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseiller :

M. Sousa

Conseiller :

Mme Grua

Avocats :

Me Pesme, Me Gatefin, Me Cheysson

TJ Orléans, du 7 sept. 2022

7 septembre 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte authentique reçu le 24 novembre 2011 par Maître [R], notaire à [Localité 7], la société Immobilière Val de Loire, aux droits de laquelle vient la SA 3F Val de Loire a vendu à Mme [N] [E] une maison à usage d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 7] (45) au prix de 92 000 euros.

A compter du mois d'octobre 2016, Mme [E] a été confrontée à l'apparition de fissures sur sa maison, désordres ayant fait l'objet d'un rapport d'expertise, du 11 octobre 2016, du cabinet Ginger CEBTP missionné par la ville d'[Localité 7]. Depuis, le phénomène s'est aggravé et elle a tenté de régler amiablement le litige. A l'occasion de ces démarches, elle a appris que plusieurs logements à proximité du sien étaient affectés de désordres, connus du vendeur lors de la vente et non révélés à l'acquéreur.

Mme [E] a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans une expertise judiciaire, confiée à M. [I], par ordonnance en date du 9 novembre 2018.

L'expert a déposé son rapport le 29 février 2020.

Par acte d'huissier en date du 4 mars 2022, Mme [E] a fait assigner la société 3F Centre Val de Loire devant le tribunal judiciaire d'Orléans en réparation de ses préjudices.

Par jugement en date du 7 septembre 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la société 3F Centre Val de Loire ;

- dit que la société 3F Centre Val de Loire est l'auteur d'une réticence dolosive au détriment de Mme [E] dans la cadre de la vente du bien immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 7] conclue le 24 novembre 2011 ;

- condamné la société 3F Centre Val de Loire à payer à Mme [E] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance ;

- condamné la société 3F Centre Val de Loire à payer à Mme [E] la somme de 1.500 euros;

- condamné la société 3F Centre Val de Loire aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire de M. [I] ;

- accordé à la SCP Guillauma & Pesme, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile, le droit de recouvrer directement contre la société 3F Centre Val de Loire ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Par déclaration en date du 27 septembre 2022, Mme [E] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 octobre 2024, Mme [E] demande à la cour de :

- recevoir Mme [N] [E] en son appel ;

- le déclarer bien fondé ;

Y faisant droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice matériel à hauteur de 45 825,60 euros TTC avec indexation sur l'indice BT 01, au titre de son préjudice de jouissance à hauteur de 25 000 euros et en ce que le montant de l'indemnité allouée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile a été limité à la somme de 1 500 euros.

Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes ;

- condamner la société 3F Centre Val de Loire à verser à Mme [E] la somme de 45 825,60 euros TTC au titre des travaux de reprises, cette somme devant être indexée sur l'indice BT 01 à la date du dépôt du rapport d'expertise ;

- condamner la société 3F Centre Val de Loire à verser à Mme [E] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;

- condamner la société 3F Centre Val de Loire à verser à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société 3F Centre Val de Loire à verser à Mme [E] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter l'appel incident de la société 3F Centre Val de Loire et la débouter de ses demandes ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront l'intégralité des frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP Guillauma & Pesme.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, la société 3F Centre Val de Loire demande à la cour de :

- déclarer Mme [E] mal fondée en son appel ; l'en débouter.

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 7 septembre 2022 en ce qu'il a dit que la société 3F Centre Val de Loire est l'auteur d'une réticence dolosive au détriment de Mme [E] dans le cadre de la vente du bien immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 7] conclue le 24 novembre 2011 ; condamné la société 3F Centre Val de Loire à payer à Mme [E] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ; condamné la société 3F Centre Val de Loire à payer à Mme [N] [E] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; accordé à la SCP Guillauma & Pesme, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile, le droit de recouvrer directement contre la société 3F Centre Val de Loire ceux des dépens dont elle a fait avance sans avoir reçu provision.

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 7 septembre 2022 en ce qu'il a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance.

En toute hypothèse :

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [E] à payer à la société 3F Centre Val de Loire la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [E] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le dol du vendeur

Moyen des parties

Mme [E] indique que c'est le rapport de l'expert [I], déposé le 29 février 2020 qui lui a permis de découvrir qu'elle avait été victime d'un dol, la maison acquise étant affectée de nombreux et graves vices qui témoignent de sa fragilité et dont les symptômes avaient été soigneusement masqués antérieurement à la vente et passés sous silence par le vendeur, pourtant professionnel de l'immobilier, alors que l'acte de vente contient une clause selon laquelle il n'avait réalisé aucun travaux dans les dix années qui précèdent.

Elle fait plaider que les travaux mis en oeuvre ayant une fonction d'étanchéité, il ne s'agit pas de travaux courants, s'agissant de travaux de colmatage de fissures ; elle a été privée de cette information ; malgré le contexte d'arrêtés 'Catastrophe naturelle' successifs, l'immeuble n'avait jamais été affecté de fissures, et n'avait jamais fait l'objet de travaux de reprise, ce que le vendeur affirmait dans l'acte, c'est que l'ouvrage était armé pour résister à ces éventuels mouvements de sols et aux épisodes de sécheresse, ce qui l'a pleinement rassurée, mais de façon trompeuse, non seulement ces travaux ont été passés sous silence mais, plus encore, ils ont eu pour but de masquer que le gros oeuvre était fissuré, lesdites fissures ayant été simplement colmatées avec du mastic, plusieurs voisins attestant que leurs maisons vendues ou louées par l'intimée ont été affectées de fissures qui ont été reprises et dissimulées par des travaux en 2009 et 2010, pièces 3 à 6, l'expert considérant, page 25 de son rapport, que le colmatage par du mastic, qui n'est pas une solution pérenne, est particulièrement révélateur de la volonté de dissimuler et donc de tromper. Elle indique qu'il est bien certain que si elle avait su que cette maison avait été sinistrée et affectée de fissures rebouchées, elle n'aurait pas acquis le bien, et considère que le jugement doit être confirmé.

La société 3F Centre Val de Loire répond qu'elle n'a commis aucune réticence dolosive au détriment de l'appelante et par voie de conséquence, ne peut être condamnée à l'indemniser et soutient que la réticence dolosive ne peut être retenue qu'à la condition de caractériser : - un élément matériel, consistant en la dissimulation intentionnelle d'une information déterminante pour l'autre partie, - un élément intentionnel, consistant à démontrer l'intention de tromper, laquelle doit être prouvée par la victime, ces deux éléments n'ayant pas été caractérisés par le tribunal.

Elle reproche au premier juge d'avoir retenu une réticence dolosive du vendeur au motif que l'acquéreur ignorait l'existence des fissures, alors que c'est l'inverse qui doit être démontré, le demandeur devant démontrer que le vendeur n'ignorait pas ces fissures; en premier lieu, l'expert se fonde sur les sondages qui ont été réalisés lors des réunions d'expertise du 29 janvier et 10 octobre 2019 au cours desquels il a été constaté que la façade nord sur jardin était affectée de fissures structurelles dont certaines s'accompagnaient d'épaufrures alors que les opérations d'expertise n'ont pas permis de démontrer :

- l'existence d'un quelconque lien de causalité entre les travaux de ravalement commandés auprès de l'entreprise Technimurs et l'apparition de prétendues fissures constatées en 2016 par l'appelante, soit cinq années après la réalisation de ces travaux,

- la date précise d'apparition de ces fissures et notamment la cause de leur apparition,

- la connaissance de l'existence des désordres allégués par la société 3F

- et surtout l'imputation de l'origine des désordres à la société 3F et elle considère que l'expert a méconnu sa mission en tirant des conclusions erronées de ses propres constatations et ne pouvait conclure que Ces désordres n'ont pu être constatés par Mme [E] lors de son acquisition car les façades avaient été ravalées quelques années plus tôt et tous les embellissements intérieurs refaits alors qu'aucun chef de sa mission ne lui imposait de déterminer si les désordres pouvaient être constatés au jour de l'acquisition, mais en outre, sa conclusion ne repose que sur une présomption selon laquelle au motif qu'un ravalement aurait été réalisé plusieurs années avant l'acquisition, l'acquéreur ne pouvait constater les désordres ; en second lieu, le rapport d'expertise est particulièrement imprécis quant à la date d'apparition des désordres allégués par l'appelante.

Elle relève que la procédure aux fins de désignation d'un expert a été introduite par Mme [E] le 29 août 2018, soit plus de deux années après l'apparition des fissures alléguées ; la procédure au fond a quant à elle été introduite le 4 mars 2022, soit plus de deux années après le dépôt du rapport d'expertise alors que l'appelante, qui déclare avoir été confrontée à de « multiples désordres » et indique à ce titre que « ce phénomène n'a cessé de s'aggraver » depuis 2016, est restée inactive pendant plus de deux années, et ce en dépit de la prétendue importance des désordres allégués qui ont alors pu s'aggraver dans le temps du fait de son inaction.

En troisième lieu, elle soutient que les conclusions du rapport d'expertise sur la connaissance des désordres sont tout autant discutables, puisqu'il a retenu « une intention plus ou moins explicite de masquer des fissures pour ne pas déprécier la valeur de cette maison » de la part de la société.

En toute hypothèse, elle considère que l'expert ne pouvait tirer de la connaissance des désordres par le vendeur antérieurement à la vent la preuve du lien entre ces affirmations et la nature des désordres et a fortiori son intention de masquer l'éventuelle existence de désordres.

Elle ajoute, sur les « constats antérieurs au ravalement que c'est à tort que l'expert a pu considérer qu'ils permettaient d'établir une « intention plus ou moins explicite » de masquer les fissures de sa part alors que les désordres allégués par l'appelante n'ont jamais été portés à sa connaissance avant la vente, et ne l'ont été que pour la première fois cinq ans après celle-ci et qu'il n'est pas démontré qu'elle avait pu avoir, d'une façon ou d'une autre, connaissance de prétendus vices, ces désordres n'ayant été portés à sa connaissance qu'à compter de l'année 2018, soit plus de sept années après la conclusion de la vente, d'autant qu'il n'est jamais démontré que ces travaux, de nature purement technique, avaient pour vocation de masquer de quelconque désordres, étant précisé que ces travaux commandés par elle ne concernaient pas seulement la maison de Mme [E], mais également d'autres maisons du lotissement [Adresse 5], l'expert reconnaissant que les travaux qui ont été commandés et réalisés par la société Technimurs constituent des travaux courants et ne peuvent justifier une quelconque intention de masquer les fissures alléguées et que, par ailleurs, il est tout à fait courant que des travaux de ravalement soient commandés par les gestionnaires d'immeubles, généralement au terme d'une période de dix années, le programme [Adresse 5], initié en 1988 l'ayant conduit à réaliser ces travaux de ravalement en 2007 pour entretenir son patrimoine, les travaux réalisés, étant des travaux d'imperméabilisation permettant aux ouvrages de faire face à la pluie et aux ruissellements et aux parois et revêtements de respirer, qui se différencient donc des travaux d'étanchéité, qui ne relèvent pas de la garantie décennale, précisant que si elle avait souscrit une assurance pour ces travaux, commandés en 2007, elle n'aurait pas pu être mobilisées, les fissures alléguées étant apparues dix après, entre 2017 et 2018.

S'agissant tout d'abord de l'existence et de la nature des travaux, la société 3F n'avait aucune obligation de les déclarer à Mme [E], ceux-ci étant intervenus plus de cinq années avant la conclusion de la vente ; l'expert relève que les plantations de Mme [E] sont à l'origine de ce retrait par « le puisage racinaire » qu'il entraîne côté jardin (page 22 du rapport d'expertise), puisage racinaire d'autant plus probable qu'en réalité, il ne s'agit pas de jeunes plantations, mais de la présence d'arbres adultes de grande hauteur et ramure dont un est très proche de la maison.

En revanche, s'il ressort bien de l'acte de vente qu'en sa qualité de vendeur elle a déclaré n'avoir, réalisé depuis son acquisition ou au cours des dix années qui précédent aucun travaux entrant dans le champ d'application des dispositions des articles L.241-1 et L242-1 du Code des assurances relative à la responsabilité et aux dommages dans le domaine de la construction, les travaux de façades commandés à l'entreprise Technimurs ne peuvent être considérés comme des travaux entrant dans le champ d'application des dispositions susvisées puisqu'ils se limitaient à un ravalement, considérés comme des travaux esthétiques et non de nature à assurer la solidité de l'ouvrage ; en tout état de cause, cette déclaration figurant au sein de l'acte de vente ne permet pas à elle seule de caractériser l'élément matériel du dol qui consiste à dissimuler, de manière intentionnelle, des informations déterminantes à son cocontractant ; enfin, il n'est pas démontré que la maison acquise aurait subi un quelconque sinistre, et ce avant la conclusion de la vente. Elle en déduit qu'elle n'a commis aucune faute ou réticence en indiquant que l'immeuble n'avait connu « aucun sinistre ayant donné lieu à une indemnité d'assurance » puisque c'est l'exacte vérité ; par ailleurs, il ressort également de ce compromis de vente qu'elle avait déclaré l'existence de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle sur le secteur et que l'acquéreur acceptait d'en faire son affaire.

Elle ajoute qu'elle n'est ni un promoteur, ou un professionnel de l'immobilier, ni une entreprise de construction, mais un bailleur social dont l'activité principale, strictement régie et encadrée par la loi, est de loger dans le parc social locatif des personnes répondant aux conditions d'attribution HLM, et de façon tout à fait accessoire de permettre à certaines personnes, également sous conditions de ressources, d'accéder à la propriété.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l'Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce :

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il appartient donc à Mme [E] de prouver le dol de la société 3F.

Il ressort de l'expertise de M. [I] que la maison acquise par Mme [E] est affectée de nombreuses fissures structurelles, tant extérieures qu'intérieures. L'expert indique qu'une des fissures principales s'est développée depuis l'arrête Nord-Ouest au dessus du niveau du plancher d'étage, elle s'accompagne d'épaufrures, c'est à dire de petits décollements d'enduit contenus par un film d'imperméabilisation relativement récent, un relief plus lisse sur le parcours de cette fissure révèle la présence d'un mastic élastomère sous le film d'imperméabilité, présence confirmée par prélèvement, l'on retrouve la fissure de structure sous ce joint, d'une ouverture de 14/10èmes de mm, cette fissure principale remonte en escalier côté gauche jusqu'à l'appui sablier, mais elle est à peine visible ; il est également constaté une fissure en façade Sud sur rue, rejoignant les appuis de linteaux des deux baies à l'étage ; un ensemble de fissures dans la zone de jonction garage/façade Sud, - à l'appui du chaînage du garage dans la façade, un petit sondage a permis de constater la présence d'un mastic type acrylique côté mur, une simple obturation par l'imperméabilité côté opposé, tout comme en façade arrière, on relève une fissuration horizontale filant au niveau du dallage ; au rez de chaussée la difficulté de manoeuvre de la porte-fenêtre du séjour sur jardin provient du déséquerrage de son cadre dormant, solidaire du gros oeuvre, se traduisant par le désalignement des traverses des ouvrants, la disparition des plinthes carrelées à cet endroit révèle le fait que le tassement a concerné les fondations, non le dallage, le plan d'encollage des plinthes derrière le seuil de la porte-fenêtre s'est trouvé cisaillé lorsque les plinthes, suivant le déplacement vertical du gros-oeuvre, sont venues buter sur le carrelage ; des déformés de gros-oeuvre affectent également la porte fenêtre sur jardin de la cuisine, dont le vantail ne peut plus s'appliquer en feuillure du dormant ; la résolution de contraintes dans cette zone se traduit par un cisaillement vertical à la jonction de 2 plaque de PMS (doublage thermique Placoplatre composé de 8 à 9 cm de polystyrène et d'une plaque de plâtre cartonné, doublage solidarisé à la maçonnerie par plots de plâtre), ici en imposte côté gâche ; à l'étage, des tensions se sont manifestées dans le second oeuvre en provoquant la rupture du cisaillement de certaines bandes entre plaques de doublage thermique, entre doublage et cloison de distribution ou plafonnage, tous ouvrages de type Placoplatre.

L'expert conclut que les désordres sont structurels et qu'il serait nécessaire d'en supprimer la cause en stabilisant les fondations sur sous-oeuvre avant d'entreprendre la reprise des dommages intérieurs/extérieurs, précisant qu'un diagnostic géotechnique s'est avéré nécessaire pour permettre la consultation pour le sous-oeuvre. Il a évalué les travaux nécessaires pour remédier aux désordres à la somme de 38 188 euros (2 350 ' pour l'étude de sol de Ginger CEBTP, 22 288 ' devis Uretek pour le sous-oeuvre, 13 550 ' pour la reprise des dommages, devis Technimurs).

En page 26 de l'acte de vente du 24 novembre 2011, le vendeur a déclaré qu'il n'a réalisé depuis son acquisition ou cours des dix années qui précèdent, aucun travaux entrant dans le champ d'application des dispositions des articles L. 241-1 et 242-1 du code des assurances relative à la responsabilité et aux dommages dans le domaine de la construction.

Les travaux réalisés par la société Technimurs, pièce appelante n°4, sont relatifs au devis du 24 juin 2008 et portent sur le ravalement de la 2ème tranche, 1 à [Adresse 2], Mme [E] ayant acquis le 21, la prévision est de 2 742 m² de traitement D.3, et 590 m de traitement d'imperméabilité I.3 (1650g/m²), Inclus colmatage des fissures au mastic et à l'aide d'un galon.

Ces travaux, qui avaient pour fonction de restaurer l'étanchéité de la maison, participent de la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil (Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, n° 20-20.988) et entraient donc dans le champ d'application des dispositions des articles L. 241-1 et 242-1 du code des assurances.

Ces travaux, réalisés en 2009, ayant été réalisés moins de dix années avant la vente du 24 novembre 2011, la société 3F ne pouvait légitimement déclarer dans l'acte de vente qu'aucun travaux n'avait été réalisé dans ce délai. En gardant le silence sur ces travaux, la société 3F lui a dissimulé volontairement un fait qui, si elle l'avait connu, était de nature à dissuader Mme [E] d'acheter ce bien à ce prix dans ces conditions, étant précisé que l'expert a indiqué, page 31, que Mme [E] n'avait aucun moyen d'apprécier l'état antérieur du bien en raison de la réfection, peu de temps avant la vente, des papiers/peintures et qu'elle n'a découvert ce fait que lors du dépôt du rapport d'expertise le 29 février 2020, rapport dont il résulte que le coût des travaux de reprise, de l'ordre de 45 800 euros TTC, représente la moitié du prix d'acquisition de la maison. La société 3F a donc commis un dol.

La décision est donc confirmée en ce qu'elle reconnaît le dol du vendeur.

Sur la demande de dommages et intérêts

Moyens des parties

Victime d'un dol, Mme [E] s'estime recevable et fondée à solliciter le versement de dommages et intérêts en réparation des préjudices en résultant, à savoir, le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres de l'immeuble, de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral.

La société 3F relève que Mme [E] demande la réparation d'un préjudice correspondant non pas à des dépenses réalisées mais à une évaluation du coût de réparation des désordres chiffrés par l'expert alors que si elle considère ces désordres comme graves et insupportables, elle n'a pas entrepris de les réparer. Elle considère qu'il n'existe, ainsi que l'a jugé le tribunal, aucun lien direct entre sa prétendue réticence dolosive et la nécessité de reprise des désordres et qu'il en est de même du préjudice de jouissance. Elle estime que l'appelante ne justifie pas de son préjudice moral, le fait de ne pas consentir à un achat ou d'y consentir à des conditions moins avantageuses ne constituant pas un tel préjudice.

Réponse de la cour

La responsabilité, s'agissant de la faute intentionnelle que constitue le dol, est celle prévue à l'article 1382 du code civil, devenu 1240 depuis l'Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, la victime du dol pouvant agir en réparation de ses préjudices

Le préjudice de Mme [E] consiste dans la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, en considération compte de l'état réel du bien et de la nécessité de procéder à des travaux de reprise importants représentant la moitié du prix d'acquisition.

En considération de ces éléments, est ainsi particulièrement élevée la chance perdue d'avoir bénéficié d'un prix réduit à proportion du montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, évalués par l'expert à la somme de 45 825,60 euros TTC - évaluation suffisamment étayée par les éléments précis de son rapport (Etude de sol : Ginger CEBTP / 2 350 ' HT, Sous-oeuvre : Entreprise Uretek : 22 288 ' HT, Reprise des dommages int./ext. : 13 550 ' HT) et sera fixée à 95%, de sorte que sera allouée à Mme [E] une somme de 43 534,32 euros. Il n'y a pas lieu d'indexer cette somme sur l'indice du coût de la construction, dès lors que l'indemnité a vocation à réparer non pas le financement de travaux de reprise mais une perte de chance de contractuer à un prix plus avantageux.

Mme [E] subit un préjudice de jouissance résultant dans la mesure où elle vit depuis de nombreuses années dans une maison affectée de nombreuses fissures, quand bien même il résulte du rapport de la société Ginger CEBTP qu'elle ne présente pas de danger pour les personnes, et où elle devra subir pendant plusieurs semaines les désagréments inhérents aux travaux de reprise, intérieurs et extérieurs, qui devront être réalisés.

En conséquence, infirmant le jugement, la société 3F sera condamnée à lui payer des dommages et intérêts de 2500 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Elle subit également un préjudice moral en ce qu'elle se trouve avoir acheté une maison ne répondant pas à ses attentes, avec le sentiment d'avoir été abusée par son vendeur.

La décision, qui lui alloue une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral sera confirmée.

Sur les demandes annexes

La société 3F qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens d'appel, distraits à la SCP Guillauma & Pesme au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

Cette société sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [E] une telle indemnité d'un montant de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, rendue en dernier ressort ;

Confirme la décision, sauf en ce qu'elle déboute Mme [N] [E] de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice matériel et de son préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la société 3F Centre Val de Loire à payer à Mme [N] [E] une indemnité de 43 534,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne cette société à payer à Mme [N] [E] une indemnité de 2 500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

Déboute la société 3F Centre Val de Loire de sa demande d'indemnité de procédure ;

La condamne au paiement des entiers dépens d'appel, distraits à la SCP Guillauma & Pesme, avocat, et d'une indemnité de 4 000 euros à Mme [N] [E].

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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